Avis n° 233 (2022-2023) de M. Pascal MARTIN , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 10 janvier 2023

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Synthèse du rapport (1,1 Moctet)


N° 233

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 janvier 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi relatif à l' accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (procédure accélérée),

Par M. Pascal MARTIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

Voir le numéro :

Sénat :

100 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le 10 janvier 2023, a examiné le rapport pour avis de M. Pascal Martin sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

Après de trop nombreuses années d'atermoiements, ayant conduit à un délaissement de la filière nucléaire - préjudiciable tant d'un point de vue climatique que du point de vue de la préservation de la souveraineté énergétique et industrielle de notre pays - la commission salue le signal politique sans équivoque envoyé par le texte soumis à l'examen du Sénat . Dans un contexte géopolitique incertain, donner une nouvelle impulsion à la filière nucléaire est indispensable pour maintenir la France à sa place de n° 1 de l'électricité décarbonée et soutenir l'électrification des usages prévue par la stratégie nationale bas-carbone avec une production pilotable, en parallèle du développement des énergies renouvelables et de la réduction massive de notre consommation énergétique.

La commission appelle cependant l'attention du Gouvernement et de la filière sur 2 sujets :

- la réussite du nouveau programme nucléaire suppose une montée en compétences importante des filières industrielles concernées et la réalisation des investissements prévus dans le plan France relance et France 2030 ;

- ce texte n'épuise pas la nécessité des démarches de concertation avec le public , qui se déroulent actuellement sous l'égide ou avec l'appui de la Commission nationale du débat public (CNDP) tant pour la préparation de la loi de programmation sur l'énergie et le climat ( LPEC ), que pour la construction de trois premières paires de réacteurs nucléaires de type « EPR 2 » à Penly (Normandie), Gravelines (Hauts-de-France) et au Bugey ou au Tricastin (Auvergne-Rhône-Alpes).

Si la commission regrette la méthode consistant à aborder, avec ce projet de loi comme avec celui consacré aux énergies renouvelables, l'exception et le particulier avant le cadre général des objectifs, dans le cadre de la LPEC, elle a validé , pour l'essentiel, les dispositions proposées par le Gouvernement. Au total, elle a adopté 7 amendements de son rapporteur pour avis, dont 2 amendements identiques en commun avec le rapporteur Daniel Gremillet de la commission des affaires économiques, visant à renforcer la sécurité juridique du texte , pour limiter le risque contentieux, et mieux borner ses dispositions , pour mieux encadrer les marges laissées au pouvoir réglementaire.

La commission a donc émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi, sous réserve de l'adoption des amendements proposés.

I. UN PROJET DE LOI TECHNIQUE DE RELANCE DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE FRANÇAISE, QUI ANTICIPE LA FUTURE LOI DE PROGRAMMATION ÉNERGIE-CLIMAT (LPEC)

A. UN TEXTE TECHNIQUE TRADUISANT LA STRATÉGIE PRÉSIDENTIELLE ESQUISSÉE À BELFORT EN FÉVRIER 2022 ET PRENANT EN COMPTE LE RETOUR D'EXPÉRIENCE DE FLAMANVILLE, MAIS DONT L'IMPACT EST INSUFFISAMMENT DOCUMENTÉ

Dans son discours de Belfort du 10 février 2022, le Président de la République a présenté une stratégie de politique énergétique visant à faire de la France le premier grand pays à sortir des énergies fossiles, qui repose sur 2 piliers : la sobriété et l' efficacité énergétique d'une part, et la production d'énergie décarbonée d'autre part, avec le développement des ENR et la relance du nucléaire.

Discours du Président de la République à Belfort le 10 février 2022

« Je souhaite que six EPR2 soient construits et que nous lancions les études sur la construction de 8 EPR2 additionnels. Nous avancerons ainsi par palier [...] Nous visons le début du chantier à l'horizon 2028, pour une mise en service du premier réacteur à l'horizon 2035 [...]. Ce nouveau programme pourrait conduire à la mise en service de 25 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires d'ici 2050 ».

Le texte du Gouvernement soumis à l'examen du Sénat, élaboré avec les principaux acteurs du secteur, constitue dès lors une boîte à outils de portée inégale avec un double objectif :

- d'une part, accélérer et simplifier la mise en oeuvre de projets de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires en France , en précisant l'articulation entre les procédures d'urbanisme, d'autorisation environnementale et d'autorisation de création d'une installation nucléaire de base (INB), tout en garantissant la protection des populations et de l'environnement.

C'est notamment l'objet des articles 1 er à 8, dont la commission s'est saisie pour avis (à l'exception de l'article 2). L' article 4 , en particulier, qui met en place une temporalité dérogatoire pour la construction des équipements liés au coeur nucléaire des futurs réacteurs, vise à tirer les conséquences des retards de l' EPR de Flamanville , en séquençant les travaux en fonction des enjeux en matière de sûreté.

- d'autre part, mieux encadrer le fonctionnement des installations nucléaires existantes , en clarifiant les modalités de réexamen périodique des réacteurs électronucléaires de plus de 35 ans et la gestion des arrêts prolongés d'INB (articles 9 et 10).

L'âge moyen du parc nucléaire français est de 37 années et les réacteurs construits à la fin des années 1970 et au début des années 1980 atteignent progressivement l'échéance de 40 ans retenue à l'origine comme durée de fonctionnement lors de leur conception.

Comme elle a pu le faire lors de l'examen du PJL relatif au développement des ENR , la commission regrette la qualité largement perfectible de l'étude d'impact, soulignée également par le Conseil d'État dans son avis , qui ne permet pas, par exemple, de chiffrer précisément les gains de temps associés aux dérogations procédurales ainsi instituées.

Chiffres clés
Dossier du maître d'ouvrage (EDF)

pour les 3 premières paires de réacteurs EPR2

Durée de production d'électricité bas-carbone

Coût total du programme

de construction de 6 EPR2

Dates prévisionnelles
de mise en service
de la première paire d'EPR2

B. UNE AMBIGUÏTÉ ASSUMÉE PAR LE GOUVERNEMENT : EN L'ABSENCE DE LOI DE PROGRAMMATION, LE TEXTE NE PERMET PAS DE DÉTERMINER AVEC PRÉCISION L'AMPLEUR DU NOUVEAU PROGRAMME NUCLÉAIRE

Réacteurs nucléaires actuellement exploités par EDF

Comme pour le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'ENR, la commission ne peut que partager l'objectif du texte , qui relève d'un impératif énergétique, climatique et également industriel.

Toutefois, en l'état, le texte ne permet pas de déterminer avec précision l'ampleur du nouveau programme nucléaire, ce qui relativise la portée de l'autorisation parlementaire : le calendrier actuel d'EDF prévoit le dépôt des dossiers de demandes d'autorisation de création environ tous les 2 ans à partir de 2023, i.e. pour Penly en 2023 , pour Gravelines en 2025 et pour Bugey ou Tricastin en 2027 . Une application des dispositions jusqu'en 2029, c'est-à-dire pour une durée de 6 ans, aurait donc permis de couvrir les 6 premiers EPR annoncés par le Président de la République.

