II. LE TEXTE ADOPTÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE RÉPOND EFFICACEMENT AUX DÉSÉQUILIBRES ACTUELS

Le texte adopté à l'Assemblée nationale comprend deux principales mesures :

il rend applicables aux lignes transmanche le SMIC et les minima de branche pour la détermination de la rémunération horaire des gens de mer ;

il instaure un principe de parité entre temps à bord et temps passé à terre pour les gens de mer. Il est renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer une durée d'embarquement maximum. Ce décret s'appuiera sur une étude scientifique en cours sur le lien entre fatigue des marins et sécurité des navigations.

Cette équivalence entre temps en mer et temps à terre est un élément essentiel du dispositif. Le temps plus élevé passé à bord par les gens de mer des compagnies les moins-disantes explique une forte part des écarts salariaux et peut être la source d'un épuisement dangereux.

Un dispositif de sanctions fortes, tant administratives que pénales, vise à permettre une application réelle du texte. Ces sanctions sont surtout financières. Toutefois, lors de la troisième infraction constatée, une interdiction d'accoster dans un port français peut être prononcée par le juge pour les navires de la compagnie concernée.

Le texte exige donc l'application du droit français sur des liaisons internationales hors du territoire français, ce qui est désigné par la notion de loi de police.

Les lois de police

Selon le règlement Rome I, « une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat ».

Le législateur a donc la capacité d'exiger son respect même hors du territoire français afin d'assurer la sauvegarde de ses intérêts publics.

Le parlement britannique a adopté une loi de police portant également sur le transmanche le 28 mars dernier. Elle devrait entrer en vigueur début 2024. Elle concerne seulement le salaire minimum. Cette initiative britannique ne saurait porter ses fruits sans une pleine coordination avec la France.

Le texte adopté par les députés ne concerne pas que le transmanche. Les sanctions prévues pour ce cas y sont transposées à d'autres situations de concurrence déloyale qui peuvent se rencontrer sur d'autres façades maritimes dans le cadre de l'application du régime dit de « l'État d'accueil ».

Dans les liaisons entre deux ports français, notamment entre le continent et la Corse, quel que soit le pavillon du navire, celui-ci doit respecter les principales règles du droit social français. Ce dispositif dit de « l'État d'accueil » est complexe à faire respecter. Afin de rendre plus efficace la lutte contre le non-respect de ce dispositif, des sanctions administratives analogues à celles prévues pour le cas du transmanche sont créées. Les sanctions pénales existantes sont également renforcées.

Cette proposition de loi répond avec efficacité à une situation d'urgence. Or, même promulguée, son application serait suspendue à la prise de plusieurs décrets.

Dans ces conditions, afin qu'elle puisse rapidement produire ses effets et être appliquée en même temps que la loi britannique, la commission, sur la proposition de sa rapporteure, a émis un avis favorable à l'adoption par le Sénat sans modification du texte adopté à l'Assemblée nationale.

Bien que certaines sanctions proposées puissent présenter un risque contentieux potentiel au regard du principe de proportionnalité, la commission estime indispensable d'agir avec célérité au regard de la situation sur le transmanche.

La procédure accélérée n'ayant pas été déclarée, la durée de la navette parlementaire pourrait en effet ne pas laisser assez de temps au gouvernement pour prendre les décrets d'application avant janvier 2024.

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