Avis n° 120 (2022-2023) de M. Jacques GROSPERRIN , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 17 novembre 2022
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AVANT-PROPOS
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I. LES CRÉDITS DE LA MISSION ENSEIGNEMENT
SCOLAIRE : DES POINTS DE VIGILANCE MALGRÉ UNE HAUSSE DE PLUS DE
6 %
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A. LES ENSEIGNANTS : UN EFFORT DE
REVALORISATION DES RÉMUNÉRATIONS QUI DOIT ETRE POURSUIVI DANS LA
DURÉE
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B. UN SCHÉMA D'EMPLOI NÉGATIF
COHÉRENT EN PRINCIPE AVEC LES PROJECTIONS DÉMOGRAPHIQUES, MAIS
UNE FRAGILITÉ POTENTIELLE LIÉE À DES MOYENS HUMAINS EN
TENSION
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C. L'ÉCOLE INCLUSIVE : UNE AUGMENTATION
RÉGULIÈRE DU NOMBRE D'ÉLÈVES EN SITUATION DE
HANDICAP ; DES MOYENS INSUFFISANTS MALGRÉ DE RÉELS
EFFORTS
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A. LES ENSEIGNANTS : UN EFFORT DE
REVALORISATION DES RÉMUNÉRATIONS QUI DOIT ETRE POURSUIVI DANS LA
DURÉE
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II. ENVIRON 20 000 ÉLÈVES
UKRAINIENS SCOLARISÉS EN FRANCE À LA RENTRÉE DE
2022
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A. UNE PRÉSENCE CONCENTRÉE SUR LE
PREMIER DEGRÉ ET LE COLLÈGE ET SUR CERTAINES ACADÉMIES
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B. UN ACCOMPAGNEMENT EN PRINCIPE TEMPORAIRE, QUI
PRÉSERVE LES LIENS AVEC LE SYSTÈME ÉDUCATIF
UKRAINIEN
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C. LES ÉLÈVES UKRAINIENS EN
FRANCE : UN NIVEAU EN MATHÉMATIQUES QUI CONFIRME DES
QUESTIONNEMENTS SUR LA QUALITÉ DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS
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A. UNE PRÉSENCE CONCENTRÉE SUR LE
PREMIER DEGRÉ ET LE COLLÈGE ET SUR CERTAINES ACADÉMIES
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III. UNE RENTRÉE 2022 MARQUÉE PAR DES
DIFFICULTÉS ACCRUES EN MATIÈRE DE RECRUTEMENT
D'ENSEIGNANTS
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IV. DES LEVIERS À MOBILISER POUR ENRAYER LE
DÉCLIN DE L'ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER D'ENSEIGNANT
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I. LES CRÉDITS DE LA MISSION ENSEIGNEMENT
SCOLAIRE : DES POINTS DE VIGILANCE MALGRÉ UNE HAUSSE DE PLUS DE
6 %
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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ANNEXES
SOMMAIRE
I. LES CRÉDITS DE LA MISSION ENSEIGNEMENT SCOLAIRE : DES POINTS DE VIGILANCE MALGRÉ UNE HAUSSE DE PLUS DE 6 % 7
A. LES ENSEIGNANTS : UN EFFORT DE REVALORISATION DES RÉMUNÉRATIONS QUI DOIT ETRE POURSUIVI DANS LA DURÉE 8
B. UN SCHÉMA D'EMPLOI NÉGATIF COHÉRENT EN PRINCIPE AVEC LES PROJECTIONS DÉMOGRAPHIQUES, MAIS UNE FRAGILITÉ POTENTIELLE LIÉE À DES MOYENS HUMAINS EN TENSION 13
C. L'ÉCOLE INCLUSIVE : UNE AUGMENTATION RÉGULIÈRE DU NOMBRE D'ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP ; DES MOYENS INSUFFISANTS MALGRÉ DE RÉELS EFFORTS 14
II. ENVIRON 20 000 ÉLÈVES UKRAINIENS SCOLARISÉS EN FRANCE À LA RENTRÉE DE 2022 18
A. UNE PRÉSENCE CONCENTRÉE SUR LE
PREMIER DEGRÉ ET LE COLLÈGE
ET SUR CERTAINES
ACADÉMIES
18
B. UN ACCOMPAGNEMENT EN PRINCIPE TEMPORAIRE, QUI PRÉSERVE LES LIENS AVEC LE SYSTÈME ÉDUCATIF UKRAINIEN 19
C. LES ÉLÈVES UKRAINIENS EN FRANCE : UN NIVEAU EN MATHÉMATIQUES QUI CONFIRME DES QUESTIONNEMENTS SUR LA QUALITÉ DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS 20
III. UNE RENTRÉE 2022 MARQUÉE PAR DES DIFFICULTÉS ACCRUES EN MATIÈRE DE RECRUTEMENT D'ENSEIGNANTS 21
A. UNE AUGMENTATION SENSIBLE DU NOMBRE DE POSTES NON POURVUS À L'ISSUE DES CONCOURS DE 2022 21
B. UN EFFET MÉCANIQUE DES NOUVELLES CONDITIONS DE DIPLÔME EXIGÉES POUR CONCOURIR ? 25
C. LE RECOURS AUX ENSEIGNANTS CONTRACTUELS ET SES LIMITES 26
IV. DES LEVIERS À MOBILISER POUR ENRAYER LE DÉCLIN DE L'ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER D'ENSEIGNANT 31
A. UN ENJEU MAJEUR : METTRE FIN À L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE DÉMISSIONS, NOTAMMENT CHEZ LES ENSEIGNANTS DÉBUTANTS 33
B. UNE EXIGENCE : AMÉLIORER LA FORMATION INITIALE ET LES DÉBUTS DANS LA CARRIÈRE 37
C. LA « RH DE PROXIMITÉ », UNE RÉPONSE AUX DIFFICULTÉS DE MOBILITÉ GÉOGRAPHIQUE ? 42
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 61
• Audition de M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse 63
AVANT-PROPOS
Les crédits de la mission Enseignement scolaire s'élèveront en 2023, hors enseignement agricole, à 80,7 milliards d'euros. Hors pensions, ils s'établiront à 58,8 milliards d'euros, soit une hausse de 6,5 % .
Le projet de loi de finances amplifie donc les efforts déployés dans le cadre de cette mission depuis plusieurs années ; il traduit la poursuite d'engagements gouvernementaux en faveur de la revalorisation de la rémunération des personnels et de l'école inclusive.
Outre les crédits inscrits à la mission enseignement scolaire, un fonds d'innovation pédagogique sera doté de 150 millions d'euros en 2023 dans le cadre de la mission « investir pour la France 2030 » pour financer des projets de terrain .
La commission salue la hausse des crédits de la mission Enseignement scolaire tout en alertant sur trois points de vigilance qui susciteront un suivi attentif : la nécessité de poursuivre dans la durée la revalorisation des rémunérations des enseignants ; des suppressions de poste problématiques compte tenu de moyens humains en tension ; le décalage entre les moyens consacrés à l' école inclusive et la persistance de besoins importants dans ce domaine.
Le rapporteur pour avis a tenu à centrer son propos sur les problématiques liées à l'attractivité du métier d'enseignant , dans un contexte marqué par une crise de recrutement très préoccupante , dont le nombre élevé de postes non pourvus à l'issue des concours de 2022 a souligné l'ampleur.
La baisse alarmante du taux de rendement des concours de 2022 et l'augmentation régulière du nombre de démissions d'enseignants , plus particulièrement en début de carrière, impliquent selon la commission, parallèlement à la revalorisation des rémunérations, une action globale et ambitieuse en matière de formation initiale et d'accompagnement des enseignants débutants ainsi qu'une évolution de la gestion des ressources humaines qui aille dans le sens d'un allègement des contraintes de mobilité géographique .
I. LES CRÉDITS DE LA MISSION ENSEIGNEMENT SCOLAIRE : DES POINTS DE VIGILANCE MALGRÉ UNE HAUSSE DE PLUS DE 6 %
Les crédits de la mission Enseignement scolaire pilotés par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (hors enseignement agricole, programme relevant du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire) inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023 s'établiront, en crédits de paiement et à structure budgétaire courante, à 58 821,416 millions d'euros au lieu de 55 245,271 millions d'euros dans la loi de finances pour 2022 1 ( * ) (hors contributions aux pensions de l'État), soit une hausse de 6,5 % (+ 3,57 milliards d'euros) 2 ( * ) .
En incluant les pensions de l'État, les crédits, en hausse de 5,8 % par rapport à 2022, passeront de 76,2 milliards d'euros à 80,7 en crédits de paiement.
Le PLF 2023 amplifie l'effort significatif dont fait l'objet la mission Enseignement scolaire, en s'inscrivant dans la logique des augmentations inscrites dans les deux lois de finances précédentes (+ 2,55 % en 2021 et + 2,47 % en 2022 3 ( * ) ) :
Programmes |
LFI 2022 (CP) milliards d'euros en gras : hors CAS |
PLF 2023 (CP) milliards d'euros structure courante en gras : hors CAS |
Évolution structure courante en gras : hors CAS |
enseignement scolaire public du premier degré (P. 140) |
24,204 15,595 |
25,667 4 ( * ) 16,677 |
+ 6,04 % + 6,9 % |
enseignement scolaire public du second degré (P. 141) |
34,609 23,303 |
36,455 5 ( * ) 24,715 |
+ 5,34 % + 6 % |
vie de l'élève (P. 230)
6
(
*
)
|
6,859 6,293 |
7,373 6,768 |
+ 7,5 % + 7,6 % |
enseignement privé des premier et second degrés (P. 139) |
7,996 7,953 |
8,468 8,422 |
+ 5,89 % + 5,9 % |
soutien de la politique de l'éducation nationale (P. 214) 7 ( * ) |
2,594 2,099 |
2,757 2,237 |
+ 6,28 % + 6,5 % |
TOTAL |
76,26 |
80,72 |
+ 5,8 % |
TOTAL HORS CAS |
55,245 |
58,821 |
+ 6,5 % |
Source : PAP 2023
Malgré ces efforts importants, des points de vigilance demeurent :
- la capacité de la revalorisation des rémunérations des enseignants prévue par le PLF 2023 à produire le « choc d'attractivité » attendu pour lutter contre des difficultés de recrutement très préoccupantes ;
- un schéma d'emploi négatif, certes cohérent avec les projections démographiques, mais qui interroge compte tenu des tensions constatées sur le terrain ;
- enfin, les contraintes pesant sur l'école inclusive, notamment en raison d'une insuffisance du nombre d'AESH dans le contexte d'une augmentation régulière des besoins.
A. LES ENSEIGNANTS : UN EFFORT DE REVALORISATION DES RÉMUNÉRATIONS QUI DOIT ETRE POURSUIVI DANS LA DURÉE
Les dépenses de personnels (53,212 milliards d'euros) représentent 90,5 % des crédits de la mission hors pensions.
Les mesures inscrites au projet de loi de finances pour 2023 succèdent à plusieurs années d'efforts qui ont permis au cours de la période une revalorisation indiciaire moyenne de 924 euros bruts annuels, hors régime indemnitaire 8 ( * ) .
En 2023, de nouvelles mesures seront consacrées aux revalorisations catégorielles des enseignants : le projet de loi de finances traduit ainsi la poursuite de la revalorisation des rémunérations engagée en 2021 lors du Grenelle de l'éducation 9 ( * ) .
La revalorisation salariale prévue pour 2023 vise à permettre qu'aucun enseignant ne débute sa carrière avec une rémunération nette inférieure à 2 000 euros par mois , conformément à l'annonce faite par le chef de l'État et le ministre de l'éducation nationale en août 2022, ce qui paraît indispensable dans le contexte des difficultés de recrutement auxquelles se heurte le ministère depuis plusieurs années et compte tenu du niveau de diplôme de ces personnels.
La dépense de 935 millions d'euros inscrite au PLF 2023 s'appuiera sur :
- une part inconditionnelle , mise en oeuvre à partir de la rentrée scolaire de 2023 : 635 millions d'euros pour quatre mois de rémunération, soit en année pleine, selon le ministère, 1,9 milliard d'euros ;
- une part facultative , en contrepartie de certaines missions effectuées dans le cadre d'un « pacte » : 300 millions d'euros sont à titre indicatif inscrits au PLF 2023 (une concertation avec les organisations représentatives des personnels précisera le contenu de cet axe de la revalorisation). Le coût réel de cette mesure dépendra du nombre d'enseignants qui participeront au « pacte » à titre volontaire.
Le ministre de l'éducation nationale, entendu par la commission de la culture le 8 novembre 2022, a fait valoir que cette part facultative devrait permettre de valoriser des missions qui, déjà réalisées par certains enseignants (comme le suivi individuel des élèves), ne sont pas à ce jour prises en compte dans les rémunérations.
Selon le rapporteur pour avis, il semble pertinent d'intégrer au périmètre du « pacte » la participation à des sessions de formation continue , dont les crédits connaissent une sous-consommation chronique, afin de faire en sorte que la formation continue donne lieu à rémunération .
Le PLF 2023 prévoit également, en vue de la revalorisation des rémunérations :
- 74 millions d'euros au titre de l'extension de l'indemnité de sujétion en éducation prioritaire aux AED, AESH et personnels médico-sociaux (l'enveloppe totale prévue au titre 2 pour cette prime s'élève à 459 millions d'euros ; 379 en LFI 2022) ;
- 66 millions d'euros de revalorisation pour les personnels sociaux et de santé, les personnels administratifs et techniques ainsi que les personnels d'encadrement ;
- 43,9 millions d'euros au titre de l'extension en année pleine des mesures de revalorisation engagées en 2022 10 ( * ) (dont la prime d'attractivité 11 ( * ) ) ;
- 17 millions d'euros destinés à la montée en puissance du taux de promotion à la classe exceptionnelle des professeurs 12 ( * ) , CPE et psychologues de l'éducation nationale 13 ( * ) (un million d'agents) dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » ( PPCR ), dont la mise en oeuvre a commencé en 2017.
Au total, les revalorisations destinées aux personnels de l'éducation nationale représenteront en 2023 une dépense importante, d'environ 1,135 milliard d'euros (hors hausse du point d'indice - 1,2 milliard d'euros - et GVT - 770 millions d'euros).
À ces mesures s'ajoute la revalorisation des crédits destinés aux rémunérations des AESH à hauteur de 10 % à partir de la rentrée de septembre 2023, soit 80 millions d'euros (dont 45 millions sur le titre 2), intégrée au PLF 2023 à l'initiative de l'Assemblée nationale.
S'agissant plus particulièrement des enseignants, le rapporteur salue les moyens mobilisés pour améliorer leur rémunération, tout en regrettant que cet effort n'ait pas été entrepris plus tôt : comme l'ont rappelé les représentants des syndicats rencontrés en septembre 2022 par le rapporteur pour avis, la rémunération moyenne des enseignants est du niveau de celle de personnels de catégorie B de la Police nationale, ce qui interroge pour des personnels de catégorie A.
Or le temps de travail déclaré par les enseignants est élevé compte tenu de ce niveau de salaire : selon une note de la DEPP publiée en octobre 2022, la moitié des enseignants déclare travailler 43 heures par semaine hors vacances scolaires, soit trois heures de plus que la médiane des cadres A de la fonction publique de l'État (40 heures), et consacrent à leur travail une part non négligeable de leurs congés 14 ( * ) .
Temps de travail déclaré par les enseignants
- Temps de travail médian : 43 heures (hors vacances scolaires) ;
- Temps total travaillé : entre 35 et 60 heures dans le premier degré, entre 33 et 65 heures dans le second degré ;
- 34 jours de travail pendant les congés scolaires.
La marge de progression est donc encore considérable : rappelons que le salaire médian des enseignants était en 2020, selon le Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire 2021-2022 , de 2 290 euros nets par mois , ce qui signifie que la moitié des enseignants reçoivent une rémunération inférieure à ce montant .
En ce qui concerne plus particulièrement les enseignants débutants , leur salaire net pendant leur première année d'exercice était seulement 15 ( * ) de :
- 1 961 euros pour un professeur d'école ;
- 2 056 euros pour un professeur certifié ;
- 2 072 euros pour un professeur d'EPS ;
- 2 130 euros pour un professeur de lycée professionnel ;
- 2 446 euros pour un professeur agrégé.
Par ailleurs, les carrières des enseignants se caractérisent par un déroulement lent : la majorité des enseignants relèvent de la classe normale (78,5 % pour le premier degré ; 64,6 % pour le second degré). L'accès à la hors classe est tardif (53-55 ans) ; ce grade ne concerne que 16 % des professeurs d'école et 30 % des enseignants du second degré (27 % des agrégés et des certifiés, 28,3 % des professeurs d'éducation physique et sportive, 30 % des professeurs de lycée professionnel).
Quant à la classe exceptionnelle , elle reste très contingentée : 6 % des professeurs d'école ; 7,5 % des enseignants du second degré (6,7 % des agrégés, 7,8 % des certifiés et des PLP, 7 % des PEPS).
Selon M. Pap Ndiaye, les moyens dédiés à l'amélioration de l'accès à ces grades (17 millions d'euros en 2023) montrent que les actuelles mesures de revalorisation, plus particulièrement ciblées sur les jeunes enseignants, n'oublient pas les enseignants en fin de carrière. Toutefois, si ces moyens contribuent dans une certaine mesure à la revalorisation de la situation des enseignants (qu'il s'agisse de leur rémunération ou de leur retraite), cet effort ne concerne qu'un nombre très réduit de professeurs .
Répartition des corps enseignants,
fonctionnaires du secteur public,
en fonction de leur grade en
2021-2022
Aussi est-il probable que la revalorisation inscrite dans le PLF 2023 ne soit pas à la mesure du « choc d'attractivité » attendu : cet effort devra donc impérativement se poursuivre plusieurs années avant de trouver une traduction concrète en termes de pouvoir d'achat susceptible d'attirer les jeunes vers ce métier . Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a d'ailleurs reconnu, lors de son audition, la nécessité d'un « travail de longue haleine » pour que ces efforts inversent la tendance actuelle.
Le rapporteur pour avis sera donc particulièrement attentif aux effets concrets de la revalorisation actuellement mise en oeuvre et à la poursuite effective de celle-ci dans la durée, même s'il est conscient que l'insuffisante attractivité du métier d'enseignant tient à des causes diverses, dont le faible niveau des rémunérations ne constitue qu'un aspect .
B. UN SCHÉMA D'EMPLOI NÉGATIF COHÉRENT EN PRINCIPE AVEC LES PROJECTIONS DÉMOGRAPHIQUES, MAIS UNE FRAGILITÉ POTENTIELLE LIÉE À DES MOYENS HUMAINS EN TENSION
Le schéma d'emplois prévoit la suppression de quelque 2 000 postes d'enseignants en 2023 (1 100 dans le premier degré et 480 dans le second degré publics ; 500 dans l'enseignement privé sous contrat). Cette mesure s'inscrit dans le contexte de projections démographiques prévoyant dans les prochaines années une baisse sensible du nombre d'élèves , conséquence de l'évolution du nombre des naissances pendant la période récente.
Le système scolaire perdra en effet dans les années à venir environ 100 000 élèves par an.
Dans le premier degré 16 ( * ) , la baisse concerne :
- 76 581 élèves entre 2021 et 2022 ;
- 91 242 élèves entre 2022 et 2023 ;
- 76 530 élèves entre 2023 et 2024 ;
- 71 567 élèves entre 2024 et 2025 ;
- 56 436 élèves entre 2025 et 2026.
Dans le second degré , la diminution des effectifs s'accélère à partir de 2024, plus particulièrement au collège :
- 12 271 en 2021 (dont - 6 859 pour le collège) ;
- 5 100 en 2022 (dont - 7 200 pour le collège) ;
- 4 700 en 2023 (dont - 17 400 pour le collège) ;
- 22 200 en 2024 (dont - 20 200 pour le collège) ;
- 23 500 en 2025 (dont - 26 200 pour le collège) ;
- 41 800 en 2026 (dont - 27 800 pour le collège).
Selon le ministère 17 ( * ) , les suppressions d'emplois devraient atteindre 5 000 postes si elles répercutaient l'intégralité de la baisse démographique. En les limitant à 2 000 postes, le PLF tire les conséquences des projections démographiques tout en préservant la poursuite de l'amélioration du taux d'encadrement (dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire ; plafonnement à 24 élèves des classes de grande section, CP et CE1 dans l'ensemble des écoles). L'objectif est de faire passer le taux d'encadrement de 21,6 enfants en moyenne par classe en 2022 à 21,3 élèves en 2023 18 ( * ) .
Selon le rapporteur pour avis, malgré ces assurances, les suppressions d'emplois interrogent dans le contexte actuel de vives tensions sur les moyens humains , aggravées par les difficultés de recrutement observées en 2022 (1 686 postes non pourvus à l'issue des derniers concours dans le premier degré ; 2 070 dans le second degré) qui ont conduit à un recours accru aux personnels contractuels.
Dans les territoires où le manque d'enseignants est particulièrement aigu, on peut anticiper des tensions sur les compléments de service, notamment sur les décharges de direction. De plus, cette situation, susceptible de conduire à affecter des titulaires remplaçants sur des postes vacants, est de nature à fragiliser les moyens mobilisables pour des remplacements de courte durée , avec des conséquences préoccupantes sur la capacité du système à réagir en cas de congés maladie. On peut également craindre des contraintes accrues en termes de participation des enseignants à des sessions de formation continue , alors même que ces crédits sont caractérisés par une sous-consommation chronique . Or le renforcement de la formation continue, qui faisait partie des engagements du Grenelle, constitue, à juste titre, l'une des priorités du ministère 19 ( * ) , que traduisent l'élaboration, en février 2022, d'un schéma directeur rénové pour 2022-2025 et la mise en place d'écoles académiques de formation continue dans toutes les académies à la rentrée 2022-2023.
C. L'ÉCOLE INCLUSIVE : UNE AUGMENTATION RÉGULIÈRE DU NOMBRE D'ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP ; DES MOYENS INSUFFISANTS MALGRÉ DE RÉELS EFFORTS
À la rentrée de 2021, on comptait 409 409 élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire 20 ( * ) (dont 7 800 élèves présentant des troubles de la fonction auditive) :
- 212 441 dans le premier degré (en 2021, le handicap concernait 3,4 % des élèves du premier degré) ;
- 196 968 dans le second degré .
De plus, 90 100 jeunes malades ou en situation de handicap ont été accueillis et scolarisés en 2021-2022 dans des structures médico-sociales ou hospitalières, dont 79 772 de manière durable.
Le nombre des élèves en situation de handicap était de 430 000 à la rentrée de 2022 , soit une augmentation très nette par rapport aux 225 653 élèves scolarisés en milieu ordinaire en 2012-2013 (185 000 en 2006).
Les effectifs d'élèves en situation de handicap scolarisé en milieu ordinaire (classe ordinaire ou unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) 21 ( * ) croissent en effet régulièrement :
- + 6,9 % par an environ en moyenne depuis 2012 ;
- + 81,5 % entre 2012 et 2021, soit + 183 846 élèves pendant la période .
Malgré des prévisions démographiques à la baisse, en lien avec le déclin de la natalité, les projections font état d'un besoin croissant en ULIS : + 2 % par an (1 100 élèves au moins à accueillir en plus chaque année) .
Des moyens substantiels sont consacrés à l'école inclusive :
- près de 1 300 nouveaux dispositifs ULIS ont été créés depuis 2017 (300 dans le premier degré ; 1 000 dans le second degré) ;
- 10 272 dispositifs ULIS étaient opérationnels à la rentrée de 2022 (303 de plus qu'en 2021) ; l'effort porte principalement sur le second degré (224 nouveaux dispositifs ULIS) ;
- dans le PLF 2023, 2,475 milliards d'euros 22 ( * ) sont dédiés, au sein du programme 230, à l'inclusion des élèves en situation de handicap (en AE et CP), dont 1,35 milliard au titre des dépenses de personnel (titre 2) ;
- l'effort global est estimé par le ministère à 3,86 milliards d'euros , en intégrant la rémunération des personnels spécialisés.
Malgré ces efforts, les besoins ne sont pas couverts : le taux de couverture des notifications d'affectation en ULIS était de 85 % en 2021 dans le premier degré ; de 86 % dans le second degré, en lien non seulement avec l'augmentation régulière du nombre d'élèves en situation de handicap, mais aussi avec la hausse (+ 8,6 % entre 2019 et 2021) des notifications d'affectation en ULIS par les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) , qu'illustre le tableau ci-dessous. Selon le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, entendu par la commission le 8 novembre 2022, cette hausse appelle une « remise à plat » des critères de notification.
Notifications d'affectation en ULIS par les CDAPH
Notifications d'affectation |
2019 |
2020 |
2021 |
Augmentation 2019/2021 |
Premier degré |
53 380 |
53 948 |
54 734 |
+ 2,5 % |
Second degré |
49 716 |
54 988 |
57 303 |
+ 15,2 % |
Total |
103 096 |
108 936 |
112 037 |
+ 8,6 % |
Source : commission de la culture d'après le PAP 2023
De plus, certains élèves ne pouvant être accueillis en établissements médico-sociaux , faute de places disponibles, sont affectés en ULIS, ce qui réduit le nombre de places en ULIS pour les élèves qui devraient en bénéficier, mais que l'on est contraint de scolariser en classe ordinaire. Ce constat, qui vaut pour le premier et le second degrés, complique l'anticipation des besoins au moment de la préparation de la carte scolaire.
Se pose en outre le manque d'AESH , qui affecte la scolarité des élèves en condition de handicap : 56 % seulement en moyenne des élèves en situation de handicap bénéficient d'un accompagnement humain (67 % dans le premier degré ; 45 % dans le second degré).
Ainsi, 44 % des élèves en situation de handicap ne disposent pas accompagnement : un tiers dans le premier degré ; plus de la moitié dans le second degré.
À titre d'exemple, pour la seule académie de Versailles, le besoin en AESH était estimé à 700 à la rentrée de 2022. Lors de l'audition de M. Pap Ndiaye, notre collègue Marie-Pierre Monier a évoqué la question du recours de certaines familles à des accompagnants privés recrutés notamment dans le cadre associatif, faute de pouvoir disposer de l'accompagnement d'un AESH, et a noté à juste titre, entre autres conséquences, le risque d'une rupture d'égalité entre les élèves.
4 000 postes d'AESH sont créés dans le PLF pour 2023. Ces nouveaux postes seront financés sur le titre 2. En ETPT, les effectifs passeront donc de 78 835 23 ( * ) (LFI 2022) à 82 835 24 ( * ) (PLF 2023) ; en 2022, 123 874 personnes physiques exerçaient en tant qu'AESH 25 ( * ) .
Des efforts récents ont certes été entrepris pour améliorer les conditions d'exercice des AESH et revaloriser leur statut et leur rémunération 26 ( * ) . Ainsi, à la rentrée de 2023, les AESH exerçant en REP et REP+ bénéficieront de l'extension de l'indemnité versée aux personnels affectés en éducation prioritaire (coût de la mesure : 43 millions d'euros). De plus, 261 millions d'euros seront consacrés à la « CDIsation » des AESH qui seront ainsi rémunérés sur le titre 2. En outre, le Gouvernement souhaite réduire les temps partiels contraints qui amplifient la faiblesse de la rémunération de ces personnels .
En effet, cette profession reste marquée par une précarité certaine , qui la rend peu attractive et contribue à l'insuffisance de l'accompagnement des élèves en situation de handicap, alors même que l'on constate une augmentation régulière des prescriptions d'accompagnement humain par les CDAPH (+ 12,6 % entre décembre 2020 et décembre 2021).
L'amélioration de l'accompagnement des élèves en situation de handicap et de la situation des AESH passe, entre autres questions, par la résolution des difficultés liées à la prise en charge du temps périscolaire et à l'accès aux services de restauration scolaire pendant la pause méridienne , qui n'est pas sans conséquence sur les conditions de la scolarisation des élèves dont l'accompagnement est nécessaire toute la journée.
Selon le Conseil d'État, la prise en charge des AESH relève des collectivités territoriales lorsqu'elles organisent un service de restauration ou des activités complémentaires des activités de formation. En revanche, il incombe à l'État de déterminer avec la collectivité territoriale qui organise ce service et ces activités « si et, le cas échéant, comment cette même personne peut intervenir auprès de l'enfant durant ce service et ces activités, de façon à assurer, dans l'intérêt de l'enfant, la continuité de l'aide qui lui est apportée » 27 ( * ) .
Notons que les AESH peuvent être recrutés conjointement par l'État et par la collectivité territoriale , ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 917-1 du code de l'éducation, dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
La question du financement et de la mise à disposition des AESH sur le temps de restauration et d'accueil périscolaire fera l'objet, au cours de la présente session, d'une mission d'information de la commission de la culture qui ne manquera pas d'éclairer un aspect essentiel de l'école inclusive.
Par-delà cette réflexion sur l'organisation de la prise en charge du travail des AESH, l'ampleur des besoins d'accompagnement non satisfaits souligne la nécessité de poursuivre l'effort de revalorisation de la rémunération des accompagnants au-delà du budget de 2023.
Dans cet esprit, l'augmentation de 80 millions inscrite dans le projet de loi de finances transmis par l'Assemblée nationale , qui résulte d'un amendement validé par le Gouvernement, devrait permettre une augmentation de 10 % environ de la rémunération de ces personnels en année pleine, en incluant les primes REP et REP+.
II. ENVIRON 20 000 ÉLÈVES UKRAINIENS SCOLARISÉS EN FRANCE À LA RENTRÉE DE 2022
Votre rapporteur a souhaité faire le point sur l'accueil d'élèves ukrainiens en France depuis le début de la guerre.
Dès le 3 mars 2022, dans les premiers jours du conflit, le ministère de l'éducation nationale a mis en place une cellule nationale chargée du suivi et de la coordination des questions liées à cette situation, les académies ayant été invitées à constituer une cellule Ukraine et à désigner un référent.
Les élèves déplacés d'Ukraine bénéficient d'une protection temporaire au titre de laquelle ils « ont accès au système éducatif dans les mêmes conditions que les ressortissants de l'État membre d'accueil » 28 ( * ) . Ils ont donc vocation à bénéficier, dans les mêmes conditions que les autres élèves, des aides à la scolarité, notamment des bourses et fonds sociaux.
A. UNE PRÉSENCE CONCENTRÉE SUR LE PREMIER DEGRÉ ET LE COLLÈGE ET SUR CERTAINES ACADÉMIES
Au 30 juin 2022, 18 832 élèves déplacés d'Ukraine étaient scolarisés en France ; 19 236 au 27 septembre 2022 (+2 % entre juin et septembre).
