V. TRANSMETTRE LES VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE : LE RÔLE ESSENTIEL DE LA FORMATION
Les évènements récents qui ont frappé l'école en son coeur témoignent plus que jamais de la nécessité de transmettre à chaque élève les valeurs de la République et ceci dès le primaire.
Si les statistiques du ministère montraient que 37 % des incidents « valeurs de la République » avaient lieu dans le premier degré, les parents d'élèves en étaient souvent à l'origine. Or le déroulement de l'hommage à Samuel Paty a révélé l'urgence d'agir dès le plus jeune âge : plus de 80 incidents, soit 21 % des 400 notifiés au ministère étaient l'oeuvre d'élèves du primaire.
A. DES ENSEIGNANTS DÉSARMÉS POUR TRANSMETTRE LES VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE ET FACE AUX QUESTIONS DE LAÏCITÉ
Malgré la mise en place de pôles « valeurs de la République » dans chaque académie, et le volontarisme du ministère sur les questions de laïcité depuis le début du quinquennat, le rapporteur pour avis constate un besoin important de formation chez les enseignants pour leur permettre de transmettre les valeurs de la République et savoir réagir aux situations qui peuvent surgir en classe.
La transmission des valeurs de la République ne doit pas se limiter à l'apprentissage de dates ou la lecture de textes institutionnels importants. Elle nécessite avant tout que les élèves les comprennent et s'en imprègnent. Pour cela, il est nécessaire que les enseignants soient eux-mêmes formés aux valeurs de la République, qu'ils comprennent ce que sont ces valeurs, ce qu'elles signifient intrinsèquement.
Or, un sondage de 2018 de l'Institut français d'opinion publique (IFOP) intitulé, « les enseignants et la laïcité » montre une tendance inquiétante : 74 % des enseignants interrogés indiquent ne pas avoir bénéficié d'une formation initiale sur la laïcité . Et parmi ceux ayant pu en bénéficier, ils sont 53 % à la juger de mauvaise qualité.
Quant à la formation continue, seuls 6 % des enseignants ont bénéficié d'une formation sur ce thème. Là encore , la qualité de la formation est mauvaise , puisqu'ils sont 40 % à ne pas avoir été satisfaits par la formation reçue.
Enfin, 37 % des enseignants déclarent s'être déjà autocensurés pour éviter de possibles incidents avec des élèves, cette proportion atteignant 53 % en REP. Sur ces derniers chiffres, le rapporteur pour avis attire l'attention sur le fait qu'il s'agit d'une moyenne, toute discipline et tout niveau confondus. Or, certaines disciplines sont susceptibles de moins faire l'objet de contestation que d'autres, qui sont au contraire particulièrement sujettes à des incidents. Ainsi, pour une discipline donnée, le taux d'autocensure peut être beaucoup plus élevé.
Mais surtout, le rapporteur pour avis relève ce constat inquiétant dressé par l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) : l'appropriation du principe de laïcité reste aujourd'hui encore trop limitée aux personnels d'encadrement . Ainsi, « le principe de laïcité, la connaissance de ses racines historiques et juridiques et de sa signification, ainsi que ses règles d'application et sa portée restaient très lacunaires chez beaucoup d'enseignants, certes à des degrés très différents selon leurs disciplines d'enseignement (les professeurs d'histoire-géographie et EMC sont souvent mentionnés comme bien au fait de l'ensemble de ces questions). Plusieurs interlocuteurs de la mission ont en outre souligné que, pour un certain nombre d'enseignants, la conception de la laïcité et de son sens était davantage affaire de positionnement personnel, idéologique et politique, que de droit, ce qui pouvait entraîner des tensions dans l'équipe éducative, lorsque la question de son application dans l'établissement était évoquée 4 ( * ) ».
* 4 L'application du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics, IGESR n° 2019-115, novembre 2019.