Or, en prévoyant une durée d'application de 15 ans , soit jusqu'en 2038, le Gouvernement propose en réalité un cadre qui pourrait s'appliquer à la construction de 14 EPR2. Dès lors, le projet de loi tranche en faveur de l'un des 3 scenarii « les plus nucléaires » définis par le gestionnaire de réseau RTE dans son rapport Futurs énergétiques 2050 (octobre 2021) parmi les 6 scenarii proposés. Le texte correspond dès lors aux scenarii :

- N1 : construction de 8 EPR (13 GW de puissance) + 16 GW de puissance associée au nucléaire historique, pour une part de 26 % du nucléaire dans le mix électrique en 2050 ;

- N2 : construction de 14 EPR (23 GW de puissance) + 16 GW de puissance associée au nucléaire historique, pour une part de 36 % du nucléaire dans le mix électrique en 2050 ;

- N3 : construction de 14 EPR + des réacteurs électronucléaires modulaires - SMR - (27 GW de puissance) + 24 GW de puissance associée à la prolongation du parc nucléaire existant, pour une part de 50 % du nucléaire dans le mix électrique en 2050.

L'exposé des motifs du PJL indique d'ailleurs que le texte « ne préjuge pas des décisions qui seront prises à l'issue des travaux en cours sur la Stratégie française relative à l'énergie et au climat, qui tiendront compte des concertations et débats publics prévus sur ces sujets. En revanche, cette stratégie pourra bénéficier, selon les orientations qui y seront retenues, des mesures prévues par le présent projet de loi ».

La commission regrette la méthode consistant à aborder le particulier avant le cadre général : il eut été préférable, pour la clarté des débats politiques, de définir, au préalable, des objectifs de la politique énergétique dans le cadre de la loi de programmation relative à l'énergie et au climat (LPEC) , qui doit être adoptée au Parlement dans le courant de l'année 2023 conformément à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, puis tous les cinq ans.

II. SÉCURISER ET MIEUX BORNER UN TEXTE DONT L'IMPACT RESTE LIMITÉ AU REGARD DE L'AMPLEUR DES DÉFIS POUR LA FILIÈRE

A. LIMITER LE RISQUE CONTENTIEUX ET MIEUX ENCADRER LES MARGES LAISSÉES AU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

1. Des ajustements pour améliorer la sécurité juridique et la lisibilité du texte, afin de limiter les risques de contentieux qui affaibliraient la relance souhaitée du nucléaire français
a) Une notion de « proximité immédiate » à mieux définir

L a notion de « proximité immédiate » - telle que proposée par le Gouvernement à l'article 1 er pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires de type « EPR 2 » - mérite d'être mieux définie comme une implantation ne nécessitant pas de modification de la zone d'application et du périmètre du plan particulier d'intervention (PPI) , établi par l'État en vue d'assurer la protection des personnes, des biens et de l'environnement pour faire face aux risques et dangers occasionnés par les centrales nucléaires existantes. D'après les informations communiquées au rapporteur pour avis, en cas d'accident, le rayon d'action potentiel d'un réacteur de type « EPR 2 » est moindre que celui des réacteurs nucléaires actuellement en fonctionnement au sein du parc français : dès lors, les PPI applicables à ces centrales, dont certaines accueilleront des réacteurs de type « EPR II », n'ont pas vocation à être modifiés du fait de l'implantation de ces nouveaux réacteurs ( amendement COM-63 ).

b) Plusieurs améliorations pour renforcer la robustesse juridique du texte

À l'article 4, « coeur » du projet de loi permettant de séquencer les travaux en fonction de leurs enjeux en matière de sûreté, plusieurs amendements ont été adoptés afin de :

- définir plus précisément, par voie réglementaire, les bâtiments « sensibles » dont la construction ne pourra être entreprise qu'après la délivrance de l'autorisation de création et ceux, à moindres enjeux de sûreté, qui pourront commencer dès l'octroi de l'autorisation environnementale ( amendement COM-66 ) ;

- clarifier le fait que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) restera compétente pour la délivrance des autorisations environnementales éventuelles ultérieures à la délivrance de l'autorisation de création ( amendement COM-64 ).

Au-delà, la commission a adopté deux amendements de clarification rédactionnelle , à l'article 4 ( amendement COM-65 ) et à l'article 7 ( amendement COM-67 ).

Enfin, à l'article 9 , relatif au réexamen périodique des centrales par l'ASN, des ajustements ont également été apportés afin de mieux dissocier les dispositions spécifiques applicables aux réexamens des réacteurs électronucléaires au-delà de 35 années de fonctionnement et s'assurer que les modifications notables ou substantielles apportées par l'exploitant pour remédier aux anomalies ou pour améliorer la sûreté feront respectivement l'objet d'une déclaration ou d'une autorisation auprès de l'ASN ( amendement COM-68 ).

2. Arrêt des centrales : éviter les instructions inutiles de prolongations, sans affaiblir le principe d'un démantèlement des installations le plus tôt possible après leur arrêt

Si la proposition du Gouvernement, à l'article 10, qui vise à ne pas systématiser le caractère définitif de l'arrêt d'une INB ayant cessé de fonctionner pendant deux ans, constitue une simplification bienvenue , elle entre en contradiction avec l'intention du législateur de 2015 , qui avait privilégié, pour des raisons de sûreté, le démantèlement des installations le plus tôt possible après leur arrêt. Pour concilier l'objectif gouvernemental de limiter les instructions inutiles et le principe d'un démantèlement rapide des installations après leur arrêt, auquel est attaché le législateur, la commission a adopté un amendement COM-69 contraignant le pouvoir réglementaire à ordonner la mise à l'arrêt définitif d'une INB ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans, dès lors que l' absence de volonté et l' incapacité de l'exploitant à remettre son installation en service dans des délais raisonnables sont constatés par le ministre en charge de la sûreté nucléaire.

B. LA RELANCE DU NUCLÉAIRE FRANÇAIS : DES DÉFIS QUI EXCÈDENT LARGEMENT LE PÉRIMÈTRE DU TEXTE PROPOSÉ

Aussi bienvenu soit-il, ce projet de loi n'aura qu'un impact limité sur la relance du nucléaire français : l'accélération des procédures et la réduction du risque contentieux ne constituent que des leviers mineurs pour s'assurer 1) du développement dans les délais souhaités d'un nouveau parc nucléaire et 2) de la prolongation du parc existant dans les conditions de sûreté adéquates. Pour la commission, les enjeux dépassent donc largement le périmètre du texte proposé par le Gouvernement. Les défis à relever sont de deux ordres : ils relèvent, d'une part, de la capacité des pouvoirs publics et du secteur à opérer une nécessaire montée en compétence de la filière , et d'autre part, à assurer une acceptabilité locale et nationale autour de la relance du nucléaire.

1. Montée en compétence de la filière, condition sine qua non de la relance du nucléaire

Afin de tenir les délais envisagés pour le lancement des nouvelles centrales, il importera tout d'abord de tirer les conséquences du projet d'EPR de Flamanville , accusant à ce jour dix ans de retard sur le calendrier initial . Parmi les facteurs identifiés expliquant ce retard colossal, la Cour des comptes met en avant « la perte de compétences techniques et de culture de qualité des industriels du secteur » 1 ( * ) . Cette perte de compétences s'explique notamment par le fait que Flamanville 3 ait été le premier chantier entrepris par la filière sur le territoire national, près de 10 ans après l'achèvement de la dernière centrale française (Civaux 2). La construction en série des futurs réacteurs devrait à ce titre bénéficier des retours d'expérience du chantier « test » que constitue Flamanville 3, « tête de pont » de la technologie EPR, dite de « troisième génération ».

