B. UNE RÉPONSE : REDYNAMISER LA STRATÉGIE DE FILIÈRE
1. Une politique de filière renouvelée à l'initiative du Conseil National de l'Industrie
Au début de l'année 2013, la réflexion globale sur la politique industrielle française avait conduit le Conseil National de l'Industrie nouvellement créé à encourager la structuration des filières industrielles.
Les douze filières identifiées avaient alors élaboré, en concertation avec le CNI, des contrats de filières, comportant des engagements réciproques des industriels et de l'État. La stratégie du Gouvernement indiquait : « Ce premier volet de la politique de filières vise à renforcer celles qui, comme l'automobile, connaissent actuellement des mutations fortes liées à la compétition mondiale ou aux évolutions technologiques ». 32 ( * ) Parmi les initiatives industrielles prioritaires identifiées figuraient notamment les véhicules propre hybride, électrique ou à très basse consommation (« voiture aux deux litres pour cent kilomètres »).
Il y a tout juste un an, lors de l'installation du nouveau Conseil National de l'Industrie (CNI), doté d'un comité exécutif réduit le 20 novembre 2017, le Premier Ministre M. Édouard Philippe a relancé la stratégie de filière en ces termes : « Pour construire les champions de demain, nous devons renforcer notre logique de filières [...] Pour redonner une impulsion d'ensemble à nos filières, nous allons par ailleurs lancer, au sein du Conseil National de l'Industrie, un audit des filières. Sous trois mois, je souhaite qu'on redéfinisse une cartographie de nos filières, une feuille de route et un pilote pour chaque filière.». Il a longuement présenté l'exemple du secteur automobile, « emblématique de ce que nous devons faire ensemble pour chaque filière ».
La filière automobile a en effet été à la pointe du renouveau de la stratégie de filières. La signature du nouveau de contrat de filière, le 22 mai 2018 fixe ainsi les objectifs des acteurs du secteur ainsi que des pouvoirs publics.
LE CONTRAT STRATEGIQUE DE LA FILIERE AUTOMOBILE 2018-2022 Signé le 22 mai 2018 en présence du ministre de l'Économie et des Finances, du ministre de la Transition écologique et solidaire, et de la ministre chargée des Transports, le contrat stratégique de la filière automobile 2018-2022 fixe les grands objectifs de la filière pour les quatre prochaines années. Il fait le constat d'une triple disruption : une disruption technologique, notamment liée à l'agenda environnemental et à l'évolution du mix énergétique ; une disruption numérique liée au véhicule connecté, intelligent et autonome ; et une disruption sociétale liée aux nouvelles mobilités. Pour répondre à ces enjeux, il définit 4 projets structurants : - - Être acteur de la transition énergétique et écologique ; - - Créer l'écosystème du véhicule autonome et expérimenter à grande échelle, pour offrir de nouveaux services de mobilité ; - - Anticiper l'évolution des besoins en compétence et emplois ; - - Renforcer la compétitivité de la filière automobile. Chacun de ces projets fait l'objet d'une feuille de route, listant des objectifs concrets et des engagements de la part de l'État et de la filière. À titre d'exemple, le contrat fixe l'objectif d'une multiplication par cinq d'ici fin 2022 des ventes de véhicules électriques, la cible d'une borne de recharge pour dix véhicules électriques en circulation, ou encore la conduite d'expérimentations autour des véhicules autonome. Parmi les engagements de l'État figurent le maintien d'incitations en faveur des véhicules électriques, un appel à projets d'une enveloppe de 40 millions d'euros à destination d'expérimentations de véhicules autonomes, un apport de 135 millions d'euros supplémentaires au Fonds Avenir Automobile, ou encore le lancement par Bpifrance d'un « Accélérateur PME » dédié à la filière. |
Dans chacune des filières identifiées par le CNI, un Comité stratégique de filière (CSF) pilote et anime les actions menées par les acteurs de la filière. Dans le cas spécifique de la filière automobile, un CSF automobile existait déjà depuis 2012. Afin d'y impliquer plus directement les industriels, il est désormais présidé par le président de la Plateforme automobile Filière automobile et mobilités (PFA).
