Avis n° 114 (2017-2018) de M. Loïc HERVÉ , fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 novembre 2017

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N° 114

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME XII

RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Par M. Loïc HERVÉ,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Sébastien Leroux, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 et 108 à 113 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur, et Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, le mardi 14 novembre 2017 1 ( * ) , la commission des lois, réunie le mercredi 22 novembre 2017 2 ( * ) sous la présidence de M. Philippe Bas, président , a examiné, sur le rapport pour avis de M. Loïc Hervé , les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2018 , ainsi que les articles rattachés à cette mission.

Après avoir rappelé que les crédits de cette mission ne représentent qu'une faible part des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales, le rapporteur a souligné que l'érosion des dotations de décentralisation, gelées depuis 2009, se poursuivait, et que les dotations d'investissement, malgré une hausse des crédits de paiement, subissaient une coupe sévère en autorisations d'engagement, masquée par des effets de périmètre.

Il a également noté que l'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales connaissaient une légère baisse en volume, qui atteindrait 5 % au terme de la programmation quinquennale.

Le rapporteur a souligné que l'extension des « variables d'ajustement » de l'enveloppe normée des concours financiers de l'État à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) du bloc communal pénaliserait les territoires anciennement industrialisés. Il a déploré que le Gouvernement soit revenu sur l'engagement pris en 2016 de prendre en compte le fonds exceptionnel de soutien aux régions dans la base de calcul de la fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui leur sera allouée à compter de 2018. Enfin, il s'est inquiété des lourdes incertitudes que la réforme de la taxe d'habitation fait peser sur les ressources et l'autonomie financière des communes et de leurs groupements.

Le rapporteur est revenu sur les nouvelles obligations imposées aux collectivités territoriales par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, en termes d'évolution de leurs dépenses de fonctionnement et de recours à l'emprunt. Il a estimé que les collectivités territoriales se voyaient ainsi contraintes de porter une part démesurée du désendettement du pays, au moyen de règles attentatoires à leur libre administration.

Dans la perspective d'une refonte de la fiscalité locale, le rapporteur a estimé nécessaire de rouvrir le débat sur l'autonomie financière des collectivités territoriales et la définition qui en est donnée par la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004. Il a énoncé quelques-uns des principes qui, à ses yeux, doivent guider cette réforme : la consolidation de l'autonomie financière des collectivités territoriales, sa juste conciliation avec les principes d'adéquation des ressources aux charges supportées, de prévisibilité des ressources et d'équité entre territoires, et le resserrement du lien entre le contribuable local et le financement des services publics locaux.

Sur sa proposition, la commission des lois a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2018 .

Elle a adopté quatre amendements aux articles 59, 59 bis et 60, rattachés à cette mission, tendant notamment à confier au préfet de département le soin d'attribuer les subventions au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), et à instituer une commission départementale des investissements locaux, composée d'élus locaux et nationaux et dotée de compétences décisionnelles et consultatives au sujet de l'attribution de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la DSIL.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des lois s'est saisie pour avis des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2018, ainsi que des articles rattachés à cette mission.

Disons-le d'emblée, ce budget n'est pas bon pour les collectivités territoriales. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » elle-même, qui ne regroupe qu'une faible partie des transferts financiers de l'État aux collectivités et à leurs groupements, est marquée par une série d'artifices qui en rendent l'analyse difficile, mais qui ne peuvent occulter les faits : les dotations de décentralisation, versées aux collectivités pour compenser les charges qu'elles supportent à la suite d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, poursuivent leur lente dépréciation ; quant aux dotations d'investissement, elles connaissent une sévère baisse en autorisations d'engagement. Si l'on prend en compte l'ensemble du projet de loi de finances, les concours financiers de l'État régressent légèrement malgré une hausse affichée. Le nouvel élargissement des « variables d'ajustement » à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle du bloc communal mettra en difficulté d'anciennes agglomérations industrielles, qui avaient déjà pâti de la réforme de la fiscalité économique locale. L'instauration d'une « TVA régionale », dont le principe peut être salué, a lieu sur des bases contestables, puisque les régions y perdent 450 millions d'euros par rapport à ce qui leur avait été promis l'an dernier. Enfin, la réforme de la taxe d'habitation fait peser de lourdes incertitudes sur les recettes des communes et de leurs groupements et, surtout, sur leur autonomie financière.

Ce projet de loi de finances doit d'ailleurs être analysé à la lumière du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, en cours d'examen par le Parlement. Or ce projet de loi de programmation vise - le mot n'est pas trop fort - à mettre les collectivités territoriales sous tutelle. Non seulement elles se verraient assigner des objectifs d'économies inaccessibles, déterminés en fonction de paramètres douteux, mais on leur imposerait une contribution au désendettement du pays hors de toute proportion avec leur poids dans la dépense ou la dette publiques. À cette fin, le Gouvernement prétend les assujettir à une « règle d'or renforcée » gravement attentatoire à leur libre administration, pendant que l'État, lui, continuerait de laisser filer son déficit...

Prises ensemble, ces mesures dessinent une reprise en main par l'État que ni les élus locaux, ni le Sénat ne peuvent accepter. Les moyens dont les collectivités territoriales disposent en propre pour investir étant appelés à se réduire, le Gouvernement consent - moins généreusement d'ailleurs qu'il n'y paraît - à leur accorder des dotations d'investissement dont les préfets disposent librement. Est-ce pour cela que les collectivités territoriales sont dotées de conseils élus, responsables devant les citoyens ? Est-ce cela, la République décentralisée ?

Au cours de l'examen de la mission en séance publique, votre commission des lois s'attachera, autant que les règles de la discussion budgétaire le permettent, à rendre aux élus locaux et nationaux un peu de leur pouvoir de décision et de contrôle.

Ce rapport esquisse également des pistes pour l'avenir, en proposant de refonder le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales sur des bases juridiques et fiscales plus solides.

I. LA MISSION « RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES » ET L'INVESTISSEMENT LOCAL

A. UNE MISSION BUDGÉTAIRE DE PORTÉE LIMITÉE

1. Une part infime des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales

À titre liminaire, il convient de rappeler que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente qu'une part infime des transferts financiers de l'État aux collectivités et à leurs groupements : 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement sur un total de 104,6 milliards d'euros, soit environ 3,6 % des sommes prévues dans le projet de loi de finances pour 2018.

Source : direction du budget

Les transferts financiers de l'État se décomposent, en effet, en trois ensembles : les concours financiers de l'État, la prise en charge par l'État de dégrèvements d'impôts locaux et la fiscalité transférée.

Les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales comprennent principalement des prélèvements sur recettes , prévus en première partie de la loi de finances, et des dépenses budgétaires regroupées au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Il faut y ajouter, cette année, la fraction des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) allouée aux régions 3 ( * ) .

L'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales se monte, dans le projet de loi de finances pour 2018, à 48,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement ; les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » en représentent 7,8 % 4 ( * ) .

Les prélèvements sur recettes constituent, de loin, la plus grande partie des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Ils forment un ensemble diversifié, qui inclut la dotation globale de fonctionnement (DGF), le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et divers autres prélèvements sur recettes, destinés notamment à compenser des exonérations de fiscalité locale décidées par l'État ou des pertes de produit fiscal (liées en particulier aux réformes successives de la taxe professionnelle).

Cette architecture complexe, que votre commission appelle depuis plusieurs années à simplifier, ne reflète qu'imparfaitement, comme on le verra, les différences de nature entre les différents types de transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales.

Architecture des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales

Source : commission des lois du Sénat

2. Des crédits destinés notamment à compenser les charges des collectivités territoriales et à soutenir leurs investissements

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » se compose de deux programmes. On observe au total une très nette baisse des autorisations d'engagement (AE), due pour l'essentiel à la non-reconduction du fonds exceptionnel de soutien aux régions et à la suppression de la « réserve parlementaire », et une hausse des crédits de paiement (CP) due à une augmentation des dotations d'investissement (qui s'explique en partie par des changements de périmètre). La mission bénéficie en outre de mesures de transfert d'un montant de 4,5 millions d'euros (en AE=CP) 5 ( * ) .

Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »

PLF 2018

LFI 2107

Variation 2018/2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements »

3 598 462 044

3 410 909 207

4 017 569 954

3 181 344 847

-10%

+7%

Programme 122 « Concours spécifiques et administration »

187 671 872

249 391 164

289 343 459

254 396 784

-35%

-2%

TOTAL

3 786 133 916

3 660 300 371

4 306 913 413

3 435 741 631

-12%

+7%

Source : commission des lois du Sénat, sur le fondement des documents budgétaires

Votre rapporteur aura plusieurs fois l'occasion de relever l'imprécision, voire l'opacité des documents annexés au projet de loi de finances, qui nuisent à la bonne information des parlementaires et du public. Il est tout particulièrement regrettable que la représentation nationale ne soit pas mise en mesure d'exercer, au moyen de renseignements fiables, l'une de ses premières missions, à savoir le vote du budget de l'État.

a) Le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements »

Le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », qui comprend six actions, est destiné, d'une part, à compenser certaines charges supportées par les collectivités territoriales à la suite d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, d'autre part, à soutenir les projets d'investissement des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Les crédits du programme 199 par action

PLF 2018

LFI 2017

Variation 2018/2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action n° 1 « Soutien aux projets des communes et de leurs groupements »

1 855 279 990

1 417 727 153

1 680 779 990

1 134 554 883

+10 %

+25 %

Action n° 2 « Dotation générale de décentralisation des communes »

130 308 258

130 308 258

184 308 258

144 308 258

-29 %

-10 %

Action n° 3 « Soutien aux projets des départements et des régions »

211 855 969

461 855 969

215 855 969

215 855 969

-2 %

+114 %

Action n° 4 « Dotation générale de décentralisation des départements »

265 337 672

265 337 672

265 337 672

265 337 672

0 %

0 %

Action n° 5 « Dotation générale de décentralisation des régions »

908 104 567

908 104 567

993 728 778

993 728 778

-9 %

-9 %

Action n° 6 « Dotation générale de décentralisation - concours particuliers »

227 575 588

227 575 588

227 559 287

227 559 287

0 %

0 %

Action n° 7 « Soutien à l'investissement - Part métropoles »

0

0

450 000 000

200 000 000

-100 %

-100 %

TOTAL

3 598 462 044

3 410 909 207

4 017 569 954

3 181 344 847

-10 %

+7 %

Source : commission des lois du Sénat, sur le fondement des documents budgétaires

• La lente érosion des dotations de décentralisation (actions n os 2, 4, 5 et 6)

La dotation générale de décentralisation (DGD) des communes , qui s'élève dans le projet de loi de finances pour 2018 à 130,3 millions d'euros (en AE=CP), a pour objet de compenser les charges liées à divers transferts de compétences au profit des communes et de leurs groupements : l'élaboration des documents d'urbanisme, les services communaux d'hygiène et de santé, l'entretien de la voirie nationale de la Ville de Paris, les monuments historiques et la compétence définie à l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation.

La DGD des communes, de même que les autres composantes de la DGD, est gelée en valeur depuis 2009, sauf accroissement ou diminution des compétences transférées qu'elle est destinée à financer 6 ( * ) . Toutefois, il semble que l'augmentation des crédits du programme 119 de 54 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 14 millions d'euros en crédits de paiement, au cours de l'examen parlementaire du projet de loi de finances pour 2017 7 ( * ) , ait été entièrement mais fictivement imputée par l'administration à l'action n° 2, alors que cette augmentation de crédits était destinée à financer un abondement de 50 millions d'euros de la dotation politique de la ville et la création de la dotation communale d'insularité, qui relèvent toutes deux de l'action n° 1. De là, la baisse apparente des crédits de l'action n° 2 entre la loi de finances initiale pour 2017 et le présent projet de loi de finances.

La dotation générale de décentralisation des départements , qui s'élève à 265 337 672 millions d'euros (en AE=CP), est attribuée aux départements pour compenser certaines charges qui leur ont été transférées (collèges à sections binationales et internationales, monuments historiques, etc .). Elle prend également en compte les mouvements financiers liés aux transferts de personnel résultant de la loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 8 ( * ) , qui ne sont pas encore connus pour 2018.

La dotation générale de décentralisation des régions , de 908 104 567 millions d'euros (en AE=CP), compense certaines charges transférées aux régions (lycées à sections binationales et internationales, monuments historiques, transports scolaires en Île-de-France, etc .). Contrairement à ce qu'indiquent les documents budgétaires , la baisse des crédits par rapport à 2017, qui atteint 85,6 millions d'euros, ne s'explique pas par la suppression de la dotation de continuité territoriale versée à la collectivité de Corse, mais par celle du reliquat de la DGD versée à cette même collectivité (90,1 millions d'euros) 9 ( * ) , compensée à partir de 2018 par la fraction de TVA qui lui sera allouée au même titre qu'aux autres régions. Cette baisse est légèrement atténuée par le transfert, au sein de la DGD des régions, de la compensation annuelle versée par l'État au titre de la redevance de quai (4,5 millions d'euros).