Toutefois, cet effet d'apprentissage ne suffira pas à accompagner la montée en compétence de la filière ; le recrutement et la formation de personnels qualifiés , aptes à répondre au défi du déploiement d'un nouveau programme nucléaire, et la structuration de filières industrielles clés pour la construction des réacteurs seront, à cet égard, des impératifs. Se pose ici la question essentielle de l'attractivité de la filière pour les jeunes ingénieurs et techniciens , affaiblie ces dernières années par les atermoiements politiques.

2. Une acceptabilité locale et nationale à garantir pour les projets d'implantation de réacteurs EPR2 et une Stratégie française pour l'énergie et le climat à construire

Deuxième défi à relever : celui d'en garantir l'acceptabilité, tant au niveau local que national, et de définir une stratégie claire pour la politique énergétique et climatique de notre pays. Le rapporteur note que le choix d'une construction des nouveaux réacteurs à proximité immédiate des centrales existantes pourrait constituer un gage de plus grande acceptabilité , les populations et territoires concernés étant déjà acculturés au nucléaire et conscients des bénéfices associés, notamment en termes d'emploi. Cette acceptabilité passera plus largement par un rétablissement de la confiance dans la parole publique et par un dialogue démocratique à tous les échelons territoriaux. À cet égard, la commission souligne le rôle déterminant joué par la CNDP , qui non seulement conduit les concertations locales sur les projets de 6 premiers EPR2, mais intervient également dans la consultation préalable à l'élaboration de la Stratégie française pour l'énergie et le climat.

Extraits de l'intervention de Chantal Jouanno, présidente de la CNDP
le 19 octobre 2022
au Sénat

« S'agissant du débat sur les EPR 2, notre principal défi sera d'assurer l'accessibilité et la lisibilité des informations . [...] Le Président de la République ayant fait des annonces sur le sujet lors de son discours de Belfort et un projet de loi d'accélération du nucléaire étant prévu, les citoyens peuvent avoir le sentiment que tout est déjà décidé . [...] Nous débattrons également de toutes les implications qui s'y rattachent . [...] Faut-il de nouvelles usines d'enrichissement d'uranium ? En aval, faut-il une nouvelle piscine à la Hague ? Les capacités de Cigeo sont-elles adaptées ? »

L'acceptabilité locale et nationale passera aussi par un appui résolu sur la voix experte d'autorités indépendantes , au premier lieu desquelles figurent l' Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l' Autorité environnementale (AE) . La commission l'a rappelé lors des récents débats budgétaires 2 ( * ) , les moyens humains et matériels de l'ASN devront être adaptés à une charge de travail qui devrait encore s'accroître dans les prochaines années.

Les concertations et débats publics relatifs à la politique énergétique et à la relance de la filière nucléaire française

La commission appelle en conclusion à donner une visibilité suffisante aux acteurs du nucléaire : l'anticipation , à la fois indispensable à la montée en compétence de la filière et à l'acceptabilité du nouveau programme, constitue sans aucun doute la meilleure réponse aux défis qui s'annoncent pour le nucléaire français. Ce sera le sens de la loi de « programmation » pluriannuelle prévue pour 2023.

LISTE DES AMENDEMENTS ADOPTÉS EN COMMISSION

PROJET DE LOI

CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

NN°

COM-63

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

(n° 100)

10 JANVIER 2023

A M E N D E M E N T

présenté par

M. Pascal MARTIN

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

_________________

ARTICLE 1ER

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Pour l'application du présent titre, l'installation à proximité immédiate s'entend d'une implantation ne nécessitant pas de modification substantielle de la zone d'application et du périmètre du plan particulier d'intervention établi pour l'installation nucléaire de base existante en application de l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure.

OBJET

Cet amendement vise à sécuriser d'un point de vue juridique la notion de « proximité immédiate » telle que proposée par le Gouvernement à l'article 1 er pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires de type « EPR II ».

Les plans particuliers d'intervention (PPI), disposition spécifique du plan ORSEC départemental dont le régime est défini à l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure, sont établis par l'État en vue d'assurer la protection des personnes, des biens et de l'environnement pour faire face aux risques et dangers occasionnés par des installations ou ouvrages dont la liste est précisée par l'article R. 741-18 du code de la sécurité intérieure.

En 2019, afin de tirer les conséquences de l'accident nucléaire de Fukushima en 2011 au Japon, le rayon des PPI applicables aux 18 centrales nucléaires actuellement en fonctionnement en France a été porté de 10 kilomètres à 20 kilomètres, afin de mieux sensibiliser et préparer les élus et la population à réagir en cas d'alerte nucléaire.

Or, d'après les informations communiquées au rapporteur pour avis au cours de ses travaux préparatoires, en cas d'accident, le rayon d'action potentiel d'un réacteur de type « EPR II » est moindre que celui des réacteurs nucléaires actuellement en fonctionnement au sein du parc français.

Aussi, les PPI applicables à ces centrales, dont certaines accueilleront des réacteurs de type « EPR II », n'ont pas vocation à être modifiés du fait de l'implantation de ces nouveaux réacteurs.

Comme le rappelle le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, la définition de la « proximité immédiate » pourra «, le cas échéant, être précisée par voie réglementaire », en particulier par le décret en Conseil d'État prévu à l'article 8 du projet de loi. Néanmoins, il apparaît opportun d'encadrer cette définition a priori en précisant que la notion d'installation « à proximité immédiate » d'une installation nucléaire de base existante, notamment une centrale existante, doit s'entendre comme une implantation ne nécessitant pas de modification de la zone d'application et du périmètre du PPI applicable, tels que mentionnés au 2° de l'article R. 741-22 du code de la sécurité intérieure.

PROJET DE LOI

CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

NN°

COM-64

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

(n° 100)

10 JANVIER 2023

A M E N D E M E N T

présenté par

M. Pascal MARTIN

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

_________________

ARTICLE 4

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

jusqu'à la délivrance de l'autorisation de création mentionnée à l'article L. 593-7 du code de l'environnement

OBJET

Cet amendement de clarification vise à mieux distinguer le régime dérogatoire institué par le présent article pour la délivrance de l'autorisation environnementale avant celle de l'autorisation de création, qui prévoit l'intervention d'un décret ministériel à la place d'une décision préfectorale, du régime applicable après la délivrance de l'autorisation de création, qui prévoit une compétence de l'ASN au sein du périmètre de l'installation nucléaire de base une fois celui-ci établi. Cet amendement clarifie ainsi le fait que l'ASN restera compétente pour la délivrance des autorisations environnementales éventuelles ultérieures à la délivrance de l'autorisation de création.

PROJET DE LOI

CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

NN°

COM-65

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

(n° 100)

10 JANVIER 2023

A M E N D E M E N T

présenté par

M. Pascal MARTIN

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

_________________

ARTICLE 4

Alinéa 2, première phrase

Avant le mot :

Les

Insérer les mots :

Par dérogation à l'article L. 425-12 du code de l'urbanisme,

OBJET

Pour les réacteurs nucléaires et pour la durée prévus à l'article 1 er du projet de loi, l'article 4 déroge à l'article L. 425-12 du code de l'urbanisme, qui dispose que des travaux ne peuvent être exécutés avant la clôture de l'enquête publique préalable à l'autorisation de création de l'installation nucléaire de base.