La Plateforme automobile, présidée par M. Luc Chatel, rassemble les grands constructeurs, les équipementiers, et plusieurs fédérations et groupements de fournisseurs de rang 2 et 3, englobant ainsi plus de 4 000 entreprises sur le territoire français. Son périmètre a récemment évolué afin d'intégrer également les métiers aval de la filière, en particulier les entreprises de services. Sa gouvernance est multipartite, dans l'objectif de rassembler la diversité d'acteurs coexistant au sein de la filière, bien que, à la suite des auditions menées dans le cadre du présent avis budgétaire, votre rapporteur s'interroge sur une possible sous-représentation des petites entreprises, en partie liée au poids importants des grands constructeurs et donneurs d'ordre.
LA PLATEFORME AUTOMOBILE FILIERE AUTOMOBILE ET MOBILITES (PFA) La PFA est chargée de porter la voix et l'expression des positions communes de la filière. À ce titre, elle rassemble les organisations représentatives de plus de 4 000 entreprises du secteur automobile français : le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA), la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), et les fédérations de métiers telles que la Fédération française de carrosserie (FFC), la Fédération des industries mécaniques (FIM), ou encore le Groupement Plasturgie Automobile (GPA).Siègent aussi au Conseil des présidents les principaux constructeurs et équipementiers français (PSA, Renault, Faurecia, Michelin, Plastic Omnium, Valeo). La Plateforme est présidée depuis le 4 décembre 2017 par M. Luc Chatel. |
La PFA, le CSF et le contrat de filière donnent une visibilité et une cohérence accrue à la stratégie de la filière automobile, permettant d'identifier les grands défis et les solutions d'avenir.
Votre rapporteur salue le travail accompli, qui permet à l'État d'associer les acteurs industriels à la définition des orientations de sa politique industrielle, et à ceux-ci de bénéficier l'appui de l'État au cours de leur transformation stratégique.
À ce titre, il sera essentiel que l'État respecte les engagements pris dans le contrat de filière, par exemple en matière d'aide à l'investissement ou de fiscalité écologique, car les constructeurs et équipementiers baseront leurs décisions stratégiques de long-terme sur ces assurances.
2. Les opérateurs transversaux intègrent cette stratégie de filière dans leur action
La logique de filière est désormais intégrée de façon croissante dans l'action des opérateurs transversaux des politiques publiques de l'industrie.
• La transformation technologique
L'Alliance Industrie du Futur, association fondée en 2015 en faveur de la modernisation de l'outil industriel français, a présenté en juin 2017 une importante étude « Filières Industrie du Futur ». L'objectif de cette étude est d'identifier les pistes de déploiement de la politique de transformation des secteurs industriels, et ce, tout au long de la chaîne de valeur des filières. Six filières prioritaires ont ainsi fait l'objet d'un examen en profondeur.
Dans le cas de l'Industrie automobile, cette étude a couvert tout le champ de la filière, des grands constructeurs aux entreprises de rang 2 et fournisseurs, grâce à une approche comparative en France et en Europe. Après avoir réalisé un diagnostic des enjeux, forces, faiblesses et besoins de la filière, elle identifie, à chaque étape de la production, les solutions « Industrie du futur » adaptées. Chacune de ces solutions a fait l'objet d'une étude comparative coût/bénéfices, en termes de gains pour les employés, de qualité de performance, de rentabilité, et de rapidité. Enfin, l'étude propose une feuille de route de la mise en oeuvre progressive de ces solutions technologiques dans les entreprises de la filière. 33 ( * )
Documents tirés des « Études filières Industrie du Futur » de l'AIF, juin 2017
À titre d'exemple, l'étude de l'Alliance Industrie du Futur identifie, parmi les défis de la filière automobile, l'enjeu de traçabilité de la chaîne d'approvisionnement et des flux. Elle propose donc des solutions de capture intelligente des données de production, ou encore de contrôles automatisés par reconnaissance visuelle ; estimant que ces technologies permettront un gain maximal de qualité, et des gains significatifs pour les employés et en termes de coûts. Toutefois, elle précise que ces solutions précises ne sont encore que dans la première phase de leur application au processus productif au sein de la filière.
Plus généralement, l'un des objectifs de l'Alliance Industrie du Futur est d'identifier les « briques de technologies » qui offrent des solutions et peuvent être intégrées de manière autonome à l'outil de production des filières. Dans le cas de la filière automobile, elle estime que la plupart des briques technologiques existent déjà aujourd'hui, et que de nombreux pilotes sont mis en oeuvre dans la plupart des usines existantes (par exemple l'impression 3D chez Renault ou les exosquelettes chez Faurecia).