Enfin, divers concours particuliers sont attribués, au titre de la dotation générale de décentralisation, indistinctement aux communes, départements, régions et groupements de collectivités territoriales. Il s'agit des concours particuliers aux autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains, en faveur des ports maritimes, des aérodromes, des bibliothèques municipales et départementales de prêt, et du concours relatif au domaine public fluvial.

Au total, depuis leur « gel » en valeur en 2009, les différentes composantes de la dotation générale de décentralisation auront subi, à périmètre constant, une baisse de près 9 % en volume .

• Les dotations d'investissement (actions n os 1 et 3) : une hausse apparente qui masque la réduction du soutien financier de l'État à l'investissement local

- Le soutien à l'investissement du bloc communal

L'action n° 1 « Soutien aux projets des communes et de leurs groupements » regroupe les crédits de plusieurs dotations d'une grande importance pour les investissements du bloc communal, versées sous la forme de subventions allouées par l'État sur la base des projets présentés aux préfets par les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) , créée par la loi de finances pour 2011, est destinée à subventionner les dépenses d'équipement des communes et EPCI situés essentiellement en milieu rural. Le montant de cette dotation, après avoir progressé de 815 millions d'euros en autorisations d'engagement en 2015 et 2016 à 996 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017, devait être stabilisé en valeur l'an prochain, selon le projet annuel de performance de la mission. Quant aux crédits de paiement, ils devaient être portés de 722,7 millions à 791,1 millions d'euros, pour tenir compte de l'augmentation des engagements au cours de l'année écoulée.

Nos collègues députés ont cependant supprimé, à l'article 59, la seconde enveloppe de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), d'un montant de 50 millions d'euros, dans l'intention que cette somme soit réaffectée à la DETR (voir ci-dessous).

Les conditions d'éligibilité à la DETR

Peuvent bénéficier de la dotation d'équipement des territoires ruraux, en vertu de l'article L. 2334-33 du code général des collectivités territoriales :

1° Parmi les communes :

a) celles dont la population n'excède pas 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d'outre-mer ;

b) celles dont la population est supérieure aux seuils ci-dessus mais n'excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer, et dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants et n'excède pas 20 000 habitants ;

c) les communes de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

d) dans le cas où elles ne respectent pas les conditions de population mentionnées ci-dessus, et pendant les trois premiers exercices à compter de leur création, les communes nouvelles issues de la transformation d'EPCI éligibles à la DETR l'année précédant leur transformation, ou issues de la fusion de communes dont l'une était éligible à cette dotation l'année précédant leur fusion ;

2° Parmi les EPCI :

a) les EPCI à fiscalité propre dans les départements de métropole qui ne forment pas un ensemble de plus de 75 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave autour d'une ou plusieurs communes centres de plus de 20 000 habitants ;

b) les EPCI à fiscalité propre dans les départements d'outre-mer et le département de Mayotte qui ne forment pas un ensemble de plus de 150 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave autour d'une ou plusieurs communes centres de plus de 85 000 habitants ;

c) les EPCI éligibles en 2010 à la dotation globale d'équipement des communes ou à la dotation de développement rural, ainsi que les syndicats de communes et syndicats mixtes « fermés » dont la population n'excède pas 60 000 habitants.

La dotation politique de la ville (DPV) , créée par la loi de finances pour 2015, a pour objet de soutenir les communes urbaines défavorisées. Après avoir connu une forte hausse en 2017, les autorisations d'engagement resteraient stables en 2018, à 150 millions d'euros. Les crédits de paiement seraient portés de 88,4 millions à 101,1 millions d'euros, pour tenir compte de l'augmentation des engagements passés.

La répartition de la DPV

Les conditions d'éligibilité et critères de répartition de la dotation politique de la ville sont fixés aux articles L. 2334-40 et L. 2334-41 du code général des collectivités territoriales.

1° En métropole

La DPV destinée aux communes de métropole est composée de deux parts :

- la première part (75 % des crédits alloués à la métropole) est répartie entre les premières communes classées en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges, sans que le nombre total de communes bénéficiaires en métropole et en outre-mer puisse excéder 180. Ces communes doivent en outre compter plus de 19 % de leur population en quartier prioritaire ou en zone franche urbaine (ZFU), avoir été éligibles à la DSU et faire partie des 250 premières communes de plus de 10 000 habitants ou des 30 premières communes de 5 000 à 9 999 habitants éligibles à la DSU cible l'année précédente ; elles doivent également faire l'objet d'une convention pluriannuelle avec l'ANRU ou contenir un quartier prioritaire visé en priorité par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). L'attribution au titre de cette première enveloppe est plafonnée à 5 millions d'euros par commune ;

- la seconde part (25 % des crédits attribués à la métropole) est répartie entre les 90 premières communes classées selon le même indice synthétique. L'attribution au titre de cette seconde part est plafonnée à 1 million d'euros par commune.

2° En outre-mer

La dotation politique de la ville comporte une quote-part réservée aux communes des départements d'outre-mer de plus de 5 000 habitants, faisant l'objet d'une convention pluriannuelle avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ou comprenant un quartier prioritaire visé par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPRU) parmi ceux qui présentent les dysfonctionnements urbains les plus importants.

Cette quote-part est calculée en appliquant au montant total de la DPV le rapport, majoré de 33 %, existant entre la population totale des communes des départements d'outre-mer et la population totale des communes des départements de métropole et d'outre-mer.

La dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) , créée en 2016 et reconduite en 2017 pour encourager financièrement les investissements des communes et de leurs groupements - qui pâtissaient de la baisse globale des concours financiers de l'État - se trouve pérennisée par le projet de loi de finances pour 2018. Son article 59 (rattaché à la présente mission) prévoit, en effet, d'insérer dans le code général des collectivités territoriales une section consacrée à la DSIL et composée d'un seul article, qui prendrait le relais de l'article 141 de la loi n° 2016-1917 de finances pour 2017.

La hausse apparente de cette dotation, de 570 millions d'euros en autorisations d'engagement en loi de finances pour 2017 10 ( * ) à 665 millions d'euros l'an prochain, masque en fait d'importants changements de périmètre .

La DSIL, en 2017, se composait de deux enveloppes dont les différentes fractions étaient réparties entre le présent programme 119 et le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires ». La première enveloppe comprenait trois parts : la première consacrée au financement des pactes métropolitains d'innovation prévus par le pacte État-métropoles (130 millions d'euros en AE au titre du programme 119, 20 millions d'euros au titre du programme 112), la deuxième au bénéfice d'investissements des communes et EPCI considérés comme prioritaires (420 millions d'euros en AE au titre du programme 119), la troisième dédiée aux « grandes priorités d'aménagement du territoire » (30 millions d'euros en AE au titre du programme 112). La seconde enveloppe était consacrée au financement des contrats de ruralité (215,7 millions d'euros en AE au titre du programme 112) 11 ( * ) .

Selon le projet de loi de finances pour 2018 présenté par le Gouvernement, la nouvelle DSIL relèverait tout entière du programme 119. Une première part , de 615 millions d'euros, serait consacrée au financement des grandes priorités d'investissement définies par la loi : rénovation thermique et transition énergétique, mise aux normes et sécurisation des équipements publics, mobilité, logement, numérique et téléphonie mobile, bâtiments scolaires, etc . Le projet annuel de performance de la mission indique que cette première part de la DSIL serait mise à contribution à hauteur de 200 millions d'euros pour financer le grand plan d'investissement annoncé par le Gouvernement, et plus particulièrement des projets de transports publics durables (100 millions d'euros) et de rénovation thermique des bâtiments des collectivités territoriales (100 millions d'euros). Cette première part servirait aussi à financer les contrats de ruralité, à hauteur de 45 millions d'euros seulement.

Une seconde part , de 50 millions d'euros, serait allouée aux communes et intercommunalités qui, par convention avec l'État, se seraient engagées dans un projet de modernisation pour mieux maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. Cette seconde part est présentée comme la contrepartie de la suppression de la « réserve parlementaire » , qui s'élevait pourtant à 146 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017, dont 86 millions d'euros au titre des travaux divers d'intérêt local (TDIL) imputés sur l'action n° 1 « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales » du programme 122.

D'une DSIL à l'autre

Source : commission des lois du Sénat

Si l'on neutralise ces effets de périmètre, les autorisations d'engagement diminueraient de 257 millions d'euros, soit une baisse de 29 % en volume . Les crédits de paiement, pour autant que l'on puisse reconstituer avec exactitude leur montant en 2017, progresseraient pour leur part d'environ 70 millions d'euros, afin de couvrir les engagements passés.

Évolution du montant de la DSIL et des TDIL entre 2017 et 2018

(en millions d'euros)

DSIL

TDIL

TOTAL

1 e enveloppe 2017

(et paiements en 2018)

2 e enveloppe 2017

(et paiements en 2018)

1 e part 2018

2 e part 2018

1 e part

2 e part

3 e part

2017

programme 119

AE

130

440

570

CP

322,9

322,9

programme 112

AE

20

30

215,7

265,7

CP

2,8

30 12 ( * )

30,4

63,2

programme 122

AE

86

86

CP

86

86

TOTAL

AE

150

440

30

215,7

86

921,7

CP

2,8

322,9

30

30,4

86

472,1

2018

programme 119

AE

615

50

665

CP

481,3

481,3

programme 112

AE

CP

15,2

44,2

59,4

TOTAL

AE

615

50

665

CP

15,2

44,2

481,3

540,7

Évolution

AE

en millions d'euros courants

-256,7 (-28 %)

en millions d'euros constants

-263,3 (-29 %)

CP

en millions d'euros courants

+68,6 (+15 %)

en millions d'euros constants

+63,2 (+13 %)

Source : commission des lois, sur le fondement des documents budgétaires

Encore nos collègues députés ont-ils supprimé la deuxième part de la DSIL prévue à l'article 59 du projet de loi de finances, en émettant le souhait que les 50 millions d'euros correspondants soient affectés à la DETR.

Au total, les trois grandes dotations d'investissement destinées au bloc communal (DETR, DPV, DSI) connaîtraient en 2018 une hausse de 9 % en volume de leurs crédits de paiement , mais une baisse de 13 % de leurs autorisations d'engagement. On ne peut donc accueillir qu'avec circonspection les annonces gouvernementales sur la poursuite du soutien de l'État à l'investissement des communes et de leurs groupements.

La dotation forfaitaire relative à la délivrance des titres sécurisés connaît, elle, une hausse réelle, puisqu'elle passe de 18,3 millions d'euros en 2017 à 39,8 millions d'euros en 2018 (en AE=CP), afin de tenir compte des charges exposées par les communes, au nom de l'État, pour recueillir les empreintes digitales des personnes qui demandent la délivrance d'un passeport ou, depuis 2017, d'une carte nationale d'identité. On peut espérer que cela contribuera à réduire l'important reste à charge des communes.

L'action n° 1 comprend enfin la dotation « régisseurs de police municipale » (0,5 million d'euros en AE=CP) et la dotation communale d'insularité (4 millions d'euros en AE=CP), qui restent stables.

- Le soutien à l'investissement des départements et des régions

L'action n° 3 « Soutien aux projets des départements et des régions » regroupe les crédits affectés à la dotation globale d'équipement des départements et au fonds de soutien aux régions créé en 2017 au titre de leurs nouvelles compétences économiques.

La dotation globale d'équipement (DGE) des départements est destinée à concourir financièrement à leurs investissements en matière d'aménagement foncier et aux subventions qu'ils versent pour des travaux d'équipement rural. À l'inverse de ce qui est indiqué dans le projet annuel de performance , son montant connaît cette année une baisse d'environ 2 % , pour s'établir à 211,9 millions d'euros (en AE=CP).

Le fonds de soutien exceptionnel aux régions, au Département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane a été institué par l'article 149 de la loi n° 2016-1917 de finances pour 2017, afin d'accompagner ces collectivités dans l'exercice de leurs nouvelles compétences en matière de développement économique, telles qu'elles résultent de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe ». Ce fonds a été doté en 2017 de 450 millions d'euros en autorisations d'engagement, qui ont été intégralement engagés par les préfets de région. S'agissant des crédits de paiement, 200 millions d'euros ont été ouverts en 2017 et le solde de 250 millions d'euros est ouvert par le projet de loi de finances pour 2018. Comme le prévoit l'article 149 de la loi n° 2016-1917 de finances pour 2017, cette seconde enveloppe représente un montant de dépenses maximal , qui sera réparti entre les collectivités dont les dépenses en matière de développement économique auront augmenté en 2017.