Cet amendement vise à mieux articuler cette disposition dérogatoire au droit commun, par une référence explicite à l'article L. 425-12 du code de l'urbanisme.

PROJET DE LOI

CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

NN°

COM-66

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

(n° 100)

10 JANVIER 2023

A M E N D E M E N T

présenté par

M. Pascal MARTIN

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

_________________

ARTICLE 4

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III.- Le décret en Conseil d'État mentionné à l'article 8 précise la répartition des constructions, aménagements, installations et travaux, selon qu'ils puissent être exécutés en application de la première ou de la deuxième phrase du II du présent article, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire.

OBJET

Cet amendement de clarification vise à définir plus précisément les bâtiments dont la construction ne peut être entreprise qu'après la délivrance de l'autorisation de création, à savoir les bâtiments les plus sensibles au regard des enjeux de sûreté nucléaire, des bâtiments à moindres enjeux de sûreté, qui pourront commencer dès l'octroi de l'autorisation environnementale, en renvoyant au décret en Conseil d'État prévu à l'article 8 du projet de loi le soin de définir la nature de ces bâtiments.

PROJET DE LOI

CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

NN°

COM-67

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

(n° 100)

10 JANVIER 2023

A M E N D E M E N T

présenté par

M. Pascal MARTIN

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

_________________

ARTICLE 7

Alinéa 4

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

Pour l'application du présent article, les décrets pris sur avis conforme du Conseil d'État prévus à l'article L. 522-1 du code de l'expropriation... (le reste sans changement).

OBJET

Cet amendement de cohérence vise à harmoniser le dispositif proposé au présent article avec celui institué à l'article 13 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Il précise ainsi que les décrets permettant l'expropriation avec prise de possession immédiate sont pris après « avis conforme » du Conseil d'État, sur le fondement de l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

PROJET DE LOI

CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

NN°

COM-68

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

(n° 100)

10 JANVIER 2023

A M E N D E M E N T

présenté par

M. Pascal MARTIN

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

_________________

ARTICLE 9

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 593-19 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« Art. L. 593-19. - I.- L'exploitant adresse à l'Autorité de sûreté nucléaire et au ministre chargé de la sûreté nucléaire un rapport comportant les conclusions de l'examen prévu à l'article L. 593-18 et, le cas échéant, les dispositions qu'il envisage de prendre pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1. Dès lors que ces dispositions constituent des modifications notables ou substantielles de l'installation nucléaire de base, elles font l'objet d'une déclaration ou d'une autorisation dans les conditions prévues au II de l'article L. 593-14 ou à l'article L. 593-15.

« L'Autorité de sûreté nucléaire analyse le rapport mentionné au premier alinéa du présent I et, le cas échéant, les dispositions qu'il contient proposées par l'exploitant. À l'issue de cette analyse, elle peut imposer à l'exploitant de nouvelles prescriptions techniques au titre de l'article L. 593-10.

« Elle communique son analyse du rapport et les prescriptions qu'elle prend au ministre chargé de la sûreté nucléaire.

« II.- Pour les réexamens au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d'un réacteur électronucléaire, les conclusions de l'examen prévu à l'article L. 593-18 et les dispositions proposées par l'exploitant dans le rapport mentionné au I du présent article font l'objet d'une enquête publique.

« L'Autorité de sûreté nucléaire tient compte des conclusions de cette enquête publique dans son analyse du rapport de l'exploitant et, le cas échéant, des dispositions proposées par ce dernier, ainsi que dans les prescriptions qu'elle prend. »

OBJET

Le présent amendement procède à une réécriture intégrale de l'article L. 593-19 du code de l'environnement afin d'en renforcer la lisibilité.

À cette fin, il dissocie dans deux paragraphes distincts les dispositions applicables aux réexamens périodiques des installations nucléaires, d'une part, et les dispositions spécifiques aux réexamens des réacteurs électronucléaires au-delà de 35 années de fonctionnement, d'autre part.

Par ailleurs, il clarifie le fait que les modifications notables ou substantielles apportées par l'exploitant pour remédier aux anomalies ou pour améliorer la sûreté feront respectivement l'objet d'une déclaration ou d'une autorisation auprès de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : cette différence de régime entre les modifications notables ou substantielles correspond à la distinction opérée aux articles L. 593-14 et L. 593-15 du code de l'environnement.

Enfin, l'amendement vise à préciser que l'ASN analyse les dispositions proposées par l'exploitant dans son rapport comportant les conclusions du réexamen et, pour les réexamens au-delà de la 35ème année, qu'elle tient compte des conclusions de l'enquête publique dans son analyse de ces dispositions.

PROJET DE LOI

CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

NN°

COM-69

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

(n° 100)

10 JANVIER 2023

A M E N D E M E N T

présenté par

M. Pascal MARTIN

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

_________________

ARTICLE 10

Alinéa 2, première phrase

I.- Remplacer les mots :

peut ordonner

par le mot :

ordonne

II.-  Compléter cette phrase par les mots :

dès lors que l'absence de volonté ou l'incapacité de l'exploitant à remettre son installation en service dans des délais raisonnables ont été constatés par le ministre chargé de la sûreté nucléaire.

OBJET

L'article 10, qui permet de ne pas systématiser le caractère définitif de l'arrêt d'une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner pendant deux ans, constitue une simplification bienvenue : il évitera des instructions inutiles, tant pour les exploitants nucléaires que pour la puissance publique, de dossiers de demandes de prolongation dans des cas non pertinents.

Toutefois, l'article 10 transforme l'arrêt définitif de plein droit de ces installations ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans, en une simple faculté pour le pouvoir réglementaire d'ordonner, ou non, leur mise à l'arrêt définitif. Cette modification entre en contradiction avec l'intention du législateur de 2015, qui avait souhaité privilégier, pour des raisons de sûreté, le démantèlement des installations le plus tôt possible après leur arrêt.

Dans un souci d'équilibre, pour limiter les instructions inutiles - comme le souhaite opportunément le projet de loi - sans affaiblir le principe d'un démantèlement des installations le plus tôt possible après leur arrêt, le présent amendement contraint le pouvoir réglementaire à ordonner la mise à l'arrêt définitif d'une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans, dès lors que l'absence de volonté et l'incapacité de l'exploitant de remettre son installation en service dans des délais raisonnables sont constatés par la puissance publique.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 10 janvier 2023, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Pascal Martin sur le projet de loi n° 100 (2022-2023) relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

M. Jean-François Longeot , président . - Nous examinons le rapport pour avis de notre collègue Pascal Martin, sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. Ce texte a été déposé au Sénat le 2 novembre 2022 et renvoyé au fond à la commission des affaires économiques, qui a désigné Daniel Gremillet comme rapporteur.

En début d'année, nous avons examiné le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, qui avait été renvoyé au fond à notre commission et dont Didier Mandelli était rapporteur.

Nous continuons donc cette séquence énergétique avec un projet de loi consacré à la relance du nucléaire. Ce texte technique entend, comme le projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables, tirer les conséquences de la stratégie énergétique présentée par le Président de la République le 10 février 2022 à Belfort, pour faire de la France le premier grand pays à sortir des énergies fossiles.