L'ALLIANCE INDUSTRIE DU FUTUR (AIF) L'Alliance Industrie du Futur est une association loi 1901 créée le 20 juillet 2015 dans l'objectif d'accompagner les entreprises industrielles françaises, en particulier les plus petites, dans la modernisation de leur appareil productif et de leur modèle économique. Son action se concentre donc sur les technologies nouvelles, en particulier digitales. Elle mène donc une action au niveau national structurée autour de sept groupes de travail et de deux actions transversales ; qui est ensuite déployée au niveau régional via des plateformes soutenues par les membres de l'AIF, les Régions, les chambres de commerce et d'industrie (CCI) ou encore les pôles de compétitivité. Les groupes de travail sont les suivants : Développement de l'offre technologique du futur ; Déploiement régional auprès des entreprises ; Homme et industrie du futur ; Normalisation à l'international ; Promotion de l'offre technologique existante ; Vitrines industrie du futur. À côté de ses onze membres fondateurs, elle compte 24 autres membres actifs et associés, appartenant aux organisations académiques, de recherche technologique, aux organisations professionnelles et de financement des entreprises. C'est par exemple le cas de CCI France, de la PFA, de l'école des Arts et métiers, de centres techniques industriels, et de BPI France. L'AIF est financée par les cotisations de ses membres et par une dotation de la DGE dont le montant varie selon l'atteinte d'objectifs de performance. Elle coordonne aussi la mise en oeuvre de certains projets financés par les crédits du PIA 2. |
• Le soutien à l'export
Dans le domaine du soutien à l'export, Business France a également récemment mis en place une réflexion afin de prendre en compte la spécificité des filières dans son accompagnement des entreprises françaises.
Une telle organisation permettrait, selon l'opérateur, de disposer d'une plus grande expertise sur les marchés sectoriels, les produits concernés, ainsi que les modalités de soutien. Votre rapporteur note qu'elle va de pair avec le renforcement de la présence de Business France sur le territoire français, à proximité des entreprises les plus éloignées des marchés internationaux.
• Le financement et la consolidation des entreprises
Enfin, certaines actions spécifiques à destination des filières sont également conduites par Bpifrance en faveur du financement et de la consolidation des entreprises . L'opérateur a ainsi indiqué à votre rapporteur « considérer comme stratégique » la filière automobile, confirmant que « la stratégie sectorielle de Bpifrance vient s'intégrer dans la stratégie de filières développée par le CNI » . Au sein de Bpifrance, des communautés sectorielles comprenant des collaborateurs de chaque métier ont notamment été mises en place afin de contribuer à cette réflexion.
Conformément à l'engagement pris dans le cadre du contrat de filière, l'opérateur a annoncé lors du Mondial de l'Automobile en octobre 2018 le lancement d'un « Accélérateur PME » spécifiquement dédié à la filière automobile . Cet accélérateur permettra d'accompagner la transformation de 150 à 180 petites et moyennes entreprises (PME) en entreprises de taille intermédiaire (ETI) capables de gagner en visibilité à l'international.
Par ailleurs, Bpifrance peut également être amené à mener des investissements stratégiques au capital d'entreprises clés de la filière, telle la prise de participation temporaire au capital de Valeo durant la crise économique. Bpifrance détient également 12,7% du capital du groupe PSA, pour un montant de 1,92 milliards d'euros. Ces titres lui ont été transmis en 2017 par l'Agence des participations de l'État.
Enfin, Bpifrance a mis en place un fonds d'investissement dédié, le Fonds Avenir Automobile (FAA). Héritier depuis janvier 2015 du Fonds de Modernisation des Équipementiers Automobiles (FMEA) créé en 2009, il comporte désormais deux volets : le FAA Rang 1, détenu à parts égales par Bpifrance, Renault et PSA, et accompagnant les projets des fournisseurs de rang 1 pour un montant total de 600 millions d'euros ; et le FAA Rang 2, dédié aux plus petites entreprises, avec une capacité d'action de 50 millions d'euros dotés par les cinq principaux équipementiers automobiles. 34 ( * )
Il agit soit par des investissements de long-terme, soit par des investissements minoritaires en fonds propres ou quasi-propres, afin d'accompagner l'investissement et la consolidation de la filière automobile. Depuis sa création, le FAA a ainsi réalisé plus de 32 investissements, pour des montants s'échelonnant de 1 à 60 millions d'euros, dans plus de 11 secteurs d'activité de la filière automobile, tels que le décolletage, l'emboutissage, la plasturgie ou l'usinage. En octobre 2018, le FAA a par exemple soutenu le rachat de la société GIH par la firme plasturgique française FMB Technologies.