Le tableau ci-dessous montre la forte proportion d'écoliers et de collégiens par rapport aux lycéens, ce qui reflète la composition sociologique de la population ukrainienne réfugiée, constituée en majorité de femmes et de jeunes enfants et adolescents.
30 juin 2022 |
27 septembre 2022 |
|
Élèves ukrainiens accueillis en France |
18 832 |
19 236 |
maternelle |
19 % |
16 % |
école élémentaire |
39 % |
39 % |
collège |
32 % |
33 % |
lycée |
10 % |
12 % |
Les académies principalement concernées par l'accueil d'élèves ukrainiens sont Nice et Versailles ainsi que, dans une moindre mesure, Grenoble, Montpellier, Bordeaux et Aix-Marseille.
B. UN ACCOMPAGNEMENT EN PRINCIPE TEMPORAIRE, QUI PRÉSERVE LES LIENS AVEC LE SYSTÈME ÉDUCATIF UKRAINIEN
Parallèlement au cursus suivi dans les classes ordinaires, les élèves ukrainiens bénéficient d'un accompagnement renforcé en français , soit par une prise en charge en UPE2A (unité pédagogique pour les élèves allophones nouvellement arrivés), soit en suivant des modules de FLS (français langue seconde). Leur sont également accessibles les formations en ligne de français langue étrangère élaborées par le CNED (Centre national d'enseignement à distance), en complément de l'accompagnement mis en place au sein des établissements. Au 23 juin 2022, 462 élèves ont été inscrits à cette formation en ligne.
À l'attention des équipes qui accueillent ces enfants, une formation a été mise à la disposition des enseignants sur la plateforme M@gistère, dispositif destiné à tous les personnels de l'éducation nationale.
Une partie du dispositif Ouvrir l'école aux parents pour la réussite des élèves vise à favoriser l'intégration des parents en les impliquant dans la scolarité de leur enfant. Des ateliers leur sont ainsi proposés dans des domaines divers : apprentissage du français ; appréhension des valeurs de la République ; connaissance du fonctionnement et des attentes de l'école vis-à-vis des élèves et des parents.
Par ailleurs, le maintien d'un lien avec le système éducatif ukrainien souligne la spécificité de l'accueil des élèves ukrainiens 29 ( * ) . Il répond à une demande du ministère ukrainien de l'éducation.
Les académies ont été invitées à recruter au moins un enseignant réfugié pour accompagner les élèves. Au mois de juin 2022, plus de 90 enseignants étaient recrutés ou en cours de recrutement dans les académies avec pour mission d'enseigner le français langue seconde, de favoriser le bien-être et la socialisation des élèves, de faire le lien avec les parents et l'équipe pédagogique et d'aider les élèves souhaitant maintenir le lien avec le système scolaire ukrainien.
Une page bilingue français-ukrainien a été publiée sur Éduscol pour faire connaître les ressources mises en ligne par le ministère de l'éducation ukrainien.
De plus, au mois de juin 2022, les élèves volontaires ont eu la possibilité de s'inscrire à des classes virtuelles de langue et culture ukrainiennes. Ces cours en ligne se sont déroulés sur le temps périscolaire et étaient animés par les enseignants réfugiés recrutés dans les académies. Pour 283 élèves inscrits (du CP à la terminale), 18 enseignants ont participé à ces séances.
C. LES ÉLÈVES UKRAINIENS EN FRANCE : UN NIVEAU EN MATHÉMATIQUES QUI CONFIRME DES QUESTIONNEMENTS SUR LA QUALITÉ DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS
Le ministre de l'éducation nationale l'a fait observer dans un entretien publié en septembre 2022 par le média spécialisé AEF info : « Nous accueillons environ 20 000 élèves ukrainiens en cette rentrée et ils ont un an d'avance en mathématiques » 30 ( * ) .
Par-delà la question de l'organisation de l'accueil des élèves ukrainiens en France, cette remarque souligne l'importance du plan mathématique inspiré par la baisse du niveau global des élèves français dans cette discipline, qu'ont fait apparaître les résultats des évaluations internationales (PISA et TIMSS), préoccupants pour la France. Cette question essentielle a fait l'objet d'un rapport d'information particulièrement éclairant de la commission des finances 31 ( * ) .
Ces constats convergents confirment l'urgence d'une action énergique pour redresser le niveau de nos élèves dans cette discipline où le système français a longtemps excellé.
III. UNE RENTRÉE 2022 MARQUÉE PAR DES DIFFICULTÉS ACCRUES EN MATIÈRE DE RECRUTEMENT D'ENSEIGNANTS
A. UNE AUGMENTATION SENSIBLE DU NOMBRE DE POSTES NON POURVUS À L'ISSUE DES CONCOURS DE 2022
Qu'il s'agisse du premier ou du second degré, les chiffres clés des concours de 2022 traduisent :
- une diminution problématique du nombre de candidats par rapport au nombre de postes ouverts : -46 % dans le premier degré ; -13 % dans le second degré ;
- une augmentation considérable du nombre de postes non pourvus (dans le second degré, leur nombre a plus que doublé ; il a été multiplié par 6,6 dans le premier degré) et, en parallèle, une baisse du rendement des concours 32 ( * ) .
Ils montrent aussi une réduction nette du taux de candidature (candidats présents/postes ouverts) qui reflète la sélectivité du concours (dans le premier degré, on est passé de 3,4 candidats présents par poste en 2021 à 1,8 en 2022 ; dans le second degré l'évolution est moins sensible : 3,5 en 2022 au lieu de 4,5 en 2021).
Le tableau ci-dessous montre l'ampleur des difficultés de recrutement rencontrées par l'enseignement public, dans le premier degré comme dans le second degré.
Chiffres-clé des concours des premier et second
degrés -
enseignement public - évolution 2021-2022 -
tous concours confondus
Source : commission de la culture à partir des chiffres de la DEPP ( Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire - 2021-2022 , octobre 2022) et de la DGRH (septembre 2022)
Premier degré |
Second degré |
|||
2021 |
2022 |
2021 |
2022 |
|
Postes ouverts |
9 999 |
9 951 |
12 840 |
13 690 33 ( * ) |
Candidats inscrits |
104 761 |
55 876 |
104 329 |
90 288 |
Candidats présents aux épreuves écrites |
34 162 |
18 372 34 ( * ) |
57 206 |
47 909 |
Taux de candidature (candidats présents/postes ouverts) en % |
3,4 |
1,84 |
4,5 |
3,5 |
Admis |
9 745 |
8 265 35 ( * ) |
12 029 |
11 620 36 ( * ) |
Taux de réussite (candidats admis/présents) en % |
28,5 |
44,9 |
21 |
24 |
Taux de couverture 37 ( * ) (candidats admis/postes ouverts) en % |
97,5 |
83 |
93,7 |
84,8 |
Postes non pourvus 38 ( * ) |
254 |
1 686 |
811 |
2 070 |
Selon le secrétaire général de l'enseignement catholique, l'enseignement privé sous contrat n'a pour sa part pas connu ces difficultés en 2022 et le rendement des concours externes y serait resté stable à 95 %, qu'il s'agisse du premier ou du second degré 39 ( * ) .
On comptait 3 756 postes non pourvus dans les premier et second degrés à l'issue des concours de 2022, soit trois fois plus qu'en 2021 (1 065).
Dans le premier degré, les 1 686 postes non pourvus représentent 16,9 % des postes ouverts (2,54 % en 2021).
Dans le second degré, les 2 070 postes non pourvus représentent 15,1 % des postes ouverts (6,3 % en 2021).
Les difficultés de recrutement sont plus ou moins sensibles selon les disciplines et les académies :
- Dans le second degré , des disciplines sont particulièrement « en tension » (histoire-géographie, physique-chimie, économie-gestion, anglais, éducation musicale, sciences industrielles de l'ingénieur et « lettres-histoire »). En outre, à l'issue des concours de 2022 , certaines disciplines affichent un taux de couverture des besoins problématique : les lettres classiques (57 % seulement des postes pourvus), l'allemand (55 %), la physique-chimie (66,7 %) et les mathématiques (68,5 %). Les académies de Créteil, Versailles, Guyane et Mayotte sont celles qui connaissent les situations les plus critiques. En outre, lors de l'audition du ministre de l'éducation nationale, le 8 novembre 2022, notre collègue Elsa Schalck a évoqué le déficit de professeurs d'allemand en Alsace, malgré une forte demande de classes bilingues dans ce territoire ;
- Dans le premier degré , les difficultés se sont concentrées sur les concours externes des académies de Créteil (1 079 postes et 419 admis au premier concours ; 500 postes et 214 admis au concours supplémentaire) et de Versailles (1 430 postes et 424 lauréats au premier concours ; 200 postes et 200 admis au concours supplémentaire), où les besoins de recrutement sont forts et qui n'ont pu pourvoir le nombre de postes ouverts aux concours. La même remarque vaut, à un moindre degré, pour l'académie de Paris (219 postes ; 157 admis).
Dans leur majorité toutefois, les autres académies ont pu recruter par le concours externe un nombre de candidats correspondant au nombre de postes ouverts au concours 40 ( * ) .
Pour limiter les difficultés de recrutement propres à la rentrée de 2022, les académies ont été autorisées à faire appel aux listes complémentaires pour compenser les postes non pourvus par concours (ou les renonciations au bénéfice du concours) et pour pourvoir les postes vacants .
Mais l'apport des listes complémentaires a été très insuffisant par rapport aux besoins (dans l'académie de Versailles, il n'y avait pas d'inscrit sur la liste complémentaire du premier concours externe, en raison du faible rendement de celui-ci) :
- dans le premier degré, au 9 septembre 2022, 870 personnes ont ainsi été appelées, ce qui représente environ la moitié (51,6 %) des 1 686 postes non pourvus du premier degré (restaient ainsi 816 postes à pourvoir) ;
- dans le second degré , les 220 lauréats inscrits sur les listes complémentaires ont été appelés en juin 2022, soit seulement 10 % des 2 070 postes non pourvus (nombre de postes à pourvoir après recours aux listes complémentaires : 1 850).
Focus sur le CRPE 2022 dans l'académie de Versailles
Dans l'académie de Versailles , le CRPE 2022 a attiré un nombre particulièrement bas de candidats, tous concours confondus (externe, interne, 3 e concours, concours supplémentaire). Le nombre d'admis (919) représentent seulement 57 % des besoins. En conséquence du faible nombre de lauréats, le recours à la liste complémentaire y a été très limité (aucun poste pour le premier concours externe).
Concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE) en 2022 - Académie de Versailles
Focus sur le CRPE 2022 dans l'académie de Toulouse
Dans l'académie de Toulouse , tous les lauréats inscrits sur la liste complémentaire du concours externe du CRPE ont pu être recrutés 41 ( * ) , soit 68 personnes. Dans le premier degré, la liste complémentaire n'a toutefois permis de couvrir qu'un peu plus d'un quart de besoins évalués à 260 postes, après concours et mouvement inter-académique.
Compte tenu des excellents résultats du CRPE dans l'académie, un plus large recours à la liste complémentaire aurait pu permettre de combler davantage de besoins sans dégrader la qualité du recrutement. En effet, le dernier lauréat a été reçu avec une moyenne de 13/20 ; la moyenne des 68 candidats de la liste complémentaire était comprise entre 12/20 et 13/20, soit nettement plus que dans d'autres académies 42 ( * ) où le recours à la liste complémentaire peut être subordonné à des préoccupations de niveau.
B. UN EFFET MÉCANIQUE DES NOUVELLES CONDITIONS DE DIPLÔME EXIGÉES POUR CONCOURIR ?
La crise de recrutement observée dans l'enseignement public pourrait s'expliquer, de manière conjoncturelle, par le tarissement du vivier de candidats imputable à l'entrée en vigueur de nouvelles conditions d'inscription aux concours externes d'accès aux corps enseignants et d'éducation 43 ( * ) , les candidats devant désormais soit être inscrits en deuxième année de master, soit détenir un master, de sorte qu' au moment de leur nomination comme stagiaires dans les corps concernés, les lauréats soient titulaires d'un master 44 ( * ) . Pour les étudiants inscrits en master MEEF, les concours sont décalés d'une année et se passent donc en fin de M2 et non plus en fin de M1.
Il en est résulté, pour cette première année d'application, une baisse du nombre de candidats aux concours externes de 2022 qui, dans le premier comme dans le second degré, a amplifié les difficultés de recrutement observées depuis plusieurs années. Selon le ministère, ce tarissement du vivier de candidats pourrait être une conséquence mécanique des nouvelles règles d'inscription aux concours. Dans cette logique, ses effets devraient être provisoires et un rattrapage est attendu en 2023, lorsque les étudiants qui étaient en M1 en 2021-2022 seront en mesure de concourir.
On peut toutefois craindre que les statistiques de 2022 reflètent une baisse d'attractivité qui va au-delà des conditions d'accès au concours :
- d'une part, la nouvelle exigence de niveau de diplôme rendue effective en 2022 pourrait, dans le contexte économique actuel plus favorable à certains emplois, renforcer la concurrence exercée par des secteurs d'activité susceptibles de proposer à des titulaires de master 2 - a fortiori dans les disciplines scientifiques et techniques qui sont actuellement en tension - des salaires autrement plus attractifs que l'enseignement ;
- d'autre part, les effectifs d'étudiants inscrits en master MEEF et se destinant à l'enseignement ont baissé entre 2017 et 2021 45 ( * ) (pour le premier degré : 28 448 étudiants en 2017 ; 25 184 en 2021 soit -11 % ; pour le second degré : 24 963 étudiants en 2017 ; 23 568 en 2021 soit -5,6 %), ce qui souligne le déclin du vivier potentiel même si de nombreux enseignants ne sont pas issus de ces formations (voir infra ).
Les concours de 2023 seront donc décisifs pour apprécier la portée de la crise observée en 2022. Le rapporteur pour avis y sera attentif .
Or le report de deux semaines de la date limite d'inscription aux divers concours de 2023 (2 décembre 2022 au lieu du 18 novembre) pour « permettre à un maximum de candidats de s'inscrire » 46 ( * ) semble confirmer la persistance de difficultés à attirer suffisamment de candidats .
C. LE RECOURS AUX ENSEIGNANTS CONTRACTUELS ET SES LIMITES
Les résultats des concours de 2022 ont entraîné dans les mois précédant la dernière rentrée des classes un recours accru aux enseignants contractuels. Cette tendance est toutefois largement antérieure à 2022 : la Cour des comptes constatait en 2018 une augmentation régulière du recours à ces personnels (+15 % entre 2014-2015 et 2016-2017), en lien avec les postes non pourvus par les concours ) 47 ( * ) .
En 2021-2022, on comptait 40 521 enseignants non-titulaires dans les premier et second degrés du secteur public, soit 37 571 ETP. La part des non-titulaires parmi les enseignants du public est nettement plus importante dans le second degré (4,8 % des effectifs en 2021-2022) que dans le premier degré (0,6 % des effectifs) 48 ( * ) , où toutefois le nombre de non-titulaires progresse toutefois nettement depuis quelques années .
Le nombre de contractuels a ainsi augmenté de 80 % entre 2016-2017 et 2020-2021 , selon le bilan des mesures éducatives de la période 2017-2022 effectué par nos collègues Annick Billon, Max Brisson et Marie-Pierre Monier 49 ( * ) .
Selon la Cour des comptes, la montée en puissance de ces personnels a été « précoce et rapide » dans l'académie de Créteil où, dans le premier degré, « Le besoin devient structurel en 2011-12, sous l'effet conjugué de plusieurs facteurs : démographie scolaire dynamique, manque d'attractivité d'une académie à forte proportion d'éducation prioritaire et à résultats scolaires dégradés, déperdition constante des PE (professeurs d'école) nouvellement recrutés, proportion élevée de postes vacants et fort absentéisme » 50 ( * ) .
Conditions de diplôme auxquelles est soumis le recrutement des agents contractuels pour exercer des fonctions d'enseignement 51 ( * ) :
- les candidats doivent remplir les conditions de diplôme exigées des candidats aux concours internes de recrutement des corps concernés (diplôme sanctionnant trois années d'études après le baccalauréat) ;
- pour les disciplines d'enseignement professionnel et technologique, les candidats doivent justifier d'une activité ou d'une pratique professionnelle nécessaire pour se présenter aux concours internes de recrutement de ces corps.
Dans le premier degré et le second degré, dans les disciplines d'enseignement général ou technologique, il est possible, en l'absence de candidats justifiant des conditions de diplôme ci-dessus, de recruter à titre exceptionnel des agents contractuels exerçant des fonctions d'enseignement parmi les candidats justifiant d'un titre ou d'un diplôme sanctionnant au moins deux années d'études après le baccalauréat ou ayant validé une deuxième année de licence.
Dans le premier degré, un arrêté du 2 février 2012 délègue au recteur d'académie le pouvoir de recruter des agents contractuels exerçant des fonctions d'enseignement.
Dans le premier degré , les enseignants contractuels excèdent 3 000 ETP depuis 2018-2019. On constatait 6 140 ETP de professeurs d'école contractuels en avril 2022 , en forte augmentation par rapport à 2021 (4 282 ETP 52 ( * ) ). Pour mémoire, le nombre de professeurs d'école contractuels était de 857 en 2011-2012 (707 ETP) ; de 2 420 en 2016-2017 53 ( * ) .
L'augmentation des effectifs est donc sensible ; le recours aux contractuels a encore été renforcé en 2022. Les principales académies faisant appel à des professeurs d'école contractuels sont Créteil (828 ETP en 2020-2021, 982 en 2021-2022), Mayotte (718 ETP en 2020-2021, 805 en 2021-2022) et Versailles (521 en 2020-2021, 679 en 2021-2022).
Dans le second degré , la diversité des spécialités enseignées (plus de 300) contribue à expliquer le besoin d'enseignants contractuels, par-delà la non-saturation de certains concours.
Les professeurs contractuels y ont représenté, en 2021, quelque 27 900 ETP (27 344 en 2020 54 ( * ) ). Leur effectif dépasse 25 000 ETP depuis 2017 (26 387). Les principales académies employeuses étaient, en 2021 : Versailles, Créteil, Bordeaux, Lille, Grenoble, Lyon, Paris, Nancy-Metz, Aix-Marseille, Nantes, Orléans-Tours et Toulouse. Deux tiers environ de ces enseignants interviennent dans des disciplines de l'enseignement général (anglais, technologie, lettres modernes, histoire-géographie, mathématiques, espagnol, sciences physiques et chimiques, EPS, et.) 55 ( * ) ; un tiers environ exerce dans l'enseignement professionnel (éco-gestion commerce et vente, lettres-histoire-géographie, maths-sciences physiques, biotechnologies-santé-environnement...).
La Cour des comptes relevait par ailleurs en 2018 que les enseignants contractuels représentaient en 2016-2017 6% des enseignants de collège, leur présence étant plus importante dans les collèges de REP+ où ils représentaient 13,5% des enseignants .
Le recrutement de personnels contractuels a été anticipé en amont de la rentrée de 2022 pour réagir aux résultats des concours : ceux qui étaient déjà employés dans le premier degré en 2021-2022 ont vu leur contrat prolongé jusqu'au 31 août, et leur engagement au titre de l'année scolaire en cours est intervenu avant la rentrée.
Cette politique proactive de recrutement d'enseignants contractuels en vue de la rentrée de 2022 a été largement relayée par la presse sous le terme de « rendez-vous de recrutement », notamment dans les académies de Versailles et de Toulouse.
Focus sur le recrutement des contractuels dans l'académie de Versailles en 2022
Dans l'académie de Versailles, le nombre de postes non pourvus à l'issue des concours du CRPE de 2022 explique une politique volontariste de recrutement de contractuels en amont de la rentrée, dans cette académie où sont scolarisées 9,5 % des élèves des premier et second degrés et qui est par ailleurs le premier employeur d'Ile-de-France (102 000 personnes). L'académie a travaillé à cette campagne de recrutement avec les acteurs de l'emploi (Pôle emploi, APEC, universités) afin d'atteindre des publics nouveaux : renouvellement des fiches de postes, mise en ligne de vidéos...
L'effectif d'enseignants contractuels s'établissait en octobre 2022 à 5 074 56 ( * ) :
- 1 147 pour le premier degré ;
- 3 927 pour le second degré.
Nombre de contractuels recrutés en vue de la rentrée de 2022 :
- 607 dans le premier degré (pour mémoire, 624 professeurs d'école ont été recrutés à l'issue des eux concours externes de 2022, hors liste complémentaire : le recrutement de contractuels dans le premier degré représente donc approximativement l'équivalent de deux concours) ;
- 359 dans le second degré.
Organisation des rendez-vous de recrutement 57 ( * ) :
- quatre journées de rencontres (une par département) entre le 30 mai et le 3 juin 2022 ;
- près de 1 000 visiteurs : principalement des personnes en reconversion et des jeunes déjà motivés par l'enseignement (candidats malheureux aux concours, par exemple) ;
- environ 601 primo-entretiens (417 avis favorables, 184 avis défavorables) ;
- disciplines ayant suscité le plus de candidatures : éco-gestion, mathématiques et anglais (en lien avec des projets de reconversion).
Focus sur le recrutement des contractuels dans l'académie de Toulouse en 2022
Dans cette académie attractive, le recrutement des professeurs d'école a été affecté par les difficultés constatées en 2022.
Le nombre de candidats était supérieur à 4 800 depuis 2018 et s'élevait à 5 887 en 2021. Il est passé à 3 066 en 2022 soit une baisse de 48 %). La même observation vaut pour le nombre de présents à l'écrit (1 002 en 2022 au lieu de 1 579 en 2021).
260 postes étaient ouverts aux différents concours ; 285 lauréats ont été admis (356 en intégrant la liste complémentaire appelée).
Dans le premier degré, les besoins en contractuels sont plus importants dans le département de Haute Garonne, qui comprend à lui seul près de la moitié de la population de l'académie (celle-ci comporte huit départements et constitue la plus vaste académie de France).
Dans le second degré, les matières en tension concernent notamment les disciplines suivantes : technologie, anglais, physique-chimie, lettres, éco-gestion, espagnol... ; les besoins dans ces disciplines sont constatés dans tous les départements.
Le besoin en enseignants contractuels, après concours et mouvements, a été évalué en 2022 à :
- 260 dans le premier degré ;
- 1 100 dans le second degré ;
- soit un total de 1 360 qui pourrait s'élever jusqu'à 1 800 en cours d'année scolaire en fonction des besoins de remplacement (congés maladies, départs en retraite ou participation à des formations).
Les journées de recrutement organisées en amont de la rentrée de 2022 ont attiré 256 candidats ; 105 candidatures ont été retenues à l'issue de ces rendez-vous. Les enseignants ainsi recrutés présentent, selon les informations transmises au rapporteur, des profils intéressants qui devraient constituer des atouts pour l'enseignement en encourageant une diversité de parcours.
Cette procédure n'a toutefois pas permis de couvrir la totalité des besoins de l'académie : si le jour de la rentrée toutes les classes étaient ouvertes dans le premier degré, dans le second degré 91 ETP n'étaient pas couverts (0,5 % des postes), ce qui représente toutefois, sur un plan strictement quantitatif, une amélioration par rapport à 2021 (plus de 300 ETP).
Comme le soulignait à juste titre la Cour des Comptes dans son rapport précité, « Les enseignants contractuels ne peuvent plus être considérés comme une simple variable d'ajustement . Ils n'assurent plus uniquement la régulation d'un déséquilibre temporaire entre les besoins en enseignement des établissements et la disponibilité des enseignants titulaires. Ils facilitent l'organisation de la rentrée scolaire en occupant des postes d'enseignement non pourvus par la procédure normale de recrutement » 58 ( * ) .
Le recrutement d'un nombre croissant d'enseignants contractuels impose donc une réflexion sur :
- la cohérence des critères de recrutement ;
- la formation des contractuels qui ne disposaient avant leur embauche d'aucune expérience en matière d'enseignement.
Quatre journées de formation , principalement dédiées, pour le premier degré, aux questions institutionnelles, aux fondamentaux (mathématiques et français) et aux questions de sécurité, ont ainsi été dispensées à la fin du mois d'août à leur attention.
Outre ces quatre journées, qui ont donné lieu à des critiques récurrentes abondamment relayées par la presse 59 ( * ) , les contractuels inexpérimentés pourront, selon les informations transmises au rapporteur :
- être accompagnés par un tuteur pour appréhender plus concrètement les conditions d'enseignement 60 ( * ) ;
- accéder à des parcours de formation progressifs et personnalisés leur seront accessibles au sein des nouvelles écoles académiques de la formation continues (EAFC), créées en 2021 et opérationnelles depuis la rentrée de 2022, où un cycle sera dédié à ces personnels ;
- bénéficier de ressources pédagogiques mises en ligne sur la plateforme M@gistere pour les aider à organiser leurs cours.
Certains pourront en outre être préparés au CRPE.
Les personnels contractuels constituent un apport indispensable dans bien des disciplines et des territoires dans le contexte actuel de déficit d'enseignants. Leur formation est donc un enjeu majeur pour l'éducation nationale et implique un suivi vigilant dans les mois à venir. Le rapporteur pour avis y sera attentif.
IV. DES LEVIERS À MOBILISER POUR ENRAYER LE DÉCLIN DE L'ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER D'ENSEIGNANT
Au cours de la période récente, le métier d'enseignant est devenu « plus complexe, plus difficile et plus exigeant » 61 ( * ) . Les conséquences sur le déclin de l'attractivité du métier d'enseignant en France ont été documentées en détails par nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde dans un rapport publié en 2018 au nom de la commission de la culture, qui reste d'actualité, puis confirmées par nos collègues Annick Billon, Max Brisson et Marie-Pierre Monier dans le bilan des mesures éducatives de la période 2017-2022 qu'ils ont présenté en février 2022 62 ( * ) .
La faiblesse relative des rémunérations est un facteur parmi d'autres de ce déclin, qui tient non seulement à une baisse générale de prestige et de considération pour un métier dont l'image s'est dégradée (lors de son audition, M. Pap Ndiaye a évoqué un « sentiment de déclassement » qui ne tient que pour partie aux questions financières), dans un contexte marqué par des évolutions sociétales profondes, mais aussi à des facteurs divers : perspectives de carrière insuffisantes, gestion RH « de masse », indifférente aux préoccupations de l'individu, lassitude liée à la fréquence des réformes au cours de la période récente et à la nécessité de s'approprier de nouveaux programmes, difficultés liées à l'hétérogénéité des publics et à la diversité des attentes envers le système éducatif, multiplicité des tâches induite par la prise en charge des besoins particuliers des élèves 63 ( * ) , notamment sur le plan administratif 64 ( * ) ...
Certains professeurs ayant fait le choix de quitter l'enseignement dénoncent la lassitude causée par l'« injonction contradictoire » que constitue la nécessité d'adapter leur pédagogie aux élèves tout en devant amener toute la classe à un certain niveau 65 ( * ) .
En outre, l'élévation progressive du niveau de recrutement (master depuis 2010 ; master 2 depuis 2022), si elle « représente un élément fondamental de la reconnaissance sociale des enseignants et de leur statut de profession intellectuelle supérieure » 66 ( * ) , renforce la faiblesse relative de leur rémunération et l'insuffisante attractivité du métier par rapport à d'autres secteurs d'activité publics et privés.
Ces constats, pour la plupart, ne sont pas spécifiques à la France mais largement partagés dans divers pays d'Europe où l'attractivité du métier s'est considérablement dégradée au cours des dernières années .
Deux études européennes de 2020 et 2021 soulignent la convergence des constats sur les difficultés des enseignants dans divers pays d'Europe
Dans un document intitulé Conclusions sur les enseignants et les formateurs européens de demain , publié en juin 2020, le Conseil de l'Union européenne constate des évolutions sensibles du métier d'enseignant « dans un contexte de changements sociaux, démographiques, culturels, économiques, scientifiques, environnementaux et technologiques permanents », les enseignants devant « assumer des responsabilités et répondre à des attentes croissantes ».
Parmi les défis auxquels sont confrontés les États pour mieux accompagner l'évolution de la profession enseignante, le Conseil évoque :
- les « difficultés à attirer et à retenir des étudiants à fort potentiel dans la formation initiale des enseignants ainsi qu'à attirer les diplômés et à retenir les enseignants en activité dans la profession » ;
- la nécessité de « trouver un équilibre entre les différentes composantes de la charge de travail des enseignants », qui doivent souvent assumer de nombreuses tâches administratives parallèlement à leur enseignement et à l'accompagnement des élèves ;
- le besoin de « gérer les comportements en classe et, le cas échéant, prévenir différents types de violence, notamment la cyberviolence » ;
- la prise en compte des difficultés auxquels sont plus particulièrement confrontés les enseignants débutants qui, « dès leurs premières années d'enseignement ou de formation, doivent assumer les mêmes responsabilités que leurs collègues plus expérimentés » et qui « travaillent souvent dans des environnements difficiles, comme des établissements d'enseignement et de formation où les taux d'apprenants provenant de milieux socio-économiques défavorisés ou issus de l'immigration sont plus élevés » ;
- la prise en compte de la situation des enseignants travaillant dans des régions rurales, éloignées ou défavorisées (isolement professionnel, infrastructures - notamment numériques - limitées, enseignement dans des classes multi-âges ou multi-niveaux).
L'amélioration du bien-être des enseignants est ainsi identifiée par le Conseil comme l'un des leviers d'action pour relever le défi de l'attractivité du métier et de la fidélisation des enseignants ; elle est aussi considérée comme une condition de la réussite des élèves. Les États sont donc engagés à travailler en ce sens.
Le réseau européen Eurydice 67 ( * ) évoque dans un rapport publié en mars 2021 la crise de vocation que traverse la profession enseignante depuis plusieurs années. Intitulée Les enseignants en Europe. Carrières, développement professionnel et bien-être , cette étude montre que le métier d'enseignant peine à attirer les jeunes tandis que des enseignants chevronnés quittent le métier : les « pénuries d'enseignants » auxquelles sont confrontés de nombreux systèmes éducatifs d'Europe peuvent affecter plus particulièrement certaines disciplines (sciences, mathématiques, langues étrangères, technologie...) ou certains territoires (territoires ruraux isolés, territoires socialement défavorisés, zones urbaines où le coût du logement est élevé). Si ces pénuries ne sont pas un problème nouveau, elles se sont aggravées au cours de la période récente dans de nombreux pays 68 ( * ) . De plus, un enseignant sur cinq en Europe travaille selon un contrat temporaire, cette précarité étant concentrée sur les jeunes.
