B. UNE MOBILISATION DE LA BASE INDUSTRIELLE ET TECHNOLOGIQUE DE DÉFENSE A CONCRÉTISER PAR DES COMMANDES
La base industrielle et technologique de défense (BITD) française est constituée d'une dizaine de grandes entreprises qui structurent autour d'elles un tissu de 4000 entreprises de toute taille, majoritairement des PME, souvent duales. Ces entreprises représentent 200 000 emplois directs et indirects , qui irriguent les territoires. Suite à la crise engendrée par la pandémie de covid-19, un soutien spécifique a été apporté à ce tissu industriel par le ministère des armées : accélération de paiements, anticipation de commandes, mise en place d'une task-force de sauvegarde de la BITD qui a ensuite été pérennisée.
La crise ukrainienne a entraîné des difficultés supplémentaires, en raison de l'augmentation des coûts de l'énergie et de la hausse des prix et la raréfaction des matières premières et composants . Les formules de révision de prix des contrats d'armement se révèlent souvent inadaptées dans ce contexte nouveau, ayant été établies à une époque où l'inflation était négligeable.
On note par exemple :
Ø des délais d'approvisionnement d'un à deux ans pour des composants électroniques ;
Ø une saturation possible des fournisseurs européens de poudres propulsives ;
Ø Des inquiétudes sur le titane, dont 40 % de la consommation française provient de Russie ;
Ø Une augmentation de 60 % du prix de l'aluminium, et de 65 % de celui de l'acier, sur les deux premiers trimestres 2022.
La mise en place de stocks stratégiques , pour les composants et matières premières les plus critiques, se révèle nécessaire afin d'assurer la continuité des activités industrielles en cas de crise. La création de filières de recyclage permettrait de progresser en ce sens.
Un dispositif de priorisation de l'industrie de défense , vis-à-vis d'autres activités, en cas de crise, est à l'étude et pourrait être inscrit dans la prochaine LPM.
Des relocalisations sont, en outre, nécessaires, sur des activités de souveraineté. Le gouvernement étudierait notamment cette hypothèse s'agissant de la production de poudre pour les obus de gros calibre.
Un travail d'ensemble a été entrepris par le ministère des armées et les acteurs industriels, suite au discours du Président de la République à Eurosatory (juin 2022), annonçant « l'entrée dans une économie de guerre ». Deux séminaires ont réuni l'ensemble des acteurs les 7 septembre et 8 novembre derniers. Cinq groupes de travail ont été mis en place.
Deux grands objectifs sont poursuivis :
Ø Du côté de l'État : une réduction de 20 % des exigences documentaires demandées dans les programmes d'armement est recherchée, ainsi qu'une simplification de l'expression des besoins. Il s'agit de trouver la juste performance nécessaire au regard du coût des programmes.
Ø Du côté des industriels : l'accent doit être mis sur l'optimisation des cycles de production dans l'hypothèse où un engagement majeur imposerait une accélération.
« Économie de guerre » : les actions en cours
Approvisionnement |
• Élaboration de plans d'action sous-traitant par sous-traitant • Constitution de stocks de matières premières ou de pièces détachées, notamment celles soumises à un long délai d'approvisionnement • Relocalisations pour faciliter l'approvisionnement |
Normes |
• Réflexion à partir du dispositif américain de « priorisation » : capacité, en cas de besoin, de prioriser les commandes défense par rapport aux commandes civiles |
Financement |
• Encouragement à la constitution/la consolidation de fonds spécialisés dans la souveraineté : encourager la constitution d'ETI de défense • Travail en cours avec Bercy sur l'épargne des particuliers |
Source : ministère des armées
Dans le cadre de ce travail avec les industriels, l'accent est mis sur douze gros objets ( « top 12 » ), qui doivent faire l'objet d'un effort particulier dans la prochaine LPM. Pour ces objets, les livraisons devront pouvoir être anticipées dans le temps si cela se révélait nécessaire (ce qui nécessite donc de disposer des pièces en amont). Un « top 20 » doit prochainement permettre de traiter huit nouvelles munitions.
Sans commandes, toutefois, les industriels ne bénéficient pas de la visibilité nécessaire pour se préparer. Attendre la prochaine LPM, c'est déjà perdre un an par rapport au déclenchement de la guerre en Ukraine.