Le contrat de filière de mai 2018 a acté la prolongation du FAA pour quatre années supplémentaires , l'État s'engageant aux côtés de Renault et de PSA pour le doter d'une capacité d'investissement de 135 millions d'euros supplémentaires.
Tableau tiré des « Études filières Industrie du Futur » de l'AIF, juin 2017
LE PRÊT CROISSANCE AUTOMOBILE Dans le cadre de son soutien à l'investissement de la filière automobile, Bpifrance a également créé un prêt sectoriel dédié, le Prêt croissance automobile. Il s'adresse aux PME et ETI du secteur manufacturier automobile. L'objectif de ce prêt est de financer prioritairement les projets du Plan avenir automobile, les investissements structurants créateurs d'emplois, la première industrialisation de nouveaux produits, la diversification, ou la production de nouveaux matériels industriels à fins de production. Le montant de ces prêts peut varier entre 200 000 et 5 millions d'euros, à faible garantie (5%), s'étalant sur 7 ans et à taux fixe. Un euro de financement bancaire privé devait abonder chaque euro prêté dans le cadre du PCA. |
3. Les objectifs prioritaires de la stratégie de filière : consolidation, innovation, attractivité
Des auditions et consultations menées par votre rapporteur, il ressort que les objectifs de la stratégie de filière peuvent être schématisés en trois grandes cibles :
• Un enjeu structurel de consolidation du tissu industriel
Le secteur automobile - reflétant d'ailleurs en cela la structure du paysage industriel français - rassemble des entreprises de taille très diverses, des constructeurs mondialisés aux petites et moyennes entreprises familiales. L'enjeu de consolidation du tissu industriel français est donc essentiel, en particulier avec l'émergence ces dernières années de nouvelles filières mondialisées (par exemple en Chine ou au Vietnam), qui rendront le marché encore plus concurrentiel.
La stratégie de filière améliore l'identification des différents acteurs de la chaîne de production de valeur, de leurs produits respectifs et de leurs interconnexions . Cette meilleure connaissance de la filière permet d' encourager les synergies, d'orienter la transformation vers les besoins réels à l'impulsion des donneurs d'ordres, voire de restructurer le tissu productif pour permettre aux plus petits fournisseurs d'atteindre une taille critique pour émerger sur le marché mondial.
Comme évoqué plus haut, l'opérateur Bpifrance joue un rôle important d'accompagnement et de financement des entreprises, en permettant à celles-ci de trouver les financements nécessaires à leur croissance, à leur investissement et à leurs acquisitions.
Plus généralement, les échanges entre les différents échelons de la filière sont facilités, au sein du Comité stratégique notamment. Cela facilite l'élaboration d'une stratégie globale telle que celle développée dans le contrat de filière.
• La diffusion de l'innovation et des briques technologiques
Les entreprises d'un même secteur partagent certains besoins technologiques. À ce titre, la stratégie de filière permet d'identifier ces besoins, éventuellement de mutualiser les ressources nécessaires au développement de solutions ou de les mettre en oeuvre de façon concertée. L'Alliance Industrie du Futur , comme évoqué plus haut, accompagne la filière automobile dans cette démarche.
L'objectif est de développer un écosystème propice à l'émergence et à la diffusion de nouveaux produits ou solutions innovantes. Les pôles de compétitivité jouent un rôle essentiel à cet égard.
• Améliorer l'attractivité et la visibilité du secteur
Enfin, la stratégie de filière offre un degré supplémentaire de visibilité au secteur, organisant notamment des actions à destination du public ou des marchés internationaux.
Dans le cas de la filière automobile, la Plateforme automobile organise le Mondial de l'Automobile (devenue Paris Mondial Motor Show à l'occasion de son édition d'octobre 2018), où exposent notamment, les constructeurs, équipementiers et start-ups françaises. Votre rapporteur est d'avis que de telles actions permettent de faire connaître les marques françaises à l'international, et peuvent ouvrir de nouveaux débouchés à l'export.
Face au déficit d'image dont souffre le secteur automobile, en particulier depuis le « dieselgate » ayant touché les constructeurs allemands, la stratégie de filière est à même d'améliorer la communication des entreprises automobiles, et de mieux faire connaître le secteur. Cet enjeu est d'autant plus crucial que celles-ci connaissent un manque de main d'oeuvre marqué, que les acteurs auditionnés par votre rapporteur ont unanimement déploré. La filière peut ainsi contribuer à rendre l'industrie plus attractive et plus moderne.