Parmi les manifestations du malaise des enseignants, le rapport Eurydice pointe une insatisfaction générale à l'égard des rémunérations (60 % des enseignants) et un niveau de stress élevé, ressenti par quasiment la moitié des enseignants d'Europe, en lien notamment avec le poids du travail administratif, le comportement des élèves, le fait d'être tenus pour responsables de la réussite de ces derniers et la pression liée à des exigences de plus en plus fortes, tant des élèves et des parents que des responsables politiques.
A. UN ENJEU MAJEUR : METTRE FIN À L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE DÉMISSIONS, NOTAMMENT CHEZ LES ENSEIGNANTS DÉBUTANTS
Les démissions sont un aspect particulièrement préoccupant de la crise d'attractivité du métier d'enseignant.
Les enseignants démissionnaires représentaient, en 2020-2021, selon le Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire 2021-2022 paru en octobre 2022, une proportion « peu significative » des effectifs du secteur public 69 ( * ) :
- 0,34 % des premier et second degrés dans leur ensemble ;
- 0,43 % des effectifs du premier degré ;
- 0,26 % des enseignants du second degré.
Évolution des départs définitifs
volontaires parmi les enseignants
du public en poste à
l'Éducation nationale à la rentrée
Année scolaire |
Ensemble enseignants |
Premier degré |
Second degré |
|||
Effectif |
Taux |
Effectif |
Taux |
Effectif |
Taux |
|
2008-2009 |
364 |
0,05 |
186 |
0,05 |
178 |
0,05 |
2009-2010 |
436 |
0,06 |
172 |
0,05 |
264 |
0,07 |
2010-2011 |
560 |
0,08 |
220 |
0,06 |
340 |
0,09 |
2011-2012 |
504 |
0,07 |
186 |
0,06 |
318 |
0,09 |
2012-2013 |
399 |
0,06 |
182 |
0,06 |
217 |
0,06 |
2013-2014 |
523 |
0,08 |
275 |
0,08 |
248 |
0,07 |
2014-2015 |
804 |
0,12 |
444 |
0,13 |
360 |
0,10 |
2015-2016 |
1 002 |
0,14 |
591 |
0,17 |
411 |
0,12 |
2016-2017 |
1 232 |
0,18 |
740 |
0,21 |
492 |
0,14 |
2017-2018 |
1 417 |
0,20 |
853 |
0,24 |
564 |
0,16 |
2018-2019 |
1 664 |
0,23 |
974 |
0,28 |
690 |
0,19 |
2019-2020 |
1 598 |
0,23 |
945 |
0,27 |
653 |
0,18 |
2020-2021 |
2 411 |
0,34 |
1 499 |
0,43 |
912 |
0,26 |
Source : DEEP, Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire 2022 , octobre 2022
Les ruptures conventionnelles , créées par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique et mises en oeuvre à partir de janvier 2020, correspondent désormais à un tiers des départs 70 ( * ) . En 2020-2021 (première année pleine depuis la mise en place du dispositif), on dénombrait ainsi, selon les informations transmises au rapporteur pour avis par le ministère, 814 conventions :
- 481 pour les enseignants du premier degré (soit 0,07 % des effectifs) ;
- 333 pour le second degré (0,19 % en proportion).
Si les proportions de démissions restent relativement faibles rapportées à l'ensemble des effectifs, elles n'en constituent par moins un phénomène très préoccupant .
- Dans certaines académies, les proportions seraient beaucoup plus importantes : selon le syndicat SNUipp-FSU 93, elles concernaient 8,5 % des départs définitifs dans l'académie de Créteil, tous personnels confondus ; 54 % des démissions concerneraient le premier degré, davantage exposé 71 ( * ) .
- Les démissions connaissent depuis plusieurs années une augmentation sensible . Le nombre total de démissions (premier et second degrés) a doublé entre 2013-2014 (523) et 2015-2016 (1 002) . Après la baisse observée en 2019-2020, en lien avec la pandémie, l'année 2020-2021 accuse une hausse très nette , illustrée par le graphique ci-après.
Évolution du nombre de départs
définitifs volontaires parmi les enseignants du secteur public en poste
à l'Éducation nationale à la rentrée depuis
2008
(premier et second degrés)
Source : commission de la culture d'après le Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire 2022 , DEPP, octobre 2022
- La proportion de démissions de jeunes enseignants est alarmante : les départs des moins de quarante ans représentent 51 % des démissions dans le premier degré ; 45 % dans le second degré ; 22 % des démissions du premier degré concernent des moins de 29 ans ; 20 % dans le second degré . Au-delà des statistiques, ce phénomène affecte l'avenir de l'enseignement public .
- Les ruptures conventionnelles des moins de 40 ans représentent une proportion non négligeable des conventions conclues en 2020-2021 (31 % pour le premier degré et 24 % pour le second degré).
- Les démissions de stagiaires connaissent une augmentation régulière depuis 2013-2014 ; les 749 démissions de stagiaires observées en 2020-2021 ont représenté environ 30 % des départs volontaires de la période (2 411). Le taux de démission des stagiaires est de 3,44 % pour les deux degrés , de 4 % pour le premier degré (466 démissions de stagiaires en 2020-2021) et de 2,79% dans le second degré (283 démissions).
Le graphique ci-après illustre l'augmentation régulière des démissions de stagiaires et d'enseignants totalisant moins de cinq ans d'ancienneté dans l'enseignement public, même si l'on observe que la part des enseignants plus chevronnés s'est nettement accrue en 2020-2021, ce que l'on peut imputer au fait que les enseignants plus anciens semblent davantage concernés par la rupture conventionnelle .
Évolution, répartis par
ancienneté, du taux de départs définitifs
volontaires
parmi les enseignants
Source : Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire 2022, DEPP
Par ailleurs, le nombre de démissions est loin d'être anodin :
- 1 499 démissions en 2020-2021 dans le premier degré (l'équivalent de 15 % des admis aux concours de professeur d'école en 2021) ;
- 912 démissions en 2020-2021 dans le second degré (7,5 % des lauréats des concours de 2021).
Focus sur les démissions dans l'académie de Versailles depuis 2019-2020
Si l'on considère les démissions survenues depuis la rentrée de 2022 (84 démissions dans le second degré, dont 12 stagiaires ; 52 dans le premier degré), l'année scolaire actuelle pourrait confirmer la tendance à l'accélération du phénomène observée depuis 2019.
Dans le Val d'Oise, considéré comme le département le moins attractif de l'académie 72 ( * ) , 18 professeurs des écoles stagiaires ont démissionné en 2019-2020 ; 36 en 2020-2021 ; autant en 2021-2022.
L'âge moyen des démissionnaires depuis le début de l'année 2022-2023 est, dans le second degré, de 37 ans pour les titulaires ; de 29 ans et 11 mois pour les stagiaires.
Académie de Versailles - Démissions depuis 2019-2020
Qu'elles concernent des enseignants chevronnés ou des débutants, les démissions s'apparentent à un véritable gâchis humain et financier, a fortiori dans le contexte actuel de crise de recrutement .
L'amélioration de la formation initiale et des conditions d'exercice des premières années de carrière est donc une urgence pour remédier au manque d'attractivité de ce métier et fidéliser les enseignants débutants .
B. UNE EXIGENCE : AMÉLIORER LA FORMATION INITIALE ET LES DÉBUTS DANS LA CARRIÈRE
La part du « bizutage institutionnel » 73 ( * ) , auquel sont confrontés de nombreux enseignants débutants, dans la crise actuelle de recrutement a été rappelée par notre collègue Max Brisson lors de l'audition de M. Pap Ndiaye, le 8 novembre 2022. Quelque vingt ans après la publication du rapport de Jean-Pierre Obin, alors inspecteur général de l'éducation nationale, les analyses de celui-ci sur les débuts de la carrière enseignante demeurent d'actualité et les débutants restent trop souvent « (placés) dans les conditions d'exercice les plus dures ». En lien avec un système d'affectation par points largement corrélé à l'ancienneté, les jeunes enseignants sont souvent affectés sur les postes délaissés par leurs collègues plus chevronnés ; ils sont surreprésentés dans les territoires et les postes difficiles qui requièrent pourtant de l'expérience.
Les démissions de jeunes enseignants, y compris au cours de l'année de stage, évoquées ci-dessus, s'inscrivent dans cette conception regrettable des premières années d'exercice qui détourne chaque année de l'éducation nationale des enseignants poussés à bout par des conditions de travail ingrates.
Des témoignages de jeunes professeurs d'école ayant fait le choix de démissionner soulignent la solitude des débutants exerçant dans de petites structures à classe unique , les difficultés liées aux affectations sur des postes partagés entre plusieurs écoles - parfois avec un niveau différent chaque jour de la semaine - et la complexité de la prise en charge des besoins éducatifs particuliers à laquelle ils s'estiment mal préparés par une formation jugée trop théorique, voire académique, inadaptée notamment aux besoins concrets liés à l'accueil d'élèves en situation de handicap 74 ( * ) .
Selon une étude récente de la DEPP sur le temps de travail des enseignants, précédemment citée, les débutants consacrent à leur travail un nombre de jours de congé non négligeable, ce qui souligne le « coût d'entrée » dans le métier d'enseignant : « quel que soit le degré d'enseignement, le nombre de jours de préparation durant les vacances scolaires diminue avec l'âge des enseignants » ; « Dans le premier degré, la moitié des enseignants de moins de 35 ans déclarent travailler au moins 41 jours pendant leurs vacances, contre 27 jours pour les 45 ans ou plus . De même, dans le second degré, la moitié des enseignants de moins de 35 ans travaille au moins 39 jours pendant les vacances, contre 31 jours pour les 45 ans et plus » 75 ( * ) .
D'autres témoignages relatifs au second degré confirment que la moyenne d'âge dans les territoires peu attractifs semble basse : comme l'a fait observer l'un des représentants syndicaux rencontrés par le rapporteur pour avis, « En Seine-Saint-Denis, à 35 ans on est le doyen de la salle des profs ».
De fait, la proportion d'enseignants peu chevronnés en REP et REP+ demeure élevée :
- 23 % de néotitulaires en 2021-2022 dans le premier degré ; 22 % dans le second degré 76 ( * ) ;
- 57,2 % des enseignants y avaient moins de cinq ans d'ancienneté en 2020 ; 55,9 en 2021 77 ( * ) .
L'objectif du ministère est, dans ces postes où la rémunération fait l'objet d'un effort particulier, de parvenir en 2025 à une proportion de 50 % d'enseignants ayant au moins cinq ans d'ancienneté en éducation prioritaire : cet objectif semble peu ambitieux par rapport à la situation actuelle. Il ne permettra, une fois atteint, qu'une amélioration très relative .
Les conditions dans lesquelles les enseignants débutent dans le métier posent deux questions :
- leur formation initiale les prépare-t-elle de manière satisfaisante aux difficultés de leur métier, à la diversité des publics accueillis par l'éducation nationale et à la complexité de la prise en compte des besoins particuliers des élèves, qui complique singulièrement la transmission des connaissances ?
- sont-ils correctement accompagnés au cours de leurs premières années d'exercice ?
En 2022, la formation initiale des enseignants s'est adaptée aux nouvelles conditions d'accès aux concours externes, prévus désormais en seconde année du master MEEF. Parallèlement à ces concours, dont les lauréats sont issus de master MEEF ou de masters disciplinaires, de nouvelles voies d'accès au métier d'enseignant ont été mises en place depuis 2019.
Deux parcours destinés depuis 2019 à une
préparation progressive,
avant le master, aux métiers de
l'éducation :
- les assistants d'éducation (AED) en préprofessionnalisation : un contrat de préprofessionnalisation de trois ans est proposé en L2 et permet une formation pratique en école ou en établissement scolaire du second degré, de manière à favoriser une montée en puissance progressive des temps d'intervention dans les classes, limités à huit heures par semaine afin de ne pas compromettre la réussite universitaire des intéressés ;
- le parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE), adossé à une licence généraliste, et dispensé partie en lycée, partie à l'université, de la L1 à la L3 (3 000 recrutements prévus pour les rentrées 2022 et 2023). Dès la L2, les étudiants en PPPE peuvent également cumuler le dispositif d'AED en préprofessionnalisation .
L'année de stage qui succède à la réussite aux concours a été réorganisée en cohérence avec les nouvelles exigences de diplôme pour concourir , précédemment évoquées. Elle obéit à des logiques différentes selon le parcours antérieur des lauréats 78 ( * ) :
- les lauréats issus d'un master MEEF ou qui ont déjà de l'expérience en matière d'enseignement exercent désormais à temps plein devant les élèves , sous réserve de 10 à 20 jours de formation ;
- les lauréats issus d' autres masters exercent, comme c'était le cas précédemment, à mi- INSPÉ devant les élèves et sont, le reste du temps, en formation au sein d'un INSPÉ.
Avant cette réorganisation :
- l'organisation de l'année de stage était la même pour tous les lauréats des concours, qui alternaient, quel que soit leur parcours antérieur, temps de formation en INSPÉ et temps d'observation ou périodes de responsabilité devant leur classe ;
- en seconde année de master MEEF, les étudiants qui avaient réussi leur concours en fin de M1 cumulaient stage et poursuite de leur scolarité afin de valider leur master. Ils effectuaient leur stage dans les mêmes conditions que leurs collègues issus des autres masters (temps d'observation ou périodes de responsabilité devant les élèves à mi-temps et formation en INSPÉ).
Ainsi, les étudiants de master MEEF ayant réussi un concours pouvaient être titularisés dès la fin de l'année de M2. Désormais le titularisation intervient à la fin de l'année suivante .
La réforme entrée en vigueur en 2022 vise en principe :
- à alléger la charge de travail en seconde année de master MEEF , désormais concentrée sur la préparation du concours et la validation du master, la titularisation étant reportée à une troisième année dédiée au stage ;
- à renforcer le caractère professionnalisant du master MEEF en intégrant au cursus, avant les concours, des périodes de mise en situation professionnelle (stages, parcours en alternance).
Trois aspects de cette réforme ont plus particulièrement attiré l'attention du rapporteur :
- l'augmentation de la part des praticiens parmi les formateurs des futurs enseignants : un tiers au moins du temps de formation en INSPÉ devra être assuré par des personnels d'éducation exerçant en parallèle devant des classes ou en établissement. La contribution d'enseignants de terrain à la formation des futurs professeurs semble relever du bon sens : on ne peut que regretter que cette orientation n'ait pas été mise en oeuvre depuis longtemps. Or, selon les informations transmises au rapporteur, « la constitution des nouvelles équipes pluri catégorielle au sein des INSP É , devant compter un tiers de praticiens, est plus ou moins atteinte selon les académies. La composition mixte des équipes pédagogiques reste donc à élargir et à systématiser ». Cette mixité est pourtant une condition essentielle pour que la formation dispensée en INSPÉ ne soit pas excessivement théorique et réponde aux attentes et aux besoins des futurs enseignants ;
- la volonté d'éviter « Les affectations (des stagiaires) dans les écoles et les EPLE dans lesquelles les conditions d'enseignement sont les plus complexes (...) , notamment en éducation prioritaire, et plus particulièrement dans les écoles et les collèges classés réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+) ». Cet engagement, qui aurait dû être pris beaucoup plus tôt, semble primordial pour fidéliser les nouveaux enseignants et prévenir les démissions précoces que l'on déplore chaque année. Il montre a contrario que des affectations de stagiaires en REP ou REP+ ont été effectives encore tout récemment, ce qui est alarmant ;
- l'accompagnement de chaque stagiaire par un tuteur désigné de préférence au sein de l'école ou de l'EPLE au sein duquel se déroule la mise en situation professionnelle : il s'agit, là encore, d'une mesure de bon sens pour assurer l'intégration d'un débutant dont on peut s'étonner qu'elle ne soit pas en vigueur depuis longtemps.
Cette réforme devra donc faire l'objet d'un suivi rigoureux :
- contrairement à l'objectif affiché, la deuxième année de master MEEF semble devoir impliquer une charge de travail intense, entre préparation du concours, validation du master (supposant notamment la rédaction d'un mémoire) et réalisation de stages ou d'alternance ;
- l'organisation des parcours de formation individualisés paraît un défi pour les INSPÉ compte tenu de la grande diversité des profils des lauréats ;
- de même, on peut craindre une grande complexité d'organisation des stages et alternances , pour des publics très différents (étudiants en master MEEF, lauréats aux concours, AED en préprofessionalisation, étudiants en PPPE), ce qui pose notamment la question de la disponibilité de tuteurs en nombre suffisant de sorte que l'accompagnement humain de ces futurs enseignants soit à la hauteur.
Le rapporteur pour avis s'est par ailleurs intéressé à un aspect important de l'accompagnement des jeunes enseignants, parallèlement à l'accompagnement humain : les ressources pédagogiques dont disposent les enseignants débutants, plus particulièrement dans le premier degré . Certains ressentent en effet le besoin d'outils « clé en main » : selon une professeure à l'INSPÉ de Bourgogne, ces outils, quand ils existent, permettent aux enseignants inexpérimentés de « faire en toute sécurité leurs premières armes pour maîtriser à la fois le contenu didactique et la gestion de groupe » ; « Lorsque cette possibilité leur est donnée, les expériences qu'ils réalisent sont bien plus gratifiantes » 79 ( * ) .
La mise à disposition d'outils pédagogiques gratuits susceptibles de mieux accompagner les enseignants peu chevronnés et de rendre leur début dans la profession moins complexe est d'autant plus nécessaire que de nombreux enseignants (40 % des professeurs d'école et 50 % des professeurs du second degré) ne sont pas issus des masters MEEF et se retrouvent devant leur classe à mi-temps dès la rentrée scolaire suivant le concours.
Des progrès ont certes été accomplis dans ce domaine depuis 2020 et l'on trouve désormais en ligne, sur le site Éduscol édité par la DGESCO, des guides fondamentaux comprenant des exemples concrets de séquences susceptibles d'aider des professeurs d'école débutants ou souhaitant se familiariser avec un cycle dans lequel ils n'ont pas encore exercé. Ces ouvrages, qui ne concernent à ce jour, s'agissant du premier degré , que le français et les mathématiques , se concentrent sur la maternelle ( Pour enseigner le vocabulaire à l'école maternelle , Pour préparer l'apprentissage de la lecture et de l'écriture à l'école maternelle ) et le CP ( Pour enseigner la lecture et l'écriture au CP, Pour enseigner les nombres, le calcul et la résolution de problèmes au CP ) 80 ( * ) .
Faute de documents susceptibles de les accompagner, les enseignants peu chevronnés peuvent être tentés de chercher en ligne des ressources pédagogiques gratuites dont la pertinence n'est pas nécessairement garantie 81 ( * ) . De plus, celles que propose le réseau Canopé, dépendant du ministère de l'éducation nationale, présentent l'inconvénient d'être souvent payantes .
Il est donc nécessaire que le ministère poursuive l'effort de publication de guides et outils pour aider les enseignants inexpérimentés à trouver des réponses concrètes à leurs questions et les accompagner dans l'élaboration de leurs séquences pédagogiques. Cet effort est complémentaire de la dynamique déployée en matière de formation initiale et d'accompagnement des jeunes enseignants. Le rapporteur pour avis y sera attentif .
Deux exemples de ressources à
compléter :
la différenciation pédagogique et
l'éducation prioritaire
Parallèlement aux guides fondamentaux , le site Éduscol propose une fiche sur la notion de différenciation pédagogique 82 ( * ) , qui paraît extrêmement générale ; une vidéo de quelque six minutes montrant une « situation d'apprentissage sur la conscience phonologique » en CP (éducation prioritaire) ne parvient qu'à mettre en évidence l'extrême complexité de la notion, sans paraître de nature à donner à un enseignant peu chevronné les outils pour y procéder, malgré l'engagement certain et l'expérience indéniable de l'enseignante filmée.
Dans le même esprit, la fiche « Refonder l'éducation prioritaire - un référentiel pour l'éducation prioritaire » 83 ( * ) , qui fait partie des « ressources d'accompagnement du programme de cycle 2 », se borne à des considérations très générales et théoriques (telles que « Dans les différentes matières, le travail en groupe des élèves s'organise dans des groupes hétérogènes pour favoriser les confrontations des démarches intellectuelles » ; « Les projets collectifs et des devoirs communs, organisés en équipes, sont mis en oeuvre sur des disciplines et/ou des niveaux jugés pertinents par le réseau »). Ce document ne comporte pas a priori d'indication concrète mobilisable par un enseignant qui rencontrerait des difficultés en REP.
C. LA « RH DE PROXIMITÉ », UNE RÉPONSE AUX DIFFICULTÉS DE MOBILITÉ GÉOGRAPHIQUE ?
Selon le rapport de la médiatrice de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur publié en 2021 84 ( * ) , les problèmes de mobilité et d'affectation sont le deuxième motif de réclamation après les questions financières . Dans son rapport de 2022, elle faisait observer que « Les modalités d'affectation et de mutation peuvent constituer un frein au recrutement de personnels dont le système éducatif a besoin, comme elles peuvent empêcher une mobilité fonctionnelle ou géographique choisie ».
En 2019, une pétition relayée sur la plateforme mesopinions.com 85 ( * ) plaidait pour la mobilité géographique des enseignants en France : « Nous adorons notre métier ! Nous l'avons choisi ! Mais s'il devient une prison, ce n'est pas juste ! ». L'attention du rapporteur a été attirée par un collectif de professeurs des écoles, mis en place en 2022 dans les Pyrénées-Atlantiques pour défendre le droit à la mutation géographique des enseignants du 1 er degré dans ce département : « Qui aujourd'hui, avec un bac + 5, irait s'emprisonner dans un métier sans possibilité de mutation pendant ses 43 prochaines années ? L'Éducation nationale construit des murs entre ses territoires » , estiment ses adhérents 86 ( * ) .
Le mouvement de 2022
En 2022, 6 783 titulaires (premier et second degrés confondus) ont obtenu une mutation interacadémique, soit un taux de mutation de 43%.
Sur 26 275 demandes présentées, 10 631 (40 %) venaient de néotitulaires.
- Dans le premier degré , selon la DGRH, 51 % des demandes de sorties (8 845 sur 17 462) concernaient en 2022 des enseignants des académies franciliennes, où les demandes d'entrée sont moins nombreuses que les demandes de sortie 87 ( * ) . Inversement, 10 départements situés en Bretagne et sur la façade atlantique 88 ( * ) ont concentré en 2022 31 % des demandes d'affectation. Sur les 17 462 demandes de sortie formulées en 2022, 3 570 seulement ont été satisfaites : le taux de mutation se situe à 20 %. En 2022, la difficulté de pourvoir tous les emplois s'est traduite par une instruction restrictive des demandes d' exeat : dans l'Essonne, 22 exeat ont été accordés pour 94 demandes (dans le Val d'Oise, 10 exeat pour 157 demandes ; 208 refus d' exeat dans les Hauts-de-Seine) 89 ( * ) .
- Dans le second degré , le taux de mutation est plus élevé (40 %) que dans le premier degré. Il tient compte à la fois des souhaits des candidats et des besoins constatés dans leur discipline.
Le mouvement annuel des personnels doit donc concilier la nécessité de pourvoir les postes , y compris dans les académies moins attractives comme celles d'Amiens ou d'Île-de-France, et les souhaits des personnes . Paradoxalement, même dans les académies les plus demandées, des postes restent vacants après le mouvement annuel, rendant nécessaire le recours aux contractuels ci-dessus évoqué.
Le barème qui commande les mutations géographiques obéit à divers critères combinant la situation personnelle de l'enseignant et son parcours professionnel (ancienneté ; rapprochement des conjoints ou des partenaires de pacs ; handicap ; enfants à charge 90 ( * ) ; années d'exercice dans un quartier sensible, qui donnent lieu à des bonifications 91 ( * ) ; rapprochement avec le détenteur de l'autorité parentale conjointe d'un enfant...). La médiatrice de l'éducation nationale a par ailleurs noté que le barème ne prenait pas en compte les parents âgés et dépendants.
Les difficultés d'affectation géographique sont particulièrement sensibles pour les enseignants qui, titularisés après plusieurs années d'exercice en tant que contractuels , sont affectés en qualité de néotitulaires dans une académie éloignée de celle où ils ont précédemment exercé et où leur famille est installée, ou pour les personnels en reconversion qui passent un concours à un âge où un déménagement est une source de complexité considérable. De tels cas sont abondamment commentés par la médiatrice de l'éducation nationale qui a fait observer, dans son rapport de 2021 : « l'attractivité des métiers de l'éducation est mise en question dès lors que des lauréats aux concours sont affectés pour leur premier poste, et parfois pour plusieurs années, trop loin de leur famille ou de leurs centres d'intérêts matériels et moraux ; ils vivent très mal cette séparation, surtout lorsqu'il s'agit d'une reconversion après avoir exercé un autre métier, et présentent parfois leur démission ; ces situations sont vécues comme un manque de considération à l'égard des problématiques des intéressés ».
Certains contractuels renonceraient ainsi à passer un concours pour avoir la certitude de rester dans l'académie où se situent leur vie familiale et leurs centres d'intérêt .
Par ailleurs, la réunion des conjoints ou partenaires de pacs semble quelque peu théorique : des enseignants sont contraints de recourir à la disponibilité pour suivre leur conjoint muté loin de leur académie d'affectation , malgré les conséquences de cette situation sur leurs revenus et droits à pension.
Enseignants en disponibilité pour suivi de conjoint
Selon la DGRH, on compte 4 328 enseignants en disponibilité pour suivi de conjoint dans le premier degré (au 1 er juin 2022) ; parmi ceux qui ont participé au mouvement interdépartemental de 2022, 76 % n'ont pas obtenu satisfaction, ce qui s'explique pour moitié par le fait que leurs demandes concernaient les 10 départements les plus convoités.
Dans le second degré, l'effectif des professeurs en disponibilité pour suivi de conjoint ou de partenaire de pacs est évalué à 4 450 . Dans l'académie de Versailles, sur les 1 835 enseignants du second degré en disponibilité, 38,7 % ont fait ce choix pour suivre leur conjoint .
La situation des enseignants contraints à la disponibilité faute d'obtenir leur exeat est d'autant moins compréhensible pour les intéressés que leur territoire de résidence peut être confronté à des vacances de poste, même s'il s'agit d'une académie très demandée. Or leur statut ne leur permet pas de combler cette vacance, même en tant que contractuels, car ces personnels demeurent liés, tant qu'ils n'ont pas obtenu leur exeat (ce qui peut prendre plusieurs années), à l'académie qu'ils ont dû quitter pour suivre leur conjoint.
La disponibilité peut constituer dans certains cas une forme de « décrochage enseignant » très préoccupante , car elle conduit parfois les intéressés à démissionner. Cette situation est de surcroît en contradiction avec la nécessité affichée par le ministère de fidéliser les contractuels et, de manière générale, avec les objectifs actuels de gestion des ressources humaines dans la fonction publique : favoriser la mobilité, enrichir les parcours, limiter les risques psycho-sociaux , etc.
Dans leur rapport d'information Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité , nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde préconisaient à juste titre d'aborder la mobilité des enseignants dans une logique de « démarche contractuelle » fondée des engagements réciproques, dans un esprit de « contrat de mission » qui pourrait s'appliquer à divers stades de la carrière. Ainsi, en contrepartie d'une affectation pendant une durée déterminée dans un établissement fléché par le rectorat, l'institution s'engagerait à permettre à l'enseignant d'accéder à certains postes ou attribuerait des bonifications en matière indemnitaire ou d'avancement 92 ( * ) . Cette culture de la contractualisation est une piste prometteuse, dont le ministère gagnerait à s'inspirer .
Il est donc indispensable de travailler dans le sens d'une plus grande souplesse en matière de mutation géographique. Améliorer l'attractivité des carrières de l'enseignement exige des progrès sensibles en la matière, car il semble difficile de convaincre les jeunes de faire le choix d'un métier cumulant les inconvénients d'une rémunération relativement faible, de perspectives de carrière limitées et aléatoires, d'un temps de travail important et d'un risque d'enfermement territorial qui compromet la conciliation vie professionnelle/vie privée .
Certes, des efforts récents ont été mis en oeuvre pour mieux accompagner la mobilité des enseignants.
L'accompagnement des enseignants dans le cadre du mouvement
- un « comparateur de mobilité » en ligne permet aux enseignants, depuis 2020, d'évaluer leurs chances, compte tenu de leur parcours et de leur situation au regard du barème, d'obtenir leur mutation vers le territoire souhaité et d'identifier les affectations auxquelles ils peuvent prétendre ;
- des vidéos mises en ligne par la DGRH sur le site du ministère sont destinées à accompagner les enseignants titulaires lors de leur participation au mouvement, et à informer les candidats inscrits aux concours du second degré ;
- la plateforme Colibris a été dotée d'un outil permettant, en cas de refus de mobilité, de suivre les recours hiérarchiques éventuellement formés par les intéressés ;
- les lauréats des concours de 2022 ont pu sur cette plateforme formuler leurs voeux d'affectation en stage pendant 10 jours ;
- une plateforme téléphonique est destinée à apporter aux titulaires des conseils en matière de mutation et d'aider les stagiaires dans leurs démarches d'affectation.
En outre, dans le cadre de l'évolution vers une « GRH de proximité », une cellule mobilité devrait être mise en place dans chaque académie afin de contribuer à la diversification des profils recrutés et des parcours et de promouvoir un accompagnement personnalisé des personnels dans leurs démarches.
Cette dynamique est indispensable à l'amélioration de l'attractivité du métier d'enseignant .
Il semble toutefois peu probable que les efforts accomplis à ce jour soient à la hauteur des difficultés auxquelles se heurtent de nombreux enseignants en matière de mobilité géographique .
Le rapporteur pour avis sera donc attentif à l'évolution d'une « gestion des ressources humaines » vers une « gestion humaine des ressources » qui constitue actuellement une véritable exigence pour les enseignants .
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 16 NOVEMBRE 2022
M. Laurent Lafon , président . - Nous examinons ce matin le rapport pour avis de notre collègue Jacques Grosperrin sur les crédits consacrés à l'enseignement scolaire dans le projet de loi de finances pour 2023.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis sur les crédits de l'Enseignement scolaire . - Monsieur le président, mes chers collègues, à l'occasion de ce rapport pour avis, j'ai fait le choix cette année de développer plus particulièrement, parmi toutes les thématiques que permet d'aborder la mission « Enseignement scolaire », les questions relatives à l'attractivité du métier d'enseignant. J'ai fait ce choix en lien avec une actualité qui a mis en évidence une crise de recrutement très problématique lors des concours de 2022.
Mon rapport s'inscrit sur ce point dans la continuité des travaux de nos collègues Françoise Laborde et Max Brisson sur le métier d'enseignant, et dans la complémentarité des analyses du rapporteur spécial, Gérard Longuet, sur les rémunérations.