La stratégie présidentielle repose sur deux piliers : d'une part, la sobriété et l'efficacité énergétique, pour atteindre l'objectif de réduire de moitié la consommation énergétique finale en 2050 par rapport à 2012 ; d'autre part, la production d'énergie décarbonée, en particulier d'électricité, avec le développement des énergies renouvelables et la relance de la production d'électricité nucléaire.

Je souligne que cette stratégie présidentielle de relance du nucléaire rompt avec les fermetures de centrales nucléaires annoncées ces dix dernières années : je m'en réjouis, à titre personnel.

Dans son discours de Belfort, le Président de la République a indiqué son souhait que la France construise six EPR2, c'est-à-dire des réacteurs EPR de troisième génération « optimisés », et que des études soient lancées pour la construction de huit EPR2 supplémentaires.

EDF et RTE ont déjà saisi la Commission nationale du débat public (CNDP) pour la construction de trois paires de réacteurs EPR2, dont les deux premiers seraient situés à Penly, en Normandie et des concertations territoriales sont en cours sur ces projets.

Alors que nous devrons examiner prochainement la première grande loi de programmation pour l'énergie et le climat (LPEC), actuellement en concertation, cette annonce présidentielle nous place d'ores et déjà dans l'un des trois scénarios « les plus nucléaires » du rapport du gestionnaire RTE publié en 2021, qui prévoient une part du nucléaire atteignant respectivement 26 %, 36 % ou 50 % à l'horizon 2050 dans le mix électrique national.

Toutefois, le texte qui nous est soumis ne tranche pas la question du nombre de réacteurs qui seront construits, ni les questions relatives au mix énergétique : c'est un texte procédural, avec une forte dimension urbanisme, pour accompagner et cadrer les modalités de construction de nouveaux réacteurs.

Le texte comporte actuellement onze articles, répartis en trois titres.

Les articles 1 er à 8 du titre I er visent à simplifier et accélérer la mise en oeuvre de projets de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires, en précisant l'articulation entre les procédures d'urbanisme, d'autorisation environnementale et d'autorisation de création d'une installation nucléaire de base (INB). L'article 4 est le coeur du projet de loi et vise à tirer les conséquences de l'expérience de Flamanville, en séquençant les autorisations administratives applicables aux travaux de construction en fonction des enjeux en matière de sûreté.

Les articles 9 et 10 du titre II ont pour objectif de mieux encadrer le fonctionnement des installations nucléaires existantes, en clarifiant les modalités de réexamen périodique des réacteurs nucléaires de plus de 35 ans et la gestion des arrêts prolongés d'INB.

Enfin, l'article 11 du titre III ratifie l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, prise sur le fondement de la loi « Macron » de 2015.

Je rappelle que nous entendrons demain matin, à 8 heures, la ministre de la transition énergétique sur ce texte, dans le cadre d'une audition conjointe avec nos collègues de la commission des affaires économiques.

Il est assez particulier d'entendre la ministre après et non pas avant la réunion d'examen des amendements de notre rapporteur, mais des contraintes de calendrier n'ont pas permis de le faire avant. La commission des affaires économiques aura la chance, elle, d'entendre la ministre juste avant sa réunion au cours de laquelle elle établira son texte sur le projet de loi.

Je rappelle enfin que ce texte sera examiné en séance publique la semaine prochaine, à compter du 17 janvier.

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - Merci Monsieur le président. Un petit mois après le début de mes travaux sur ce texte, l'heure est déjà venue de vous présenter mon rapport pour avis, fruit d'un cycle d'une vingtaine d'auditions conduites juste avant la « trêve des confiseurs ».

Comme pour l'examen du projet de loi « énergies renouvelables » déjà évoqué, le Gouvernement semble confondre l'accélération des procédures relatives à la transition énergétique et climatique avec l'accélération législative... J'ai donc travaillé dans un temps très contraint, comme Daniel Gremillet, ce qui n'est pas le plus indiqué pour légiférer sereinement.

Quelques mots de contexte, d'abord. La France dispose de 18 centrales nucléaires, pour un total de 56 réacteurs nucléaires, dont 32 réacteurs de 900 mégawatts (MW), 20 réacteurs de 1 300 MW et 4 réacteurs de 1 450 MW.

Les dispositions du titre II du projet de loi, relatif au réexamen périodique et à l'arrêt des réacteurs concernent l'ensemble de ces réacteurs, auxquels il faudra ajouter les nouveaux réacteurs EPR2.

En revanche, les dispositions du titre I er ne concernent que les futurs réacteurs dont la construction pourra être décidée à l'issue des consultations locales et nationales prévues et dans le cadre de la future loi de programmation pour l'énergie et le climat (LPEC).

Les trois premières paires de réacteurs EPR de troisième génération « optimisés », dits « EPR2 » seront situés respectivement à Penly, à Gravelines et, soit au Bugey, soit au Tricastin, le choix du site d'implantation pour cette dernière paire n'ayant pas encore été fait.

S'agissant des huit réacteurs EPR2 supplémentaires, pour lesquels le Président de la République a annoncé le lancement d'études dans son discours de Belfort, nous ne savons pas si ces réacteurs seront effectivement construits, ni leur localisation.

Originaire du seul département de France accueillant deux centrales nucléaires, je ne peux que saluer le signal politique sans équivoque envoyé par ce projet de loi. Dans un contexte géopolitique incertain, donner une nouvelle impulsion à la filière nucléaire est indispensable pour maintenir la France à sa place de n° 1 de l'électricité décarbonée et soutenir l'électrification des usages prévue par la stratégie nationale bas carbone avec une production pilotable, en parallèle du développement des énergies renouvelables et de la réduction massive de notre consommation énergétique et ce à un coût maîtrisé.

Après de trop nombreuses années d'atermoiements qui ont conduit à un délaissement de la filière nucléaire, nous pouvons donc nous satisfaire, d'une part, du message et de la vision de moyen terme donnés aux secteurs industriels concernés et, d'autre part, du message que nous envoyons à nos concitoyens, en montrant que nous sommes pleinement mobilisés pour garantir la sécurité d'approvisionnement national en électricité.

Toutefois, ce texte se focalise sur la procédure ; il est très restreint et essentiellement technique - alors que les défis pour la filière sont bien plus larges. Je vous proposerai en conséquence des ajustements techniques, sachant que des consultations sont en cours sur les projets de six premiers EPR2 et sur l'élaboration de la stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC), mais aussi que nous aurons les débats de fond - sur la place du nucléaire dans le mix énergétique, sur l'ampleur du nouveau programme nucléaire, sur les modalités de prolongation du parc existant ou encore sur le cycle du combustible -, en examinant la loi de programmation relative à l'énergie et au climat (LPEC) dont nous serons saisis au second semestre 2023.

Il aurait été préférable, pour la clarté des débats politiques, d'aborder le cadre général avant d'aborder le particulier, mais ce n'est pas le cas.

Les amendements que je vous proposerai suivent un double objectif : améliorer la sécurité juridique et la lisibilité du texte, pour limiter les risques contentieux qui affaibliraient la relance souhaitée du nucléaire français ; encadrer les marges laissées au pouvoir réglementaire.