En revanche, contrairement à ce que prévoyait le même article 149, les 450 millions d'euros du fonds de soutien ne seront pas pris en compte pour le calcul de la fraction du produit de TVA que percevront ces mêmes collectivités territoriales à compter de 2018 , en substitution de leur DGF notamment 13 ( * ) .

Enfin, s'agissant de l'action n° 7, votre rapporteur ne peut que déplorer une nouvelle fois le manque de transparence des documents budgétaires, puisqu'il est écrit dans le projet annuel de performance (« bleu ») annexé au projet de loi de finances pour 2018 qu'il s'agissait de l'enveloppe destinée aux pactes métropolitains d'innovation, tandis que l'annexe correspondante à la loi de finances initiale pour 2017 (« vert ») indique que cette action regroupait les crédits du fonds exceptionnel de soutien aux régions. Cette dernière hypothèse correspond mieux aux montants indiqués 14 ( * ) . En tout état de cause, en 2018, cette action ne serait plus dotée d'aucun crédit.

b) Le programme 122 « Concours spécifiques et administration »

Le programme 122 « Concours spécifiques et administration », quelque peu hétéroclite, regroupe les aides financières destinées aux collectivités territoriales faisant face à des situations exceptionnelles, les moyens de la direction générale des collectivités locales et diverses dotations allouées à certaines collectivités d'outre-mer.

Les crédits du programme 122 par action 15 ( * )

PLF 2018

LFI 2017

Variation 2018/2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action n° 1 « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales »

42 000 000

106 665 967

147 559 603

112 559 603

-72 %

-5 %

Action n° 2 « Administration des relations avec les collectivités territoriales »

2 463 826

2 517 151

2 463 826

2 517 151

0 %

0 %

Action n° 4 « Dotations outre-mer »

140 208 046

140 208 046

139 320 030

139 320 030

+1 %

+1 %

TOTAL

184 671 872

249 391 164

289 343 459

254 396 784

-36 %

-2 %

Source : commission des lois du Sénat, sur le fondement des documents budgétaires

• Les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales

L'action n° 1 « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales » regroupe divers dispositifs destinés aux collectivités territoriales qui font face à des situations exceptionnelles.

Les subventions exceptionnelles aux communes en difficulté sont versées par l'État aux communes connaissant de graves difficultés financières afin de favoriser la mise en place d'un plan de redressement, conformément à l'article L. 2335-2 du code général des collectivités territoriales. Le montant des crédits nécessaires est évalué, pour 2018 comme pour 2017, à 2 millions d'euros (en AE=CP). Il convient de noter que les aides accordées à cinq communes en difficulté s'étaient élevées en 2016 à un total de 2,26 millions d'euros 16 ( * ) .

Les subventions exceptionnelles pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques sont allouées aux collectivités en cas d'événements climatiques ou géologiques de très grande ampleur, au titre de la solidarité nationale. Les prévisions du Gouvernement semblent ici pour le moins optimistes : les crédits affectés à ces subventions passent de 55 millions d'euros en autorisations d'engagement en 2017 à 40 millions d'euros en 2018, alors même que les plafonds prévus en loi de finances sont régulièrement dépassés, ce qui nécessite l'ouverture de nouveaux crédits en cours d'année.

Comme l'an dernier, aucun crédit nouveau n'est ouvert au titre des aides aux communes concernées par la restructuration des implantations du ministère de la défense . Des redéploiements internes de crédits sont annoncés pour aider les communes touchées par les dissolutions et transferts d'unités intervenus entre 2011 et 2018.

Enfin, les subventions pour travaux divers d'intérêt local (TDIL) , correspondant à une partie de l'ancienne « réserve parlementaire », ne sont dotées que de 76,7 millions d'euros de crédits de paiement pour couvrir les engagements des années précédentes.

• Les moyens de la direction générale des collectivités locales

L'action n° 2 « Administration des relations avec les collectivités territoriales » finance, en premier lieu, les dépenses de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et des organismes nationaux dont elle assure le fonctionnement, à savoir le conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le conseil national de la formation des élus locaux et le conseil national des opérations funéraires (0,55 million d'euros en AE et 0,51 million d'euros en CP).

En second lieu, l'action n° 2 finance les dépenses informatiques de la DGCL (1,9 million d'euros en AE et 2 millions d'euros en CP). Le montant de ces dépenses reflète, selon le Gouvernement, la montée en gamme de l'application destinée à assurer la dématérialisation des budgets des métropoles et des collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants. Votre rapporteur observe néanmoins que ces crédits d'informatique, stables en valeur depuis 2015, sont régulièrement sous-consommés 17 ( * ) . Il serait sans doute préférable de les ramener à un montant plus modeste et de budgéter de manière plus fiable les dépenses relatives aux subventions et aides exceptionnelles aux communes.

• Diverses dotations aux collectivités d'outre-mer

L'action n° 4 « Dotations outre-mer » comprend diverses dotations destinées à plusieurs collectivités ultramarines : la dotation globale de fonctionnement des provinces de Nouvelle-Calédonie (82,7 millions d'euros en AE=CP), les dotations globales de compensation versées à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française au titre des services et établissements publics transférés (respectivement 52 millions d'euros et 1 million d'euros en AE=CP), et la dotation globale de compensation allouée à Saint-Martin (4,4 millions d'euros en AE=CP). Ces diverses dotations sont stables ou en très légère progression par rapport à 2017.

B. LES ARTICLES RATTACHÉS

Les articles 58 à 62 bis du projet de loi de finances pour 2018 sont rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et feront l'objet d'un examen conjoint par le Sénat en séance publique.

L'article 58 concerne l'automatisation de la gestion du FCTVA par le recours au traitement automatisé des données budgétaires et comptables des collectivités territoriales et de leurs groupements. Il s'agit de parvenir à une dématérialisation presque complète de la procédure d'instruction, de contrôle et de versement.

L'article 59 , relatif à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) , a été présenté ci-dessus. Ayant observé que nos collègues députés avaient supprimé la seconde part de 50 millions d'euros destinée à financer des projets de modernisation au lieu et place de la « réserve parlementaire », pour réaffecter ce montant à la DETR, votre commission ne voit pas d'inconvénient à ce que la DSIL trouve désormais son fondement légal dans le code général des collectivités territoriales. C'est le montant des crédits prévus à ce titre au programme 119 qu'elle conteste.

Votre commission a adopté un amendement n° II-84 tendant à confier au préfet de département, plutôt qu'au préfet de région, le soin d'attribuer les subventions au titre de la DSIL . Le préfet de département est l'interlocuteur naturel des élus locaux, et il connaît le mieux les problématiques locales, surtout dans les grandes régions issues du redécoupage de la carte régionale.

L'article 59 bis tend à abaisser de 150 000 à 100 000 euros le montant au-delà duquel les projets de subventionnement au titre de la DETR sont soumis à l'avis de la commission d'élus mentionnée à l'article L. 2337-37 du code général des collectivités territoriales. Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement n° II-85 tendant à réécrire cet article pour créer une commission départementale des investissements locaux , compétente à la fois au sujet de la DETR et de la DSIL 18 ( * ) .

L'article 60 a pour objet de fixer les règles de répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour 2018. Il prévoit notamment de prolonger le « pacte de stabilité » en faveur des communes nouvelles . En ce qui concerne les communes nouvelles créées entre le 2 janvier 2016 et le 1 er janvier 2017, le droit en vigueur prévoit :

1° qu'elles se voient attribuer pendant trois ans une dotation forfaitaire au moins égale à la somme des dotations perçues par chacune des anciennes communes l'année précédant leur création, sous deux conditions de population alternatives : que leur population globale soit inférieure ou égale à 10 000 habitants, ou qu'elles regroupent toutes les communes membres d'un ou de plusieurs EPCI à fiscalité propre dont la population globale est inférieure ou égale à 15 000 habitants ;

2° qu'elles se voient attribuer pendant trois ans, aux mêmes conditions de population, une dotation nationale de péréquation, une dotation de solidarité rurale et une dotation de solidarité urbaine au moins égales à la somme des dotations perçues par chacune des anciennes communes l'année précédant leur création 19 ( * ) ;

3° qu'elles bénéficient d'une majoration de 5 % de leur dotation forfaitaire, à condition que leur population soit comprise entre 1 000 et 10 000 habitants ;

4° que si elles regroupent toutes les communes membres d'un ou de plusieurs EPCI à fiscalité propre dont la population globale est inférieure ou égale à 15 000 habitants, elles reçoivent pendant trois ans des attributions au moins égales à la somme des montants de la dotation de compensation et (sous la forme d'une dotation de consolidation) de la dotation d'intercommunalité perçus par le ou les EPCI l'année précédant leur création.

Le texte proposé par le Gouvernement prévoyait d'étendre le bénéfice de ces mesures aux communes nouvelles créées en 2017 et 2018, et d'harmoniser les règles relatives aux dotations de péréquation. L'Assemblée nationale a apporté au texte plusieurs modifications :

1° à l'initiative de leurs commissions des finances et des lois, nos collègues députés ont souhaité prolonger la durée de ces incitations financières dans le cas où une commune nouvelle viendrait à s'élargir à d'autres communes ; cette prolongation est cependant réservée au cas où la population des communes nouvellement intégrées n'excède pas 2 000 habitants ;

2° à l'initiative des mêmes commissions, nos collègues députés ont simplifié et assoupli les conditions de population imposées pour bénéficier de la stabilité, voire de la majoration de la dotation forfaitaire, ainsi que de la stabilité des dotations de péréquation : en bénéficieraient toutes les communes nouvelles dont la population n'excède pas 15 000 habitants ; sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté deux amendements n os II-86 et II-87 à caractère rédactionnel.

Au-delà du cas des communes nouvelles, l'article 60 tend à :

- rehausser de 190 millions d'euros les dotations de péréquation « verticale » 20 ( * ) ;

- adapter les modalités de répartition de la DGF à la création de la collectivité unique de Corse ;

- simplifier la notification aux collectivités territoriales et EPCI de leurs attributions au titre de la DGF, en disposant que la publication de ces attributions au Journal officiel vaut notification ;

- reconduire le prélèvement sur la fiscalité des collectivités qui ont acquitté par ce biais  une part de leur contribution au redressement des finances publiques ;

- abonder d'1 million d'euros le fonds d'aide pour le relogement d'urgence (FARU) ;

- ajuster la répartition des produits de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) perçue sur le territoire de la métropole de Lyon entre la métropole et le département du Rhône, compte tenu du transfert de 25 points de CVAE aux régions.

L'Assemblée nationale y a ajouté d'autres dispositions, visant à :

- augmenter d'1,5 million d'euros la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (DACOM) allouée aux communes de Guyane à compter de 2018, pour tenir compte des charges spécifiques supportées par les communes aurifères ;

- inclure, parmi les logements sociaux pris en compte pour le calcul des attributions au titre de la DSU et du fonds de solidarité des communes d'Île-de-France (FSRIF), les logements situés dans le périmètre d'une opération de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national ;

- rendre éligibles à la DSR les communes sièges de bureaux centralisateurs qui appartiennent à un canton (dans les frontières de 2014) dont le chef-lieu compte plus de 10 000 habitants ;

- prolonger en 2018 la garantie de sortie attribuée aux communes ayant perdu en 2017 leur éligibilité à la fraction bourg-centre de la DSR en raison du plafonnement de leur population prise en compte pour la répartition de la DGF ;

- ramener de neuf à huit le nombre de groupes de compétences devant être exercées par une communauté de communes à fiscalité professionnelle unique pour qu'elle bénéficie de la majoration de dotation d'intercommunalité prévue à l'article L. 5211-29 du code général des collectivités territoriales.

L'article 60 bis , introduit par nos collègues députés, prévoit de mettre fin progressivement aux modalités dérogatoires de calcul du potentiel fiscal agrégé des ensembles intercommunaux constitués d'une communauté d'agglomération issue de la transformation d'un syndicat d'agglomération nouvelle et de ses communes membres.

Les articles 60 ter et 60 quater , également introduits à l'Assemblée nationale, prévoient la remise au Parlement de deux rapports portant respectivement sur les modalités de prise en compte dans la répartition des dotations et des fonds de péréquation des charges supportées par les communes touristiques, et sur les modalités de prise en compte dans la répartition de la dotation forfaitaire des surfaces comprises dans les sites Natura 2000.