4. L'échelon local doit être intégré à la stratégie de filière
L'industrie automobile ne fait pas figure d'exception dans le paysage industriel français : elle est majoritairement implantée dans les territoires. Votre rapporteur souligne que le rôle de l'échelon local est fondamental pour la mise en oeuvre de la stratégie de filière.
• Les associations régionales de l'industrie automobile
Les politiques locales sont déjà largement déclinées au niveau local. Par exemple, la Plateforme automobile s'appuie sur des relais en région, les Associations régionales de l'industrie automobile (ARIA). Celles-ci ont d'ailleurs indiqué à votre rapporteur travailler en partenariat avec Bpifrance et la Plateforme dans le déploiement de l'« Accélérateur PME » et du projet « Attractivité, Compétences, Emploi » (ACE, voir ci-dessous).
L'action au niveau local sera certainement amenée à se renforcer avec la montée en puissance de l'action des régions. Celles-ci se sont dotées depuis la loi « NOTRe » de la compétence de définition des orientations en matière de développement économique et de la compétence exclusive de définition des régimes d'aides aux entreprises.
LES ASSOCIATIONS REGIONALES DE L'INDUSTRIE AUTOMOBILE (ARIA) Les associations régionales de l'industrie automobile servent de relais régional aux politiques national de soutien aux entreprises et aux filières. Dès 2007, certaines d'entre elles ont porté des actions collectives en faveur de la compétitivité des petites et moyennes entreprises, cofinancées par l'État, l'Union européenne et les régions. Ces actions collectives menées de manière déconcentrée (par les DIRECCTE), ne bénéficieraient plus de dotations budgétaires au titre du projet de loi de finances 2019. Avec la montée en puissance de la stratégie de filière, les ARIA servent désormais également de relais en région à la Plateforme automobile. |
• Les pôles de compétitivité
Les pôles de compétitivité , à l'ancrage territorial fort, jouent un rôle central de soutien à l'innovation et aux filières. Ils bénéficient de l'engagement des régions , de l'État, et de financements privés. En 2019, les pôles de compétitivité entreront dans leur IVe phase.
Les pôles seront appelés, dans le cadre d'un nouvel appel à candidatures, à bâtir des synergies avec d'autres entités telles que les Instituts de recherche technologique ou les comités stratégiques de filière ; et à se rapprocher, voire fusionner avec d'autres pôles d'ici fin 2019. L'enjeu annoncé de la phase IV est de leur permettre de gagner en visibilité au niveau européen, ce qui impliquerait qu'ils puissent également bénéficier de co-financements de l'Union européenne (par l'appel à projet Horizon 2020 notamment). Les pôles devraient être sélectionnés d'ici la fin de l'année 2018, pour un démarrage de la phase IV en janvier 2019. 35 ( * )
Votre rapporteur constate que les conditions de sélection pour l'appel à projets de la phase IV sont sensiblement durcies. La condition de fusion d'ici 2019 pour les candidatures groupées semble très contraignante.
D'autre part, le Gouvernement a annoncé une modification d'ici 2020 des modalités de financement des pôles de compétitivité.
Alors que ceux-ci bénéficient actuellement d'une dotation budgétaire (18 millions d'euros au titre de l'année 2018) de l'État, celle-ci sera décomposée en une dotation socle dégressive qui passera de 6 millions en 2020 à 0 millions en 2022, et en une enveloppe « liée aux résultats », pour un montant de 9 millions pour chaque année de la période 2020-2022. Votre rapporteur fait donc le constat d'une baisse du soutien financier de l'État aux pôles de compétitivité, qui sera divisé par trois entre 2019 et 2022. Cela paraît peu propice au développement d'une ambition européenne.
Il s'alarme d'ailleurs de noter que les critères de performance utilisés pour attribuer la part variable du financement de l'État renvoie à la capacité des pôles à attirer des financements R&D nationaux et européens, ainsi que les financements privés. Cela pourrait conduire à une forte concentration des soutiens sur les mêmes pôles, au détriment de ceux se trouvant toujours en phase de consolidation.