Les crédits de la mission Enseignement scolaire pilotés par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (hors enseignement agricole, programme relevant du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire) s'établiront en 2023, en crédits de paiement et à structure budgétaire courante, à 58 821,416 millions d'euros au lieu de 55 245,271 millions d'euros dans la loi de finances pour 2022 (hors contributions aux pensions de l'État), soit une hausse de 6,5 % (+ 3,57 milliards d'euros).
L'effort financier est donc réel.
J'ai toutefois identifié trois principaux points de vigilances qui devront impliquer de notre part, dans les mois à venir, un suivi attentif - je dirais même sans concession :
Premier point de vigilance : des moyens substantiels sont dédiés à la revalorisation des rémunérations des enseignants (935 millions d'euros entre septembre et décembre 2023). Au total, l'ensemble des mesures de revalorisation représentent dans le budget plus de 1,135 milliard d'euros. Mais suffiront-elles à produire le « choc d'attractivité » nécessaire ? Il faudra poursuivre cet effort pendant de longues années avant que la revalorisation reçoive une traduction concrète. Le ministre nous l'a d'ailleurs confirmé la semaine dernière.
L'objectif est qu'aucun enseignant débutant ne gagne moins de 2 000 euros : c'est un minimum avec ce niveau de diplôme !
Il y a dans ce domaine des marges de progression évidentes : la rémunération moyenne des enseignants équivaut actuellement à celle d'un fonctionnaire de catégorie B de la Police nationale ; le salaire médian est de 2 290 euros, ce qui veut dire que la moitié des enseignants gagne moins ; le déroulement de carrière est lent et aléatoire, les grades supérieurs (hors classe et classe exceptionnelle) sont atteints à un âge avancé et concernent peu d'enseignants (mon rapport détaille les chiffres : je vous y renvoie).
Deuxième point de vigilance : le schéma d'emplois prévoit une diminution de quelque 2 000 postes d'enseignants en 2023.
Les projections démographiques prévoient dans les prochaines années une baisse sensible du nombre d'élèves (environ 100 000 élèves par an). De plus, selon le ministère, les suppressions de postes s'élèveraient à 5 000 si l'on tirait toutes les conséquences de cette évolution.
Toutefois, ces 2 000 postes en moins interrogent, compte tenu des besoins liés à l'amélioration du taux d'encadrement, et des vives tensions sur les moyens humains que connaît l'éducation nationale.
Il n'est pas exclu que ces tensions, que risquent d'aggraver les suppressions de poste, fragilisent les moyens mobilisables pour des remplacements de courte durée, et affectent la participation des enseignants à des sessions de formation continue, alors même qu'il s'agit là d'un besoin essentiel - le Grenelle l'a montré.
Troisième point de vigilance : l'école inclusive.
Voici quelques chiffres pour éclairer la réflexion : il y avait plus de 430 000 élèves en situation de handicap à la rentrée de 2022 ; ce nombre augmente de 6 % par an depuis 2012 ; il a augmenté de de 81 % entre 2012 et 2021 ; malgré la baisse démographique à venir, les projections tablent sur un besoin croissant en ULIS (+ 2 % par an) ; les notifications d'affectation en ULIS progressent chaque année de 8,6 %.
2,4 milliards d'euros sont inscrits dans le PLF 2023 au titre du programme 230. Or malgré ces moyens importants, les besoins ne sont pas couverts. D'une part, les élèves ne pouvant être accueillis en établissements médico-sociaux, faute de places disponibles, sont affectés en ULIS, ce qui réduit le nombre de places en ULIS pour les élèves qui, malgré une notification d'affectation en ULIS, doivent être scolarisés en milieu ordinaire. D'autre part, le manque d'AESH est bien connu : 56 % seulement en moyenne des élèves en situation de handicap bénéficient d'un accompagnement humain. Dans l'académie de Versailles, il manquait 700 AESH à la rentrée de 2022.
4 000 postes d'AESH sont créés par le budget, mais il est évident que cette profession, marquée par une vraie précarité, reste peu attractive malgré les efforts récemment entrepris pour revaloriser les rémunérations. Sur ce point, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale pour augmenter de 80 millions d'euros les rémunérations des AESH est une bonne chose. Il reste aussi à progresser sur la prise en charge du temps de travail des AESH pendant la pause méridienne et le temps périscolaire, car le temps partiel contraint amplifie la faiblesse des rémunérations de ces personnels. La mission d'information prévue sur ce sujet au sein de notre commission vient donc à point nommé.
Je consacre un passage de mon rapport au bilan de l'accueil des 19 000 élèves ukrainiens en France depuis le début de la guerre. Je me bornerai ce matin à mentionner que, selon le ministre de l'éducation nationale, ces élèves ont un an d'avance sur les nôtres en mathématiques. Ce constat préoccupant confirme l'urgence d'un effort dans ce domaine où le système français excellait autrefois...
J'en viens aux parties du rapport consacrées à l'insuffisante attractivité du métier d'enseignant.
Évoquons tout d'abord les concours de 2022, marqués par une baisse très alarmante du nombre de candidats, surtout dans le premier degré. On compte au total 3 756 postes non pourvus : le nombre a été multiplié par trois entre 2021 et 2022.
Dans le premier degré, les difficultés se sont concentrées sur les académies de Créteil et de Versailles, dans une moindre mesure de Paris. Dans leur majorité, les autres académies semblent avoir réussi à recruter à la hauteur de leurs besoins.
Selon le ministère, le « creux » de 2022 est la conséquence mécanique des nouvelles conditions d'accès aux concours de l'enseignement, qui supposent désormais d'être titulaires d'un master. Les étudiants de master MEEF passent donc les concours en M2 et non plus en M1. L'année 2023 devrait donc, selon cette logique, être plus propice grâce à la reconstitution du vivier de candidats.
Nous devrons donc être vigilants lors des prochains concours. Pour ma part, je crains que la chute observée en 2022 ne soit pas passagère. En effet, le nombre d'inscrits en master MEEF baisse (sauf pour l'option Encadrement éducatif), ce qui traduit une diminution de l'intérêt des jeunes pour l'enseignement, même si tous les candidats aux concours ne sont pas issus de ces formations.
Je passe rapidement sur la problématique du recours aux contractuels, vous renvoyant sur ce point à mon rapport. Par-delà l'emballement médiatique inspiré par les «rendez-vous de recrutement » et les quatre jours de formation organisés en août dernier, le besoin de contractuels risque de perdurer. Nous devrons donc être attentifs à la manière dont ces personnels sont recrutés et formés.
J'en viens aux leviers à mobiliser pour enrayer le déclin de l'attractivité du métier d'enseignant.
Le ministre a parlé d'un « sentiment de déclassement ». Celui-ci a été parfaitement commenté dans le rapport de Max Brisson et de Françoise Laborde en 2018.
Parmi les enjeux de la revalorisation du métier d'enseignant, j'insiste sur la gravité des statistiques relatives aux démissions. Officiellement, on estime que les démissions représentent des proportions « peu significatives » rapportées aux effectifs globaux : 0,34 % seulement des effectifs des premier et second degrés.
En réalité, le phénomène est inquiétant, non seulement parce qu'il augmente régulièrement (la courbe est très nettement ascendante), mais aussi par la forte proportion d'enseignants jeunes et en début de carrière, parfois dès l'année de stage. Le système peine donc non seulement à recruter, mais aussi à fidéliser.
En outre, rapportés aux résultats des concours, les effectifs concernés sont loin d'être anodins. Les 1 499 démissions constatées en 2020-2021 dans le premier degré équivalent à 15 % des admis aux concours de professeur d'école en 2021. Les 912 démissions en 2020-2021 de professeurs du second degré équivalent à 7,5 % des lauréats des concours de 2021.
Qu'elles concernent des enseignants chevronnés ou des débutants, les démissions s'apparentent à un véritable gâchis humain et financier, a fortiori dans le contexte actuel de crise de recrutement.
L'amélioration des débuts dans la carrière d'enseignant est donc une urgence pour rendre plus attractif un métier dont on peut comprendre qu'il peine à attirer.
Sur ce point, le « bizutage institutionnel » dénoncé dans un rapport au ministre par Jean-Pierre Obin en 2002 reste d'actualité. Pour faire simple, dans l'enseignement les conditions d'exercice les plus dures sont pour les plus jeunes.
Nous le savons, la mobilité géographique est une contrainte considérable pour les enseignants, surtout en début de carrière puisque l'ancienneté est décisive dans le barème. C'est le deuxième motif de saisine de la médiatrice de l'éducation nationale, qui connaît bien ce sujet. Faute d'avoir obtenu leur exeat , plus de 8 700 enseignants sont en disponibilité pour suivi de conjoint. Les conséquences en termes de rémunération et de retraite sont regrettables. Là encore, c'est un vrai gâchis.
Il est indispensable de travailler dans le sens d'une plus grande souplesse en matière de mutation géographique pour améliorer l'attractivité de l'enseignement. Je ne vois pas comment convaincre les jeunes de faire le choix d'un métier cumulant les inconvénients d'une rémunération relativement faible, de perspectives de carrière limitées et aléatoires, d'un temps de travail important et d'un risque d'enfermement territorial qui affecte considérablement la conciliation vie professionnelle/vie privée.
La démarche contractuelle proposée par Max Brisson et Françoise Laborde dans leur rapport de 2018 est évidemment une piste prometteuse, dont le ministère gagnerait à s'inspirer.
Un mot, pour finir, sur la formation initiale des enseignants, dont la réforme récente - concernant plus particulièrement l'année de stage - est commentée dans mon rapport. Selon des témoignages que j'ai consultés, les enseignants débutants trouvent leur formation trop théorique pour leur permettre des débuts sereins dans la carrière. Ils se sentent insuffisamment préparés aux situations auxquelles ils sont souvent confrontés. Je pense plus particulièrement à l'école inclusive et aux besoins éducatifs particuliers. En outre, je vous mets au défi de trouver sur Éduscol ou Canopé des outils pédagogiques gratuits et concrets répondant à ce besoin. Le rapport donne des exemples précis de cette lacune.
La réforme prévoit un effort en matière d'accompagnement : il était temps ! Là encore, la vigilance s'impose et nous devrons contrôler attentivement sa mise en oeuvre.
En conclusion, malgré les points de vigilance que j'ai exposés, qui devront impliquer de notre part un suivi rigoureux, je vous propose, mes chers collègues, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Enseignement scolaire, eu égard à l'effort réel qu'elle traduit, notamment à l'égard du monde enseignant, et par cohérence avec le vote émis par la commission des finances.
M. Stéphane Piednoir . - Je salue le travail de notre rapporteur, et la connaissance fine de l'éducation nationale dont il est l'écho. Ce travail identifie les difficultés auxquelles se heurte le système éducatif, qu'il s'agisse des conditions de travail des enseignants ou des conditions d'accueil des élèves, et les leviers pour les améliorer. Le PLF 2023 prévoit une hausse significative du premier budget de l'État, hors remboursement de la dette : on peut se féliciter de cet effort, plus particulièrement à l'égard des enseignants. La revalorisation de leur rémunération est juste et bienvenue, mais il faut aussi améliorer leur déroulement de carrière. Ce budget en augmentation est le signe d'une nation qui consacre beaucoup d'argent public - près de 59 milliards d'euros - aux jeunes générations.
Ce constat ne doit toutefois pas nous exonérer de l'examen du service rendu par l'éducation nationale : le compte n'y est pas ! Trop de jeunes sortent du système sans diplôme, le décrochage reste important malgré des efforts dont les effets ne pourront se traduire que dans le temps long - je pense notamment aux réductions d'effectifs dans les classes -. On ne peut se satisfaire non plus du rang médiocre de notre pays dans les classements internationaux, pas seulement en mathématiques... Les moyens massifs injectés dans l'éducation nationale n'ont donc pas l'efficacité attendue.
Nous le savons, les conditions de travail des enseignants tiennent aussi à des difficultés telles que les effectifs trop nombreux et, surtout, le manque de discipline. La bienpensance à l'oeuvre pendant des années a empêché les élèves de progresser et les enseignants de travailler. Il faut revenir à l'autorité et aux devoirs à la maison.
Les démissions d'enseignants augmentent - ne nous arrêtons pas aux pourcentages, qui masquent la gravité du processus - et le nombre de candidats aux concours diminue : autant de signes préoccupants d'une baisse d'attractivité de ce beau métier ! Sur les enseignants pèse aujourd'hui une diversité de missions - respect du principe de laïcité, école inclusive... - qui me semble déraisonnable. Il faut y réfléchir. L'enseignement moral et civique, comme l'a montré la mission commune d'information sur la culture citoyenne que j'ai présidée l'an dernier, le confirme : la dilution et l'extension de son contenu illustrent cette tendance à élargir sans cesse les missions des enseignants.
L'intervention du rapporteur me conduit à m'interroger sur l'annonce récente du ministre de l'éducation nationale relative à l'introduction des mathématiques dans le tronc commun, à raison d'une heure trente obligatoire pas semaine. Comment sera mise en oeuvre cette décision et avec quels moyens, compte tenu du manque de professeurs de mathématiques, cette matière étant « en tension » ?
De plus, en ces temps de sobriété énergétique, du fait de l'importance de l'immobilier public (500 000 mètres carré), dont une part importante concerne les collèges et les lycées qui appartiennent aux collectivités territoriales, quelles sont les préconisations du ministère en matière de chauffage ? Les élèves devront-ils investir cet hiver dans des cols roulés ? Quelle sera la charge pour les collectivités territoriales ? Quant aux expériences de chimie, seront-elles ajournées sauf si l'origine locale et le caractère renouvelable du gaz consommé par les becs bunsen sont garantis ? Et y aura-t-il un plan de soutien aux collectivités territoriales pour les aider à financer la rénovation des bâtiments, dont nous savons qu'elle est indispensable ?
Je m'associe par ailleurs à la vigilance du rapporteur sur l'école inclusive et à ses autres constats, qui auraient pu justifier un avis réservé sur les crédits de cette mission. Je prends acte comme lui de l'effort dont font l'objet ces crédits, tout en rappelant que ce budget est adossé à un déficit annuel de 160 milliards d'euros ! Notre groupe suivra son avis.
Mme Annick Billon . - Au cours du précédent quinquennat, les crédits destinés à l'enseignement scolaire ont connu une hausse régulière. Je salue donc la nouvelle augmentation inscrite dans ce PLF, même si une part non négligeable de cet effort tient de manière mécanique à l'augmentation du point d'indice.
Toutefois, de nombreuses difficultés persistent, à commencer par la baisse de l'attractivité du métier enseignant, qui ne date pas d'aujourd'hui. Autre sujet d'inquiétude : la médecine scolaire. En 2011, un rapport tirait déjà la sonnette d'alarme, notant une forte proportion de postes vacants - environ un tiers - et d'importantes disparités entre les territoires. C'est un problème structurel, selon le ministre : que le gouvernement s'en saisisse ! En onze ans, nous n'avons pas avancé en la matière.
S'agissant de l'école inclusive, malgré les efforts destinés à la rémunération des AESH, cette profession reste marquée par une forte précarité, aggravée par le temps partiel contraint. Elle suscite donc peu de vocations. J'insiste aussi sur l'importance de la formation de ces personnels, largement perfectible.
Quant à l'éducation à la sexualité, c'est une priorité si nous ne voulons pas que la pornographie fasse l'éducation sexuelle de nos enfants. Le rapport de la délégation aux droits des femmes l'a clairement montré. Un tiers des moins de 12 ans ont été exposés à des images pornographiques ; deux tiers des moins de 15 ans. Or seulement 10 % des établissements respectent les trois séances par an et par niveau prévues par la loi. Stéphane Piednoir a raison de dire que l'on demande beaucoup aux enseignants ; précisément, l'éducation à la sexualité pourrait être confiée à d'autres intervenants.
Enfin, s'agissant de la réintégration des mathématiques dans le tronc commun, comment cette heure trente va-t-elle pouvoir tenir dans des agendas déjà surchargés ?
Le groupe Union centriste suivra l'avis du rapporteur avec des points de vigilance majeurs : malgré un budget en hausse, l'école reste inégalitaire.
Mme Marie-Pierre Monier . - Quel beau rapport ! Ce réquisitoire à charge me conviendrait tout à fait si le rapporteur en tirait les conséquences en proposant un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission. Vous évoquez l'augmentation substantielle des crédits : mais compte tenu du niveau d'inflation, heureusement que ce budget augmente de 6 % ! Cet effort doit être relativisé. Je rejoins le rapporteur sur la crise d'attractivité du métier enseignant. Les chiffres inquiétants concernant les candidats aux concours et les postes non pourvus ont rythmé l'année 2022. Je doute que les choses s'améliorent lors des concours de 2023 : le report de la date limite d'inscription, faute de candidats en nombre suffisant, montre que les problèmes de recrutement de 2022 risquent de perdurer. Cette crise du recrutement s'explique en partie par le faible niveau des rémunérations. Le gouvernement nous promet un choc d'attractivité, cristallisé autour de trois chiffres clé : la promesse d'un salaire minimum de 2 000 euros en début de carrière, une hausse moyenne des rémunérations de 10 %, et 935 millions d'euros de revalorisations, qui doivent toutefois être rapportés à des effectifs considérables (856 500). Le gouvernement a fait le choix de cibler les vingt premières années d'exercice. Quid des autres enseignants ? Nous assisterons très certainement à un nouvel « effet de plateau ». Ils pourront, nous dit-on, accéder plus facilement aux grades, hors classe et classe exceptionnelle, assortis de rémunérations plus élevées. Mais nous savons, le rapporteur l'a indiqué, que ces promotions sont très tardives concernent une proportion très faible des enseignants... On leur propose aussi les revalorisations conditionnelles inscrites dans le « pacte » : il s'agit de travailler plus pour gagner plus, alors que leur charge de travail est déjà bien lourde. Nous sommes très fermement opposés à cette part conditionnelle de la revalorisation.
Je ne suis pas sûre que le gouvernement ait pris la mesure de la désaffection profonde qui frappe aujourd'hui le métier d'enseignant. Elle tient aussi à leurs conditions d'exercice, cela a été dit. À cet égard aussi, le projet de loi de finances interroge. Je pense aux suppressions de poste, qui sont dans le premier degré sont en décalage complet, à mon avis, avec les objectifs d'amélioration du taux d'encadrement. Nous nous sommes interrogés, avec Annick Billon et Max Brisson, dans notre rapport sur le bilan du dernier quinquennat en matière éducative publié au cours de la précédente session, sur les besoins suscités par ces mesures de dédoublement et de plafonnement des effectifs. 7 500 postes ont été supprimés entre 2018 et 2021. Dans certains établissements, la situation est très dégradée, comme je l'ai constaté dans mon département de la Drôme. Ces suppressions peuvent compromettre l'existence de l'association sportive ou la poursuite de l'éducation au développement durable, ou se traduire par des fermetures de classes qui impliquent des effectifs accrus et de moins bonnes conditions de travail et d'études.
S'agissant de l'école inclusive, on peut saluer la création de 4 000 postes d'AESH et la revalorisation de leur rémunération à partir de la rentrée de 2023. Mais leur situation précaire demeure une vraie préoccupation. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de l'examen de la proposition de loi relative à la rémunération des AESH et des assistants d'éducation, dont je suis rapporteure.
Quant au fonds d'innovation pédagogique (FIP), inscrit dans les crédits de la mission « Investir pour la France 2030 », il sera doté de 150 millions d'euros en 2023, dans le sillage de l'expérimentation conduite à Marseille. Cette logique d'appel à projet me paraît très contestable : on répond à la demande au lieu de répondre aux besoins ! Cette méthode pose la question des établissements qui ne seront pas en mesure, faute de temps par exemple, de présenter un projet. Elle est potentiellement créatrice d'inégalités. Nous avons constaté à Marseille que des établissements prioritaires étaient laissés au bord du chemin. Pour ma part, je préfère la logique de l'équité à celle du marché. Nous devons offrir à tous les enfants les mêmes chances. Mon groupe votera contre les crédits de cette mission.
Mme Céline Brulin . - Nous partageons les constats du rapporteur, mais cela va nous conduire à un vote différent du sien.
Je suis d'accord, l'effort de revalorisation des rémunérations porté par ce budget est réel, mais pas au point de produire le « choc d'attractivité » dont l'enseignement a besoin. Pour mémoire, les effectifs hospitaliers sont dans une certaine mesure comparables à ceux de l'éducation nationale. Or les 8,2 milliards d'euros consacrés à l'issue du Ségur de la santé n'ont pas produit les améliorations escomptées à l'hôpital. De ce fait, que peut-on attendre des 935 millions d'euros destinés aux enseignants ? Le déclassement et le décrochage actuels des enseignants sont le résultat d'un long gel du point d'indice. Ils confirment qu'il est plus sage de revaloriser régulièrement les personnels. Faute d'un tel choix, nous sommes aujourd'hui confrontés à des besoins considérables que nous peinons à financer.
Je considère par ailleurs que la baisse de la démographie scolaire ne devrait pas se traduire par des suppressions de postes, mais devrait être consacrée à l'amélioration du taux d'encadrement. Or, en la matière, les objectifs du précédent quinquennat ne sont pas atteints...
Je remercie le rapporteur pour les statistiques éclairantes qu'il nous a présentées, notamment en matière de démissions. Nous devrons être vigilants sur le nombre d'abandons précoces de nouveaux contractuels et sur la capacité du système à fidéliser ces personnels, et sur les moyens qui seront consacrés à la mise en oeuvre des dernières annonces sur le retour des mathématiques dans le tronc commun. Le FIP me semble par ailleurs poser plus de questions que nous n'avons de réponses, notamment sur le plan juridique et sur les critères de sélection des projets. Quant à la santé des jeunes, je rejoins l'analyse d'Annick Billon. Je crains un fâcheux manque d'ambition dans ce domaine de la part du gouvernement.
M. Julien Bargeton . - Comme dans les fables de La Fontaine, la morale par laquelle Jacques Grosperrin conclut son rapport est très importante. Bien sûr, tout ne va pas bien à l'éducation nationale, mais ce budget est en hausse de 6,5 %. L'augmentation des salaires des enseignants, à hauteur de 10 % en moyenne, est à saluer. 635 millions d'euros permettront une revalorisation inconditionnelle des rémunérations des enseignants. La hausse du point d'indice, très attendue, représente 1,7 milliard d'euros. S'agissant du FIP, 500 millions d'euros permettront d'ici 2027 de financer des projets locaux. Le Sénat ne peut que s'en réjouir, me semble-t-il. J'aimerais par ailleurs savoir quels autres vecteurs d'amélioration de la situation des enseignants, mis à part les salaires, pourraient être privilégiés pour lutter contre la crise d'attractivité de la profession.
Mme Monique de Marco . - Je remercie le rapporteur pour son analyse claire et précise. Les priorités du ministère de l'éducation nationale sont la revalorisation des rémunérations des personnels, la réussite de tous les élèves, l'école inclusive... De fait, le budget augmente de manière sensible, mais à hauteur de l'inflation. En comparaison, l'effort budgétaire effectué entre 2016 et 2017 (+4,8 %) était supérieur. De plus, je ne suis pas convaincue par la promesse de revalorisation de 10 %, qui vaut en réalité pour le quinquennat. Attendons la suite ! Quant au choc d'attractivité, je doute qu'il soit effectif. Une autre grille salariale semble en préparation, en réalité. Je m'inquiète du message que renvoie la création de 4 000 postes d'AESH alors que 2 000 postes d'enseignants sont supprimés. Je m'associe également aux remarques précédentes sur la médecine scolaire. Le ministre n'a pas apporté de réponse précise, la semaine dernière, à nos interrogations sur ce sujet. Enfin, nous devrons être vigilants à l'égard de la réforme annoncée de l'enseignement professionnel, après le débat qui a eu lieu cette semaine dans notre hémicycle.
Mon groupe votera contre l'adoption des crédits de cette mission.
M. Bernard Fialaire . - En matière d'enseignement, nous avons déjà touché le fond ; nous sommes donc en train de remonter ! L'état de la médecine scolaire reflète celui de la médecine en général et rejoint le problème des déserts médicaux. Plus que de médecins, qui sont de toute façon trop peu nombreux, on a besoin d'infirmières, de psychologues et d'assistants sociaux dans les établissements. Dans le cadre de partenariats avec les départements, les PMI et, de manière générale, les services médico-sociaux des départements pourraient être mis à contribution. Cela pourrait être plus efficace que la médecine scolaire, qui n'a pas les moyens d'aller vers les familles, mais demeure au sein des établissements.
En ce qui concerne Parcoursup, dont nous avons débattu lundi soir en séance publique, on note des inégalités dans l'accès aux informations sur l'orientation. Selon moi, les régions doivent être associées : là encore, une logique de partenariat pourrait apporter des solutions.
J'ai par ailleurs appris avec étonnement que le fonds de soutien aux activités périscolaires diminuait en raison d'une baisse de la consommation effective de ces crédits par les communes. Enfin, mon attention a été attirée sur la participation de celles-ci aux dépenses de fonctionnement des établissements privés sous contrat. Il semble qu'actuellement ces charges augmentent, en lien probablement avec le prix de l'énergie. Il semble aussi que l'augmentation du nombre d'élèves scolarisés dans le privé contribue à accroître cette charge financière. La désaffection pour l'école publique est une dimension importante de cette question. On le constate notamment au niveau des lycées et des CPGE. En outre, je me réjouis de la création de 100 postes de CPE dans le projet de budget pour 2023, ainsi que de l'augmentation des heures de décharge pour les directeurs d'école.
Mon groupe suivra l'avis de notre rapporteur.
M. Max Brisson . - Je salue l'expertise de notre rapporteur. Cette analyse aurait pu justifier un vote défavorable, en dépit de l'augmentation des crédits et de la revalorisation des rémunérations des personnels, qui plaident quant à elles pour son approbation. Mais les rémunérations ne sont pas la seule solution à la crise actuelle. Je ne vois pas, dans ce budget, la réforme de fond qu'exige la situation des enseignants, à commencer par la fin du « bizutage institutionnel » qui caractérise les débuts dans le métier. Les néotitulaires ont besoin d'un vrai accompagnement, notamment dans les établissements difficiles où ils sont envoyés comme les « Marie-Louise » du premier Empire : qu'en est-il concrètement ? On ne voit aucun signe d'une intention d'améliorer leur accompagnement dans ce budget. De même, l'approche des ressources humaines doit être plus individualisée. Si cette orientation était mise en oeuvre, cela aurait une traduction dans le budget !
Nous connaissons la désaffection dramatique pour les concours d'enseignants qui résulte de cette situation, avec pour conséquence un recours accru aux contractuels dont l'effectif peut atteindre 20 % des professeurs devant les élèves.
L'entrée dans le métier relève du pilotage à vue. La même réflexion vaut pour l'accompagnement des nouveaux contractuels.
Nous devrons, dans l'hémicycle, exprimer clairement nos protestations et critiques. Depuis juin 2022, ce ministère vit dans un flou parfaitement entretenu. L'objectif est de calmer la colère des professeurs, qui était très forte au moment du départ de Jean-Michel Blanquer. De fait, l'objectif est atteint, mais au prix d'un pilotage à vue très perceptible...
Quoi qu'il en soit, comme l'a indiqué Stéphane Piednoir, notre groupe suivra les conclusions du rapporteur mais nous ne manquerons pas de critiques dans l'hémicycle lorsque la mission sera examinée.
M. Laurent Lafon , président . - En judo, on dit : « Il faut choisir entre avoir raison et réussir »...
M. Pierre Ouzoulias . - Le président a raison, la sagesse japonaise devrait inspirer notre réflexion.
La réforme du lycée de Jean-Michel Blanquer est un échec total. Il faudra y revenir. Le Parlement n'y a aucunement été associé, ce qui est très regrettable. Certes, ces mesures relevaient du domaine règlementaire, mais un débat aurait permis de nourrir notre réflexion. Il semble que le nouveau ministre ait pour objectif de défaire ce qui a été fait par son prédécesseur - cette méthode n'est pas sans précédent depuis 2017. Selon moi l'effondrement de l'éducation nationale n'est pas loin : il y a urgence.
M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis . - Comme l'a relevé Max Brisson, on ne voit pas où va ce ministère.
Je vous rejoins, mes chers collègues, sur le FIP : c'est à croire que les écoles et les établissements n'ont pas de projet. Or ils en ont, nous le voyons bien sur le terrain ! Pour l'heure, nous devons nous prononcer sur le budget, en tant que commission saisie pour avis. Comment expliquer à un enseignant débutant, dont nous connaissons la faible rémunération, que l'on ne vote pas un budget comportant des mesures de revalorisation qui lui sont destinées ? Au-delà des questions budgétaires, je ne suis pas certain que la feuille de route du ministre actuel soit très claire, notamment dans le domaine de la laïcité. Or ce ministère a besoin d'une vision claire sur l'avenir de l'éducation nationale. Nous attendons du ministre des réponses concrètes. Nous serons particulièrement vigilants en séance publique sur ce point et peut-être ferons-nous évoluer notre position à ce moment-là.
Mme Sylvie Robert . - C'est donc un avis de sagesse ?
M. Bruno Retailleau . - C'est la conviction qui fait l'honneur de la politique. Notre rapporteur est partagé entre ses constats critiques et le vote favorable de la commission des finances. À titre personnel, je pense qu'un avis de sagesse pourrait peut-être concilier ces exigences. Mais je m'en remettrai naturellement à l'avis du rapporteur et à l'appréciation de la commission.
M. Laurent Lafon , président . - Un avis de sagesse serait peut-être une façon de ne pas s'exprimer : est-ce cohérent quand on est saisi pour avis ?
M. Max Brisson . - Nous devrons être attentifs au message que nous enverrons par notre vote aux enseignants - je pense plus particulièrement aux enseignants débutants, qui sont dans certaines métropole en situation de pauvreté - alors que leurs rémunérations sont enfin revalorisées. Mais ne nous leurrons pas : l'argent n'a jamais suffi à réparer des systèmes en panne. Une réforme ambitieuse, systémique, s'impose : nous sommes d'accord sur les constats, même si nous ne nous rejoindrons pas nécessairement sur les conséquences qui doivent en être tirées.
M. Pierre Ouzoulias . - Je vous rassure, mon cher collègue, notre groupe va voter contre ce budget, comme c'est le cas depuis des années, et nous n'aurons aucune difficulté à nous en expliquer auprès des enseignants ! Pour nous, la revalorisation prévue par le PLF est insuffisante.
M. Julien Bargeton . - Nous sommes confrontés à une divergence de vues entre le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis, pourtant membres du même groupe...