Sous réserve de l'adoption de ces amendements, je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

Pour améliorer la sécurité juridique du texte, je vous proposerai de mieux définir la notion de « proximité immédiate » - telle que proposée par le Gouvernement à l'article 1 er pour la construction des nouveaux réacteurs - comme une implantation ne nécessitant pas de modification de la zone d'application et du périmètre du plan particulier d'intervention (PPI), établi par l'État en vue d'assurer la protection des personnes, des biens et de l'environnement face aux risques et dangers occasionnés par les centrales nucléaires existantes. D'après les informations qui m'ont été communiquées, en cas d'accident, le rayon d'action potentiel d'un réacteur de type « EPR2 » est moindre que celui des réacteurs nucléaires actuellement en fonctionnement au sein du parc français : dès lors, les PPI applicables à ces centrales, dont certaines accueilleront des réacteurs de type « EPR2 », n'ont pas vocation à être modifiés du fait de l'implantation de ces nouveaux réacteurs.

À l'article 4, « coeur » du projet de loi permettant de séquencer les travaux en fonction de leurs enjeux en matière de sûreté, je vous proposerai de définir plus précisément, par voie réglementaire, les bâtiments sensibles dont la construction ne pourra être entreprise qu'après la délivrance de l'autorisation de création et ceux, à moindres enjeux de sûreté nucléaire, qui pourront commencer dès l'octroi de l'autorisation environnementale. Il s'agit là de tirer les leçons de la construction difficile de l'EPR1 de Flamanville.

Je vous proposerai aussi de clarifier le fait que l'ASN restera compétente pour la délivrance des autorisations environnementales éventuelles ultérieures à la délivrance de l'autorisation de création, une fois le périmètre de l'INB établi.

À l'article 9, relatif au réexamen périodique des centrales par l'ASN, je vous proposerai de mieux dissocier les dispositions spécifiques applicables aux réexamens des réacteurs au-delà de 35 années de fonctionnement et de s'assurer que les modifications notables ou substantielles apportées par l'exploitant pour remédier aux anomalies ou pour améliorer la sûreté, feront respectivement l'objet soit d'une déclaration, soit d'une autorisation auprès de l'ASN.

Enfin, pour encadrer les marges laissées par ce texte au pouvoir réglementaire, je vous proposerai de préciser l'article 10. Il dispose que l'arrêt définitif des installations ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans n'est pas de plein droit, mais qu'il est à la discrétion du pouvoir réglementaire ; or, en 2015, le législateur a privilégié, pour des raisons de sûreté, le démantèlement des installations le plus tôt possible après leur arrêt. Pour limiter les instructions inutiles - comme le souhaite opportunément le projet de loi - sans affaiblir le principe d'un démantèlement des installations le plus tôt possible après leur arrêt mis en avant par le législateur à l'époque, je vous proposerai donc de préciser que le pouvoir réglementaire doit ordonner la mise à l'arrêt définitif d'une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans, dès lors que l'absence de volonté et l'incapacité de l'exploitant de remettre son installation en service dans des délais raisonnables sont constatées par le ministre compétent.

Je termine en précisant qu'à mes yeux, ce projet de loi, aussi bienvenu qu'il soit, aura un impact limité sur la relance du nucléaire français : l'accélération des procédures et la réduction du risque contentieux ne constituent que des leviers mineurs pour s'assurer du développement dans les délais souhaités d'un nouveau parc nucléaire et de la prolongation du parc existant dans les conditions de sûreté adéquates. Bien au-delà de ce texte, les défis à relever concernent, en réalité, la capacité des pouvoirs publics et du secteur à opérer une montée en compétence de la filière, et à assurer une acceptabilité locale et nationale autour de la relance du nucléaire.

Pour tenir le calendrier des nouvelles centrales, il faut tirer les conséquences du projet d'EPR de Flamanville, accusant à ce jour dix ans de retard. Pour expliquer ce retard colossal, la Cour des comptes souligne « la perte de compétences techniques et de culture de qualité des industriels du secteur ». Cette perte de compétences s'explique notamment par le fait que Flamanville 3 ait été le premier chantier entrepris par la filière sur le territoire national, près de dix ans après l'achèvement de la dernière centrale française (Civaux 2). La construction en série des futurs réacteurs devrait bénéficier des retours d'expérience du chantier « test » que constitue Flamanville 3, « tête de pont » de la technologie EPR, dite de « troisième génération ». Toutefois, cet effet d'apprentissage ne suffira pas à accompagner la montée en compétence de la filière, qui devra recruter et former des personnels aptes à répondre au défi du déploiement d'un nouveau programme nucléaire, tout en structurant les filières industrielles clés pour la construction des réacteurs. Se pose ici la question de l'attractivité de la filière pour les jeunes ingénieurs et techniciens, affaiblie ces dernières années par les atermoiements politiques.

Deuxième défi à relever : celui de garantir l'acceptabilité du programme nucléaire, tant au niveau local que national, et de définir une stratégie claire pour la politique énergétique et climatique de notre pays.

Le choix d'une construction des nouveaux réacteurs à proximité immédiate des centrales existantes pourrait constituer un gage de plus grande acceptabilité, les populations et territoires concernés étant déjà acculturés au nucléaire et conscients des bénéfices associés - à Penly, les habitants sont majoritairement favorables à un EPR2, notamment parce qu'il représente quelque 8 000 emplois locaux. Cette acceptabilité passera plus largement par un rétablissement de la confiance dans la parole publique, par un dialogue démocratique à tous les échelons territoriaux. La Commission nationale du débat public joue un rôle déterminant en la matière, à travers les concertations locales déjà lancées sur les projets de six premiers EPR2, mais aussi dans la consultation préalable à l'élaboration de la SFEC.

L'acceptabilité locale et nationale passera aussi par un appui résolu des autorités indépendantes, au premier rang desquelles l'ASN et l'Autorité environnementale (AE). Comme notre commission l'a rappelé lors des récents débats budgétaires, les moyens humains et matériels de l'ASN devront être adaptés à une charge de travail qui devrait encore s'accroître dans les prochaines années.

En résumé, il conviendra, cette année, de donner une visibilité suffisante aux acteurs du nucléaire : l'anticipation, indispensable à la montée en compétence de la filière et à l'acceptabilité du nouveau programme, constitue sans aucun doute la meilleure réponse aux défis qui s'annoncent pour le nucléaire français.

M. Daniel Gremillet , rapporteur de la commission des affaires économiques . - Merci pour cette invitation à votre réunion de commission, je me félicite de ce que nous ayons travaillé en grande proximité, en particulier lors des auditions et je sais pourvoir dire que le Sénat a une position forte et unitaire sur cette question sensible qu'est la relance du nucléaire. J'ai auditionné une centaine de personnes : j'ai entendu les représentants de la filière nucléaire, les responsables de la sûreté et de la sécurité nucléaire, les associations environnementales, les collectivités territoriales concernées par l'implantation des nouveaux EPR2 et nous avons organisé le 14 décembre dernier une table ronde avec les responsables d'EDF, de l'ASN, du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), d'Orano Projets et de RTE. Nous avons aussi entendu le président de la commission particulière de la CNDP en charge du nucléaire.

