II. LES CRÉDITS RELATIFS À L'INDUSTRIE (RAPPORTEUR POUR AVIS : M. FRANCK MONTAUGÉ)

Dans le projet de loi de finances pour 2024, les crédits consacrés à l'industrie portés par l'action 23 (Industrie et services) s'élèvent à 1,41 Mds€ en AE, soit 48 % des crédits du programme 134 et à 34 % des crédits de la mission « Économie » (1,38 Md€ en CP, soit 52 % des crédits du programme et 32 % des crédits de la mission).

Facialement, ce montant représente une baisse sensible par rapport au budget 2023, puisqu'il ne représente qu'un peu plus d'un quart des montants consacrés à l'action 23 dans la loi de finances pour 2023 (- 3,6 Mds€ en AE). En réalité, cette baisse s'explique par la non-reconduction du dispositif de soutien exceptionnel aux industries électro-intensives adopté au cours de la navette, qui avait quasiment multiplié par cinq les crédits de l'action 23. Hors ce dispositif exceptionnel, la progression des crédits de l'action par rapport aux crédits adoptés en LFI 2023 se monte à + 36 % en AE, après déjà une augmentation de 63 % entre 2022 et 2023 (+ 33 % en CP).

Comme en 2023, plus des trois quarts des crédits de l'action sont représentés par la « compensation carbone » pour les entreprises électro-intensives1(*) : la hausse de 20 % du montant de cette dernière par rapport à la LFI 2023 (+ 218 M€) explique 58 % de la progression des crédits de l'action. Le reste de l'augmentation (27 %) est principalement porté par la création d'une ligne de financement de l'activité de Bpifrance en 20242(*).

Contribuent en outre au soutien à l'industrie :

- l'action 07 (Développement international des entreprises et attractivité du territoire)3(*). Si la subvention pour charges de services publics allouée à Business France reste stable (100,7 M€ en AE=CP), la rémunération de Bpifrance Assurance Export augmente considérablement en AE, mais ce montant correspond à l'engagement de la totalité des dotations annuelles contractualisées dans le cadre de sa convention pluriannuelle 2023-2028 signée avec l'État (les crédits en CP restant stables) ;

- l'action 02 (Développement international de l'économie française) du programme 305 (Stratégies économiques), qui porte une partie des dépenses du réseau international de la DG Trésor ; ses crédits sont en légère hausse (+ 4,35 %, à 73 M€ en AE=CP).

En outre, l'article 5 du projet de loi de finances crée un nouveau crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV), qui vise à soutenir la production en France d'éoliennes, batteries, panneaux solaires et pompes à chaleur, sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Son coût pour 2024 de cette dépense fiscale est évalué par le Gouvernement à environ 500 M€.

A. UN BUDGET DE SORTIE DE CRISE QUI ÉCHOUE À ANTICIPER LES NOUVEAUX ENJEUX DE COMPÉTITIVITÉ ET DE DÉCARBONATION

1. La compensation carbone continue d'augmenter, posant la question de sa soutenabilité budgétaire

Quoiqu'en hausse plus modérée que l'année passée (+ 218 Mds€, soit + 20 %), le montant de la compensation des coûts indirects du carbone, principale aide directe récurrente portée par la mission « Économie », atteindra, en 2024, un nouveau pic, à 1,074 Md€4(*), dépassant pour la première fois la barre du milliard d'euros. Cette hausse s'explique principalement par l'augmentation du prix du carbone (+ 55 % entre 2023 et 2024).

Bénéficiant à des secteurs très électro-intensifs et exposés à la concurrence internationale, comme la métallurgie et les matériaux de construction...), le mécanisme de compensation carbone, strictement encadré par la réglementation européenne relative aux aides d'État, est un outil indispensable à la compétitivité de l'industrie française - des mécanismes similaires ont d'ailleurs été mis en place par tous les grands pays européens, y compris l'Allemagne, pour des montants très supérieurs à ceux de la France.

Toutefois, son augmentation continue, d'année en année, interroge, dans un contexte de contrainte des finances publiques : malgré une révision du mode de calcul à partir de 2026, moins favorable aux industriels, l'électrification de certaines industries, essentielle à la décarbonation de leur production, induira mécaniquement une augmentation globale de la consommation d'électricité dans les secteurs éligibles à la compensation. Une réflexion est donc nécessaire sur les modalités de financement de cette compensation carbone.

2. Anticiper les effets de bord du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) et de la disparition des quotas gratuits

Plus largement, le rapporteur attire l'attention de la commission sur les inquiétudes liées à la mise en place à compter du 1er janvier 2026, après une période transitoire, du mécanisme européen d'ajustement carbone aux frontières (MACF), qui ne compensera pas la disparition des quotas carbone gratuits du système d'échanges de quotas d'émission (SEQE) pour les industriels français qui en bénéficient. Ces derniers pourraient également devoir bénéficier d'une compensation en matière de compétitivité potentiellement coûteuse pour les finances publiques. Les futures recettes du MACF pourraient y contribuer, dans le cadre d'une réglementation européenne qui reste à préciser.

3. La compétitivité des prix de l'électricité au défi de l'équilibre des finances publiques

Bien que non rattachée à la mission « Économie », la prolongation jusqu'au 31 décembre 2025 de la baisse des tarifs d'accise sur l'électricité devrait permettre de lisser les effets de la sortie du bouclier tarifaire, notamment pour les PME et TPE. Au-delà de ce mécanisme de bouclier fiscal, appelé à s'éteindre, la protection la plus efficace pour l'industrie, au plus fort de la crise des prix de l'électricité, a cependant été l'Arenh5(*), hors laquelle les prix de l'électricité en Europe s'établissent à deux à trois fois ceux accessibles aux entreprises nord-américaines ou chinoises. La commission estime que la question du prix de l'électricité doit être réglée de manière structurelle, plutôt que par des aides budgétaires coûteuses ; elle est particulièrement attentive à ce que l'issue des négociations en cours ne pénalise pas la compétitivité des industriels français.


* 1 Cf. infra.

* 2 Cf. infra. Autre facteur significatif (13 % de la hausse) des crédits de l'action, les 50 M€ prévus pour la mise en accessibilité des petits commerces ne concernent pas l'industrie.

* 3 Contre 8,1 % dans le PLF 2023.

* 4 Comprenant une avance de 224,7 M€ au titre des coûts qui seront supportés en 2024, conformément au mécanisme mis en place à partir de 2022 en vue de soutenir la trésorerie des sites électro-intensifs.

* 5 Accès régulé à l'électricité nucléaire historique.

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