L'article 61 concerne la péréquation « horizontale » . Il prévoit notamment :

- d'ajuster les fonds de péréquation départemental et régional de la CVAE au transfert de 25 points de CVAE aux régions ;

- d'étendre aux EPCI qui perdraient en 2018 leur éligibilité au fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) le mécanisme de garantie appliqué en 2017 en raison de la recomposition de la carte intercommunale, tout en unifiant les garanties applicables aux EPCI ayant perdu leur éligibilité en 2017 et en 2018, et en prévoyant une sortie progressive de ce dispositif ;

- de fixer à 1 milliard d'euros le montant du FPIC , alors que la loi de finances pour 2012 avait prévu de le porter à 2 % des recettes fiscales agrégées du bloc communal, soit environ 1,2 milliard d'euros. Ce montant a paru raisonnable à votre rapporteur, comme à l'ensemble des associations d'élus qu'il a entendues.

Nos collègues députés ont adopté un amendement visant à relever de 13 % à 13,5 % du potentiel fiscal agrégé le montant maximal du prélèvement sur les ressources d'un ensemble intercommunal ou d'une commune isolée au titre du FPIC. Selon la commission des finances de l'Assemblée nationale, seuls trois contributeurs ont atteint ce plafond en 2017 21 ( * ) , et il s'agit d'éviter que la hausse théorique de leur contribution en 2018 soit entièrement annulée, au détriment des autres contributeurs.

L'article 61 bis , inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à étendre les conditions d'éligibilité à la dotation politique de la ville (DPV) des communes de 5 000 à 9 999 habitants : toutes les communes de cette catégorie éligibles, l'année précédente, à la dotation de solidarité urbaine (DSU), et non plus seulement trente d'entre elles, pourront bénéficier de la DPV à condition de remplir les autres conditions légales d'éligibilité.

L'article 61 ter , également inséré à l'Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement, vise à exclure la dotation de continuité territoriale, composante de la dotation générale de décentralisation, de la base de calcul de la fraction de TVA qui reviendra, à compter de 2018, à la collectivité unique de Corse. Le Gouvernement justifie ce choix par le fait que la dotation de continuité territoriale est une ressource affectée. Cet amendement tardif corrige en fait une ambiguïté : à défaut de son adoption, la collectivité de Corse aurait pu percevoir à la fois la dotation de continuité territoriale et une fraction correspondante de TVA 22 ( * ) . Il eût cependant été plus avantageux pour la Corse de voir la dotation de continuité territoriale remplacée par une part supplémentaire de TVA, taxe dont le produit est dynamique . Cette question méritera d'être débattue en séance publique.

L'article 61 quater , inséré à l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, tend à exonérer la collectivité de Saint-Barthélemy du paiement de la dotation globale de compensation en 2018, en raison des dégâts causés par l'ouragan Irma au mois de septembre dernier.

L'article 61 quinquies , inséré à l'Assemblée nationale par amendement du Gouvernement, a pour objet de garantir que la fusion des départements corses ne se fasse pas au détriment de la collectivité unique, dans le cadre de la répartition des fonds départementaux de péréquation et du dispositif de compensation péréquée (DCP).

L'article 62 tend à augmenter la dotation forfaitaire pour les titres sécurisés, pour les raisons exposées ci-dessus.

Enfin, l'article 62 bis , inséré à l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, tend à porter de deux à trois ans le délai pendant lequel un EPCI à fiscalité professionnelle unique , issu de la fusion de plusieurs EPCI ou qui a vu son périmètre s'étendre, peut réviser unilatéralement, dans les limites légales, l'attribution de compensation des communes qui étaient auparavant membres d'un autre EPCI à fiscalité professionnelle unique. Il s'agit, selon le Gouvernement, de faciliter l'installation des EPCI élargis résultant de la nouvelle carte intercommunale.

C. L'IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ DE RENFORCER LE RÔLE DES ÉLUS DANS L'ATTRIBUTION DES SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT

Votre rapporteur observe que le projet de loi de finances pour 2018, joint au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, poursuit un mouvement de recentralisation des décisions relatives à l'investissement local .

L'investissement public local a considérablement pâti, au cours des dernières années, de la baisse des concours financiers de l'État et des recettes fiscales des collectivités territoriales. Leur capacité d'autofinancement , constituée de leur épargne brute 23 ( * ) , a connu une forte baisse, comme le montre le graphique ci-dessous. Pour continuer à investir, les collectivités ont dû recourir - modérément - à l'emprunt. Or le projet de loi de programmation des finances publiques ne leur laisse aucune marge pour rétablir leurs recettes d'investissement à un niveau plus satisfaisant , puisque l'intégralité des économies exigées des collectivités sur leurs dépenses de fonctionnement (entre 13 milliards et 21 milliards d'euros, selon les estimations) devrait être affectée à la réduction de leur recours à l'emprunt. Leur faculté d'emprunter serait d'ailleurs strictement limitée par la nouvelle « règle d'or renforcée » 24 ( * ) . En d'autres termes, si la capacité d'autofinancement des collectivités territoriales devait se rétablir grâce à des efforts considérables de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement, cela n'augmenterait pas le montant total
- déjà faible - des ressources dont elles disposent pour investir.

Par ailleurs, les dotations d'investissement de l'État - qui, comme on l'a vu, se contractent malgré une augmentation apparente - constituent une ressource qui échappe en grande partie aux élus , puisque ces dotations sont librement réparties par les préfets sous forme de subventions aux projets locaux. Les associations d'élus que votre rapporteur a entendues se sont plaintes, en particulier, de l'opacité qui entoure les décisions de subventionnement au titre de la DSIL , et du caractère arbitraire de ces décisions. De surcroît, à compter de l'an prochain, une part importante de la DSIL - pas moins de 200 millions d'euros - serait consacrée au financement d'un grand plan d'investissement dont les priorités, certes intéressantes, ont été définies sans que les collectivités territoriales aient eu leur mot à dire.

Enfin, la disparition de la « réserve parlementaire » prive les élus nationaux d'un moyen de soutenir de petits projets locaux qui n'auraient pas bénéficié, par ailleurs, de subventions suffisantes de l'État.

Source : commission des lois du Sénat, sur le fondement des données publiées par la DGCL et l'Observatoire des finances locales

Votre rapporteur estime donc nécessaire de créer, sur le modèle de l'actuelle commission d'élus compétente au sujet de la DETR, une commission départementale des investissements locaux compétente à la fois au sujet de la DETR et de la DSIL, et composée de représentants des maires et des présidents d'EPCI, du président du conseil départemental ou de son représentant, ainsi que de deux députés et deux sénateurs élus dans le département. L'ensemble des parlementaires du département pourraient assister à ses réunions. Cette commission des investissements locaux serait chargée de fixer chaque année les catégories d'opérations prioritaires et les taux minimaux et maximaux de subvention applicables à chacune d'elles. La liste arrêtée par le préfet des opérations à subventionner devrait être adressée à ses membres, et la commission serait saisie pour avis des projets excédant 100 000 euros.

En outre, dans un souci de transparence, la liste des opérations subventionnées et les avis de la commission devraient être rendus publics sur le site internet de la préfecture.

Votre commission des lois a adopté en ce sens l'amendement n° II-85 de son rapporteur, mentionné ci-dessus. Il s'agit là d' une réponse partielle, mais indispensable au sentiment de dépossession exprimé par nombre d'élus locaux .

II. DES PERSPECTIVES INCERTAINES POUR LES FINANCES LOCALES

Malgré l'importance, pour l'investissement local notamment, des dotations et autres crédits retracés par la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ils ne représentent, comme on l'a dit, qu'une faible part des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, et une part plus faible encore de leurs ressources totales. Aussi a-t-il paru nécessaire à votre rapporteur de prendre une vue d'ensemble des mesures relatives aux finances locales dans le projet de loi de finances pour 2018, mais également dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022 .

Les perspectives dessinées par ces deux textes sont incertaines. Si l'on peut se féliciter qu'il soit mis fin à la baisse brutale et uniforme des concours financiers de l'État, les économies attendues des collectivités territoriales ne laissent guère présager une reprise de leurs dépenses d'investissement, et les nouvelles règles qui leur sont imposées en matière d'emprunt portent une atteinte grave à leur libre administration. Par ailleurs, le nouvel élargissement des « variables d'ajustement » de « l'enveloppe normée » des concours financiers de l'État, ainsi que les modalités retenues pour l'instauration d'une « TVA régionale » et la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers portent en germe une nouvelle réduction des ressources des collectivités territoriales et de leur autonomie financière .

A. LES OBJECTIFS D'ÉCONOMIES ASSIGNÉS AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les collectivités territoriales et leurs groupements ont été fortement mis à contribution, au cours des dernières années, pour redresser les finances publiques et faire en sorte que la France respecte ses engagements européens. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 fixait, pour la première fois, un objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel), et cet objectif a été plus qu'atteint : en 2016, les dépenses des collectivités territoriales ont été inférieures de quelque 12 milliards d'euros aux prévisions de la loi de programmation, en raison de la baisse brutale des dotations de l'État.

Évolution des dépenses des collectivités territoriales par rapport à l'objectif fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Comme le notait notre collègue Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, dans son rapport sur l'exécution du budget de 2016, la réduction du déficit public observée cette année-là s'explique par l'effort consenti par les administrations publiques locales et, dans une moindre mesure, par les administrations de sécurité sociale, tandis que le solde de l'État se dégradait de 2,5 milliards d'euros. Entre 2013 et 2016, les administrations publiques locales ont contribué pour deux tiers à l'amélioration du solde public 25 ( * ) .

Il n'est certes pas contestable en principe que les collectivités territoriales soient associées à l'effort national de redressement des finances publiques, compte tenu de leur part dans la dépense publique totale (environ 20 %). Encore faut-il que l'effort soit équitablement réparti et qu'il ne pèse pas excessivement sur l'investissement public, réalisé à près de 70 % par les collectivités territoriales.

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, en cours d'examen par le Parlement, témoigne d'un changement de méthode qui mérite, à certains égards, d'être salué, mais il présente également des motifs de grave préoccupation.

En premier lieu, plutôt que d'englober les dépenses de fonctionnement et d'investissement dans un même objectif, le Gouvernement actuel a choisi de faire porter l'effort sur les dépenses de fonctionnement, qui ne pourraient augmenter chaque année que dans la limite de 1,2 % en valeur . Contrairement à ce que laisse entendre la communication gouvernementale, et compte tenu des prévisions d'inflation, cet objectif correspond à une baisse des dépenses de fonctionnement en volume à partir de 2020. Par rapport à la hausse tendancielle de ces dépenses, évaluée par le Gouvernement à 2,5 % par an, cela représente 13 milliards d'économies annuelles à la fin du quinquennat.

Source : commission des lois du Sénat

Or, comme l'a relevé notre collègue Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances 26 ( * ) , l'estimation par le Gouvernement de l'évolution tendancielle des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre paraît exagérément basse : leur taux de croissance, entre 2004 et 2016, s'est en réalité élevé à 3,5 %. Au cours de la période de référence choisie par le Gouvernement, à savoir les années 2009 à 2014 27 ( * ) , les dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales ont effectivement augmenté de 2,5 % par an en moyenne, mais celles des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre de 2,8 % par an. Surtout, il conviendrait de tenir compte des efforts structurels consentis au cours de cette période de référence, en particulier de la non-indexation sur l'inflation des dépenses de personnel et de la diminution d'1,5 milliard d'euros des concours financiers de l'État en 2014. Sans les économies ainsi réalisées, les dépenses de fonctionnement des collectivités et de leurs groupements à fiscalité propre se seraient accrues de 3,11 % par an entre 2009 et 2014.

Si l'on retient ce taux d'évolution tendancielle, l'économie que devraient réaliser les collectivités et leurs groupements en plafonnant à 1,2 % par an en valeur la hausse de leurs dépenses de fonctionnement serait, à la fin du quinquennat, non pas de 13 milliards, mais de 21 milliards d'euros . C'est ce qui a conduit le Sénat à rehausser à 1,9 % par an l'objectif d'évolution en valeur fixé par le projet de loi de programmation, pour aboutir à une économie réelle de 13 milliards d'euros en 2022, conformément au souhait affiché par le Gouvernement.

En deuxième lieu, les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre se voient assigner, pour la première fois, un objectif de diminution de leur besoin de financement , défini comme les « emprunts minorés des remboursements de dette ». Selon le projet de loi de programmation, leur besoin de financement devrait ainsi être réduit de 2,6 milliards d'euros par an, soit 13 milliards d'euros sur la durée du quinquennat. L'intégralité des économies réalisées sur les dépenses de fonctionnement serait donc consacrée à la diminution du déficit et, partant, de l'endettement des collectivités et de leurs groupements à fiscalité propre. On pourrait au contraire juger souhaitable qu'une partie de ces économies soit mise à profit pour relancer l'investissement local, qui a connu trois années de forte baisse entre 2014 et 2016.