Sur la méthode, le Gouvernement légifère dans le désordre : il aurait fallu commencer par la loi de programmation, avant ces lois d'accélération des procédures - mais il légifère aussi dans la précipitation, puisqu'il nous a transmis ce texte à la mi-décembre, pour un examen en janvier, alors même que nous avions aussi la commission mixte paritaire (CMP) sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

Qui plus est, le Gouvernement ne prend pas en compte les consultations en cours, le président de la commission particulière de la CNDP nous l'a dit, et il se focalise sur la simplification, évitant d'aborder des sujets aussi importants que la planification énergétique, la place du nucléaire dans le mix énergétique, ou encore le besoin considérable de moyens financiers et humains pour relancer le nucléaire.

En dépit de ces défauts, ce texte laisse espérer des gains de temps dans la construction des nouveaux EPR2, avec des procédures d'urbanisme rendues plus simples, la réduction du nombre d'actes nécessaires et des règles plus claires pour les recours - EDF estime le gain de temps à 56 mois, ce n'est pas négligeable.

J'aurai cependant 35 amendements pour consolider ce texte, combler ses angles morts, son manque de vision stratégique, mieux garantir la sûreté et la sécurité nucléaire face aux nouveaux risques liés au changement climatique et aux cyberattaques, mais aussi mieux associer les collectivités territoriales et les habitants aux décisions, et renforcer la sécurité juridique des procédures.

M. Jean-François Longeot , président . - Merci pour ces propos, je confirme que nos deux commissions ont travaillé en grande proximité.

M. Gilbert-Luc Devinaz . - Avec ce texte, on met la charrue avant les boeufs : il aurait été bien plus logique de commencer par débattre de programmation énergétique, pour examiner d'abord nos besoins énergétiques ; on fait l'inverse, en raisonnant à partir des moyens, en commençant par la production, alors même qu'on sait devoir aller vers plus de sobriété et que le Gouvernement envisage même des restrictions, du rationnement énergétique. Même s'il paraît difficile de se passer rapidement du nucléaire, ce texte contribue à sa relance, sans qu'on ait même débattu des possibilités de sortir du nucléaire, du temps que cela prendrait : nous ne cherchons pas à savoir comment sortir du nucléaire, quand bien même cette énergie peut poser des problèmes à l'échelle de l'humanité tout entière. Il faut bien produire de l'électricité, mais il faut aussi s'assurer de la sûreté et de la sécurité de cette production : ce n'est pas ce que nous faisons.

Notre commission s'occupant d'aménagement du territoire, nous pouvons aussi nous poser cette question : cette relance du nucléaire est-elle, comme dans les années 1970, laissée entre les seules mains des ingénieurs, ou bien associera-t-elle les collectivités et les populations ? Qu'est-il prévu en la matière ?

Enfin, ces nouvelles centrales seraient mises en service vers 2035 pour une soixantaine d'années, donc jusqu'à la fin du siècle, elles connaîtront ainsi les phénomènes nouveaux liés au changement climatique : quelle prospective avons-nous en la matière ? Quelle incidence sur la sécurité et la sûreté des installations ? Ces questions ne sont pas même abordées dans ce texte.

Nous sommes donc réservés sur ce rapport, tout en trouvant intéressants les amendements de notre rapporteur.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Ce texte propose d'accélérer les procédures, mais la comparaison avec la loi pour l'accélération des énergies renouvelables s'arrête là, parce que le nucléaire s'inscrit dans le temps long, qu'il s'agisse de construire les centrales, mais aussi de prendre en compte le cycle du combustible, depuis l'extraction jusqu'à la gestion des déchets, avec des impacts très sensibles sur l'environnement. Si la relance de la filière nucléaire est nécessaire face à la demande croissante en électricité et pour assurer notre souveraineté énergétique, il faut agir avec proportion, et être modestes. Cette année, nous allons définir une stratégie nationale pour l'énergie et le climat (SFEC), puis une loi de programmation, nous aurons un cap, et une planification - ce texte anticipe donc. Cependant, s'il fait gagner deux ans de procédure et que le programme est d'installer deux nouveaux EPR par an, est-il bien nécessaire que ce texte porte sur quinze années ? Ne serait-il pas plus juste de prévoir dix ans d'application ? Qu'en pensez-vous ?

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - Sur la méthode, je partage votre avis, le Gouvernement va du particulier au général alors qu'il aurait fallu commencer par la stratégie, puis la décliner par volet - nucléaire et renouvelables. Ce n'est guère satisfaisant intellectuellement, nous nous y sommes prêtés faute de pouvoir changer cette stratégie qui nous est imposée.

Le calendrier accéléré, ensuite, fait-il peser un risque sur les projets, qui seraient d'autant moins acceptés qu'ils ne seraient pas suffisamment débattus localement ? La CNDP a lancé deux réflexions, l'une relative au mix énergétique et l'autre, locale, sur les projets de construction des nouveaux réacteurs. Les concertations locales sont bien suivies dans les territoires, je le vois à Penly où le public vient nombreux aux réunions. Par ailleurs, il y aura les enquêtes publiques prévues pour chaque projet de construction, chacun pourra s'exprimer.

Le choix de sites déjà existants rend les choses plus faciles, parce que les élus et les populations sont conscients des enjeux pour le développement local. La majorité, localement, est favorable aux projets de nouvelles installations.

Faut-il que les nouvelles règles d'accélération vaillent pour quinze années, si le programme peut être rempli en dix ans ? Je me suis aussi posé la question de réduire cette durée à six ans, j'ai consulté, et je me suis rangé aux quinze années proposées par le Gouvernement pour donner plus de visibilité à la filière. C'est ce qu'attendent les industriels et l'exploitant principal.

M. Gérard Lahellec . - Le débat « à la découpe » me met mal à l'aise, car nous avons besoin d'un débat large sur l'énergie, vous l'avez dit. Ensuite, je ne crois pas que le problème principal, ici, ce soit le retard dû aux procédures, même si ce texte pourra améliorer les choses ; ce qui a fait du mal, c'est plutôt la politique énergétique de ces dernières années, c'est à cause d'elle qu'on a perdu beaucoup.

Et ce texte très technique me pose problème non par sa technicité même, mais par tout ce qu'il ne contient pas - par le fait qu'il n'aborde pas les enjeux du nucléaire, ses fournitures, l'aménagement du territoire, l'avenir d'EDF... autant de sujets qui sont pourtant dans le débat public.

Nous l'avions déjà dit en examinant la loi sur les énergies renouvelables : il faut un débat d'ensemble, plutôt qu'à la découpe.

Cela dit, je comprends l'objectif de notre rapporteur, de consolider les procédures, d'éviter les recours qui rendraient les projets plus précaires. Je regarde donc ses amendements d'un oeil positif, tout en ayant des doutes sur le fond.

M. Ronan Dantec . - Quelle est la raison d'être de ce texte ? Vient-il répondre à une nécessité technique qui serait devenue urgente, d'accélérer les procédures alors que nous débattrons bientôt du fond, ou bien vient-il donner un message politique à l'industrie du nucléaire et à ses promoteurs, au lendemain du texte d'accélération des énergies renouvelables ? Je penche pour la deuxième option : le texte sur les énergies renouvelables était nécessaire, puisque chacun sait que ce n'est pas le nucléaire qui va répondre à nos besoins dans les quinze prochaines années, et le Gouvernement, dès lors, envoie un message politique aux industriels du nucléaire et à tous ceux qui soutiennent le nucléaire.