M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis . - Avant que nous nous prononcions, je souhaiterais apporter très brièvement quelques éléments de réponse.
La revalorisation des rémunérations est bienvenue, ce qui n'empêche pas un regard critique sur ce budget. Le temps de travail des enseignants est considérable : selon une étude récente, ils déclarent entre 35 et 60 heures par semaine dans le premier degré ; entre 33 et 65 heures dans le second degré. Stéphane Piednoir a évoqué le décrochage et les médiocres performances de la France dans les classements internationaux : l'héritage est là ! Dans cette logique, le renforcement des horaires de maths obligatoire va dans le bon sens. Le budget traduit des efforts certains en matière d'investissement immobilier, notamment dans les outre-mer. La médecine scolaire subit un manque d'attractivité évident, en lien probablement avec des rémunérations trop faibles. La proposition de loi que Marie-Pierre Monier va rapporter permettra une réflexion utile et éclairera le débat. S'agissant du FIP, je le répète, les établissements avaient des projets avant cette annonce ! La baisse de la démographie scolaire aurait pu justifier une diminution plus brutale du nombre de postes d'enseignants. Ces 2 000 postes supprimés auraient pu néanmoins permettre d'améliorer le taux d'encadrement. Les postes non pourvus s'élèvent à 1 686 dans le premier degré ; 2 070 dans le second degré, soit au total 3 756. Les démissions concernent malheureusement les enseignants les plus jeunes : les moins de 40 ans représentent 51 % des démissionnaires dans le premier degré ; 45 % dans le second degré. On comptait 1 499 démissions en 2020-2021 dans le premier degré ; 912 dans le second degré. L'augmentation des crédits de la mission ne doit pas, à mon avis, s'apprécier uniquement à l'aune de l'inflation. Quant au « bizutage institutionnel », il appelle une réforme de fond, je suis d'accord avec Max Brisson.
M. Laurent Lafon . - Mes chers collègues, je vous propose de suspendre brièvement notre réunion avant de passer au vote.
M. Laurent Lafon , président . - Mes chers collèges, nous reprenons nos échanges.
M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis . - Entre réussir et avoir raison, nous choisissons la réussite du système éducatif pour les prochaines années et, à ce titre, je propose que nous nous abstenions sur le vote de ces crédits.
La commission a décidé de s'abstenir sur l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2023 et s'en remettra, dans ces conditions, à la sagesse du Sénat.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Lundi 12 septembre 2022
- Académie de Toulouse : M. Mostafa FOURAR , recteur.
- SNUIPP-FSU : M. Gilles LANGLOIS , secrétaire national secteur droits des personnels réglementation et moyens, Mme Élise CAPERAN , secrétaire nationale, Mme Sandrine MONIER , secrétaire nationale, M. Nicolas FLAVIER , secrétaire national, M. Grégory FRACKOWIAK , secrétaire national, M. Gwenaël LE PAIH , secrétaire général adjoint, M. Dominique BRUNEAU , secrétaire fédéral du SGEN-CFDT, Mme Sylvie PERRON , secrétaire fédérale, M. Christophe HUGUEL , secrétaire fédéral, M. Jean-Luc EVRARD , secrétaire fédéral, M. Christophe GRUSON , secrétaire national au premier degré.
Mardi 20 septembre 2022
- Académie de Versailles : Mme Charline AVENEL , rectrice, M. Benoit VERSCHAEVE , secrétaire général.
- Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN) - UNSA : M. Bruno BOBKIEWICZ , secrétaire général, Mme Gwenaël SUREL , secrétaire national.
- Direction générale de l'enseignement scolaire : M. Édouard GEFFRAY , directeur général, M. Christophe GEHIN , chef de service du budget et des politiques éducatives territoriales.
- Mme Catherine BECCHETTI-BIZOT , médiatrice de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur.
Mardi 27 septembre 2022
- Secrétariat général de l'enseignement catholique : M. Yann DIRAISON , adjoint au secrétaire général, M. Pierre MARSOLLIER , délégué général, Mme Cécile CHRISTENSEN , conseillère aux affaires politiques et institutionnelles.
- Direction générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale : MM. Vincent SOETEMONT , directeur général, et Marc ESTOURNET , chef du service des personnels enseignants de l'enseignement scolaire.
ANNEXES
Audition de
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale
et de la
jeunesse
MARDI 8 NOVEMBRE 2022
M. Laurent Lafon , président . - Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui, dans le cadre de nos auditions budgétaires sur le PLF 2023, M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le ministre, nous avions eu le plaisir de vous auditionner peu après votre nomination, en juillet dernier. Nos échanges avaient été riches, attestant de l'intérêt que porte notre commission aux sujets liés à l'éducation et à la jeunesse.
L'ordre du jour des prochaines séances du Sénat témoigne d'ailleurs de la diversité des sujets relevant de votre champ de compétences. Y sont ainsi inscrits un débat sur l'enseignement professionnel, à l'initiative du groupe des Républicains, un autre sur le bilan de Parcoursup, à la demande du groupe CRCE, ou encore l'examen d'une proposition de loi portant sur la titularisation des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et des assistants d'éducation (AED), présentée par Sylvie Robert et les membres du groupe socialiste, dont nous discuterons ensemble le 8 décembre prochain.
Aujourd'hui, c'est sur le projet de loi de finances pour 2023 que nous avons l'opportunité d'échanger. Hors enseignement agricole, je rappelle que le budget de la mission « Enseignement scolaire » est de 80,8 milliards d'euros, 58,8 milliards d'euros si on exclut la contribution aux pensions de l'État. C'est la première mission du budget général, après le remboursement et les dégrèvements.
Par rapport au projet de loi de finances pour 2022, les crédits sont en nette hausse. Cette augmentation est à saluer, même si nos points de vigilance sont nombreux. Nous aurons l'occasion de les exprimer. Les questions de notre rapporteur pour avis, Jacques Grosperrin, et de nos collègues vous permettront sans doute de le constater.
Lors de notre dernière rencontre, vous aviez indiqué vouloir construire votre action autour de cinq thématiques : les savoirs fondamentaux, l'égalité des chances et la réduction des inégalités, le bien-être des élèves, l'environnement et l'écologie par l'institution scolaire et, enfin, la revalorisation des enseignants. Comment comptez-vous mobiliser le budget alloué à votre ministère au profit de ces différentes thématiques ?
En ce qui concerne la revalorisation des enseignants, nous souhaiterions avoir plus d'informations sur les nouvelles missions que ceux-ci pourraient être amenés à exercer dans le cadre du « pacte » annoncé par le Président de la République.
La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) vient en effet de publier, mi-octobre, une note relevant que la moitié des enseignants déclarent travailler plus de 43 heures par semaine. Quelles nouvelles missions facultatives pourraient leur être confiées ? Pouvez-vous faire un point sur le calendrier des rencontres prévues avec les syndicats sur ce sujet ?
Enfin, dans son discours d'août 2022 devant les recteurs, le Président de la République a annoncé la mise en place d'un fonds d'innovation pédagogique. Nous débattons régulièrement, au sein de notre commission, de l'opportunité de donner plus d'autonomie aux enseignants et aux établissements. Aussi sommes-nous intéressés par les informations que vous pourrez nous transmettre sur la mise en place de ce fonds, son montant et les projets qu'il pourrait contribuer à soutenir.
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, ce projet de loi de finances démontre notre détermination à faire de l'éducation une des priorités de ce nouveau quinquennat, à travers des réformes ambitieuses portées, vous l'avez dit, par une augmentation forte et même inédite du budget de l'éducation nationale.
Cette progression s'inscrit dans une dynamique de croissance constante depuis 2017, mais le présent budget constitue une réelle rupture dans l'ampleur de l'augmentation budgétaire proposée et dans l'ambition qualitative qui est portée.
Le PLF 2023 prévoit ainsi un budget de 59,7 milliards d'euros pour l'éducation nationale. Ce sont 3,7 milliards d'euros supplémentaires, soit une croissance de 6,5 % par rapport à 2022. Il s'agit d'un investissement massif au bénéfice de la réussite de tous les élèves, c'est-à-dire, en réalité, un investissement indispensable pour l'avenir de notre pays.
Cet effort budgétaire permet de mettre en musique les priorités que j'ai déjà eu l'occasion d'énoncer.
La première, vous l'avez indiqué, monsieur le président, c'est la revalorisation de la rémunération des enseignants, et c'est naturellement elle qui compte le plus dans ce budget 2023. Cette revalorisation est le préalable indispensable à toute action de refondation et de transformation de l'école. Il s'agit de reconnaître l'engagement sans faille des enseignants au service de leurs élèves. Trop longtemps, leur dévouement, que je tiens à saluer dans cette enceinte, n'a pas été rétribué à sa juste valeur.
Le Sénat a récemment consacré un rapport très clair et très précis à la situation des professeurs français par rapport à leurs homologues européens. Ce rapport soulignait à juste titre la nécessité d'un sursaut pour éviter une crise profonde du recrutement.
Ce sursaut, ou plutôt ce choc d'attractivité, vous le trouvez dans ce budget. Une enveloppe totale de 935 millions d'euros est consacrée à la revalorisation des enseignants pour 2023. C'est d'autant plus considérable qu'elle entrera en vigueur en septembre 2023 et qu'elle ne couvre donc que les quatre derniers mois de l'année.
Cette revalorisation est composée de deux parties, une part inconditionnelle et une part dite « pacte », perçue à la condition de l'exercice de nouvelles missions, qui seront définies dans le cadre de la concertation avec les organisations syndicales, qui s'est ouverte il y a un mois, le 3 octobre. La part inconditionnelle dispose d'une enveloppe de 635 millions d'euros au PLF 2023, ce qui représentera, en année pleine, 1,9 milliard d'euros. Concentrée sur la première partie de carrière, cette part permettra de casser le faux plat qui caractérise la progression de salaire en milieu de carrière.
En prolongeant les efforts réalisés dans le cadre du Grenelle de l'éducation et de la hausse du point d'indice des fonctionnaires, cette revalorisation permet d'aboutir à une hausse totale moyenne de 10 %. Cela nous permettra de réaliser l'engagement du Président de la République de ne plus avoir d'enseignants payés moins de 2 000 euros net par mois.
Nous devons donner envie aux jeunes de s'engager dans les carrières du professorat et les soutenir au cours de leurs premières années l'exercice, à un moment où les besoins financiers sont importants. Les personnels en fin de carrière ne sont toutefois pas oubliés, puisqu'un effort complémentaire se traduira par l'amélioration de l'accès aux grades finaux - la hors classe et la classe exceptionnelle -, dans le cadre de mesures interministérielles actuellement en discussion. Par ailleurs, la revalorisation passera par un nouveau pacte proposé à tous les enseignants, qui offrira une hausse supplémentaire de rémunération à la condition d'exercer de nouvelles missions, qui sont parfois réalisées sans être pleinement valorisées.
Sans préjuger des conclusions de la concertation, la formation hors temps d'enseignement, la mise en oeuvre de projets pédagogiques, le suivi individualisé des élèves, l'aide à l'orientation ou encore le remplacement de courte durée font partie des missions qui pourraient faire l'objet de ces rémunérations complémentaires. C'est un levier indispensable pour permettre la transformation en profondeur de notre école.
Ce dispositif est doté d'une enveloppe de 300 millions d'euros sur les quatre derniers mois de 2023. L'équivalent en année pleine à compter de 2024 évoluera en fonction du rythme des adhésions au pacte, qu'on ne peut pas complètement prévoir à ce stade. L'ensemble des enseignants, y compris ceux des lycées professionnels, mais aussi les enseignants des lycées agricoles, bénéficieront de ces revalorisations.
D'autres professionnels de l'éducation nationale, hors enseignants, bénéficieront également de mesures de revalorisation pour traiter les enjeux spécifiques d'attractivité et de reconnaissance de certains métiers de l'éducation nationale. Je pense aux personnels de la filière médico-sociale, qui jouent un rôle déterminant auprès des élèves. Les personnels administratifs ou les conseillers pédagogiques sont également concernés. Au total, une enveloppe de près de 66 millions d'euros sera mobilisée pour l'ensemble de ces mesures catégorielles.
Le deuxième axe fort de ce budget, c'est la réussite de tous les élèves. Budgétairement, cette priorité se traduit par deux actions : en premier lieu la poursuite de l'amélioration du taux d'encadrement dans le premier degré et sa stabilisation dans le second degré, en deuxième lieu la prolongation et l'engagement des dispositifs pour la réussite des élèves, tels que les dédoublements en REP, le plafonnement à 24 des classes de primaire hors REP, ou le développement des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS).
L'effort sur les taux d'encadrement se traduit par une reprise partielle de la baisse démographique que nous connaissons déjà, qui va s'accentuer dans les prochaines années. En dix ans, la France est passée d'une moyenne de 830 000 naissances par an à 738 000 naissances. C'est considérable et, après une baisse de 300 000 élèves ces cinq dernières années, nous prévoyons une baisse de 500 000 élèves sur la période 2022-2027. Cette évolution se traduit par la diminution constatée de 58 000 élèves à la rentrée 2022. Les prévisions pour 2023-2024 atteignent presque 100 000 élèves en moins.
Les prévisions que j'avais données au mois de juillet étaient un peu plus négatives en matière de baisse d'élèves pour l'année écoulée, mais ne tenaient pas compte des quelque 20 000 élèves ukrainiens qui ont été scolarisés. Il y a donc eu une légère compensation l'année dernière.
Répercuter complètement cette baisse sur le nombre d'enseignants reviendrait à supprimer 5 000 postes. En limitant cette baisse à 2 000 postes, nous poursuivons l'effort pluriannuel sur les taux d'encadrement. Dans le premier degré, nous sommes passés d'une moyenne de 23,6 enfants par classe en 2016 à 21,6 en 2022, et nous prévoyons de faire baisser ce chiffre en 2023, pour atteindre 21,3 élèves par classe en moyenne.
Dans ce cadre, je réaffirme que la baisse des effectifs d'enseignants tiendra compte des enjeux liés à la ruralité, en conformité avec l'engagement du Président de la République. Aucune fermeture d'école n'interviendra sans l'accord des maires.
Au-delà des dispositions budgétaires du PLF, la réussite des élèves passera aussi par des réformes structurantes, comme celle du collège, sur laquelle nous travaillons activement, ou la réforme de la voie professionnelle annoncée par le Président de la République, qui a souhaité que celle-ci soit construite dans le cadre d'une large concertation, qui a débuté.
La réussite de tous les élèves passe aussi par la poursuite de l'école inclusive. L'école inclusive demeure une priorité pour mon ministère et le Gouvernement. 4 000 postes d'AESH ont été créés à la rentrée 2022, et 4 000 postes seront créés à la rentrée 2023. Cette hausse continue, que nous assumons, ne peut cependant pas être la seule réponse aux besoins particuliers de certains élèves.
La hausse des notifications, que nous ne maîtrisons pas puisqu'elles dépendent des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), est beaucoup plus rapide que celle du nombre d'AESH. Les fortes divergences entre départements, les situations de saturation dans certaines classes, les difficultés de recrutement d'AESH dans certains bassins nous imposent de réfléchir plus globalement à la situation et de construire ce que nous appelons un « acte II de l'école inclusive », de manière à répondre de façon pertinente et soutenable à la situation de chaque enfant, tout en garantissant dans le temps cette école inclusive, en particulier d'un point de vue budgétaire.
L'objectif de la réforme est clair : chaque enfant doit être correctement accompagné en fonction de ses besoins. Nous nous mettons donc en ordre de bataille pour que des propositions concrètes puissent être inscrites à l'ordre du jour de la Conférence nationale du handicap, qui aura lieu au printemps 2023. Je serai heureux, le moment venu, si vous le souhaitez, de revenir vous en parler.
Une démarche de concertation a été engagée par la Première ministre, dans le cadre du comité interministériel du handicap, le 8 octobre 2022. Au vu des conclusions de cette concertation, nous ferons évoluer les outils de l'école inclusive. Ce sont des évolutions qui bénéficieront aux AESH puisque, dans ce cadre, nous souhaitons définir les modalités qui leur permettront d'atteindre, si tel est leur choix, un temps plein de 35 heures, en partenariat avec les collectivités territoriales. Cela représentera également un progrès pour les élèves en situation de handicap.
La situation matérielle des AESH est ainsi un sujet majeur d'attention dans ce chantier, et nous privilégions pour cela l'option des 35 heures afin d'améliorer leur rémunération. Néanmoins, comme vous l'avez peut-être noté, dans le cadre des débats à l'Assemblée nationale, une préoccupation légitime s'est exprimée vis-à-vis de ces personnels essentiels pour le fonctionnement de l'école inclusive et fragilisés par le contexte inflationniste que nous connaissons.
Nous avons donc décidé, avec la Première ministre, de retenir une proposition d'amendement actant une revalorisation de 10 % des AESH à partir du 1 er septembre 2023, selon le même calendrier que celui des enseignants. 80 millions d'euros supplémentaires sont ainsi prévus pour financer cette revalorisation, pour laquelle le gage a été levé.
Cette revalorisation s'ajoute à l'enveloppe de 74 millions d'euros initialement prévus dans le budget, qui permettra à ces personnels, ainsi qu'aux AED de percevoir la prime REP-REP+, lorsque leur affectation les y autorise.
J'ai également souhaité, à travers ce budget, donner corps à la priorité que j'ai fixée en matière de lutte contre les inégalités sociales et territoriales. De fait, la lutte contre les inégalités scolaires est au fondement de notre capacité à faire société. C'est aussi une condition du bon fonctionnement de l'éducation nationale et de l'amélioration globale de nos résultats. Pour cela, nous développons les dispositifs de soutien aux familles les plus fragiles, via la hausse des bourses scolaires - plus 4 % à partir de la rentrée 2022 -, ce qui représente un total de 835 millions d'euros en 2023. Les établissements sont par ailleurs encouragés à améliorer l'utilisation de leurs fonds sociaux, qui sont actuellement sous-consommés.
Je suis également très vigilant vis-à-vis des inégalités territoriales. En ce sens, l'expérimentation des contrats locaux d'accompagnement (CLA) et des territoires éducatifs ruraux (TER) sera étendue : près de 9 millions d'euros sont inscrits au PLF 2023 pour ces deux dispositifs.
Amélioration du niveau scolaire, réduction des inégalités, bien-être, ces priorités se retrouveront dans le fonds d'innovation pédagogique, qui sera doté, en 2023, de 150 millions d'euros pour les quatre derniers mois de l'année 2023. Ce fonds est une vraie nouveauté : il va permettre de financer tous les projets pédagogiques innovants portés par les équipes éducatives, qui seront issus des débats engagés dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR), lancé par le Président de la République le 8 septembre dernier. Si vous le souhaitez, je serai heureux de vous entretenir de ces concertations, qui sont lancées depuis le 3 octobre.
Les projets bénéficiant d'un soutien financier pourront être très divers, dès lors qu'ils visent à améliorer la réussite des élèves. En nous fondant sans la dupliquer sur l'expérience conduite à Marseille, nous préparons le déploiement d'un dispositif ambitieux dans son volume et novateur dans son fonctionnement, puisqu'il sera pleinement déconcentré et proche du terrain. Ce nouveau fonds, qui viendra abonder notre budget à partir d'un transfert de crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », permettra par exemple de financer des projets autour du développement durable, de l'inclusion, des savoirs fondamentaux ou de l'éducation artistique et culturelle, le tout sans mise en concurrence des écoles et établissements les uns par rapport aux autres, dans un esprit de confiance vis-à-vis des équipes pédagogiques.
M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis sur les crédits de l'Enseignement scolaire . - Monsieur le ministre, mes chers collègues, la préparation de la dernière rentrée scolaire a été marquée par les résultats inquiétants des concours de 2022 : chute du nombre de candidats, plus particulièrement dans le premier degré, baisse du nombre de lauréats, augmentation sans précédent du nombre de postes non pourvus dans le premier comme dans le second degré.
Les concours de 2022 montrent une évaporation des candidats qui va, selon moi, au-delà des conséquences mécaniques du niveau de diplôme exigé depuis cette année. Nous devrons suivre avec vigilance les concours de 2023 pour voir si le nombre de candidats connaît une amélioration, une fois franchi le cap du master désormais exigé pour concourir.
Le PLF 2023 traduit certes des efforts très significatifs pour revaloriser les rémunérations des enseignants. Il cible notamment les jeunes. Vous avez parlé de choc d'attractivité : ce sont en effet des masses budgétaires significatives. Nous espérons que les fiches de paye seront à la hauteur des besoins d'autant que, vous l'avez fort bien dit, nous partons de loin. Les salaires des débutants sont bas compte tenu de leur niveau de diplôme. Il est certain que, pour produire des effets, cet effort financier devra être poursuivi pendant de nombreuses années.
Vous l'avez confirmé : le salaire minimum devra être de 2 000 euros par mois en début de carrière et vous promettez une revalorisation historique. Sur 935 millions d'euros, 635 millions seront consacrés à une revalorisation inconditionnelle, 300 millions étant provisionnés de manière moins précise. Vous avez évoqué des réflexions, des engagements syndicaux. Nous aimerions avoir quelques informations.
Vous dites qu'on pourra, pour un professeur avec quelques années d'ancienneté, aller jusqu'à 25 % d'augmentation. Y aura-t-il des contreparties ? La profession a besoin de réponses.
Le deuxième point porte sur la crise actuelle du recrutement, qui ne tient pas seulement aux rémunérations et qui n'est pas spécifique à la France. Cet effort financier ne suffira peut-être pas à renverser cette tendance. On voit dans les pays étrangers que des difficultés proviennent de conditions d'exercice difficiles ou dégradées au fil du temps. En France, on pense aux enseignants qui interviennent dans les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) ou les territoires quelque peu délaissés.
Les démissions s'accélèrent. On peut les minimiser en estimant que cela correspond à moins de 1 % des effectifs, mais elles ont doublé entre 2013 et 2016, passant de 516 à 1 002.
Ce qui nous inquiète surtout, c'est le fait que les enseignants concernés sont jeunes. 22 % des démissions dans le premier degré concernent des moins de 29 ans. Ils démissionnent surtout en tout début de carrière : 30 % des démissions surviennent pendant l'année de stage. Quel est votre sentiment à propos de ces démissions ? Comment pouvez-vous pouvez agir ? Derrière les chiffres, il y a des hommes, derrière les hommes, il y a des politiques.
Enfin, le recrutement des contractuels a été important cette année. Des entretiens d'embauche ont eu lieu, suivis de quatre jours de formation. Il n'en demeure pas moins que ces personnels apportent souvent un plus, notamment dans l'enseignement professionnel. Sans eux, cette rentrée aurait certainement été plus complexe.
J'aurais pu vous parler de la faible attractivité de certains territoires, des contraintes de mobilité géographique et de la situation dans le second degré, mais j'aimerais revenir, pour ma troisième question, sur l'attractivité du métier d'enseignant et sur la formation initiale et continue.
Les 300 millions provisionnés pour le « pacte » ne pourraient-ils permettre aux enseignants du premier degré, qui n'ont pas la possibilité d'être allégés, d'être payés au moment où ils suivent leur formation continue, par exemple lors de certaines vacances scolaires ?
Enfin, vous nous avez parlé des 150 millions du fonds d'innovation pédagogique, tiré du programme « Investir pour la France de 2030 ». Nous nous demandons quel serait le canal par lequel ce fonds pourrait être versé aux établissements du premier degré qui y auraient droit. Sur quelle base juridique vous fondez-vous et quelles lignes budgétaires permettront d'y répondre ?
M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Monsieur le ministre, je rapporte ce budget depuis dix ans, et j'observe une logique nouvelle dans les débats. Incontestablement, les classements internationaux ont permis des échanges plus rationnels sur la qualité de notre enseignement. Nous avons toujours tendance à penser qu'il est exceptionnel, mais les résultats et les comparaisons montrent que ce n'est pas tout à fait vrai. Nous avons en effet été parfois rattrapés par d'autres pays, qui ont fait des efforts significatifs.
Ces comparaisons internationales permettent de mieux échanger et de surmonter les divisions politiques pour revenir à l'essentiel : le succès de nos jeunes et les perspectives qui leur sont offertes par cet enseignement.
En second lieu, la commission des finances, qui n'a pas les mêmes responsabilités que la commission de la culture, s'en est tenue aux chiffres et a regardé de façon systématique la rémunération de nos enseignants et les choix salariaux qui ont été faits par l'éducation nationale, d'une façon informelle, mais avec une tendance presque continue depuis les débuts de la V e République. Il apparaît très clairement que le primaire a toujours été moins bien traité que le secondaire, et que l'ancienneté a toujours été privilégiée sur l'effort.
Monsieur le ministre, comment ressentez-vous ces inégalités dans l'accès au métier d'enseignant, selon la discipline que l'on a choisie ? On constate une très forte inégalité de l'offre et de la demande d'enseignants selon les disciplines. Ce n'est pas complètement anormal. Vous en connaissez la raison : certaines disciplines sont moins concurrencées que d'autres en matière de débouchés et, par conséquent, moins contraintes.
Cette inégalité se double d'une inégalité territoriale. Pour simplifier, le coût de la vie n'est pas partout le même sur le territoire français. Êtes-vous d'accord avec ce diagnostic et quelles conséquences en tirez-vous ?
Je reviens sur deux sujets d'actualité ouverts par les déclarations du Président de la République de cet été, qui sont très intéressantes et instructives : quelles priorités attendez-vous des engagements des enseignants qui concluraient le pacte individuel qui s'inscrit dans le cadre d'une volonté ministérielle ? Sont-ce les devoirs faits dans l'établissement, les vacances apprenantes, l'échange entre enseignants sur le suivi individuel des élèves pour assurer leur réussite ? Je rappelle que l'objectif de l'éducation est en effet la réussite des élèves et la transmission d'un savoir.
Enfin, parmi les annonces de l'été figure la responsabilité du chef d'établissement au lycée ou au collège. En ce qui concerne les écoles, c'est un peu plus compliqué. Quel est le fond de votre pensée sur ce sujet ?
Certes, la commission des finances ne peut que se réjouir qu'il ait un peu plus d'argent et qu'on réfléchisse à modifier les choses, mais les questions que je vous pose ne sont pas sans effet sur l'engagement de mes collègues, qui ne sont pas tous aussi mesurés que je le suis devenu avec l'âge.
M. Pap Ndiaye, ministre . - S'agissant de la revalorisation des enseignants, j'appuie les propos du rapporteur concernant de la perte d'attractivité du métier, dont nous avons déjà parlé. La presse s'en est fait l'écho de façon extrêmement large ces derniers mois. Je dois dire que les efforts que nous faisons ne vont pas à notre sens inverser brutalement les choses d'une année sur l'autre. C'est un travail de longue haleine, qui va prendre plusieurs années.
Cette revalorisation ne répond pas en effet à l'ensemble des facteurs qui permettent d'expliquer le faible rendement des concours et le faible nombre de candidats. Je suis en accord total avec vous sur ce sujet. D'ailleurs, la question des difficultés de recrutement d'enseignants se pose à l'échelle de toute l'Europe, sauf dans deux d'entre eux, y compris dans des pays voisins du nôtre, comme l'Allemagne ou le Luxembourg, où les rémunérations sont beaucoup plus élevées qu'en France.
Par conséquent, la question des rémunérations, même si elle est importante, n'explique pas tout. Il existe d'autres facteurs, comme les conditions de travail, la manière dont les jeunes se projettent dans ce métier, qui a été conçu pour des carrières longues, jusqu'à la retraite. Aujourd'hui, les étudiants envisagent l'enseignement pour une période plus brève, une dizaine d'années, avant de pouvoir faire autre chose. Ils veulent des portes de sortie dans les trajectoires de carrière. Il existe aussi des possibilités pour les personnes qui souhaitent entrer dans l'éducation nationale après une première expérience professionnelle. Il y a donc un gros travail à mener du point de vue des carrières.
J'ai déjà eu l'occasion de dire à quel point la place symbolique des enseignants dans la société française doit être revalorisée. Les enseignants n'ont jamais été bien payés. Leurs salaires étaient relativement plus élevés il y a 30 ans, mais les historiens de l'éducation insistent sur le fait que les rémunérations, durant l'entre-deux-guerres, étaient modestes. Les enseignants du premier degré connaissaient même des difficultés, mais ces rémunérations étaient compensées par une place sociale, symbolique et politique importante. Il y a parfois un sentiment de déclassement qui va au-delà des simples questions financières.
S'agissant des inégalités selon la discipline, je remarque que les deux disciplines qui ont été les plus en tension et à propos desquelles nous avons eu le plus de difficultés pour cette rentrée 2022 n'ont pas été les disciplines les plus en concurrence sur le marché du travail. Il s'agit des lettres classiques et de l'allemand. Vous conviendrez que ce sont des disciplines qui sont un peu à contre-intuition par rapport à ce qu'on pourrait imaginer s'agissant des mathématiques ou de la physique-chimie. Il me semble donc que la question du marché du travail, dans sa globalité, y compris du marché du travail privé, n'est pas la seule question dans les difficultés de recrutement que nous pouvons rencontrer.
La question des démissions se pose en effet. Vous avez eu raison de dire que ces démissions sont importantes dans les cinq premières années du métier. On est à 0,4 % pour les cinq premières années, contre une moyenne de 0,2 % pour l'ensemble de la carrière, ce qui rejoint d'ailleurs des données que nous avons à l'échelle internationale. Les démissions se concentrent sur les premières années, avec des chiffres beaucoup plus élevés dans les pays européens voisins, compris entre 4 et 6 %. On est donc à un niveau beaucoup plus bas, mais la pente va croissant. Raison de plus pour y travailler. C'est pour cela que, les premières années sont, y compris du point de vue de la revalorisation, des années essentielles sur lesquelles il faut se pencher.
Quant aux contractuels auxquels nous avons recours, les proportions qui restent modestes, en dépit de ce qu'en a dit la presse. Nous sommes entre 1 et 1,5 % dans le premier degré, entre 6,5 et 8 % dans le second degré, avec des variations, je le concède, selon les régions.
La question des contractuels doit être abordée de deux manières : sous l'angle du rendement des concours, qui n'a pas été bon cette année - 8 % -, mais aussi en tenant compte du fait que nous avons besoin d'enseignants contractuels de façon structurelle, de manière à ajuster finement notre offre à la demande et à pouvoir répondre à un certain nombre de difficultés temporaires.