En troisième lieu, le Gouvernement entend faire confiance aux élus locaux pour atteindre ces objectifs de diminution des dépenses de fonctionnement et du besoin de financement , plutôt que de les y contraindre en abaissant unilatéralement les concours financiers de l'État. C'est heureux. Cependant, le mécanisme de contractualisation avec les plus grandes collectivités prévu par le projet de loi de programmation reste très flou 28 ( * ) , de même que les sanctions encourues en cas de non-respect des objectifs quinquennaux .

L'article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit en effet un mécanisme de correction, défini par la loi après concertation avec les collectivités territoriales, en cas d'écart avec les normes d'évolution des dépenses de fonctionnement et du besoin de financement fixées au même article. Il est précisé que « les mesures de correction prévues pourront porter sur les concours financiers [de l'État] ou sur les ressources fiscales affectées aux collectivités territoriales ». La tentation d'un retour à la baisse des dotations n'est pas loin... On ignore d'ailleurs si, dans l'hypothèse où une collectivité subirait une baisse des concours financiers de l'État à titre de « mesure de correction », cela conduirait à réduire l'enveloppe globale des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, ou si les sommes concernées seraient redéployées entre ces dernières 29 ( * ) .

En quatrième lieu, l'article 24 du projet de loi de programmation prévoit d' encadrer le recours à l'emprunt des collectivités territoriales par une « règle d'or renforcée » . Pour mémoire, la « règle d'or » actuelle, énoncée à l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, comprend deux exigences :

- chacune des deux sections (de fonctionnement et d'investissement) du budget d'une collectivité territoriale doit être votée en équilibre, les recettes et les dépenses ayant été évaluées de façon sincère ;

- la capacité d'autofinancement dégagée par la section de fonctionnement, et les recettes propres de la section d'investissement, à l'exclusion du produit des emprunts, doivent suffire à couvrir le remboursement annuel de la dette.

Il s'ensuit que les collectivités ne peuvent emprunter que pour investir, et non pas pour financer leurs dépenses de fonctionnement ou le service de leur dette - ce qui prévient tout surendettement. Par la vertu de ces règles, les collectivités ne sont que faiblement endettées : l'encours total de leur dette s'élevait à 146 milliards d'euros en 2016 ; elles ont dégagé, au cours de la même année, une capacité d'autofinancement d'1,76 milliard d'euros. De ce fait, leur taux d'endettement est presque stable, sauf pour les régions. Il en résulte que la dette des administrations publiques locales (APUL) n'occupe qu'une faible part de la dette publique totale, soit 9 % au premier trimestre 2017 30 ( * ) .

On comprend mal, dans ces conditions, pourquoi le Gouvernement veut imposer aux collectivités territoriales une « règle d'or renforcée », à savoir un ratio d'endettement défini comme le rapport entre l'encours de la dette et la capacité d'autofinancement brute de l'année écoulée, et compris - selon la catégorie de collectivités - entre huit et treize années. Ce dispositif est certes cohérent avec les objectifs assignés aux collectivités de réduction de leur besoin de financement. Mais, outre qu'il est gravement attentatoire à la libre administration des collectivités territoriales , il pourrait avoir des effets très pernicieux sur l'investissement local : pour financer des investissements structurants, les collectivités doivent emprunter des sommes importantes qu'elles ne peuvent rembourser que sur de nombreuses années. Il est de bonne gestion que la durée de remboursement soit alignée sur la durée d'amortissement d'une immobilisation, qui peut atteindre soixante ans pour un réseau d'eau, comme cela a été souligné au cours des auditions menées par votre rapporteur.

Pendant ce temps, le déficit de l'État continuerait de s'accroître, au moins jusqu'en 2020 31 ( * ) .

Sous couleur de contractualisation, le Gouvernement entend-il mettre sous tutelle les collectivités territoriales, pour les contraindre à porter une part démesurée de l'effort de désendettement du pays ?

B. LES CONCOURS FINANCIERS DE L'ÉTAT : UNE STABILITÉ EN TROMPE-L'oeIL

1. La programmation quinquennale

Pour l'heure, et avant toute mesure de « correction », le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit une quasi-stabilisation en valeur des concours financiers de l'État , mettant ainsi fin à une baisse ininterrompue depuis 2014 32 ( * ) . On en revient donc au « gel » des concours financiers observé entre 2011 et 2013. Toutefois, cette stabilisation en valeur n'a pas les mêmes conséquences selon le niveau de l'inflation. Compte tenu des prévisions d'inflation plus élevées qu'au cours de la programmation précédente, les plafonds fixés par le Gouvernement actuel équivaudraient, entre 2018 et 2022, à une baisse de 5 % en volume des concours financiers de l'État.

Source : commission des lois du Sénat

Surtout, le périmètre des concours financiers de l'État retenu par le projet de loi de programmation pose problème , puisqu'il inclut non seulement les prélèvements sur recettes établis au profit des collectivités territoriales et les crédits du budget général relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », mais aussi la fraction du produit de la TVA affectée aux régions, qui se substitue à partir de 2018 à leur dotation globale de fonctionnement 33 ( * ) . Or, comme le Gouvernement le rappelle volontiers, la TVA est une recette dynamique ; si la fraction de son produit affectée aux régions est incluse dans « l'enveloppe normée » des concours financiers, alors toute hausse de cette recette se traduira par une baisse des autres concours financiers, au détriment de l'ensemble des collectivités territoriales .

En outre, le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), qui fait partie des prélèvements sur recettes, est inclus comme en 2014 dans l'enveloppe normée, alors qu'il en était exclu par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. Dans l'hypothèse (incertaine) où la reprise de l'investissement local se confirmerait, l'augmentation des montants versés au titre du FCTVA se traduirait donc, là encore, par une diminution des autres concours financiers de l'État.

Aussi nos collègues députés ont-ils modifié l'article 13 du projet de loi de programmation pour ne plafonner que l'évolution des concours financiers autres que le produit de TVA transféré aux régions et le FCTVA. Ils ont été suivis en cela par le Sénat, qui, à l'initiative de notre commission des finances, a clarifié la rédaction de l'article et ôté la « TVA régionale » du périmètre des concours financiers de l'État. Cette fraction de TVA affectée aux régions a, en effet, toutes les caractéristiques de la fiscalité transférée, qui n'est traditionnellement pas incluse dans ce périmètre.

2. Les concours financiers de l'État en 2018

a) Une quasi-stabilité des crédits

Selon le projet de loi de finances pour 2018, les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales resteraient l'an prochain d'un montant proche de celui observé en 2017. Les documents budgétaires affichent une légère hausse de 0,3 milliard d'euros en valeur des crédits de paiement, liée notamment à la progression des dotations de péréquation « verticale », au dynamisme de la « TVA régionale » et à la revalorisation (en partie optique) des grandes dotations d'investissement, mais cela correspond à une légère baisse en volume. Quant aux autorisations d'engagement, elles reculent, en raison de la non-reconduction du fonds de soutien exceptionnel aux régions.

Évolution des concours financiers de l'État entre 2017 et 2018

LFI 2017

PLF 2018

Variation

(en milliards d'euros)

(en milliards d'euros courants)

(en milliards d'euros constants de 2017)

en valeur

en volume

Prélèvements sur recettes

AE=CP

44,37

40,33

39,93

-9,1%

-10%

MissionêRCT

AE

4,21

3,78

3,74

-10,3%

-11,1%

CP

3,44

3,66

3,62

+6,6%

+5,5%

TVA régionale

AE=CP

4,12

4,08

s.o.

s.o.

TOTAL

AE

48,59

48,23

47,75

-0,7%

-1,7%

CP

47,81

48,11

47,63

+0,6%

-0,4%

Source : commission des lois du Sénat

S'agissant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) , qui fait partie des prélèvements sur recettes, elle passerait de 30,86 milliards d'euros en 2017 à 27,05 milliard d'euros en 2018 (en AE=CP), en raison de la substitution à la DGF des régions d'une fraction du produit de la TVA. Si l'on neutralise les effets de cette réforme, on aboutit à une légère hausse de 125 millions d'euros, qui s'explique par :

- une augmentation nette de 95 millions d'euros qui finance pour moitié la hausse des dotations de péréquation « verticale » (voir ci-dessous) ;

- une majoration de 30,8 millions d'euros liée à l'augmentation de la DGF effectivement répartie en 2017, du fait des cas de dotation forfaitaire nulle qui ont réduit le poids de la contribution au redressement des finances publiques qui aurait dû peser sur la DGF ;

- une baisse d'1,6 million d'euros liée au choix de trois départements de recentraliser des compétences sanitaires ;

- l'abondement d'1 million d'euros du fonds d'aide pour le relogement d'urgence (FARU).

Le Gouvernement a fait le choix de poursuivre la hausse des dotations de péréquation dite « verticale » , internes à la DGF, selon un rythme moins rapide, cependant, qu'au cours des années précédentes , où il était apparu nécessaire de neutraliser la forte baisse des dotations forfaitaires pour les communes les plus pauvres. Selon l'article 33 du projet de loi de finances pour 2018, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) augmenteraient ainsi de 90 millions d'euros chacune, la dotation de péréquation des départements de 10 millions d'euros. Cette hausse de 190 millions d'euros est financée pour moitié en interne à la DGF, par l'écrêtement de ses composantes forfaitaires, et pour l'autre moitié par la diminution des variables d'ajustement de l'enveloppe normée.

En dépit de ces évolutions marginales, votre rapporteur déplore que la réforme de la DGF du bloc communal soit une nouvelle fois reportée . Il existe pourtant un large consensus pour dire que l'architecture de la DGF du bloc communal est devenue excessivement complexe, que ses modalités de répartition ne reflètent plus la réalité des charges de fonctionnement des communes et EPCI, ni, pour ces derniers, leur degré réel d'intégration 34 ( * ) .

b) Une nouvelle extension du champ des variables d'ajustement

Conformément aux principes qui régissent l'enveloppe normée des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, certaines évolutions tendancielles de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et, pour moitié, la hausse de la péréquation « verticale » au sein de la DGF sont gagées par une diminution de 323 millions d'euros des « variables d'ajustement » . La loi de finances initiale pour 2017 a considérablement élargi le champ de ces variables d'ajustement , dont le montant ne suffisait plus à couvrir la hausse d'autres composantes de l'enveloppe normée, hausse qui atteignait le niveau inégalé de 788 millions d'euros. Ont ainsi été incluses parmi ces variables d'ajustement la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) versée aux régions et aux départements, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et la totalité de la dotation de compensation pour transferts des compensations d'exonération de fiscalité directe locale (dite « dotation carrée »). Au total, en loi de finances pour 2017, l'assiette des variables d'ajustement a été fixée à 2,958 milliards d'euros, et le taux de minoration moyen à 15,7 %.

Pour 2018, le Gouvernement propose d' inclure dans le périmètre des variables d'ajustement la DCRTP du bloc communal . Selon le Gouvernement, « cette dotation, mise en oeuvre depuis 2011 et figée depuis plusieurs années, représente seulement 1,1 % des recettes de fonctionnement des communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en 2016 alors même que la fiscalité économique est dynamique 35 ( * ) ». Par ailleurs, les hausses de crédits à gager bénéficient principalement aux communes et à leurs groupements, à hauteur de 303 millions d'euros. L'élargissement de l'assiette des variables d'ajustement à 3,75 milliards d'euros permettrait de leur appliquer un taux moyen plus modéré que l'an dernier, de 9,2 %. La DCRTP du bloc communal passerait de 1, 18 milliard d'euros en 2017 à 976 millions d'euros en 2018.

Ce choix est très contestable, car l'État revient ainsi sur l'engagement pris en 2009 de compenser intégralement les pertes de recettes subies par les collectivités territoriales en raison de la suppression de la taxe professionnelle. Il frappera les collectivités « perdantes » à la suite de cette réforme, qui se sont vu octroyer une dotation de compensation au lieu et place d'une recette dynamique. En outre, il pèsera lourdement sur des territoires anciennement industrialisés où se concentrent les difficultés sociales et économiques : selon les informations recueillies par votre rapporteur, la métropole d'Aix-Marseille-Provence perdrait dès l'an prochain environ 10 millions d'euros, la communauté urbaine de Dunkerque 5 millions d'euros, la métropole européenne de Lille 3,3 millions d'euros, et des agglomérations telles que celles du Havre, de Denain, Béthune, Maubeuge, Oyonnax ou Florange seraient également touchées 36 ( * ) .

On peut regretter que les documents budgétaires ne permettent pas d'apprécier l'impact de cette mesure sur les communes et EPCI concernés. Il est à craindre qu'il n'excède, au moins pour certains d'entre eux, le bénéfice qu'ils pourraient tirer de la progression de la péréquation verticale. Il n'a pas été possible d'obtenir des renseignements complémentaires de la part des services de l'État.

En outre, la diminution progressive des variables d'ajustement finit, après quelques années, par réduire à presque rien la compensation par l'État des réformes nationales de la fiscalité locale .