Cependant, il nous offre l'occasion d'un débat, nous allons en particulier interroger le modèle économique du nucléaire, poser cette question simple : la France a-t-elle vraiment besoin d'investir davantage dans le nucléaire, alors que le renouvelable d'Europe du Nord fournit une électricité deux à trois fois moins cher ? Les électro-intensifs vont-ils longtemps continuer à payer une électricité nucléaire française deux à trois fois plus chère que le prix européen ?

J'espère que nous examinerons aussi les moyens provisionnés par EDF pour le démantèlement des réacteurs nucléaires, et que nous parviendrons à comprendre, finalement, pourquoi, sur le nucléaire, la France fait quasiment cavalier seul en Europe...

Le débat sur ce texte prétendument technique sera l'occasion, je l'espère, d'avoir des réponses à nos questions sur le modèle économique du nucléaire - et que nous aurons de véritables réponses, plutôt que des postures, des professions de foi et des contes de fée sur le nucléaire.

J'attends aussi du Sénat un amendement proposant un droit de véto à la collectivité locale en cas d'installation d'un réacteur nucléaire sur son territoire, pendant de ce que vous avez voté pour les éoliennes...

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - Je le répète, je partage votre point de vue : il serait plus logique de parler d'abord de stratégie, puis de procédures, je l'ai souligné.

Ensuite, je n'oppose pas le nucléaire et les énergies renouvelables, je les crois complémentaires, parce que le nucléaire est pilotable alors que les renouvelables sont intermittentes, en particulier, et aussi parce que nous avons le projet d'une souveraineté énergétique. Nous débattrons de tout cela en séance plénière. Pour la commission, il y a déjà 69 amendements déposés, en incluant les 7 que je vais vous proposer.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-63 précise la notion de proximité immédiate pour la construction de réacteurs EPR2, en lien avec le périmètre et la zone d'application du plan particulier d'intervention (PPI) établi pour les INB existantes auprès desquelles les nouveaux réacteurs pourraient être implantés.

M. Ronan Dantec . - Nous ne doutons pas que vous cherchiez à améliorer le texte, mais comme nous nous y opposons sur le fond, nous voterons contre vos amendements.

L'amendement COM-63 est adopté.

Article 4

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-64 distingue mieux le régime dérogatoire pour la délivrance de l'autorisation environnementale précédant l'autorisation de création, du régime applicable après l'autorisation de création, ceci pour garantir que l'ASN restera compétente pour la délivrance des autorisations environnementales qui interviendraient après l'autorisation de création, une fois le périmètre de l'INB établi.

L'amendement COM-64 est adopté.

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-65 , identique à un amendement de Daniel Gremillet, fait une référence explicite au code de l'urbanisme.

L'amendement COM-65 est adopté.

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-66 distingue mieux les bâtiments dont la construction pourra commencer dès l'octroi de l'autorisation environnementale, tout en renvoyant au décret en Conseil d'État le soin de définir la nature de ces bâtiments.

L'amendement COM-66 est adopté.

Article 7

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-67 précise que le décret d'expropriation avec prise de possession immédiate est pris après avis conforme du Conseil d'État, comme c'est le cas dans la procédure instituée par la loi du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

L'amendement COM-67 est adopté.

Article 9

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-68 réécrit cet article, pour le rendre plus lisible, sans en changer le contenu, comme je vous l'indiquais dans mon intervention liminaire.

L'amendement COM-68 est adopté.

Article 10

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-69 contraint le pouvoir réglementaire à ordonner la mise à l'arrêt définitif d'une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans, dès lors que la puissance publique constate une absence de volonté et l'incapacité de l'exploitant de remettre son installation en service dans des délais raisonnables.

L'amendement COM-69 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 6 décembre 2022

- Sortir du nucléaire - Greenpeace France : Mmes Marion RIVET , chargée de relations médias de Sortir du nucléaire , Laura MONNIER , responsable juridique et Pauline BOYER , chargée de campagne Transition énergétique, à Greenpeace France

Lundi 12 décembre 2022

- Électricité de France (EDF) : Mme Caroline DIONISI , responsable du pôle permitting de la direction nouveau nucléaire, MM. Michael VARESCON , chef des pôles nucléaire, thermique et hydraulique à la direction juridique Énergies et Bertrand LE THIEC , directeur des affaires publiques

- Réseau de transport d'électricité (RTE) : M. Xavier PIECHACZYK , président, Mme Pauline LE BERTRE , directrice adjointe de cabinet du président et M. Philippe PILLEVESSE , directeur des relations institutionnelles

Mardi 13 décembre 2022

- Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction générale de la prévention des risques (DGPR) : Mme Anne-Cécile RIGAIL , cheffe du service des risques technologiques, MM. Benoît BETTINELLI , Chef de la mission pour la sûreté nucléaire et la radioprotection, Loïc BEROUD , conseiller spécial auprès du directeur général et Cédric VILETTE , adjoint au chef de mission

- Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) : M. Pierre-Marie ABADIE , directeur général

- Autorité environnementale (AE) : M. Alby SCHMITT , président par intérim

- Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : M. Julien COLLET , directeur général adjoint

- Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : M. Jean-Christophe NIEL , directeur général, Mmes Karine HERVIOU , directrice générale adjointe chargée du pôle sûreté des installations et des systèmes nucléaires et Emmanuelle MUR , responsable des relations institutionnelles (secrétariat général)

- Délégation interministérielle au nouveau nucléaire : M. Joël BARRE , délégué interministériel au nouveau nucléaire

- Communes concernées par les projets d'EPR2 : MM. Patrice PHILIPPE, maire de Petit-Caux, Christophe FROMENTIN , vice-président à l'économie de la communauté de communes de Falaises du Talou, Mme Caroline DUHAMEL , maire déléguée de Saint-Martin-en-Campagne, M. Bertrand RINGOT , maire de Gravelines, Mme Céline LERICQUE , directrice générale des services du SIVOM des Rives de l'Aa et de la Colme (Gravelines), MM. Marcel JACQUIN , maire de Saint-Vulbas, Jacques ROLLAND , premier adjoint au maire de Saint-Vulbas, Daniel DALLERY , adjoint au maire de Saint-Vulbas, et Alain GALLU , maire de Pierrelatte (canton de Tricastin)

Mercredi 14 décembre 2022

- Association des représentants des communes d'implantation de centrales et établissements nucléaires (ARCICEN) : M. Claude BRENDER , président

- Société française d'énergie nucléaire (SFEN) : Mme Valérie FAUDON , déléguée générale

- Commission nationale du débat public (CNDP) : M. Michel BADRÉ , président de la commission particulière en charge d'organiser le débat public sur le projet de construction de deux réacteurs nucléaires « EPR2 » sur le site de Penly, dans le cadre du programme de nouveaux réacteurs nucléaires en France

- Union française de l'électricité (UFE) : Mme Christine GOUBET-MILHAUD , présidente et M. Rudy CLUZEL , responsable des relations institutionnelles France

Jeudi 15 décembre 2022

- Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN) : M. Olivier BARD , délégué général

- Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI) : MM. Jean-Claude DELALONDE , président, Yves LHEUREUX , directeur et Mme Yveline DRUEZ , membre du conseil d'administration de l'Anccli et membre des commissions locales d'information de la Manche

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-100.html


* 1 Cour des comptes, « La filière EPR », rapport public thématique, juin 2020.

* 2 Projet de loi de finances pour 2023, avis de M. Pascal Martin au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, tome I « Environnement », fascicule 2 : « Prévention des risques ».

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