LES PÔLES DE COMPETITIVITE ET L'INDUSTRIE AUTOMOBILE Depuis leur lancement en 2005, les pôles de compétitivité sont l'un des piliers de la politique française de soutien à l'innovation. Ils s'inscrivent dans une logique d'écosystème, faisant cohabiter sur un même territoire PME, ETI, grands groupes, organismes de recherche ou organismes éducatifs et de formation, afin que ceux-ci puissent faire émerger, capitalisant sur les externalités positives générées, des projets collaboratifs innovants. En 2015, une étude du Comité des constructeurs français d'automobile identifiait 4 pôles de compétitivité particulièrement orientés vers les mobilités et l'automobile : - - Le pôle Mov'eo à vocation mondiale, centré sur la mobilité du futur et les véhicules autonomes, qui s'étend sur les régions Ile-de-France et Normandie, et rassemble plus de 200 entreprises du secteur automobile, dont 149 PME ; |
- - Le pôle Véhicule du Futur, concentré sur les bassins historiques d'Alsace et de Franche-Comté, en interaction avec l'Allemagne et la Suisse. Il est actif sur des projets relatifs aux véhicules hydrogène, au recyclage, comptabilise plus de 47 000 emplois et 135 PME ; - - Le pôle CARA, anciennement LUTB, en région Auvergne-Rhône-Alpes ; - - Le pôle ID4CAR, qui s'étend sur les régions Bretagne et Pays de la Loire, centré sur les véhicules spécifiques et la mobilité durable. Plusieurs autres pôles contribuent au développement de la filière automobile, par exemple en développant de nouveaux matériaux (caoutchouc, polymères), ou en travaillant plus généralement sur les nouvelles mobilités. Ils bénéficient notamment de financements du Fonds Unique Interministériel (FUI), des collectivités locales en cofinancement, de Bpifrance, des Projets de recherche et développement structurants pour la compétitivité (PSPC), ou encore de l'Agence nationale de la recherche. 36 ( * ) |
• Les « Territoires d'industrie »
Le 20 septembre 2018, le Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé avoir lancé une mission visant à identifier une centaine de « Territoires d'industrie », 37 ( * ) qui feront l'objet de mesures de soutien particulières.
Le Gouvernement indique ainsi que : « À travers les contrats de transition écologique ou encore « Action Coeur de ville », l'État accompagne la redynamisation de ces territoires et la mutation de leur modèle de développement. Pour parachever cette démarche, le Gouvernement lance une actions spécifique « Territoires d'industrie » dans les nombreuses communes, communautés d'agglomération ou bassins à forte identité industrielle qui tentent de favoriser le développement ou la reconversion de leurs entreprises industrielles ». 38 ( * )
Cela semble faire réponse aux demandes de l'Assemblée des communautés de France qui avait appelé en mai 2018 à la conclusion d'un « pacte productif ». 39 ( * )
Parmi les missionnés figure notamment Clémentine Gallet, dirigeante de Coriolis Composites, entreprise qui fournit des cellules robotisées pour l'aéronautique et l'automobile. Les conclusions du rapport et la liste des territoires visés devrait être publiés à la fin du mois de novembre.
Votre rapporteur s'interroge toutefois sur l'articulation de ce dispositif avec les nombreuses actions déjà existantes, ainsi que sur les critères de sélection de ces territoires.
La Confédération des PME, consultée par votre rapporteur, a justement souligné le besoin de structures opérationnelles et flexibles dans les territoires, pour pouvoir répondre aux situations difficiles des petites entreprises.
• Le réseau des chambres de commerce et d'industrie
Enfin, votre rapporteur insiste sur le rôle du réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui fait depuis plusieurs années l'objet de restrictions budgétaires risquant de peser fortement sur sa capacité à accompagner les entreprises. De nouvelles mesures de réduction de leurs ressources sont prévues dans le cadre du projet de loi de finances 2019.
Leur rôle d'accompagnement des entreprises , au plus près des territoires, est fondamental, en particulier à l'heure où le Gouvernement réduit les effectifs et les moyens des administrations déconcentrées.
* 32 Archives Internet du gouvernement, Conseil des ministres du 30 janvier 2013.
* 33 « Études filières Industrie du Futur », Alliance Industrie du Futur, juin 2017.
* 34 Bosch, Faurecia, Valeo, Hutchinson et Plastic Omnium.
* 35 Cahier des charges de l'appel à projets de la phase IV des pôles de compétitivité (2019).
* 36 Données tirées de l'étude du CCFA précitée.
* 37 Annonces du Premier Ministre du 20 septembre 2018.
* 38 Publication produite à l'occasion du déplacement du Premier Ministre le 20 septembre 2018.
* 39 Rapport de mai 2018 de l'Assemblée des Communautés de France.