S'agissant du pacte, les missions nouvelles que nous entendons proposer aux enseignants volontaires sont discutées avec les organisations syndicales jusqu'au 15 novembre. Nous reprendrons après les élections professionnelles, début janvier, pour conclure vers la fin février. Je ne sais pas si nous parviendrons à un accord. Nous discutons d'un éventail assez large de missions avec les organisations syndicales, mais si je devais insister sur quelques points, je mentionnerais d'abord la question des remplacements de courte durée, celle du suivi et de l'orientation des élèves, particulièrement dans le second degré, et enfin la question de la formation continue, élément essentiel pour les premier et second degrés.
Nous avons besoin de former nos enseignants de manière continue, ne serait-ce que parce que la formation initiale, en France, est réduite par rapport à d'autres pays. Vous l'avez vous-même noté dans votre rapport : on a une formation aux métiers très académique et très réduite par rapport à certains pays.
Dans l'immédiat, nous devons faire un effort de formation continue, y compris dans des disciplines comme les mathématiques, qui ne sont pas les plus familières aux enseignants du premier degré, qui viennent plutôt du monde littéraire au sens large.
S'agissant de l'école inclusive, nous avons créé des postes d'AESH, mais j'ai eu l'occasion de souligner à quel point cette question nécessitait d'être remise à plat, tant le système se trouve frappé d'embolie du côté des instituts médico-éducatifs (IME), où il n'y a plus assez de places. Les élèves sont versés dans le milieu ordinaire. Les classes ULIS sont pleines elles aussi, et nous avons des difficultés structurelles, sans compter les notifications des MDPH qui « pleuvent » et qui nous posent de réelles difficultés.
Il faut donc sortir d'une simple logique de création de postes d'AESH, création nécessaire, mais qui ne nous permet pas de « rattraper la marée » pour mettre les choses à plat et réfléchir à la meilleure manière d'accueillir les enfants en situation de handicap.
Je voudrais également mentionner la question des inégalités territoriales en fonction du coût de la vie. C'est en effet un facteur répulsif dans le métier que d'être nommé dans le secondaire dans des académies où le coût de la vie est élevé, notamment en matière de logement pour ce qui concerne les académies franciliennes, à un moment où la rémunération est basse, lorsque l'on est néotitulaire. On a là une crise due au coût de la vie qui se combine à la faiblesse de la rémunération.
La question du logement est un point sur lequel nous nous penchons très sérieusement. Des tentatives ont été engagées pour réserver des logements dans le parc locatif public, mais c'est très coûteux et cela n'a pas eu un succès extraordinaire, en particulier parce que les logements se trouvent dans des quartiers peu attractifs pour les néotitulaires.
Ce sujet est également vrai dans certains départements d'outre-mer. C'est une question que le ministère de la santé ou le ministère de l'intérieur connaissent également. J'ai échangé à ce sujet avec mes collègues pour réfléchir à une offre de logement qui puisse être mutualisée.
Quant au fonds d'innovation pédagogique, il est mis en oeuvre à partir de janvier 2023 et non à partir de la rentrée 2023. Nous escomptons que des projets pédagogiques issus des concertations soient prêts à partir de l'hiver 2023 et que le financement pourra intervenir très rapidement, comme le Président de la République s'y est engagé.
Des opérations administratives sont à réaliser pour transférer les sommes d'argent depuis France 2030 vers les rectorats, le financement se faisant à partir des académies. La question se pose pour les établissements du premier degré, qui n'ont pas de personnalité financière. Dans le cadre de l'expérience marseillaise, le financement a transité par des établissements du second degré. Ce n'est pas une situation optimale, je le reconnais volontiers, mais nous devons travailler là-dessus et résoudre quelques obstacles juridiques.
M. Max Brisson . - Monsieur le ministre, le budget de l'éducation nationale est l'un des plus importants budgets de l'État. Le temps accordé en séance publique, sans parler de l'horaire parfois, n'est peut-être pas proportionnel à ce qu'il représente dans les dépenses publiques, d'où l'importance de nos échanges et du temps que vous y passez. Nous vous en remercions.
Je remercie notre collègue Jacques Grosperrin pour sa vigilance, ses remarques justes et avisées sur le budget. Je veux aussi saluer la sagesse et la modération de Gérard Longuet, dont je risque, à mon corps défendant, de m'éloigner quelque peu dans mon intervention.
Il ressort de ce premier budget de la mandature que le Président de la République, à juste titre, a fait de l'éducation une priorité et a tenu des propos extrêmement forts. Je pense que nous pourrons être tous d'accord sur le fait qu'une politique volontariste est attendue.
En vous écoutant, monsieur le ministre, j'ai du mal à lire le contenu de votre politique, au-delà des mots-clés, des titres de chapitres et des éléments de langage. J'y vois des tentatives de réponses qui entrent en résonance avec de nombreux problèmes sectoriels. C'est louable, mais, à force d'avoir trop de caps, on va finir par affoler la boussole et se perdre en chemin !
On peut en effet se satisfaire et saluer, comme je le fais, les 935 millions d'euros que vous avez obtenus de Bercy pour revaloriser les salaires. C'est essentiel, mais vous avez fixé quelques règles de répartition. On peut s'étonner que, face à cette somme importante, il y ait si peu sur la réforme du métier d'enseignant.
Notre commission a eu souvent l'occasion d'appeler votre prédécesseur à une réforme de fond, à une véritable refonte de la gestion des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale pour rompre, par exemple, avec le véritable « bizutage institutionnel » des néotitulaires car, au-delà de la rémunération, il y a des questions prégnantes sur la formation, l'entrée dans le métier, le déroulement de la carrière.
Nous pensons qu'il serait temps de travailler à des déroulements de carrière plus souples, plus dynamiques, comme nous l'avons proposé par exemple, en adoptant une démarche de contractualisation pour les titulaires en cours de carrière, afin de réduire la seule approche par l'ancienneté et de prendre en compte les réalités de terrain que vient d'évoquer excellemment Gérard Longuet.
Nous pensons que le ministère de l'éducation nationale a besoin d'une réforme en profondeur de sa gestion des ressources humaines, qui doit rompre avec une culture verticale, centralisée, très globale, qui laisse peu de place à une gestion individualisée tenant compte des réalités.
Ma question est simple : avez-vous prévu des moyens spécifiques pour initier une réforme de la gestion des ressources humaines du ministère ? Au-delà de la valorisation salariale, comment comptez-vous réformer en profondeur le déroulement de carrière des enseignants ?
Vous n'avez pas non plus évoqué la réforme du master consacré aux métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF), qui est certainement l'une des causes des difficultés que l'on a rencontrées lors des derniers concours. Quel bilan tirez-vous de cette réforme ? Envisagez-vous de la faire évoluer ?
Je voudrais prendre un deuxième exemple concernant l'école du futur, dotée d'un fonds d'innovation pédagogique de 150 millions d'euros en 2023, qui pourrait être porté à 500 millions d'euros d'ici 2027.
Nous sommes nombreux à nous réjouir, dans cet hémicycle, de cette prise de conscience portée par le Président de la République à propos du besoin de donner plus d'autonomie et de liberté aux établissements et à leurs professeurs, mais, là encore, je m'interroge sur l'ambition. L'autonomie des établissements scolaires, que le Président de la République appelle de ses voeux, nécessite certainement bien plus qu'un financement par un appel à projets centralisé. Cela exige une réforme systémique et certainement un travail législatif.
On vient d'aborder la question : peut-il y avoir autonomie pour les écoles primaires s'il n'y a pas personnalité morale ? Peut-il y avoir autonomie pour les écoles primaires si les directeurs ne peuvent exercer leur autorité, au-delà de l'autorité fonctionnelle apportée par la réforme Rilhac ?
Finalement, vous nous proposez une réponse qui s'apparente étonnamment à ce qui a été rejeté par cette assemblée : des établissements publics locaux et des savoirs fondamentaux rattachant les écoles primaires aux collèges. Ne craignez-vous pas de générer la même colère des maires ruraux, qui verront des risques de disparition de leurs écoles, et des syndicats d'enseignants ?
Vous avez lancé quelques titres de chapitres sur le collège et la voie professionnelle. Nous attendons du contenu. Nous serons patients. Le groupe Les Républicains a souhaité un débat sur la réforme de l'enseignement professionnel, qui aura lieu dans l'hémicycle le 14 novembre.
Vous aviez souhaité la dernière fois que je vous pose des questions sur l'enseignement des langues régionales. Je ne l'avais pas fait. Mon plaisir est donc grand de vous donner satisfaction aujourd'hui : quelle est votre position sur l'enseignement des langues régionales par la méthode de l'immersion dans les écoles publiques ? Quel est votre avis sur la question du passage des épreuves du brevet et du Baccalauréat « langues régionales » ? Une réponse est attendue par les enseignants, qui vont bientôt avoir achevé le programme du premier trimestre.
Où en sommes-nous du rapport des députés Euzet et Kerlogot, qui préconisaient une loi-cadre sur les langues régionales ? J'ai cru comprendre que vous n'aviez guère envie de présenter des lois devant le Parlement. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi. Je pense pourtant que certains sujets, comme l'autonomie des établissements ou la place des langues régionales, ne vous permettront pas de faire l'économie d'un passage devant le Parlement.
Mme Marie-Pierre Monier . - Monsieur le ministre, vous nous avez parlé d'une augmentation du budget de quelque 6 %, mais nous vivons un contexte où l'inflation est estimée à 6 % et pourrait être revue à la hausse.
Vous avez dit qu'il était temps de reconnaître un engagement sans faille de la part des enseignants, trop peu rétribués à leur juste valeur, et que cela nécessitait un sursaut.
Par ailleurs, vous nous parlez d'un pacte qui consiste à faire davantage travailler les enseignants pour gagner plus. Je comprends que vous sous-entendez que les professeurs ne seraient pas au maximum de leurs capacités de travail, et cela m'interpelle. Vous avez évoqué quelques pistes, notamment une indemnité de suivi et d'orientation qui existe déjà pour le second degré.
Je voudrais également revenir sur les suppressions de postes. Vous avez annoncé 1 000 suppressions dans le premier degré. Comment espérer, dans ces conditions, mettre en oeuvre de façon satisfaisante la poursuite des politiques de dédoublement en REP et REP+ et le plafonnement du nombre d'élèves par classe, même s'il y a moins d'élèves ? Cela demande beaucoup de moyens. Or on manque de remplaçants dans le premier degré.
Avez-vous à ce sujet des éléments chiffrés à nous communiquer sur le dédoublement actuel des classes de grande section de maternelle ? Confirmez-nous que le taux est de 100 % pour les classes de CP et de CE1 en REP et REP+, ainsi que pour les classes de grande section en CP et CE1 hors éducation prioritaire ?
Je constate à regret que de nouvelles suppressions d'emplois dans le second degré sont là - moins 480 postes, soit moins 1 700 emplois entre 2018 et 2021 -, à rebours, pour le second degré, de l'évolution des effectifs. Il y aura certainement recours aux heures supplémentaires pour compenser ces suppressions de postes. Avez-vous des éléments sur la consommation des heures supplémentaires ? Je sais qu'il est très difficile pour les enseignants d'accepter plus que les deux heures statutaires dont ils bénéficient.
S'agissant du recours aux contractuels, vous avez annoncé le lancement de concours exceptionnels à destination du premier degré dans trois académies, Créteil, Versailles et la Guyane. Quid des académies qui ne sont pas concernées par cette démarche, ainsi que des contractuels exerçant dans le second degré ?
On a beaucoup parlé d'école inclusive et, malgré des recrutements en hausse, le nombre d'accompagnants pour les élèves en situation de handicap reste insuffisant. Je crois que 44 % des personnels de direction signalaient qu'au moins un AESH manquait à la rentrée pour accompagner les élèves. On a même vu apparaître, pour compenser les insuffisances de l'État, un recours à des AESH privés, notamment via des structures associatives qui entrent dans les écoles. C'est un mécanisme un peu pervers, qui crée une rupture d'égalité entre les parents qui peuvent se permettre un recours à une telle solution et les autres. Il attire également des AESH qui trouvent des conditions d'exercice peut-être plus favorables.
Quelle est la position du ministère sur le sujet ? Disposez-vous d'éléments chiffrés sur l'évolution du phénomène, la revalorisation de 10 % annoncés et des 4 000 nouveaux recrutements prévus cette rentrée ? Que prévoyez-vous de faire pour apporter des réponses à la hauteur des carences actuelles de l'école inclusive ?
Je souhaite vous alerter sur un point plus précis, celui de la formation des AESH, qui est aujourd'hui considérée comme insuffisante par les principaux concernés. Dans le PLF, on constate une baisse de l'enveloppe destinée à cette formation, alors même que le nombre d'AESH doit augmenter de 4 000 cette année. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Vous avez parlé de 2 000 euros net pour ceux qui débutent dans le métier d'enseignant. Est-ce net ou primes incluses ? Pour les enseignants, une prime n'est pas une augmentation du point d'indice. Cela n'a rien à voir.
Vous ciblez le début de carrière, mais cela risque d'en décourager certains, la hors classe venant très tard dans la carrière des enseignants. Quelle marge de manoeuvre avez-vous au regard de l'évolution des crédits programmés pour la mission dans les prochaines années ? Les montants prévus permettront-ils vraiment de connaître une montée en puissance de cette revalorisation ?
Mme Annick Billon . - Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur les AESH. En réalité, beaucoup travaillent encore à temps partiel, malgré l'instauration des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL), et de nombreuses académies restent sous tension. Selon la rectrice de Versailles, on constate un manque de 700 AESH pour sa seule académie. L'attractivité de ce métier reste faible, du fait des salaires, mais aussi à cause de l'organisation du temps. Avec Marie-Pierre Monier et Max Brisson, nous préconisions dans notre rapport intitulé « Bilan des mesures éducatives du quinquennat » de réaliser un focus sur la formation, qui doit être étoffée. Qu'en est-il ? Quid des AESH privés, déjà évoquées, qui sont semble-t-il autorisés dans les établissements publics, qu'il s'agisse de collèges ou de lycées, en fonction de l'avis du chef d'établissement ?
Vous vous êtes par ailleurs exprimé depuis la rentrée au sujet de l'éducation à la sexualité. La loi prévoit des heures obligatoires par année et par niveau. Elle n'est évidemment pas appliquée. La délégation aux droits des femmes a présenté un rapport, « Porno, l'enfer du décor », dénonçant les ravages du « biberonnage » de toute une génération à la pornographie, faute de cours d'éducation à la sexualité. Les élèves disposent en moyenne de trois séances sur les 21 obligatoires. Il faut bien entendu appliquer la loi, mais aussi adapter les contenus. Un enfant de moins de douze ans sur trois et deux enfants de moins de 15 ans sur trois sont exposés à la pornographie depuis l'âge de huit ans.
Je voudrais revenir sur la médecine scolaire. Nous avons démontré dans nos travaux que l'éducation à la sexualité était nécessaire, mais qu'on avait aussi besoin d'un espace d'écoute. On compte aujourd'hui - si mes chiffres sont bons - un médecin pour 12 572 élèves, et un infirmier pour 1 300 élèves. Les besoins sont criants et l'on déplore également un déficit en pédiatrie de ville. La médecine scolaire a donc d'autant plus sa place dans ce système aujourd'hui. Qu'en sera-t-il cette année dans ce domaine ?
Nous avions, dans notre bilan des mesures éducatives, proposé un module dédié à la maternelle dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPÉ). Qu'en est-il ?
D'autre part, avec Laure Darcos, nous avions auditionné le collectif Maths et sciences. Aujourd'hui, de nombreuses jeunes filles ne sont plus en mesure de s'orienter vers les filières scientifiques. C'est d'autant plus criant que cela fait maintenant quasiment deux ans que cela dure. Il y a donc urgence. Vous avez fait des annonces pour essayer d'inverser la tendance. Comment allons-nous réussir à inverser la tendance ?
Enfin, selon le Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire 2021-2022 , on note un déséquilibre au profit des hommes dans l'accès aux grades les plus élevés : hors classe et classe exceptionnelle. Dans le premier degré, 18 % des hommes professeur des écoles sont en hors classe, contre 16 % pour les femmes. 11 % sont en classe exceptionnelle contre 5 % pour les femmes. Dans le second degré, 7 % des enseignantes sont en classe exceptionnelle, contre 9 % des enseignants. Ceci ne peut s'expliquer que par des différences démographiques. Il semble que les hommes passent plus rapidement que les femmes à la hors classe et à la classe exceptionnelle, même dans le premier degré où, pourtant, ils sont depuis longtemps moins nombreux que les femmes.
On note en conséquence un creusement des différences d'indices entre les hommes et les femmes à partir de 20 ans d'ancienneté, avec des inégalités de salaires non négligeables en fin de carrière. Qu'en est-il et que proposez-vous - même si ma voisine estime que c'est partout pareil ?
Mme Céline Brulin . - Monsieur le ministre, vous avez parlé d'un budget de rupture. Ce n'est pas le cas en ce qui concerne les suppressions de postes qui se poursuivent, et je crois que vous ne pouvez compter uniquement sur les effets démographiques pour améliorer le taux d'encadrement. Il y a encore des départements, comme le mien, où, hors REP, on trouve des classes comptant bien plus de 24 élèves et où, comme cela a déjà été évoqué, les grandes sections en REP et REP+ plus ne sont pas encore dédoublées.
Cet exemple suffit à montrer que supprimer des postes est une mauvaise idée. C'est encore plus vrai dans le secondaire, où les effectifs continuent de croître pour encore quelques années, me semble-t-il.
S'agissant des revalorisations salariales, je rejoins ce qu'a dit Jacques Grosperrin qui a affirmé en substance que l'effort financier ne suffirait pas à inverser la tendance à la crise du recrutement que l'on connaît aujourd'hui. C'est aussi notre avis.
Je voudrais vous interroger plus précisément sur la part du pacte dans la revalorisation des enseignants. Vous dites - et je suis totalement d'accord avec vous - qu'on a besoin de redonner aux enseignants la place sociale qu'ils méritent dans notre société, mais je ne crois pas que ce soit en leur faisant exercer de nouvelles missions pour qu'ils gagnent plus que nous allons y parvenir.
Par ailleurs, cette solution a déjà été expérimentée dans le secondaire via l'augmentation des heures supplémentaires. Je ne sais pas ce qu'il en est cette année, mais Jacques Grosperrin, dans un précédent rapport budgétaire, avait démontré que 12 millions d'euros d'heures supplémentaires étaient non consommés parce que les enseignants ne pouvaient pas les faire. Les enseignants travaillant en moyenne une quarantaine d'heures dans notre pays, il est difficile qu'ils en fassent plus.
Concernant l'acte II de l'école inclusive, j'espère me tromper en ayant compris qu'il allait falloir compenser la faiblesse de rémunération des AESH par le plein temps. Ce sont en effet souvent les besoins de l'institution scolaire qui l'emportent sur le besoin des enfants. Si l'on veut un acte II de l'école inclusive, celui-ci doit prioritairement porter sur les besoins des enfants.
Vous avez évoqué le fait que l'école et l'éducation nationale ne pouvaient accueillir tous les enfants en situation de handicap et affirmé qu'il manquait de places dans les institutions spécialisées. Je vous rejoins dans cette analyse, mais existe-t-il un dialogue avec le ministère de la santé et les départements qui créent ces places ? Il faut mener, me semble-t-il, une réflexion d'ensemble de ce point de vue.
Quant à l'école du futur, j'insiste sur ce qu'ont dit certains collègues à propos du manque de bases juridiques, ne serait-ce que pour affecter les crédits que vous accorderiez aux écoles qui s'engageraient dans un projet pédagogique innovant. Vous avez dit que ces projets innovants devaient viser l'amélioration de la réussite des élèves. Je ne connais pas un seul établissement scolaire de ce pays qui ne travaille pas à l'amélioration de la réussite des élèves ! Tout le monde ne part pas du même niveau, et cela peut être un critère pour attribuer des moyens supplémentaires, mais j'aimerais connaître les critères pédagogiques et sociaux sur lesquels les rectorats, qui vont visiblement devoir affecter et départager les établissements scolaires qui voudront bénéficier de ces crédits, vont pouvoir se baser.
Enfin, s'agissant de la santé des jeunes, plusieurs rapports montrent l'ampleur des méfaits de la crise sanitaire sur leur santé mentale. Je ne considère pas que ce soit à l'éducation nationale de répondre en totalité à cet enjeu, mais elle ne peut faire autrement que d'y prendre sa part. Or ce budget ne comporte aucune amélioration dans le domaine de la médecine scolaire, pourtant sinistrée !
Mme Samantha Cazebonne . - Monsieur le ministre, comment rendre le métier d'AESH plus attractif et améliorer les conditions de travail de ces personnels ? Je rappelle que le budget qui leur est consacré a été augmenté de 80 millions. On peut le saluer.
Quant au recrutement des AESH pour les élèves scolarisés à l'étranger, cela sort de votre champ de compétence, les familles devant les recruter elles-mêmes dans le cadre du réseau homologué des Français de l'étranger.
Par ailleurs, je souhaite vous alerter au sujet du module de master MEEF consacré à l'enseignement du français à l'étranger, qui prépare nos enseignants à rejoindre cette expérience. Je rentre d'un long déplacement à l'étranger, où j'ai pu rencontrer un certain nombre d'acteurs, dont quelques formateurs de ce module. Ils me disent que d'autres pays recrutent désormais nos futurs enseignants, comme le Canada ou le Luxembourg.
La greffe ne prend pas toujours, car s'ils sont payés, c'est souvent en échange d'un plus grand nombre d'heures de travail. Nous perdons néanmoins un certain nombre de ces enseignants, alors que nous avons, nous aussi, besoin d'enseignants compétents, formés en amont de leur prise de fonction. Je rappelle que notre réseau homologué compte près de 560 établissements à l'étranger.
Par ailleurs, je continue à saluer ce qu'a fait M. Geffray en sa qualité de directeur général des ressources humaines au ministère de l'éducation nationale en prévoyant, en 2019, par décret, le retour en France des professeurs français de l'étranger détachés de l'éducation nationale, après deux missions de trois années, afin qu'ils n'y fassent pas toute leur carrière. Pour avoir été cheffe d'établissement, je pense qu'il est bon qu'on se confronte à la réalité française lorsqu'on est fonctionnaire de l'éducation nationale.
Les Français de l'étranger sont toujours considérés comme des nantis, qui partent au soleil gagner beaucoup plus d'argent qu'ailleurs. Je voudrais tordre le cou à cette idée reçue : en Espagne, à Majorque où je vis, les professeurs sont payés 1 400 euros par mois. C'est une réalité qu'il faut connaître. Il y fait bon, certes, mais ni plus ni moins que dans le Sud de la France !
Lorsque ces enseignants reviennent, ils déplorent qu'on n'utilise pas leurs compétences. Ils parlent souvent deux ou trois langues, et on ne peut les reconnaître dans une discipline non linguistique (DNL). Ils sont obligés de revenir comme tout à chacun, et on n'arrive pas à leur attribuer des postes qui correspondent aux compétences qu'ils ont acquises à l'étranger. J'ai souvent rencontré vos services, mais j'aimerais vraiment avoir un engagement de votre part à ce sujet, monsieur le ministre. Si nous ne le faisons pas, ils vont démissionner de l'éducation nationale et resteront à l'étranger.
Mme Monique de Marco . - Monsieur le ministre, au cours des dernières années, les missions dévolues aux infirmiers et médecins scolaires se sont diversifiées, notamment avec le renforcement de la lutte contre les violences subies par l'enfant, y compris intrafamiliales, mais également avec le dépistage du harcèlement scolaire, par lequel un élève sur dix serait concerné. Pourtant, dans le même temps, en dix ans, le nombre des médecins scolaires à temps complet est passé de 1 261 à 843, et celui du personnel infirmier de 8 133 à 7 579. Comment comptez-vous renforcer le rôle primordial de la médecine scolaire ?
Par ailleurs, des difficultés remontent localement de la part d'établissements qui ne disposent plus de psychologues au sein du réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased). Ce problème s'accroît pour la deuxième année consécutive. Pouvez-vous nous dresser plus largement un état des lieux de l'état des Rased et de l'évolution des moyens humains qui leur sont consacrés dans le cadre de ce projet de loi de finances ?
Enfin, j'attends avec impatience votre réponse concernant le rôle des langues régionales, et en particulier l'enseignement par immersion.
M. Bernard Fialaire . - Monsieur le ministre, vous avez la chance d'avoir un ministère qui embrasse suffisamment de matières pour laisser des questions à chaque membre des groupes.
Je pratique quant à moi un sport d'endurance depuis quelques années, qui consiste à harceler des ministres au sujet de l'activité physique quotidienne, aussi bien le ministre de la santé que le ministre des sports, qui pensent que tout va bien. Je suis un peu moins optimiste qu'eux sur la mise en place de l'activité physique quotidienne (APQ) depuis la rentrée scolaire. Disposez-vous déjà d'une évaluation ? Comment comptez-vous la réaliser ?
Vous nous parlez de votre souhait de voir les élèves réussir. Les études ont prouvé que le sport était un facteur important en la matière, qui ne demande pas beaucoup de moyens financiers, mais une véritable volonté politique.
Par ailleurs, nous avons conduit, à la demande de la commission, une mission d'information sur la délinquance des mineurs, avec Céline Boulay-Espéronnier et mes collègues de la commission des lois. Le premier critère en matière de repérage est celui du décrochage scolaire. Où en est-on sur ce plan ? Pour que l'éducation nationale reconnaisse qu'un enfant est en décrochage scolaire, il faut que les parents aient signé une reconnaissance du décrochage. C'est un peu ubuesque, tout comme l'exclusion temporaire d'élèves dont on veut réveiller l'intérêt vis-à-vis de l'enseignement scolaire. Quel est votre avis ?
J'aimerais aussi vous alerter à propos d'un sujet particulier, qui a pris toute son acuité avec la crise énergétique. Vous savez que les communes doivent financer les écoles privées selon le nombre d'élèves. Dans certaines communes, l'école privée attire tant d'élèves que cela fait augmenter le coût par élève. Or qu'on chauffe une classe, même à 19 degrés, pour 25 ou 20 élèves, le coût est le même. On va parfois jusqu'à des fermetures de classes, avec des conditions d'accueil moins favorables. C'est un véritable cercle vicieux, et il convient de se pencher sur ce sujet, car on est dans une spirale qui me paraît inquiétante.
Je voudrais aussi vous alerter sur le recrutement des grandes écoles de commerce. Seules trois classes préparatoires sur dix sont publiques. Je pense qu'il faut éviter un déclassement de l'école publique dans ce domaine.
Dans la même idée, les jeux vidéo, secteur d'excellence en France, proposent aussi des emplois pour lesquels il n'existe aucune formation publique. L'éducation nationale a complètement délaissé ce secteur.
Enfin, compte tenu de la démographie des personnels médicaux, où en sont les réflexions au sujet de la mutualisation des services de protection maternelle et infantile (PMI) avec les services médico-sociaux des départements pour éviter les effets de redondance ?
M. Pap Ndiaye, ministre . - Voilà une belle brassée de questions. Je vais m'efforcer d'y répondre en les regroupant lorsqu'elles se recoupent.
S'agissant des questions du sénateur Brisson, je commencerai par insister sur trois points essentiels pour moi, et tout d'abord sur la hausse du niveau scolaire des élèves. Vous le savez, les classements internationaux ne placent pas la France en position si favorable que cela dans un certain nombre de disciplines comme les mathématiques, mais ce n'est pas la seule concernée.
Nous avons là une question de niveau scolaire général et sommes alertés par des évaluations à l'entrée en seconde ou en troisième pour les langues vivantes, voire des tests de positionnement après le collège.
Le sujet est donc celui du niveau général. Un travail a été mené ces dernières années au niveau de l'école primaire. Il faut lui laisser le temps de se matérialiser et de produire ses effets - plan mathématique, plan français, accent sur les savoirs fondamentaux à l'école primaire.
La réforme du lycée a également été impactée par la crise sanitaire. Son évaluation n'est pas complète. J'ai prolongé de ce point de vue le comité de suivi de la réforme du lycée, présidée par Pierre Mathiot, qui propose des retouches et des améliorations à une réforme qui est perfectible.
Entre les deux, le collège constitue un sujet de préoccupations majeur pour nous. Je parle toujours du niveau scolaire général puisque, à l'entrée au collège, environ 20 % des élèves sont en difficulté scolaire, voire en grande difficulté scolaire, comme le montrent les évaluations en français et en mathématiques qui ont eu lieu au mois de septembre, dont nous allons publier bientôt les résultats. Le collège est aussi le lieu de ce que j'appelle « la grande divergence », c'est-à-dire que des trajectoires scolaires vont diverger jusqu'à arriver à ce qu'un quart des élèves du collège soit en difficulté jusqu'au lycée. Nous allons, à partir de la semaine prochaine, commencer à faire des propositions importantes en commençant par la classe de 6 e .
Le deuxième chapitre structurant, c'est celui des inégalités scolaires avec, parmi elles, les inégalités entre filles et garçons et les inégalités sociales, très accentuées en France. L'école française a du mal à effacer ou à compenser les inégalités de naissance. Il existe d'autres types d'inégalités liées à l'école inclusive, dont vous avez beaucoup parlé.
Je m'arrête un instant sur la question des inégalités sociales. Elles apparaissent de façon très crue avec la publication dans la presse d'articles liés à la mise à disposition en open data des indices de positionnement sociaux (IPS) des établissements, collèges et lycées, qui indiquent des écarts très importants entre les établissements et invitent bien entendu à agir, car on sait que, dans les comparaisons internationales, la France n'est pas bien placée quant à la réduction des inégalités de naissance par le système scolaire, qui tend plutôt à les reproduire.
Nous allons aussi, de ce côté, faire une série de propositions, à partir de la semaine prochaine, dans le sens de la mixité scolaire ainsi que d'un meilleur équilibre entre les établissements favorisés et les établissements moins favorisés.
Je reviendrai par le biais des sciences sur le sujet de l'égalité entre filles et garçons, puisque vous m'y avez invité, madame la sénatrice Billon - et je sais à quel point, avec la sénatrice Darcos, vous êtes mobilisées sur cette question.
Le dernier sujet concerne les questions que nous regroupons sous le chapitre du bien-être. Vous pourrez considérer que le bien-être n'a pas beaucoup d'importance, mais toutes les études démontrent que le bonheur d'être à l'école est un élément tout à fait décisif dans la trajectoire scolaire, dans le plaisir de travailler et de faire des efforts. Cela inclut aussi la question du climat scolaire, variable mesurée à l'échelle internationale.
On peut y inclure des questions comme celle de la lutte contre le harcèlement scolaire. La journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire doit avoir lieu dans deux jours, avec la généralisation du programme pHARe pour les écoles primaires et les collèges. Je pourrai vous en entretenir si vous le souhaitez.