Taux de compensation en 2016, par allocation ou dotation compensatrice

Allocation compensatrice de la réduction de TP (puis de CFE) pour création d'établissements, minorée depuis 2008

Allocations compensatrices de diverses exonérations de TFPB, minorées depuis 2009

Dotations figées issues de la réforme de la taxe professionnelle (DUCSTP et une partie de la dot 2 ), minorées depuis 2011

Allocations compensatrices d'exonérations de TFPB, de CFE et de CVAE dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, minorées depuis 2016

17 %

22,4 %

40 %

84,8 %

Source : annexe « Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales » au projet de loi de finances pour 2017

C. LA « TVA DES RÉGIONS », UNE RÉFORME BIENVENUE DANS SON PRINCIPE, CONTESTABLE DANS SES MODALITÉS

L'article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 a prévu l'affectation aux régions, au Département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane d'une fraction du produit net de la TVA , en substitution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et, pour la collectivité de Corse, de la dotation générale de décentralisation (DGD). Le montant de cette fraction du produit de la TVA devait être calculé en fonction des dotations perçues en 2017, mais aussi des 450 millions d'euros du fonds exceptionnel de soutien à destination des mêmes collectivités, mis en place par le même article pour accompagner le renforcement de leurs compétences économiques.

En effet, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe », a accru les compétences économiques des régions, en les chargeant notamment d'élaborer un schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) et en rendant le conseil régional seul compétent pour définir les régimes d'aides et pour décider de l'octroi des aides aux entreprises de la région. Surtout, elle a privé les départements de l'essentiel de leurs compétences en matière de développement économique, alors qu'ils attribuaient jusque-là environ 1,7 milliard d'euros d'aides aux entreprises. Sur ce total, l'association Régions de France estime à 800 millions d'euros le montant des aides directes. Il était donc indispensable que les régions reprennent à leur compte une partie au moins de ces dépenses, sauf à mettre en péril le tissu économique local.

Même s'il ne s'agissait pas là d'une création, d'une extension ou d'un transfert de compétences au sens de l'article 72-2 de la Constitution, qui aurait rendu obligatoire une compensation financière 37 ( * ) , le Gouvernement, à l'automne 2016, avait accepté le principe d'une compensation qui prendrait la forme d'un fonds de soutien puis, à compter de 2018, de l'attribution d'une recette fiscale dynamique, soit une fraction du produit de la TVA.

Le Gouvernement actuel est revenu sur cet engagement. L'article 16 du projet de loi de finances pour 2018 prévoit, en effet, que le montant du fonds exceptionnel de soutien n'est pas pris en compte pour le calcul de la fraction du produit de la TVA revenant aux régions. En 2018, selon les estimations du Gouvernement, cette fraction devrait donc s'élever à 4 123 millions d'euros, soit :

- 3 935 millions d'euros au titre de la DGF notifiée aux collectivités du bloc régional en 2017 ;

- 90 millions d'euros au titre de la DGD notifiée à la collectivité territoriale de Corse en 2017 ;

- 97 millions d'euros au titre de l'évolution dynamique de la TVA.

Ce choix, que le Gouvernement justifie par un contexte budgétaire contraint, a été accueilli avec colère par les élus régionaux. Outre que l'État manque ainsi à sa parole , et au-delà même du cas des régions, il convient de s'interroger sur les moyens dont les collectivités territoriales sont dotées pour exercer les compétences que la loi leur confie . La réduction de 450 millions d'euros du montant de la « TVA régionale » aurait enfin des conséquences préjudiciables sur le développement économique local : selon l'association Régions de France, entre 4 000 et 5 000 entreprises se trouveraient, de ce fait, privées du soutien financier des conseils régionaux.

D. LES INCERTITUDES LIÉES À LA RÉFORME DE LA TAXE D'HABITATION

Conformément à l'engagement de campagne du Président de la République, le Gouvernement a entrepris de réformer la taxe d'habitation pour dispenser de cette charge 80 % des foyers . Il a été décidé de procéder par voie de dégrèvement, ce qui présente de meilleures garanties pour les communes et EPCI auxquels est affectée cette taxe. Le taux du dégrèvement progressera au cours des trois prochaines années, afin de parvenir à un dégrèvement total pour 80 % des foyers à compter de 2020.

Cette réforme, qui augmentera le pouvoir d'achat d'une grande partie des ménages, fait néanmoins peser de lourdes incertitudes sur les finances communales et intercommunales.

1. Un impôt qui, malgré son vieillissement, maintient le lien entre le financement des services publics locaux et leurs usagers

La taxe d'habitation, due par toute personne qui, au 1 er janvier de l'année d'imposition et à quelque titre que ce soit, a la disposition ou la jouissance de locaux meublés affectés à l'habitation, est affectée aux communes et EPCI. Avec les deux taxes foncières et la taxe professionnelle (remplacée depuis par la contribution économique territoriale, composée de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), c'est l'une des « quatre vieilles » - les quatre principaux impôts directs locaux - et un pilier de la fiscalité locale .

En 2016, son produit s'est élevé à 21,862 milliards d'euros, dont 15,113 milliards au profit des communes.

L'assiette de la taxe d'habitation est constituée de la valeur locative des logements. Son taux est fixé par la commune ou l'EPCI, suivant les règles de plafonnement et de liaison fixées à l'article 1636 B sexies du code général des impôts. En 2016, le taux moyen observé était de 24,35 %, dont 16,81 % pour les communes. Le nombre de foyers acquittant la taxe d'habitation au titre de leur résidence principale s'est élevé à 29,1 millions.

Les critiques formulées à l'encontre de cette imposition sont connues. On lui reproche notamment de tenir insuffisamment compte des capacités contributives des ménages, de présenter d'importantes disparités géographiques - la taxe d'habitation pèse souvent plus lourd dans les communes où l'activité économique est le plus faible - et de reposer sur des bases vieillies , les valeurs locatives cadastrales des locaux d'habitation n'ayant pas été révisées depuis 1970, mais seulement augmentées forfaitairement au moyen d'un coefficient annuel de revalorisation. Les multiples exonérations et dégrèvements mis en place au fil des années, au profit des contribuables les plus âgés ou les plus modestes notamment, n'ont pas suffi à corriger ces travers.

Toutefois - et malgré le fait qu'à la faveur des dégrèvements et compensations d'exonérations, l'État prend désormais en charge 25 % du produit de cette taxe - la taxe d'habitation contribue à maintenir un lien direct entre le financement des services publics locaux et leurs usagers . En 2015, elle représentait plus de 20 % du total des recettes de fonctionnement des communes et EPCI. Il s'agit également d' une ressource dont les communes et leurs groupements conservent une certaine maîtrise , puisqu'elles disposent d'un pouvoir de taux.

2. Un dégrèvement progressif, qui fait peser de lourdes incertitudes sur les finances locales

L'article 3 du projet de loi de finances pour 2018 tend à créer un dégrèvement de taxe d'habitation au profit d'environ 80 % des ménages, dont le taux passerait de 30 % en 2018 à 65 % en 2019 et 100 % en 2020 . Bénéficieraient d'un dégrèvement intégral en 2020 les foyers dont le revenu fiscal de référence n'excède pas 27 000 euros pour une part, majorés de 8 000 euros pour les deux demi-parts suivantes et 6 000 euros pour les demi-parts supplémentaires. Pour les foyers dont les ressources se situent entre cette limite et 28 000 euros pour une part, majorés de 8 500 euros pour les deux demi-parts suivantes et 6 000 euros par demi-part supplémentaire, le dégrèvement serait dégressif.

Le mécanisme du dégrèvement offre de meilleures garanties pour l'autonomie financière et les ressources des collectivités territoriales que celui de l'exonération. En effet :

- les exonérations font l'objet d'une compensation par l'État par le biais de dotations de compensation intégrées aux prélèvements sur recettes, tandis qu'un dégrèvement constitue une prise en charge directe de l'impôt par l'État au lieu et place des contribuables, les dépenses afférentes relevant de la mission budgétaire « Remboursement et dégrèvements » ;

- le contribuable exonéré ne figure pas sur le rôle d'imposition et les bases fiscales de la collectivité ou de l'EPCI n'en tiennent pas compte ; tel n'est pas le cas du bénéficiaire d'un dégrèvement ;

- en conséquence de ce qui précède, les compensations d'exonérations sont calculées suivant des règles spécialement fixées par la loi (généralement en fonction du montant des recettes fiscales perçues par chaque collectivité l'année précédant la mise en place de l'exonération), tandis que les sommes dues par l'État au titre d'un dégrèvement sont égales au montant de celui-ci ;

- dans le cas d'un dégrèvement, la collectivité conserve donc un réel pouvoir de taux, puisque toute hausse de taux a une incidence sur le produit qu'elle perçoit (que le supplément d'imposition qui en résulte fasse également l'objet d'un dégrèvement ou qu'il soit mis à la charge du contribuable) ;

- les compensations d'exonérations entrent, pour la plupart, dans le champ des « variables d'ajustement » de l'enveloppe normée des concours financiers de l'État et se réduisent donc d'année en année ; tel n'est pas le cas des dégrèvements.

Hélas, les modalités retenues par le projet de loi de finances pour 2018 pour la réforme de la taxe d'habitation atténuent cette distinction entre dégrèvement et exonération.

En premier lieu, contrairement à la pratique la plus courante, le montant du dégrèvement sera calculé en fonction des taux et des abattements en vigueur en 2017, et n'évoluera pas avec les taux votés chaque année par les communes et EPCI . Toute hausse de taux postérieure à 2017 sera ainsi mise à la charge des foyers. Il s'agit, selon le Gouvernement, de ne pas « accorder aux collectivités un droit de tirage sur le budget de l'État et donc sur le contribuable national, sans nécessité d'assumer la responsabilité de leurs choix fiscaux auprès de leurs administrés 38 ( * ) ».

En second lieu, et de manière beaucoup plus préoccupante, il est annoncé qu'« un mécanisme de limitation des hausses de taux décidées ultérieurement par les collectivités et de prise en charge de leurs conséquences sera discuté dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, de manière à garantir un dégrèvement complet, en 2020, pour les foyers concernés 39 ( * ) ». Le Gouvernement envisage donc, soit de retirer aux communes et EPCI le pouvoir de modifier le taux de la taxe d'habitation, soit de fixer à ce pouvoir de nouvelles limites (qui s'ajouteraient aux règles de plafonnement et de liaison en vigueur). Dans le cas où la liberté de taux des communes et EPCI ne serait pas purement et simplement abolie, et puisque le montant du dégrèvement au profit de 80 % des foyers devrait être revu à la hausse, en cas de relèvement des taux, pour garantir un dégrèvement total en 2020, on ne sait à qui incomberait le poids de cette hausse du dégrèvement . Les communes et leurs groupements seront-ils mis à contribution, partiellement ou totalement ? Cela reviendrait à faire payer en partie au bloc communal le prix d'une réforme voulue par le Gouvernement . En outre, une hausse du taux de la taxe d'habitation ne procurerait aux collectivités de nouvelles ressources nettes qu'en tant qu'il s'appliquerait aux 20 % de foyers non dégrevés 40 ( * ) . La tentation serait alors forte d' alourdir sensiblement la pression fiscale sur ces derniers...

Votre rapporteur remarque en outre qu' il est arrivé plusieurs fois, par le passé, que des dégrèvements soient transformés en exonérations , dont la compensation par l'État a ainsi été fixée en fonction du produit perçu au cours d'une année de référence, puis éventuellement gelée en valeur, avant d'être intégrée aux variables d'ajustement de l'enveloppe normée et réduite en conséquence d'année en année 41 ( * ) . Vu les sommes en jeu - pour la seule année 2018, où le dégrèvement sera partiel, le Gouvernement évalue les dépenses correspondantes pour l'État à 3 milliards d'euros 42 ( * ) - il conviendra de faire preuve de la plus grande vigilance afin que les communes et leurs groupements ne se voient pas, peu à peu, priver d'une part essentielle de leurs ressources .

III. L'AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UN PRINCIPE À REFONDER

A. UNE NOTION MAL DÉFINIE

1. Autonomie de gestion ou pouvoir fiscal ?

S'il est communément admis que l'autonomie financière des collectivités territoriales est l'une des composantes de leur libre administration, le sens à donner à cette expression prête à discussion. L'autonomie financière peut être comprise :

- comme une autonomie de dépense ou de gestion , c'est-à-dire la capacité de gérer librement une partie au moins des ressources mises à la disposition des collectivités territoriales - corollaire indispensable de l'autonomie locale, définie par la Charte européenne de l'autonomie locale comme « le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques 43 ( * ) » ;

- comme une autonomie dans la détermination de leurs recettes , qui suppose l'exercice d'un pouvoir fiscal par les collectivités territoriales. De fait, après avoir bénéficié du transfert d'anciens impôts d'État dès les premières décennies du vingtième siècle 44 ( * ) , puis de la création de nouveaux impôts locaux dans les années 1970 45 ( * ) , les collectivités territoriales se sont vu reconnaître, par la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 46 ( * ) , le pouvoir de fixer elles-mêmes le taux des quatre impôts directs locaux. Leur pouvoir fiscal reste néanmoins dérivé de celui du Parlement, puisqu'elles ne peuvent ni créer, ni supprimer un impôt, et qu'elles ne peuvent en déterminer le taux et l'assiette que dans les limites fixées par la loi.