On peut aussi y rattacher un ensemble de rubriques importantes, comme l'éducation à la sexualité, sur laquelle je reviendrai bientôt. Nous allons faire des propositions dans les semaines à venir, et je serai heureux de les développer si cela vous agrée.
J'en viens à des questions un peu plus précises, à commencer, monsieur le sénateur Brisson, par la question des RH. Je sais que vous avez travaillé en 2018 sur un rapport sur le métier d'enseignant qui va dans notre sens à plusieurs égards.
La gestion des RH fait l'objet depuis quelques années d'un changement, peut-être très peu visible de l'extérieur, de ce qu'on appelle la RH de proximité, à l'échelle des établissements. Elle donne des résultats tout à fait intéressants du point de vue des carrières, des mutations, éventuellement des changements de voie. Cette RH de proximité contribue à rompre avec la verticalité et la centralité que vous souligniez précédemment.
Il y a, enfin, un ensemble de questions derrière les RH, que j'ai évoquées en parlant des déroulements de carrière qui, en effet, doivent être revus à l'aune des aspirations nouvelles des enseignants. La question des mutations est importante dans le second degré, puisqu'on a une disjonction entre les souhaits de mutation et nos besoins, qui ne sont pas ajustés aux souhaits des enseignants, en particulier dans les académies franciliennes, là où sont nommés beaucoup de néotitulaires.
Essayer de mieux ajuster les demandes de mutation à nos besoins globaux est une question extrêmement complexe. Vos collègues ultramarins sont par exemple très sensibles à cette question des mutations, qui peut se jouer sur plusieurs milliers de kilomètres. Nous essayons d'y travailler. Je vais dans votre sens, si j'ai bien compris, à propos d'une démarche de contractualisation. Il me semble que lorsqu'on est nommé très loin de chez soi, il est raisonnable d'avoir une perspective de mutation vers une autre académie ou de retour chez soi. Pour l'instant, c'est encore extrêmement flou pour des enseignants, qui ont parfois l'impression d'être « coincés » dans une académie ou un département qui ne correspond pas à leur choix de vie et à leur souhait de rentrer dans leur région d'origine.
S'agissant de la voie professionnelle et des lycées professionnels, des échanges sont en cours dans le cadre des groupes de travail mis en place par la ministre déléguée Carole Grandjean, qui s'occupe de ce dossier. Cette réforme en est à ses débuts. Je pourrai revenir sur les grandes lignes du diagnostic à propos des lycées professionnels, mais je veux signaler, à ce stade, la démarche qui est celle de groupes de travail visant à préparer une loi qui sera discutée dans le courant de l'année 2023.
À propos d'échanges avec le Parlement, dont je respecte infiniment les compétences et le travail, nous n'avons pas, en dehors de la voie professionnelle, de loi particulière en prévision. Les capacités réglementaires du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse sont importantes, et les parlementaires ont par ailleurs des missions essentielles en matière de contrôle et d'audition, auxquelles nous nous soumettons bien volontiers.
Concernant les langues régionales, il y a en effet des échanges relatifs à la langue basque, notamment avec les parlementaires, à propos de l'épreuve de sciences du brevet. La question est en discussion. Il en va de même à propos des examens nationaux et des écoles immersives. Selon le ministère de l'éducation nationale, les familles doivent pouvoir effectuer un choix raisonnable d'un point de vue pratique entre des écoles offrant un enseignement en langue basque, par exemple, si elles le souhaitent, et des écoles offrant un enseignement en langue française. La possibilité de choix doit être préservée. Ma philosophie générale est celle d'une ouverture raisonnable aux langues régionales. J'ai eu l'occasion de vous le dire lors de la précédente audition : j'y suis très ouvert.
J'ai pu mesurer en outremer, l'importance des classes bilingues, notamment parce qu'un certain nombre d'élèves sont allophones et ne parlent pas français au début de leur scolarisation. Des classes de français et de créole leur permettent donc d'apprendre le français, auquel nous tenons comme à la prunelle de nos yeux, tout en favorisant leur scolarisation. J'ai assisté à un cours bilingue français-créole réunionnais dans un collège du quartier du Chaudron, le collège Elie Wiesel, à Saint-Denis, qui était extrêmement intéressant. J'ai constaté à quel point les élèves, via la langue créole, progressaient en français. Le développement des langues régionales ne se fait donc pas, à mon sens, au détriment de la langue française, mais il reste un certain nombre de questions relatives au brevet, et ce sont des points sur lesquelles nous devons continuer à échanger.
Madame la sénatrice Monier, vous avez, à propos du pacte, souligné la difficulté qu'il y a à travailler plus, et vous avez fait allusion à une note de la DEPP qui indique que les enseignants travaillent déjà beaucoup. J'en suis persuadé, et je ne serai pas celui qui relativise leur travail, bien au contraire.
Nous avons cependant également indiqué que, dans les nouvelles missions qui seront proposées dans le cadre du pacte, figureront des missions que les enseignants remplissent déjà, y compris via des indemnités pour mission particulière (IMP) diverses et variées. Il faut donc tenir compte d'un éventail qui ne viendra pas mécaniquement, et de façon purement quantitative, s'ajouter à des tâches que les enseignants pratiquent déjà. Nous devons cependant progresser dans un certain nombre de domaines que j'ai indiqués.
Il faut aussi tenir compte - la note ne le précise pas de façon très détaillée - d'un travail enseignant qui peut être variable selon les moments de la vie : lorsqu'un enseignant est très expérimenté, il a bien entendu en réserve des cours et une pratique professionnelle, une organisation et un emploi du temps différents des enseignants débutants.
S'agissant des suppressions de postes, nous allons poursuivre les dédoublements. À la rentrée 2022, les dédoublements en CP et CE1 en REP et REP+ sont réalisés à 100 %, mais ils ne le sont pas en grande section de maternelle. Nous sommes à 75 % et serons à 86 % à la rentrée 2023, pour atteindre les 100 % à la rentrée 2024. Nous avons d'ores et déjà prévu les postes pour achever le dédoublement des classes de grande section de maternelle à la rentrée 2024. Cela se fait de façon échelonnée, mais reste prioritaire pour nous.
Vous avez fait allusion aux AESH privés. J'avoue les avoir découverts dans la presse. Nous enquêtons sur le sujet, mais je peux vous dire d'ores et déjà que leur existence n'a absolument ni mon approbation ni ma faveur. Nous attendons d'abord de voir ce qu'il en est précisément pour pouvoir intervenir de façon pertinente sur le sujet.
En ce qui concerne la formation des AESH, l'enveloppe supplémentaire qui a été obtenue au titre d'une hausse de rémunération prévoit un volant concernant la formation. Nous y sommes très attentifs.
Sans doute y a-t-il eu des malentendus, en dehors de cette enceinte : la hausse de rémunération non conditionnelle n'est pas prévue seulement pour les enseignants néotitulaires, qui entrent dans le métier avec 2 000 euros net par mois, mais concerne les 20 premières années de carrière. Comme je l'indiquais, notre objectif est de remettre en cause le faux plat qui intervient une fois les premières années d'augmentation passées, très décourageant pour les enseignants.
Nous réfléchissons donc et ferons des propositions pour faciliter l'accès à la hors classe et à la classe exceptionnelle pour les fins de carrière. J'ai noté à cet égard ce que vous disiez à propos de la surreprésentation des hommes dans la hors classe et la classe exceptionnelle. Je vous suis volontiers sur ce sujet, madame la sénatrice, même si cela n'existe pas dans tous les corps et à tous les niveaux. C'est un des points de vigilance dans notre réflexion sur l'égalité entre les femmes et les hommes, parce qu'il n'est pas acceptable que des hommes soient privilégiés dans l'accès aux grades élevés, que ce soit en hors classe ou en classe exceptionnelle.
Madame la sénatrice Billon a abordé l'éducation à la sexualité. Comme vous l'avez souligné, il faut respecter la loi du 4 juillet 2001. Nous avons lancé une enquête flash qui indique qu'on est très loin de ce que la loi prescrit. Nous avons donc publié et mis en ligne un ensemble de ressources pédagogiques, que nous avons relues très attentivement il y a plusieurs semaines maintenant. Elles sont disponibles sur le site Éduscol, site de ressources très complet, avec des fiches prévues pour chaque niveau, de manière à faciliter la relance de l'éducation à la sexualité. On est loin du compte, comme l'enquête nous l'a indiqué et comme le rapport de l'inspection générale de l'année dernière, également disponible en ligne, le soulignait.
J'ai lu avec intérêt le rapport que vous avez coécrit sur la pornographie. Je suis bien en accord avec vous de ce point de vue. Il nous paraît que l'éducation à la sexualité est absolument indispensable pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, pour la réduction des violences sexistes et sexuelles. Elle offre énormément d'avantages : une éducation à la sexualité bien menée est aussi une manière de prévenir des formes de violence, ce que j'ai appelé le « virilisme », dans les cours de récréation. En effet, je préfère que l'école s'occupe d'éducation à la sexualité plutôt que l'industrie pornographique. Nous avons là une mission absolument essentielle, et nous allons veiller très attentivement, avec la ministre Isabelle Rome, à ce que la loi soit respectée.
La question de la médecine scolaire est revenue à plusieurs reprises. Il faut reconnaître que la médecine scolaire est en crise : je ne vous apprends rien. Des postes de médecins scolaires sont vacants. Je pourrais doubler leur nombre, cela ne changerait pas grand-chose, puisqu'un bon tiers des postes ne sont pas pourvus, voire plus dans certains départements ruraux, où les médecins scolaires sont devenus extrêmement rares, en dépit des hausses de rémunération de ceux travaillant dans les établissements et de ceux affectés dans les rectorats. On rencontre un problème d'attractivité du métier. Les étudiants en médecine choisissent peu la médecine scolaire, comme ils choisissent peu, d'ailleurs, la médecine du travail. On a là un problème structurel. Je rencontre demain le ministre de la santé pour évoquer cette question et envisager une autre structuration de la médecine scolaire. On ne va pas recruter du jour au lendemain les médecins scolaires qui nous manquent. Il nous faut être lucides à ce sujet et envisager des alternatives qui permettent de répondre aux impératifs de médecine de prévention et de détection.
La situation des infirmiers et infirmières scolaires est moins critique. Nous améliorons leur situation financière.
Vous posiez la question des modules dédiés à la maternelle dans les INSPÉ. La formation des professeurs des écoles, depuis la petite section de maternelle jusqu'au CM2, est globalement la même. Il paraîtrait intéressant d'introduire, de manière non rigide, des colorations pour des formations à la petite enfance, avec des dimensions affectives et psychologiques un peu différentes de ce que l'on trouve à l'école élémentaire. Nous y réfléchissons, mais cela n'a pas encore abouti. Je serais ravi d'en reparler avec vous.
Concernant l'égalité entre les filles et les garçons, on a noté en terminale, entre 2019 et 2021, une baisse de 28 % en matière de maths et de maths renforcées du côté des filles, chiffre d'ailleurs publié dans la presse. Mais on s'est aussi aperçu parallèlement d'une baisse de 22 % du côté des garçons. L'écart existe, mais il n'est pas aussi spectaculaire que celui qu'on pouvait imaginer. Ce n'est pas pour moi une manière de relativiser les choses, mais je note un problème plus général qui est celui des disciplines scientifiques, en relevant aussi qu'entre les classes de première et de terminale, les élèves abandonnent une des spécialités. Il est donc logique de constater une baisse. C'est vrai pour les mathématiques, mais pas seulement, à cause de la réduction des spécialités. Il n'empêche que nous avons là un sujet, qui est celui de la présence des filles dans des disciplines scientifiques - mathématiques, sciences de l'ingénieur, numérique - alors que, du côté des SVT, par exemple, la situation est tout à fait différente. Dans les sciences du vivant, la biologie, la médecine, qui sont des disciplines ô combien importantes, la présence féminine ne manque pas, contrairement aux sciences de l'ingénieur, qui connaissent de grosses difficultés.
Nous allons tout d'abord, à l'occasion d'assises de mathématiques qui ont lieu en début de semaine prochaine, faire un certain nombre de propositions. Je tiens d'ores et déjà à vous dire que, pour moi, le seul objectif valable et légitime est d'arriver à 50 % de filles dans ces spécialités. Je ne vois pas pourquoi on ne serait pas à égalité entre les filles et les garçons dans les disciplines du numérique, des sciences de l'ingénieur, etc. C'est l'objectif que nous devons atteindre, et nous allons faire des propositions assez volontaristes en la matière à l'occasion des assises de mathématiques.
J'ai eu l'occasion d'en discuter très récemment avec le tout récent récipiendaire de la médaille Fields, Hugo Duminil-Copin, qui a accepté avec beaucoup de générosité d'être en quelque sorte l'ambassadeur des efforts que nous allons mener. Il est très sensible à cette question de l'égalité entre les filles et les garçons. Il est également très sensible à la question plus générale de ce que nous appelons la réconciliation des élèves avec les mathématiques, dont nous allons parler la semaine prochaine. Certains élèves choisissent la spécialité mathématiques, la spécialité renforcée en terminale, mais il y a aussi les élèves, hélas, qui sont dans une situation précaire en mathématiques en classe de seconde, comme les tests de positionnement nous le montrent, et nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation.
Nous allons faire des propositions la semaine prochaine sur la place des mathématiques et la confirmer dans le tronc commun des élèves de première, lorsque tous les calculs seront faits en termes de postes. Je fais une priorité absolue, avec ma collègue Sylvie Retailleau, de la place des jeunes filles dans ces disciplines. C'est une question de justice, mais aussi une question essentielle pour notre pays : on ne peut raisonnablement se priver des talents considérables que recèle, par définition, la moitié de la population dans des disciplines essentielles.
Je voudrais dire un mot des questions relatives aux projets pédagogiques. C'est vous, madame la sénatrice Brulin, qui évoquiez les critères de sélection des projets pédagogiques dans le cadre du Fonds d'intervention pédagogique (FIP). Nous venons de publier un guide sur les critères d'évaluation de ces projets. Je veux vous assurer qu'il ne s'agira pas d'une mise en concurrence brutale des projets les uns par rapport aux autres. La démarche sera d'accompagner les projets pédagogiques dont la maturité ne sera pas jugée suffisante, de manière qu'ils puissent être présentés une nouvelle fois dans un laps de temps raisonnable et être validés à l'échelle des rectorats, en fonction de leur faisabilité et de leur ambition, mais aussi de la capacité à évaluer ces projets selon des critères raisonnables.
Madame la sénatrice Cazebonne, s'agissant des enseignants de retour de l'étranger, je serai ravi d'en parler plus avant avec vous. Vous m'avez interrogé en juillet sur cette question. Le ministère des affaires étrangères, qui compte aussi dans cette question, doit être également mobilisé.
Les Rased, madame la sénatrice de Marco, qui comptent environ 10 380 postes, enregistrent une hausse ces dernières années. Je n'ai pas d'état des lieux sur la situation, mais je pense qu'il est temps de faire un point sur leur situation.
Enfin, s'agissant de la question des activités physiques quotidiennes, on est entré dans la phase obligatoire des 30 minutes dans les écoles élémentaires, après la une première phase, l'année dernière, qui était expérimentale et concernait environ 9 000 écoles. Le projet consistait d'abord à fixer aux vacances d'automne la mise en place pratique de ces 30 minutes d'activité. Il est temps maintenant de faire un premier point pour voir où l'on en est, et quels types d'activités physiques sont proposés.
Pour mémoire, s'agissant des deux heures de sport hebdomadaires dans les collèges, on est encore dans une phase expérimentale, puisqu'un peu plus de 200 collèges sont concernés cette année.
J'ai bien noté vos questions à propos des classes préparatoires aux grandes écoles de commerce privées. Je vais regarder cette question. D'une manière générale, le sujet des classes préparatoires aux grandes écoles, dont j'ai eu l'occasion de parler avec ma collègue Sylvie Retailleau, est un point qui m'importe. Il faut aussi se soucier de petits signaux d'alerte que constituent les effectifs de certaines de ces classes. J'en ai parfaitement conscience.
Vous évoquiez la question du décrochage scolaire. Le nombre de décrocheurs scolaires s'est réduit. On était aux alentours de 150 000 il y a quelques années, nous sommes aujourd'hui à environ 90 000. C'est 90 000 de trop, je vous le concède très volontiers, mais nous devons désormais respecter l'obligation de formation des jeunes gens de 16 à 18 ans pour ne laisser personne sur le côté.
Lors d'une réunion à l'hôtel de Matignon avec la Première ministre et des associations engagées sur les questions de pauvreté, nous avons ont été alertés sur les questions de décrochage scolaire, souvent liées à des situations de grande fragilité sociale ou économique. Il faut reconnaître que l'éducation nationale n'a pas encore tous les outils pour repérer et rattraper ces jeunes en difficulté. Je vous rejoins à ce sujet : c'est une question essentielle.
Mme Else Joseph . - Monsieur le ministre, beaucoup de points ont été abordés. Je voulais simplement « enfoncer le clou » sur l'attractivité du métier d'enseignant et relayer également un certain nombre d'inquiétudes, notamment les incertitudes concernant les personnels, leur répartition et le calendrier. Beaucoup de choses ont été dites, en particulier sur la difficulté de recrutement et les perspectives de déroulement de carrière. Je ne veux donc pas insister, ayant obtenu un grand nombre de réponses.
Mme Sabine Drexler . - Monsieur le ministre, j'ai interrogé Mme Nathalie Élimas en 2020, auditionnée par notre commission en tant que secrétaire d'État à l'éducation prioritaire. Celle-ci était alors une question clé du quinquennat. Aujourd'hui, la crise sanitaire et les confinements sont passés par là, et il n'existe plus de secrétariat d'État à l'éducation prioritaire, bien qu'on constate toujours davantage d'inégalités scolaires.
À l'époque, aux côtés de l'Association des maires ruraux de France (AMF) et des parents, nous regrettions le manque d'impact de cette politique en milieu rural. Nous regrettions aussi le fait que les dédoublements de classe dans les REP et REP+ se fassent au détriment des territoires, qui subissaient de nombreuses fermetures de classes, voire d'écoles, parfois dans des sites isolés, contraignant les enfants à parcourir des kilomètres pour être scolarisés.
Mme Élimas nous avait dit avoir réalisé, suite à son tour de France de l'éducation prioritaire, l'ampleur des besoins en termes d'enseignants dans les écoles en milieu rural, et avait annoncé vouloir expérimenter une nouvelle approche qui tienne davantage compte des écarts entre la ruralité et la ville.
L'expérimentation a été lancée en 2021 dans plusieurs académies pour tenter de mieux prendre en considération les besoins de ces territoires. Pourriez-vous faire un point sur ce dispositif ? Sera-t-il généralisé à toutes les académies ? À quelle date ? Quels seront, compte tenu de l'éloignement de ces territoires des structures médico-psycho-pédagogiques, les moyens mis en oeuvre sous votre mandat pour accompagner les situations individuelles difficiles, de plus en plus nombreuses, sans parler des situations ingérables, qui laissent les enseignants démunis dans ces territoires ?
Mme Elsa Schalck . - Monsieur le ministre, il a beaucoup été question du manque d'attractivité du métier de professeur, et j'aimerais prolonger ce constat en vous interrogeant sur le manque criant de professeurs d'allemand dans notre pays. 72 % des postes n'étaient pas pourvus à la dernière rentrée, ce qui engendre inévitablement des conséquences en termes d'apprentissage pour les élèves, mais également en termes de conditions de travail pour les professeurs d'allemand.
Cette pénurie, on le sait, concerne tout le pays, mais elle est particulièrement marquée en Alsace, alors même qu'il existe une demande de plus en plus forte de la part des parents, mais également des élus, pour pouvoir bénéficier d'un cursus bilingue tout au long de la scolarité.
Cette situation a conduit des associations, mais également des collectivités, à prendre des initiatives, à l'instar notamment de la Collectivité européenne d'Alsace, qui finance par exemple à hauteur de plus d'un million d'euros une indemnité spécifique pour les enseignants du premier degré intervenant en allemand en classe bilingue.
Malgré cela, le problème persiste et s'accentue. Le recteur de l'académie de Strasbourg a indiqué que le problème chronique de recrutement devient même un facteur de blocage.
Le déficit de professeurs d'allemand est réellement très préoccupant car, on le sait, l'enseignement des langues étrangères est essentiel pour notre jeunesse. Bien évidemment, parler anglais est nécessaire, mais dans une région transfrontalière comme l'Alsace, maîtriser la langue du pays voisin est une nécessité, qui ouvre en outre de grandes opportunités au niveau professionnel.
Là aussi, les chiffres parlent d'eux-mêmes : alors que 600 000 élèves apprenaient l'allemand à l'école en première langue en 1995 dans notre pays, ce chiffre est passé à 147 000 en 2021. Dans l'article 10 du traité d'Aix-la-Chapelle de 2019, les États se sont engagés à développer l'apprentissage mutuel de la langue de l'autre pays. À l'heure où nous évoquons le budget 2023, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelle sera la mobilisation de votre ministère pour répondre à la véritable urgence que représente le besoin de recrutement de professeurs d'allemand, mais également à la nécessité d'inciter les jeunes à apprendre l'allemand ?
M. Michel Savin . - Monsieur le ministre, Jacques Grosperrin a parlé de crise de recrutement. Vous-même avez parlé de perte d'attractivité, mais vous avez aussi rappelé que la priorité de votre Gouvernement était la revalorisation financière des enseignants, comptant sur leur engagement sans faille, alors qu'ils ne sont pas rétribués selon vous à leur juste valeur.
Cette revalorisation passe aussi par la reconnaissance du travail des enseignants. Or lorsque je vous écoute, on a l'impression qu'il n'y a pas de problème. Pourtant, dans le département dont je suis élu, des titulaires du Capes, qui ont un niveau bac + 5, n'ont toujours pas de poste depuis cinq ans, malgré plusieurs demandes chaque année. Ils effectuent des remplacements de quelques mois. Certains, depuis septembre 2022, n'ont fait qu'un seul remplacement de quelques semaines et sont actuellement sans poste. Dans le même temps, des contractuels avec bac + 3, qui ont peut-être reçu des formations rapides, trouvent des postes de remplacement. Revaloriser et mettre en avant les enseignants, c'est bien sûr revoir l'aspect financier, mais également les placer devant des élèves pour faire leur travail et remplir les missions pour lesquelles ils ont été formés. Il n'y a rien de pire pour les enseignants qui sont titulaires du Capes d'attendre un poste encore aujourd'hui. Qu'en est-il de cette situation, et comment résoudre ce problème ?
En deuxième lieu, j'ai interrogé ces dernières semaines des directrices et directeurs d'école pour savoir comment étaient appliquées les 30 minutes d'activités physiques à l'école : je peux vous dire que vous avez du travail devant vous, car elles ne sont appliquées qu'entre 10 et 20 %. Vous venez de rappeler que c'est une obligation et que cela doit être mis en oeuvre à partir des vacances : il faut faire passer l'information aux directeurs et directrices d'école.
Par ailleurs, qu'en est-il du « savoir nager » ? C'est une obligation pour les enseignants d'amener les enfants à la pratique et à la découverte de la natation, surtout lorsqu'on sait qu'il y a plus de 400 noyades par an d'enfants de moins de six ans. Il serait intéressant que vous dressiez devant nous un bilan réel de la pratique de ces activités, qui sont importantes en termes de sécurité, mais aussi pour lutter contre la sédentarité.
M. Olivier Paccaud . - Monsieur le ministre, vous avez abordé le sujet de la carte des inégalités de l'éducation prioritaire devant les députés et concédé - je vous cite - que la carte a en partie vieilli. Vous avez indiqué que vous deviez procéder aux ajustements nécessaires. Votre prédécesseur nous a dit la même chose pendant cinq ans et rien n'a été fait, si ce n'est l'expérimentation de contrats locaux d'accompagnement et des fameux territoires éducatifs ruraux (TER).
Dans le budget 2023, 9 millions d'euros sur 59 milliards sont fléchés vers cette question. Ce n'est pas une priorité, c'est le moins qu'on puisse dire ! On sait que 70 % des enfants qui devraient relever de l'éducation prioritaire n'y ont pas accès : c'est insupportable, et cela fait six ans que cela dure !
Mon deuxième point concerne l'inclusion des enfants qui présentent des troubles du comportement. Vous avez plus ou moins abordé le sujet, monsieur le ministre, en parlant d'une marée d'élèves qui sont « orientés » par les MDPH parce qu'il n'y a plus assez de places dans les IME.
4 000 nouveaux AESH vont arriver. Les AESH ne sont pas des éducateurs spécialisés, les enseignants ne sont pas des éducateurs spécialisés, et ces enfants, qui présentent des troubles du comportement, ne sont malheureusement pas à leur place dans des classes traditionnelles. Tout à l'heure, Jacques Grosperrin a évoqué la problématique des démissions. J'aimerais bien connaître le nombre de celles liées à l'inclusion de certains enfants, qui peuvent être perturbateurs et sont très malheureux dans ces classes, tout en rendant leurs petits camarades très malheureux également. Ils deviennent, pour les professeurs et les AESH qui doivent les accompagner, un problème insoluble. Ce sujet n'est absolument pas abordé dans la problématique budgétaire. Céline Brulin vous a demandé s'il y avait eu des liens avec le ministère de la santé ou des collectivités territoriales. Le vrai problème, c'est qu'il n'y a pas assez d'IME, pas assez d'instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP), mais y a-t-il une volonté, de votre côté, de pousser ce sujet ? C'est le seul moyen d'insérer vraiment ces enfants, qui en ont besoin !
M. Stéphane Piednoir . - Monsieur le ministre, vous comprenez, face à la multiplicité des interventions, à quel point les sujets liés à l'éducation nationale nous tiennent à coeur.
Vous avez évoqué la crise des vocations, en disant que le phénomène n'est pas nouveau, que la cause n'est évidemment pas seulement le salaire, qui est reconnu comme relativement faible. Les tensions sur le marché du travail font qu'aujourd'hui on choisit de plus en plus de faire d'autres métiers, pas seulement pour le salaire.
Comme nous, vous avez probablement des témoignages de terrain qui remontent des établissements scolaires et des enseignants. Ce sont en fait les conditions d'exercice qui sont en cause, notamment le manque d'autorité, le respect de la laïcité. Quels moyens met-on en oeuvre autour de ces deux points pour que les enseignants soient véritablement des enseignants et non des officiers de police judiciaire ?
S'agissant de l'enseignement moral et civique (EMC), j'ai présidé l'année dernière une mission d'information sur la culture citoyenne, en particulier chez les jeunes, inspirée par l'abstention constatée lors des élections. Le rapporteur de cette mission, Henri Cabanel a, je crois, obtenu un rendez-vous pour présenter les résultats de nos conclusions, mais je me permets de me focaliser sur un axe particulier, celui de l'éducation morale et civique.
C'est un véritable parcours citoyen qui est inscrit dans le code de l'éducation, qui en réalité n'atteint pas ses objectifs, en raison de programmes pléthoriques, d'horaires très faibles et de ressources insuffisantes.
Je fais ici le lien avec le fonds d'innovation pédagogique que vous avez évoqué, à hauteur de 150 millions d'euros. Lors des auditions que nous avons menées dans le cadre de cette mission, les enseignants nous disaient manquer de ressources pédagogiques. Qu'envisagez-vous de fournir aux enseignants comme documents nécessaires à cet enseignement, sans faire appel, par exemple, pour reprendre un article de presse paru aujourd'hui, à la diffusion en classe de vidéos assez peu pédagogiques d'une association militante sur le bien-être animal ?
S'agissant de la formation scientifique de nos enseignants du premier degré et, plus globalement, du niveau académique en mathématiques des élèves qui sortent de l'enseignement secondaire, je n'ai pas bien compris quelles étaient les mesures pour remédier au niveau de nos enseignants et renforcer la place des mathématiques au lycée. J'ai bien entendu que quelque chose était en train de se mettre en place au collège. Si nous pouvons éventuellement être consultés, nous y répondrons très favorablement.
Enfin, certains besoins ne sont pas pourvus et alors qu'on embauche des contractuels après des formations très rapides, il existe des personnels titulaires remplaçants qui n'ont pas de poste. Il y a aussi des candidats admissibles qui n'ont pas réussi leur concours : peut-être peut-on faire appel à eux de manière prioritaire pour effectuer des remplacements.
Mme Sonia de La Provôté . - Monsieur le ministre, ma première question porte sur l'éducation artistique et culturelle et la part collective du pass Culture. Un certain nombre d'auditions, notamment dans le cadre du budget de la culture, nous ont alertés sur le fonctionnement de cette part collective et les risques de sa mise en oeuvre, notamment le fait qu'elle brise le cercle vertueux qui peut permettre de mettre en oeuvre ce projet pédagogique.
Il y a en l'occurrence un « embouteillage » dans les appels à candidature et à labellisation, et on est dans une sorte de grande boutique où tous les porteurs de projets culturels proposent, hors cadre pédagogique, des activités diverses aux écoles. Il s'agit là d'un dérapage mercantile. Il est important de remettre de l'ordre dans le fonctionnement de cette fameuse part collective.
Ma deuxième question porte sur les classes à horaires aménagés (CHAM), les classes à horaires aménagés danse (CHAD) et les classes sportives. Dans un certain nombre d'établissements du secondaire, les dotations horaires ont été banalisées dans le cadre de la dotation horaire globale. Le risque est, en ajustant la disponibilité horaire des enseignants, de faire disparaître ces enseignements spécialisés, qu'on a trop souvent présentés comme élitistes alors qu'ils sont en réalité une véritable chance et une opportunité pour de nombreux jeunes.
Ma troisième question porte sur les assises du numérique et sur la formation des formateurs au numérique, que nous avions obtenue dans le cadre de la loi pour l'école de la confiance. Ma collègue Catherine Morin-Desailly m'a suggéré cette question : où en est-on du bilan de la formation des formateurs au numérique ? On reste sur un fonctionnement éducatif qui recourt peu au numérique.
Enfin, vous avez évoqué un bilan sur les Rased. Nous avons eu un débat sur cette réforme, mais nous ne disposons d'aucun état des lieux.
M. Pap Ndiaye, ministre . - Mme la sénatrice Drexler a soulevé la question du milieu rural. La situation des écoles rurales, du point de vue des résultats scolaires, est favorable. Le problème qui a été évoqué vient plutôt du fait qu'il existe, du côté du monde rural, de bons résultats scolaires, mais des ambitions plus limitées. C'est la caractéristique des écoles et des collèges du primaire et du secondaire en milieu rural. Toutefois, le développement de l'éducation prioritaire de type REP ou REP+ ne se fait pas au détriment des écoles rurales.