Dans sa jurisprudence antérieure à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, le Conseil constitutionnel semblait lui-même hésiter entre ces deux interprétations de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Saisi, à plusieurs reprises, de dispositions législatives supprimant des impositions locales tout en instituant, dans certains cas, une compensation financière en faveur des collectivités concernées, le Conseil s'était à la fois référé au montant des ressources globales et des ressources fiscales des collectivités résultant de ces dispositions ; et il avait à chaque fois estimé que les mesures déférées n'avaient « pour effet ni de diminuer les ressources globales des collectivités locales ni de restreindre leurs ressources fiscales au point d'entraver leur libre administration 47 ( * ) ». En d'autres termes, le Conseil constitutionnel semblait considérer que le principe de libre administration implique que les collectivités disposent, d'une part de ressources globales suffisantes, d'autre part d'une certaine proportion de ressources fiscales, mais il n'avait jamais fixé de proportion minimale .

2. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003

Face à la multiplication des allègements de fiscalité locale, qui semblait devoir vider de toute substance le pouvoir fiscal des collectivités territoriales, le constituant a réagi en 2003 en insérant dans la Constitution un article 72-2 qui énonce plusieurs principes applicables aux finances locales.

Article 72-2 de la Constitution

« Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

« Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.

« Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.

« Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

« La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. »

Le premier alinéa de l'article 72-2 correspond au principe d' autonomie de dépense ou de gestion des collectivités territoriales.

Le deuxième alinéa consacre leur pouvoir fiscal dérivé , puisqu'il les autorise, non seulement à percevoir tout ou partie du produit d'impositions de toute nature, mais à en fixer l'assiette et le taux.

Le troisième alinéa fournit un nouveau critère de l'autonomie financière des collectivités territoriales : la « part déterminante » que doivent occuper les recettes fiscales et « autres ressources propres » dans l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités .

Les quatrième et cinquième alinéas érigent enfin au rang constitutionnel le principe de compensation des créations, extensions et transferts de compétences, et le principe de péréquation .

La rédaction du troisième alinéa a donné lieu à de vifs débats au cours des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, car c'est principalement par cet alinéa, et par la nouvelle règle qu'il institue, que le constituant a entendu garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales .

La commission des lois du Sénat, sur proposition de son rapporteur et président, notre ancien collègue René Garrec, proposait initialement d'inscrire dans la Constitution que les ressources propres des collectivités territoriales représentent une part « prépondérante » de l'ensemble de leurs ressources. Cette rédaction était conforme à l'esprit de la proposition de loi constitutionnelle n° 402 (2001-2002) présentée par le président Christian Poncelet et plusieurs de ses collègues, qui prévoyait que les recettes fiscales dont les collectivités votent les taux dans les conditions prévues par la loi « représentent, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la moitié au moins de leurs recettes de fonctionnement ». Le Gouvernement avait fait valoir qu'une telle rédaction aurait « plac[é] immédiatement le droit positif en rupture avec la norme constitutionnelle », vu la part des concours financiers de l'État dans le total des ressources des collectivités, et qu'elle aurait fait obstacle à la nouvelle étape de la décentralisation qui était alors en préparation, puisqu'il aurait fallu financer toute nouvelle compétence décentralisée par de nouveaux impôts locaux 48 ( * ) .

Le Sénat s'était finalement rangé à ces arguments, tout en laissant au législateur organique le soin de définir le périmètre exact des « ressources propres » des collectivités et la part minimale qu'elles devaient occuper dans l'ensemble de leurs ressources . De ces précisions dépendait, en effet, la portée réelle du principe d'autonomie financière nouvellement consacré par la Constitution.

B. LE PÉRIMÈTRE EXTENSIBLE DES « RESSOURCES PROPRES »

1. La loi organique du 29 juillet 2004

La loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales a défini, en premier lieu, la notion de « part déterminante » des ressources propres dans l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités, en fixant le niveau en-deçà duquel cette part ne pourrait désormais tomber. Selon le texte adopté par le législateur organique, « pour chaque catégorie, la part des ressources propres est déterminante, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, lorsqu'elle garantit la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie, compte tenu des compétences qui leur sont confiées. Elle ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003 . » Le premier critère a été jugé tautologique et censuré par le Conseil constitutionnel. Ne reste donc que le second : le niveau des ressources propres de chaque catégorie de collectivités ne peut être inférieur à celui observé en 2003 .

Ratio minimal d'autonomie financière imposé par l'article L.O. 1114-3

du code général des collectivités territoriales (ratio observé en 2003)

Communes et EPCI

Départements

Régions

60,8 %

58,6 %

41,7 %

Source : Rapport du Gouvernement au Parlement relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales pour l'exercice 2013

En second lieu, la même loi organique a défini la notion de « ressources propres » des collectivités territoriales, en y incluant notamment « le produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette 49 ( * ) ». Cette rédaction est le fruit d'un compromis. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale souhaitaient inclure dans les ressources propres des collectivités « le produit des impositions de toute nature », sans distinguer entre impôts locaux et impôts nationaux partiellement transférés, ni entre impôts modulables et non modulables par les collectivités. Les commissions des lois et des finances du Sénat estimaient plus conforme à l'esprit et à la lettre de l'article 72-2 de la Constitution de n'y inclure que « le produit des impositions de toutes natures dont la loi autorise [les collectivités territoriales] à fixer l'assiette, le taux ou le tarif » 50 ( * ) . La rédaction finalement retenue, à l'initiative de notre ancien collègue Yves Fréville, permettait d'inclure dans les ressources propres des collectivités des impôts nationaux transférés, à condition que le produit en soit « localisé », et plus précisément que la loi en détermine, par collectivité, « le taux ou une part locale d'assiette ». Il s'agissait, comme lors de la révision constitutionnelle, de ne pas empêcher à l'avenir des transferts de compétences qui n'auraient pu être financés par de nouveaux impôts locaux.

Néanmoins, cette rédaction pose un double problème. D'une part, elle autorise à tenir pour une ressource propre le produit d'impositions dont la collectivité bénéficiaire n'aurait pas elle-même fixé le taux ou l'assiette, ce qui réduit à néant son pouvoir fiscal. D'autre part, la « localisation » des impôts nationaux transférés, imposée par la loi organique pour que le produit de tels impôts puisse être inclus dans les ressources propres, est le plus souvent artificielle.

Composition des recettes des collectivités territoriales

Source : commission des lois du Sénat

2. La fiscalité transférée : une « localisation » artificielle

Les créations, extensions et transferts de compétence au profit des collectivités territoriales, intervenus depuis l'adoption de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004, ont à plusieurs reprises conduit le législateur à leur attribuer une fraction du produit d'un impôt national plutôt qu'une nouvelle dotation de l'État, afin de ne pas dégrader leur ratio d'autonomie financière. Toutefois, la « localisation » de ces impôts nationaux n'est, dans bien des cas, qu'apparente.

Ainsi, le transfert aux départements du versement du revenu minimal d'insertion (RMI) par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 51 ( * ) a conduit à leur attribuer une part du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Cette part était obtenue, pour l'ensemble des départements, en appliquant une fraction du tarif de la TIPP aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire national. Chaque département s'est ensuite vu attribuer une quote-part du produit fiscal ainsi obtenu, égale, « pour chaque département, au montant des dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité dans ce département, rapporté au montant total de ces dépenses dans l'ensemble des départements ». En d'autres termes, la quote-part revenant à chaque département correspondait au besoin de compenser financièrement, pour ce département, la décentralisation du RMI, sans être aucunement reliée à l'assiette locale de TIPP (la quantité de carburants vendue dans ce département). En revanche, ces règles permettaient de calculer un taux de TIPP correspondant au produit perçu par chaque département, et c'est tout ce que la loi organique exigeait expressément.

Il en a été de même, par la suite, de nombreux impôts nationaux transférés, dont l'assiette et le taux ne sont que rarement localisés.

Assiette

Taux ou tarif local

Intervention de l'État

Taxe sur les cartes grises (transférée aux régions)

Certificats d'immatriculation délivrés aux propriétaires de véhicules domiciliés dans la région

(assiette localisée)

Tarif fixé librement par le conseil régional.

-

Droits de mutation à titre onéreux (DMTO) (transférés aux départements)

Valeur des cessions d'immeubles à titre onéreux dans le département

(assiette localisée)

Taux de 3,8 %, modulable à la baisse ou à la hausse par chaque département (entre 1,2 % et 4,5 %)

Taux normal fixé par la loi.

Taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) transférée aux départements

1° au titre de la décentralisation du RMI ;

2° au titre des autres transferts de l'acte II de la décentralisation

Quantités de carburants vendues sur le territoire national

(assiette non localisée)

Quote-part de la fraction de tarif, correspondant au besoin de compensation financière de chaque département.

Tarif fixé par la loi

La quote-part revenant à chaque département est déterminée par la loi et ajustée d'année en année pour tenir compte de l'évolution des charges transférées.

TICPE transférée aux régions

Depuis 2006, quantités de carburants vendues aux consommateurs finals sur le territoire de la région

(assiette localisée)

Quote-part de la fraction de tarif, correspondant au besoin de compensation.

Possibilités de modulation (depuis 2007) et de majoration (depuis 2010) du tarif par le conseil régional.

Tarif normal fixé par la loi.

La quote-part revenant à chaque région est déterminée par la loi et ajustée d'année en année.

Taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) transférée aux départements, au titre des compétences transférées par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales

Conventions d'assurance

(assiette non localisée)

Quote-part de la fraction de taux, déterminé en fonction du droit à compensation.

Taux fixé par la loi.

La quote-part revenant à chaque département est déterminée par la loi et ajustée d'année en année.

TSCA transférée aux départements pour contribuer au financement des SDIS

Conventions d'assurance

(assiette non localisée)

Le pourcentage revenant à chaque départemental est égal au rapport entre le nombre de véhicules immatriculés dans ce département au 31 décembre 2003 et le nombre de véhicules immatriculés sur le territoire national.

Taux fixé par la loi, en fonction de caractéristiques locales.

Source : Conseil des prélèvements obligatoires et commission des lois du Sénat

De ces impôts transférés, retracés comme tels dans les documents budgétaires, on peut d'ailleurs rapprocher les nombreux impôts locaux dont l'assiette est certes localisée, mais sur lesquels les collectivités territoriales n'exercent aucun pouvoir de taux : cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), imposition forfaitaire sur les pylônes électriques, redevance des mines...

On ne peut guère s'étonner, dans ces conditions, que le ratio d'autonomie financière de chaque catégorie de collectivités n'ait cessé de progresser depuis 2003. Comme le disait notre collègue député Charles de Courson, en 2006 déjà : « Supprimons toute la fiscalité locale et remplaçons-la par des prélèvements sur des impôts nationaux, et le taux d'autonomie progressera encore 52 ( * ) ! » Ajoutons que ce ratio, calculé par catégorie de collectivités, masque de grandes disparités au sein de chaque catégorie.

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données de l'Observatoire des finances locales

3. Fiscalité transférée et dotations : une différence surestimée

De ce qui précède, il faut conclure que la différence entre, d'une part, les concours financiers de l'État et notamment les dotations, d'autre part, la fiscalité transférée, est largement surestimée. Lorsque ni l'assiette, ni le taux d'un impôt national transféré ne dépendent de caractéristiques locales autres que le besoin de compensation financière lié à l'accroissement des compétences d'une collectivité, ce transfert de fiscalité n'a aucune différence de nature avec une dotation de l'État - à ceci près que les sommes correspondantes ne transitent pas par le budget de l'État. Comme le soulignait en 2010 le Conseil des prélèvements obligatoires, l'insistance sur cette distinction, et les conséquences juridiques qui y sont attachées - puisque la fiscalité transférée n'est pas soumise à la norme d'évolution des concours financiers de l'État - constituent une spécificité française : « dans l'Union européenne, certains pays classent parmi leurs ressources fiscales infranationales les produits d'impôts nationaux redistribués par l'État central aux collectivités locales, tandis qu'ils sont classés parmi les dotations dans d'autres pays, ceci sans que la méthode de redistribution retenue ne puisse forcément le justifier 53 ( * ) ».