Ces dernières années ont vu se développer des territoires éducatifs ruraux. On en compte 67 en cette rentrée 2022, avec un budget prévu pour 2023. Le développement a été très fort ces dernières années : il nous faut maintenant dresser un bilan de ces TER.
Les TER sont un peu l'équivalent des cités éducatives dans le milieu urbain. Les cités éducatives fonctionnent bien. On en compte un peu plus de 200 dans des territoires divers, outremer compris. Les TER ont pour objectif de créer des constellations école-collège-lycée, allant éventuellement jusqu'au post-bac et avec un rapprochement entre scolaire, périscolaire et extrascolaire. Une attention particulière est également portée à la question des transports scolaires.
En ce qui concerne les fermetures de classes, il est évident que la baisse démographique dans des territoires ruraux, éventuellement isolés, ne peut être appréhendée de la même manière que dans le centre de Paris, qui connaît aussi une baisse démographique importante des effectifs scolaires. Nous en sommes persuadés, et il est hors de question de soumettre à la même règle arithmétique tous les territoires, en particulier dans des zones isolées.
Madame la sénatrice Schalck, j'ai évoqué incidemment la question des professeurs d'allemand en parlant du rendement très faible des concours du Capes et de l'agrégation d'allemand. Nous avons un problème de recrutement de professeurs d'allemand, parallèlement à des effectifs d'élèves qui, ces dernières années, s'effritent, tout en restant aux alentours de 15 % à l'échelle du pays, avec des variations régionales importantes. Il va de soi que dans les territoires frontaliers de l'Est de la France - Alsace, Lorraine, mais aussi Franche-Comté -, la présence de la langue allemande est importante.
Je me suis entretenu à ce sujet avec l'ambassadeur d'Allemagne. La situation de la langue française en Allemagne est globalement similaire. Ce sujet sera au menu du conseil des ministres franco-allemands qui va, je crois, se tenir au mois de janvier prochain. D'ici là, nous aurons élaboré une stratégie pour répondre aux difficultés que vous avez soulignées. Elle sera rendue publique à la fin de l'année 2022, avant le conseil des ministres franco-allemands. Sachez que nous sommes tout à fait conscients des difficultés de recrutement, mais aussi de l'importance de la langue allemande, à tous égards. L'ambassadeur n'a pas manqué d'en souligner l'intérêt et l'importance de cet apprentissage, non simplement pour des raisons culturelles, mais aussi pour des raisons économiques.
Monsieur le sénateur Savin, je vais regarder d'un peu plus près le cas que vous soulignez. Il n'est pas toujours anormal que des titulaires soient affectés en zone de remplacement (TZR), car le remplacement demande une certaine expérience. Le fait que des enseignants expérimentés soient remplaçants n'est pas nécessairement antithétique des politiques menées par les rectorats. Nous vous ferons une réponse précise à ce sujet.
Je vous remercie de l'enquête que vous avez conduite sur le sport. Nous allons regarder d'un peu plus près. Je me permets d'attirer votre attention sur le fait que ces 30 minutes peuvent prendre des formes assez différentes selon les établissements. Il ne s'agit pas forcément de 30 minutes en continu : cela peut être deux fois quinze minutes, inclure la récréation, d'où l'intérêt de faire le point, plus particulièrement dans les écoles élémentaires.
On enregistre une progression en matière de « savoir nager ». Nous en étions à 60 000 attestations il y a quelques années. L'objectif pour 2022 est de 90 000 et, en vue des Jeux Olympiques, de passer à 400 000 attestations pour 2024. C'est une ambition qui dépend aussi de l'équipement en piscines. On n'apprend pas à nager dans la mer, et il n'y a pas nécessairement de relation entre le fait de résider sur le littoral et de savoir nager. Marseille est une ville, par exemple, où le taux d'enfants qui savent nager est bas, alors qu'on pourrait penser le contraire. Les piscines manquent en outre dans certaines municipalités...
M. Michel Savin . - Elles ferment !
M. Pap Ndiaye, ministre . - En effet. C'est à la fois une question de rénovation des 1 000 piscines ouvertes à la fin des années 1960-1970, avec d'ailleurs des architectures tout à fait intéressantes. J'ai eu l'occasion d'en visiter récemment dans la région de Rouen. Il y a aussi la question de l'équipement, dans des villes dont la piscine a été fermée ou qui sont mal équipées.
S'agissant de la carte de l'éducation prioritaire, monsieur le sénateur Paccaud, je vous confirme que notre ambition est bien de la retoucher. Celle-ci remonte à 2015 et est fondée sur des données de 2011. Je sais que Jean-Michel Blanquer s'était engagé à examiner cette question. Un effort a été entrepris. Je crois aussi que la crise sanitaire a affecté certaines dynamiques. C'est un chantier que nous devons reprendre. Il est d'ailleurs délicat, les oppositions et les collectivités pouvant ne pas être toujours coopératives. Il faut pouvoir sortir les établissements qui ne correspondent plus à l'éducation prioritaire et y faire entrer d'autres. Pour l'instant, le modèle reste assez statique.
Les 9 millions d'euros pour l'éducation prioritaire auxquels vous faites allusion - 8,6 millions d'euros en moyenne - concernent les TER et non la France entière. Regardons d'abord où on en est. S'agissant de l'école inclusive c'est une démarche extrêmement positive, dont nous devons, à l'échelle du ministère de l'éducation nationale, être fiers. C'est un acquis important, mais il faut aussi reconnaître que tous les enfants ne peuvent étudier en milieu ordinaire. L'existence des IME ne doit donc pas, de mon point de vue, être remise en cause. Il existe des relations entre IME et milieu ordinaire sous forme expérimentale dans un certain nombre de régions. L'éventail des dispositions doit aussi faire en sorte que des enfants présentant des besoins spécifiques puissent être accueillis en dehors du milieu ordinaire. Je vous suis volontiers sur ce sujet. J'ai évoqué la situation d'embolie générale à laquelle nous faisons face, qui nécessite que nous en parlions. Nous avons des échanges avec mes collègues François Braun, ministre de la Santé et des solidarités, et Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, ainsi qu'avec les MDPH, que j'ai reçues au mois de juillet pour évoquer ces questions. Nos points de vue sont assez convergents sur le constat et la nécessité de réfléchir à cette question de façon structurelle, en ne se contentant pas d'ajouter des postes d'AESH qui, de toute façon, ne suffiront pas, même s'il faut en créer. C'est pourquoi j'ai parlé d'acte II de l'école inclusive.
Monsieur le sénateur Piednoir, j'ai bien noté votre remarque sur l'EMC et sur le manque de ressources pédagogiques. Nous sommes sur le point de mettre à disposition de nouvelles ressources pédagogiques. Je me permettrai de vous faire une réponse un peu plus complète par écrit le moment venu.
Le bien-être animal est après tout une question. J'en ai parlé il y a quelques mois avec Louis Schweitzer, qui est très engagé dans ce domaine. L'éducation nationale a signé une convention sur la question, mais je reconnais que le bien-être animal n'épuise pas tous les sujets contenus dans l'EMC. Je vous répondrai de manière un peu plus complète par écrit.
À propos des contractuels, nous avons recouru aux listes complémentaires partout où c'était nécessaire dans le premier degré, à l'échelle académique et, pour le second degré, à l'échelle nationale, mais cela n'a pas suffi. Nous avons donc dû faire appel à d'autres enseignants contractuels.
Quant aux mathématiques, j'ai évoqué la question de l'heure et demie de mathématiques dans le tronc commun de première, ainsi que la tenue des assises de mathématiques la semaine prochaine, qui seront l'occasion de parler de mathématiques en première, en seconde, mais aussi au collège. Nous allons avancer, et j'ai mentionné le fait qu'Hugo Duminil-Copin, titulaire de la médaille Fields, avait accepté de nous représenter en tant qu'ambassadeur des mathématiques l'année prochaine. Il sera très actif dans ce domaine.
Le pass Culture collectif rencontre un très grand succès. Le démarrage des sorties culturelles en cette rentrée est extrêmement spectaculaire, peut-être pour compenser les difficultés que nous avons connues ces dernières années. En l'espace d'un mois, les sorties équivalent à plusieurs mois de l'année dernière. Vous faites plutôt allusion à des aspects qualitatifs, si j'ai bien compris. Je vais en parler avec ma collègue ministre de la culture, mais, d'ores et déjà, je me félicite du succès rencontré par le pass Culture collectif. Cela représente environ 800 euros par classe. Je me permets aussi d'ajouter que l'éducation artistique et culturelle, comme vous le savez, ne se résume pas à cet outil. Nous allons prendre des initiatives en la matière dans les mois à venir, dans le primaire comme dans le secondaire.
S'agissant du bilan de la formation au numérique, les territoires numériques éducatifs sont encore proposés sous une forme expérimentale. De mémoire, je crois que douze départements cette année sont expérimentaux, dont le Doubs, où j'ai eu l'occasion de me rendre il y a quelques mois. Le Doubs est un très bon exemple d'un territoire numérique éducatif, non seulement en ce qui concerne les questions d'accès à Internet, y compris dans des zones un peu isolées, mais aussi les questions d'offre éducative, de lien entre l'école et les élèves, de ressources pédagogiques, et d'éducation aux médias et à l'information, nécessaire pour prévenir les élèves contre l'utilisation de leurs données personnelles, en particulier sur les réseaux sociaux.
J'ai bien noté le point que vous soulevez à propos des CHAM, des CHAD et autres formats de ce genre, ainsi que les questions de réduction d'horaires. Nous allons vous répondre plus précisément.
Mme Sonia de La Provôté . - Des horaires ont été dégagés pour aménager le temps de scolarité afin de pouvoir accéder à ces formations particulières. En fait, les dotations horaires seront banalisées. Le risque est grand, pour des raisons d'arbitrage et d'organisation des enseignements, de voir une part de ces enseignements spécifiques diminuer ou se dégrader.
M. Pap Ndiaye, ministre . - J'en ai pris bonne note. Nous allons vous répondre par écrit si vous me le permettez.
M. Laurent Lafon . - Merci, monsieur le ministre. Nous écouterons avec beaucoup d'intérêt les annonces que vous ferez la semaine prochaine.
M. Pap Ndiaye, ministre . - J'ai été très heureux d'échanger avec vous, et je suis à votre disposition.
Chiffres clés 2021-202293 ( * )
- 892 300 enseignants :
45 % dans le premier degré
55 % dans le second degré
- 13 000 étudiants en préprofessionnalisation
- 200 apprentis non-enseignants
Enseignement public du premier degré
- 5 613 810 élèves
- 347 117 enseignants
- 43 904 écoles (à classe unique : 7,9 % ; de deux à trois classes : 24,7 % ; de quatre à cinq classes : 24,4 % ; de six à dix classes : 29,4 % ; onze classes et plus : 13,6 %).
Enseignement public du second degré
- 7 799 établissements publics locaux d'enseignement (EPLE)
(5 303 collèges ; 76 établissements régionaux d'enseignement adapté ; 1 626 lycées d'enseignement général et technologique ; 794 lycées professionnels)
- 4,533 millions d'élèves à la rentrée de 2022 ; 4,492 à la rentrée de 2023 (en baisse de 1,8 %), dont : 2,570 millions en premier cycle hors SEGPA ; 0,5 million en second cycle professionnel ; 1,29 million en second cycle général et technologique ; 0,87 million en enseignement adapté, EREA inclus 94 ( * ) ;
- 400 515 enseignants en novembre 2021, dont : 53 268 agrégés ; 244 691 certifiés et assimilés ; 55 060 professeurs de lycée professionnel ; 656 PEGC et adjoints chargés d'enseignement ; 10 825 professeurs des écoles et instituteurs ; soit 364 600 titulaires et 35 915 non-titulaires (maîtres auxiliaires, enseignants contractuels)
164 077 enseignants en collège ; 121 143 en lycée général et technologique et post bac ; 55 176 en lycée professionnel et apprentissage ; 14 757 en besoins éducatifs particuliers ; 42 986 remplaçants 95 ( * )
Chiffres clés de l'enseignement privé sous contrat
Environ 17 % des élèves (13 % pour le premier degré et 21 % pour le second degré) sont scolarisés dans l'enseignement privé sous contrat.
- Enseignement pré-élémentaire : 10 294 enseignants ; 285 741 élèves ;
- Enseignement élémentaire : 28 976 enseignants ; 572 415 élèves ;
- Collège : 45 451 enseignants ; 725 500 élèves (728 700 à la rentrée de 2022) ; enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) : 4 292 élèves ;
- Lycée général et technologique : 31 513 enseignants ; 346 50 élèves (351 300 à la rentrée de 2022) ;
- Enseignement professionnel : 13 133 enseignants ; 100 139 élèves ;
- Enseignement post-baccalauréat en lycée (CPGE et STS) : 2 525 enseignants ; 67 021 élèves.
Le nombre d'élèves dans le second degré de l'enseignement privé sous contrat est en augmentation régulière :
- dans les collèges : 679 700 à la rentrée 2011-2012 ; 708 600 à la rentrée 2017-2018 ; 728 700 à la rentrée 2022-2023 ;
- dans les lycées d'enseignement général et technologique : 305 600 à la rentrée 2011-2012 ; 332 000 à la rentrée 2017-2018 ; 351 300 à la rentrée 2022-2023.
* 1 À structure budgétaire constante, les chiffres s'établiront en 2023 à 58 982,298 millions d'euros en AE et à 58 828,604 en CP.
* 2 En intégrant le programme 143 (enseignement technique agricole), l'augmentation par rapport à la LFI 2022 est de + 6 % en AE ; de + 5,82 en CP.
* 3 En autorisations d'engagement.
* 4 Dont 25,612 milliards d'euros de dépenses de personnels, en augmentation de 6 %.
* 5 Dont 36,3 milliards d'euros de dépenses de personnels.
* 6 Les dépenses de personnel du programme 230 concernent plus particulièrement les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), les conseillers principaux d'éducation (CPE), les assistants d'éducation (AED), les personnels de la médecine scolaire et les assistants sociaux. On note des mesures de périmètre portant sur deux catégories de personnels basculant vers le titre 2 du fait de la signature de CDI : les AESH et les AED. Selon la nature des contrats, les AESH seront rémunérés sur le titre 2 ou hors titre 2. Les AESH en CDI seront rémunérés par l'État et relèveront du titre 2 ; les AESH en CDD seront rémunérés par les établissements, ceux-ci étant remboursés au titre de subventions relevant des dépenses d'intervention. Le coût de ce basculement en CDI est de 261millions d'euros. Les AED ayant atteint six ans d'ancienneté en CDD peuvent désormais bénéficier d'un CDI et être de ce fait employés par le rectorat, leur contrat relevant du titre 2. En 2023, un transfert de 5 500 ETPT vers le titre 2 sera effectué. En revanche, les AED en CDD demeureront rémunérés par les établissements sur les crédits hors titre 2. L'effectif d'AED éligibles à une CDIsation est évalué à 5 500 ETPT (coût de la mesure : 162,6 millions d'euros).
* 7 Sur ce programme sont imputés, entre autres dépenses, les crédits de l'action Évaluation et contrôle (+ 4,8 %) qui financent notamment les évaluations PISA et TIMSS, le dispositif CEDRE (cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon) qui établit le bilan des acquis en fin d'école et de collège, l'évaluation des compétences du socle commun réalisé chaque année sur échantillons, l'évaluation exhaustive des élèves à l'entrée en CP et en CE1 et des élèves de sixième. En 2023, des évaluations complémentaires sont prévues pour tous les élèves des classes de CM1 et de quatrième.
* 8 Ce qui représente un gain de + 1000 euros bruts annuels pour un stagiaire recruté en 2020 par rapport à un stagiaire recruté en 2016 ; + 1 250 euros bruts annuels pour un professeur des écoles ou un professeur certifié en milieu de carrière ; + 1 400 euros bruts annuels pour un professeur certifié en milieu de carrière réalisant deux heures supplémentaires annuelles.
* 9 Prime d'équipement informatique, prime d'attractivité en début de carrière (100 euros nets par mois), augmentation des rémunérations des chefs d'établissement et directeurs d'école, promotion à la hors classe.
* 10 Programme 140 : 14,7 M€ ; programme 141 : 19,5 M€ ; programme 139 : 6,5M€ ; programme 230 : 1,1M€ ; programme 214 : 2,1M€.
* 11 Programme 140 : 7,5M€ ; programme 141 : 9,3M€ ; programme 139 : 5,1M€ ; programme 230 : 0,3M€.
* 12 Grade créé dans chacun des corps actifs ; ouvert à hauteur de 80 % des promotions à des personnels ayant accompli au moins huit années dans des conditions d'exercice difficiles ou sur des fonctions particulières ; à raison de 20 % des promotions à des personnels ayant un parcours exceptionnel.
* 13 Le coût de ces mesures sur la période 2017-2023 représente une dépense d'un milliard d'euros (ces crédits sont imputés sur les cinq programmes de la mission enseignement scolaire). Les leviers sont les suivants : revalorisation globale des grilles indiciaires (681,9 millions d'euros) ; amélioration des perspectives de carrière (déroulement de carrière sur au moins deux grades - classe normale et hors classe - pour une carrière complète) ; création d'un troisième grade, la classe exceptionnelle (113,9 millions d'euros).
* 14 Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), « La moitié des enseignants déclarent travailler au moins 43 heures par semaine », note 22.30, octobre 2022.
* 15 Hors indemnité de résidence et supplément familial de traitement, en EQTP.
* 16 Les chiffres ci-après concernent les premier et second degrés du secteur public ainsi que du secteur privé (sous contrat et hors contrat).
* 17 Source : dossier de presse du ministre.
* 18 Source : audition du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, le 19 octobre 2022.
* 19 La formation à la laïcité et aux valeurs de la République ainsi que les plans mathématiques et français s'appuient largement sur la formation continue.
* 20 Dans les écoles et établissement publics et privés sous contrat. L'enseignement privé sous contrat accueillait en 2021-2022 52 771 élèves en situation de handicap (20 327 élèves dans le premier degré - 16 917 en classes ordinaires et 3 410 en ULIS écoles ; 32 444 dans le second degré - 26 909 dans les classes ordinaires et 5 535 en ULIS). Entre 2020-2021 et 2021-2022, le nombre d'élèves en situation de handicap accueillis dans le privé a augmenté de 7,2% (3 567 élèves).
* 21 La scolarisation en milieu ordinaire (classe ordinaire ou ULIS), tous degrés confondus, concerne 86 % des élèves en situation de handicap ; au sein du milieu ordinaire, la scolarisation en classe ordinaire concerne 73 % de ces élèves. La scolarisation en ULIS concerne 25 % des élèves en situation de handicap dans le premier degré ; 28 % dans le second degré.
* 22 Auxquels s'ajoutent, à l'initiative de l'Assemblée nationale validée par le Gouvernement, 80 millions d'euros au titre des rémunérations des AESH.
* 23 Dont titre 2 : 37 229.
* 24 Dont titre 2 : 47 127.
* 25 56 965 étaient rémunérées sur le titre 2 ; 66 909 hors titre 2.
* 26 À titre d'exemple, 56 millions d'euros ont été mobilisés en 2021 et 2022 pour améliorer la rémunération des AESH (hors hausse de l'indice minimum de la fonction publique et du point de la fonction publique) avec un gain moyen de 612 euros bruts par an.
* 27 Conseil d'État, 20 novembre 2020, Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
* 28 Conformément à l'article 14 de la directive 2001-55/CE du Conseil datée du 20 juillet 2001.
* 29 Pour mémoire, le nombre d'élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) accueillis dans les établissements scolaires français s'élevait, en 2018-2019 (dernières statistiques exploitables pour l'ensemble du territoire) à 67 909.
* 30 AEF info, dépêche n° 679 246, 27 septembre 2022.
* 31 Gérard Longuet, Réagir face à la chute du niveau en mathématiques : pour une revalorisation du métier d'enseignant, rapport d'information fait au nom de la commission des finances (n° 691, 2020-2021).
* 32 Ou taux de couverture : nombre d'admis/nombre de postes.
* 33 Concours de Guyane et Mayotte compris.
* 34 Hors concours supplémentaires de Créteil et Versailles (4 205 inscrits et 1 499 présents).
* 35 Dont les 487 lauréats admis aux sessions supplémentaires de Versailles et Créteil.
* 36 Dont 220 candidats des listes complémentaires appelés.
* 37 Ou taux de rendement.
* 38 Différence entre le nombre de postes ouverts et le nombre d'admis.
* 39 Source : conférence de presse de rentrée du secrétaire général de l'enseignement catholique, 22 septembre 2022.
* 40 Aix-Marseille : 395 postes, 395 admis ; Lille : 535 postes, 535 admis ; Caen : 86 postes, 86 admis ; Nantes : 216 postes, 215 admis ; Besançon : 124 postes, 120 admis.
* 41 Nombre d'admis au concours externe de l'académie de Toulouse : 255 (4 au second concours interne).
* 42 Selon le Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire 2021-2022 , le seuil d'admission (note du dernier admis) aux concours externes du CRPE était en 2021 : 14,4/20 à Rouen ; 13,6 /20 à Toulouse ; 12,1 /20 à Paris ; 8 /20 à Versailles et 6 /20 à Créteil.
* 43 « Dans l'enseignement public, l'entrée se fait majoritairement par la voie externe pour les personnels enseignants : 97 % des admis du premier degré ; 79 % du second degré. » (DEPP, Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire - 2021-2022 , octobre 2022, p. 11).
* 44 Cette réforme ne s'applique pas aux disciplines professionnelles du CAPLP externe.
* 45 Ce constat ne s'applique pas à l'option encadrement éducatif, où le nombre d'étudiants était en 2021 en légère hausse.
* 46 Communiqué du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, 10 novembre 2022.
* 47 Le recours croissant aux personnels contractuels - un enjeu désormais significatif pour l'éducation nationale, Communication à la commission des finances du Sénat, Cour des Comptes, mars 2018.
* 48 Source : DEPP, Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire - 2021-2022 , octobre 2022.
* 49 Bilan des mesures éducatives du quinquennat , rapport d'information fait au nom de la commission de la culture par Annick Billon, Max Brisson et Marie-Pierre Monier (n° 543, 2021-2022).
* 50 Le recours croissant aux personnels contractuels - un enjeu désormais significatif pour l'éducation nationale , Cour des comptes, op. cit., p. 23.
* 51 Décret n° 2016-1171 du 29 août 2016.
* 52 Situation au 5 avril 2021.
* 53 Chiffres cités par la Cour des comptes, op. cit., p. 22.
* 54 Situation au 31 décembre.
* 55 Dans ces disciplines, le nombre de contractuels excédait 1 000 ETP en 2021-2022.
* 56 Au 15 octobre 2022 (source : rectorat de Versailles).
* 57 Source : rectorat de Versailles.
* 58 Le recours croissant aux personnels contractuels - un enjeu désormais significatif pour l'éducation nationale , Cour des comptes, op. cit., p. 22.
* 59 Voir par exemple : « Rentrée : à Paris, quatre jours de formation pour les contractuels avant le grand saut - les néo-profs sont avides de conseils et, pour certains, un peu inquiets », Lefigaro.fr, 26 août 2022.
* 60 Les tuteurs doivent avoir une expérience professionnelle d'au moins trois ans, chaque tuteur ne pouvant accompagner que deux contractuels au plus (circulaire n° 2017-038 du 20 mars 2017 relative aux conditions de recrutement et d'emploi des agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et de psychologues dans les écoles, les établissements publics d'enseignement du second degré ou les services relevant du ministre chargé de l'éducation nationale).
* 61 Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité , rapport d'information fait au nom de la commission de la culture par Max Brisson et Françoise Laborde (n° 690, 2017-2018).
* 62 Bilan des mesures éducatives du quinquennat , rapport d'information fait au nom de la commission de la culture par Annick Billon, Max Brisson et Marie-Pierre Monier, op. cit.
* 63 Selon l'article L. 721-2 du code de l'éducation qui définit les missions des INSPÉ, les élèves à besoins éducatifs particuliers comprennent les élèves en situation de handicap ou atteints de pathologies chroniques et les élèves à haut potentiel.
* 64 Formulaires à renseigner, organisation des contacts avec les différents partenaires extérieurs (orthophonistes, psychologues, etc.), participation aux réunions des équipes éducatives...
* 65 M. Danner, G. Farges, H. Fradkine, S. Garcia, « Quitter l'enseignement : un révélateur des transformations du métier dans le premier degré », Éducation et société , 2019/1.
* 66 Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité, op. cit., p. 25.
* 67 Réseau européen sur les systèmes éducatifs, piloté par l'Agence exécutive Éducation, Audiovisuel et Culture de la Commission européenne. Il associe 37 pays (40 "unités nationales") qui participent au programme Erasmus+ : les 27 États membres de l'Union européenne, l'Albanie, la Bosnie-et-Herzégovine, la République de Macédoine du Nord, l'Islande, le Monténégro, la Serbie, la Turquie, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. En France, c'est la DEPP qui pilote, au sein de la Mission aux relations européennes et internationales (MIREI), l'unité française d'Eurydice. Depuis 1980, le réseau Eurydice est l'un des mécanismes stratégiques mis en place par la Commission européenne et les États membres pour soutenir la coopération européenne dans le domaine de l'éducation.
* 68 Parmi lesquels : Belgique, France, Italie, Espagne, Allemagne, Grèce, Croatie, Luxembourg, Suisse, Autriche, Pays-Bas, Roumanie, Portugal, Albanie, Hongrie, Royaume-Uni.
* 69 Source : DEEP, Panel des personnels issus de BSA (bilan social académique), novembre 2021.
* 70 Les ruptures conventionnelles sont destinées à faciliter la mobilité sortante des personnels ayant conçu un nouveau projet professionnel en leur permettant de quitter la fonction publique sans démission ni licenciement, avec une prime de départ et la possibilité de toucher l'allocation de retour à l'emploi.
* 71 Enquête : « Pourquoi j'ai démissionné de l'Éducation nationale » : trois professeurs témoignent (francetvinfo.fr)
* 72 Le concours du CRPE est organisé par académie mais, au sein de l'académie, la répartition des professeurs d'écoles entre les différents départements s'établit en fonction de leurs souhaits d'affectation et de leur rang d'admission. Le département d'affectation ne constitue donc pas nécessairement le premier choix des lauréats du concours.
* 73 Jean-Pierre Obin, Enseigner, un métier pour demain, rapport au ministre de l'éducation nationale, avril 2002.
* 74 Par exemple : « J'ai eu un cours intitulé « adaptation à la diversité » en M2. C'était un topo historique sur la prise en compte du handicap ! » (Cité dans « Quitter l'enseignement : un révélateur des transformations du métier dans le premier degré », Éducation et société , 2019/1, n° 43).
* 75 DEPP, « La moitié des enseignants déclare travailler au moins 43 heures par semaine », note 22.30, octobre 2022.
* 76 DEPP, Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire - 2021-2022 , octobre 2022.
* 77 Projet annuel de performance annexé au PLF 2023, p. 55.
* 78 Arrêté du 4 février 2022.
* 79 Sandrine Garcia, « Quand les enseignants claquent la porte », laviedesidees.fr , 29 juin 2021.
* 80 On trouve également un guide fondamental relatif à la lecture au cours moyen ( La compréhension au cours moyen ) ainsi qu'un guide de français de niveau CE1 ( Pour enseigner la lecture et l'écriture au CE1 ).
* 81 Voir par exemple Caroline Beyer, « Des "pédagogies inacceptables"toujours à l'oeuvre en classe de CP », 1 er novembre 2022, Lefigaro.fr (Le Conseil scientifique de l'éducation nationale déplore le recours à des méthodes de lecture mixtes ; les enseignants concernés « expliquent n'avoir pas reçu de formation préalable à l'entrée en classe de CP et avoir choisi cette méthode en raison de sa gratuité sur internet »).
* 82 https://eduscol.education.fr/document/14 206/download , « Mise en oeuvre de la différenciation pédagogique ».
* 83 https://eduscol.education.fr/document/14 248/download
* 84 Favoriser le bien-être pour la réussite de chacun , rapport de la médiatrice de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, 2021.
* 85 https://www.mesopinions.com/petition/enfants/mobilite-geographique-enseignants-france/69 568
* 86 Cité par Lucie Hennequin, « Pour la rentrée, ces profs en disponibilité aimeraient enseigner », Huffington post, 31 août 2022 .
* 87 Selon la DGRH, des lauréats du CRPE dans des académies comme Créteil, où le nombre de postes ouverts maximise les chances de réussite, solliciteraient dès leur titularisation une affectation dans une académie plus attractive en vertu d'une « stratégie de contournement » qui contribue à la faiblesse du taux de mutation dans le premier degré (environ 20%) Il faut toutefois prendre en considération le fait que l'affectation des lauréats du CRPE entre les différents départements de leur académie, comme cela a été indiqué précédemment, dépend du classement au concours, ce qui peut expliquer des demandes de mutation précoces, y compris au sein de l'académie où ils ont passé le concours, de la part de professeurs d'école affectés à des départements peu attractifs en raison de leur rang d'admission.
* 88 Morbihan, Loire atlantique, Charente maritime, Finistère, Pyrénées atlantiques, Gironde, Ille-et-Vilaine, Landes, Côtes d'Armor, auxquels s'ajoute l'Hérault.
* 89 On note aussi une appréciation parfois plus stricte des demandes de disponibilité ou de temps partiel présentées par certains enseignants du premier degré, plus particulièrement dans les territoires en tension. Dans l'académie de Versailles, le nombre de professeurs d'école en disponibilité ou exerçant à temps partiel est plus élevé dans les Yvelines, l'Essonne et les Hauts-de-Seine que dans le Val d'Oise, où la difficulté de pourvoir les emplois entraîne une approche plus restrictive des demandes de temps partiel et de disponibilité.
* 90 Le rapport de la médiatrice de 2020 commente le cas d'une enseignante néotitulaire affectée loin du domicile familial après sa réussite au Capes, le barème ne prenant en considération que les enfants à charge, alors que la prise en compte de son enfant décédé lui aurait permis d'obtenir une affectation davantage compatible avec sa situation familiale.
* 91 Dans le premier degré, 90 points pour cinq années d'exercice dans une école de REP+, 45 points en REP.
* 92 Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité , rapport d'information fait au nom de la commission de la culture par Max Brisson et Françoise Laborde (n° 690, 2017-2018), op. cit.
* 93 Source : PAP 2023 et Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire 2021-2022 (DEPP), op. cit.
* 94 Estimations rentrée 2023.
* 95 Auxquels s'ajoutent 2 376 « divers second degré ».