Du point de vue des collectivités territoriales, le principal mérite des impôts transférés tient à ce qu'ils ne sont pas inclus parmi les concours financiers de l'État, ni, par conséquent, soumis à la norme d'évolution applicable à ces derniers. Toutefois, cela ne représente un réel avantage que si ces recettes sont dynamiques , ce qui est loin d'être toujours le cas, puisque leur évolution est étroitement liée à la conjoncture économique. Les DMTO ont ainsi connu une forte chute entre 2008 et 2011 en raison de la crise immobilière. De même, le rendement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), devenue TICPE, s'est révélé très volatil. Dans le cas où le produit fiscal perçu par une collectivité ne permet plus de couvrir les charges à compenser, la jurisprudence constitutionnelle fait obligation à l'État de lui « maintenir un niveau de ressources équivalant à celui qu'il consacrait à l'exercice de cette compétence avant son transfert 54 ( * ) » - ce qui estompe une fois encore la frontière entre fiscalité transférée et concours.

4. Dégrèvements et compensations d'exonérations

La multiplication des dégrèvements et exonérations d'impôts locaux apporte une nouvelle ombre au tableau de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Certes, le mécanisme du dégrèvement n'est pas, par lui-même, attentatoire à ce principe, puisqu'il ne réduit pas les bases fiscales sur lesquelles s'appliquent les taux votés, le cas échéant, par les collectivités. Toutefois, il contribue à relâcher le lien entre le pouvoir fiscal local et le contribuable local, puisque l'État prend en charge l'impôt dû par les contribuables dégrevés. Surtout, comme cela a été rappelé plus haut, il arrive que des dégrèvements soient transformés en exonérations, ce qui peut conduire à terme à une perte de ressources considérable pour les collectivités concernées.

Les exonérations d'impôts locaux, en effet, ne donnent lieu qu'à une compensation financière de la part de l'État, dont le montant est en général déterminé en fonction de taux figés (les taux votés pour l'année qui a précédé l'entrée en vigueur de l'exonération). De nombreuses dotations de compensation ont, par la suite, été gelées en valeur, puis incluses parmi les « variables d'ajustement » de l'enveloppe normée des concours financiers de l'État et, par conséquent, réduites d'année en année comme peaux de chagrin 55 ( * ) .

Il est vrai que les compensations d'exonérations ne sont pas comptabilisées en tant que « ressources propres » des collectivités territoriales. Le maintien du ratio d'autonomie financière de chaque catégorie de collectivités suppose donc de lui attribuer concomitamment le produit d'autres impôts. Mais il convient de noter que ces exonérations portent presque toutes sur des impôts sur lesquels les collectivités disposent - ou disposaient - d'un pouvoir de taux : taxe d'habitation, taxes foncières, ancienne taxe professionnelle et, désormais, cotisation foncière des entreprises. C'est ainsi que des impôts locaux répondant pleinement au principe d'autonomie financière, voire d'autonomie fiscale des collectivités territoriales, ont été, au fil du temps, remplacés en partie par des transferts de fiscalité nationale qui ne respectent ce principe qu'en apparence et sont, en réalité, assimilables à des dotations.

C. PERSPECTIVES

La situation actuelle n'est satisfaisante pour personne : ni pour les collectivités territoriales, dont l'autonomie financière est de plus en plus mise à mal ; ni pour l'État, contraint de recourir à des artifices pour poursuivre le mouvement de la décentralisation - projet qui, il est vrai, ne semble plus être à l'ordre du jour... - ou corriger les travers de la fiscalité locale traditionnelle - les « quatre vieilles » se révélant, soit inéquitables en raison de bases vieillies et de disparités de taux excessives (taxe d'habitation, taxes foncières), soit anti-économiques (taxe professionnelle).

Alors que le Gouvernement annonce une réforme d'envergure de la fiscalité locale, il est temps de s'interroger sur la manière de préserver plus efficacement l'autonomie financière des collectivités territoriales, et, plus largement, de poser quelques principes en vue d'une réforme réussie.

1. Pour une définition plus rigoureuse des « ressources propres »

Alors que le constituant, en 2003, avait entendu donner une assise juridique solide à l'autonomie financière des collectivités territoriales, en inscrivant dans notre loi fondamentale que leurs « ressources propres » devaient occuper, dans l'ensemble de leurs ressources, une « part déterminante », la définition extensive donnée à cette notion a fini par la vider de toute substance. Sont comptabilisées, parmi les « ressources propres » des collectivités, des ressources dont elles ne maîtrisent aucunement le montant, et qui ne dépendent en rien de paramètres locaux.

Il eût été préférable, aux yeux de votre rapporteur, de retenir une définition plus stricte des « ressources propres », tout en fixant à un niveau raisonnable - et identique pour toutes les catégories de collectivités - leur part minimale dans l'ensemble des ressources des collectivités territoriales. L'idée n'est pas nouvelle, puisque c'est exactement ce que proposaient les commissions des lois et des finances du Sénat lors de l'examen du projet de loi organique de 2004. Nos deux commissions proposaient alors de n'inclure parmi les « ressources propres » des collectivités territoriales que le « produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif 56 ( * ) » tout en fixant leur part minimale à 33 % pour chacune des trois catégories de collectivités. Comme l'écrivait notre ancien collègue Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois du Sénat, « exiger que les ressources propres de chaque catégorie de collectivités territoriales représentent au moins 33 % de l'ensemble de leurs ressources permettrait tout à la fois de donner des marges de manoeuvre aux collectivités territoriales pour financer des dépenses imprévues, de préserver le lien indispensable entre les élus locaux et leurs électeurs, de ne pas paralyser la réforme des finances locales et, surtout, de laisser place à la péréquation 57 ( * ) ».

2. Quelques principes pour une réforme de la fiscalité locale

Que l'on s'achemine ou non vers une modification de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004, la prochaine réforme de la fiscalité locale doit être l'occasion de réaffirmer et de consolider le pouvoir fiscal des collectivités territoriales, autrement dit leur capacité à maîtriser le montant de leurs ressources en augmentant ou en réduisant l'assiette, le taux ou le tarif des impôts dont elles perçoivent tout ou partie du produit. Un tel pouvoir fiscal est consubstantiel à l'autonomie financière des collectivités territoriales et, partant, à leur libre administration. Les élus locaux doivent pouvoir disposer des moyens de mettre en oeuvre des politiques librement décidées, sous le contrôle de leurs électeurs. À moins que l'on ne souhaite réduire les collectivités territoriales à de simples guichets, des prestataires de services sur lesquels l'État - tout en encadrant étroitement leur action - se délesterait de tâches dont il ne voudrait plus se charger lui-même...

L'autonomie financière des collectivités territoriales devra également être conciliée avec d'autres principes d'égale importance et, pour certains, d'égale valeur constitutionnelle :

- l' adéquation des ressources des collectivités aux charges qu'elles supportent ;

- la prévisibilité de ces ressources, indispensable notamment pour investir ;

- l' équité entre territoires, garantie par des mécanismes de péréquation.

De tels principes, comme cela a été souvent souligné, peuvent entrer en contradiction. Une autonomie financière pleine et entière, sans mécanisme de redistribution, laisserait coexister des territoires riches et des territoires pauvres. Elle exposerait aussi les collectivités, plus encore qu'aujourd'hui, aux aléas de la conjoncture économique - ce qui serait d'autant plus préjudiciable que, contrairement à l'État, elles ne peuvent pas emprunter pour financer leurs dépenses de fonctionnement. Ces contradictions peuvent cependant être levées, à condition :

- que la consolidation du pouvoir fiscal local s'assortisse de règles d'encadrement des taux et de dispositifs de péréquation verticale et horizontale suffisants ;

- que l'État garantisse la compensation intégrale et pérenne des dépenses contraintes qu'il met à la charge des collectivités, et notamment des dépenses de guichet ;

- que les collectivités soient dotées d'un panier de ressources suffisamment diversifié pour résister aux aléas conjoncturels affectant tel ou tel secteur de l'économie.

Enfin, d'autres objectifs méritent d'être poursuivis à l'occasion de la prochaine réforme de la fiscalité locale :

- le resserrement du lien entre l'impôt local et le contribuable local par la réduction du volume des compensations d'exonérations et dégrèvements pris en charge par le contribuable national : c'est une condition de bonne gestion et de responsabilité, pour les élus comme pour les usagers des services publics ;

- la lisibilité de la fiscalité locale : autant que possible, il conviendrait d'affecter chaque impôt à une seule catégorie de collectivités, afin que le contribuable sache ce pour quoi il paie ;

- une meilleure corrélation entre les ressources affectées aux collectivités et les compétences qu'elles exercent : d'une part, le bon usage de leurs compétences par les collectivités devrait plutôt avoir pour conséquence d'accroître que de réduire leurs recettes fiscales ( a contrario , les régions ont longtemps été affectataires d'une fraction de TIPP ou de TICPE alors qu'elles n'exerçaient aucune compétence routière mais investissaient massivement dans les trains express régionaux...) ; d'autre part, les ressources affectées à une catégorie de collectivités pour financer telle compétence ne devraient pas décroître au même rythme que les dépenses liées à cette compétence augmentent (comme c'est le cas des DMTO, qui ont tendance à baisser considérablement en période de crise économique, au moment même où les dépenses sociales qu'ils sont destinés à compenser s'envolent).

*

* *

La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2018 et a adopté quatre amendements.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des collectivités locales

M. Bruno Delsol , directeur général

Mme Françoise Taheri , sous-directrice des finances locales et de l'action économique

M. Étienne Brun-Rovet , adjoint à la sous-directrice des finances locales et de l'action économique

M. Yohann Marcon , chef du bureau des concours financiers de l'État

Assemblée des maires de France

M. Antoine Homé , vice-président et maire de Wittenheim

Mme Nathalie Brodin , responsable du service finances

Mmes Claire Gekas et Aurore Vigouroux , collaboratrices

Mme Charlotte de Fontaines , chargée des relations avec le Parlement

Association des petites villes de France

M. Pierre Jarlier , premier vice-président et maire de Saint-Flour

M. Antoine Homé , secrétaire général et maire de Wittenheim

Mme Emma Chenillat , chargée de mission finances locales

M. Atte Oksanen , chargé des relations institutionnelles et aménagement du territoire

Assemblée des communautés de France

M. Charles-Éric Lemaignen , premier vice-président

Mme Claire Delpech , responsable finances

Mme Montaine Blonsard , chargée des relations avec le Parlement

Assemblée des départements de France

M. Dominique Echaroux , 3 ème vice-président délégué aux finances et à l'évaluation des politiques publiques, conseiller départemental de l'Essonne

M. Édouard Guillot , conseiller finances

Mme Marylène Jouvien , chargée des relations avec le Parlement

Régions de France

M. Gilles Mergy , directeur général

M. Sébastien Creusot , conseiller finances

Mme Marie-Reine du Bourg , conseillère parlementaire


* 1 Le compte rendu de cette audition est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20171113/lois.html#toc2

* 2 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html

* 3 La fraction du produit de la TVA affectée aux régions est considérée, dans les documents annexés au présent projet de loi de finances et dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, comme une composante des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, alors qu'elle aurait plutôt sa place au sein de la fiscalité transférée (voir ci-dessous, pp. 37-38 et pp. 41-42).

* 4 À cet ensemble, on peut ajouter les subventions en faveur des collectivités territoriales relevant d'autres ministères que le ministère de l'intérieur, retracées par diverses missions budgétaires et placées en dehors de l'enveloppe normée des concours financiers de l'État. Elles se monteraient, en 2018, à quelque 3 milliards d'euros : voir l'annexe « Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales » au projet de loi de finances pour 2018, consultable à l'adresse suivante : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr .

* 5 Ces crédits, transférés du programme 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » vers le programme 119, correspondent, d'une part, à l'ajustement de la compensation annuelle due par l'État aux régions au titre de la redevance de quai (4,47 millions d'euros), d'autre part, à la compensation annuelle due par l'État au département de la Somme au titre du transfert de propriété du domaine public fluvial de l'écluse de Sormont (0,02 million d'euros).

* 6 Article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales.

* 7 Amendement n° II-570 du Gouvernement à l'article 20, état B, du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

* 8 Loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 relative à la prise en charge par l'État, les départements et les régions des dépenses de personnel, de fonctionnement et d'équipement des services placés sous leur autorité.

* 9 Contrairement à ce que l'on peut lire dans le projet annuel de performance de la mission, la dotation de continuité territoriale, composante de la DGD de la collectivité de Corse, ne s'élevait pas en 2017 à 90,1 millions, mais à 187 millions d'euros. La somme de 90,1 millions d'euros correspond à la différence entre ces 187 millions et l'enveloppe totale de la DGD de Corse, soit 277,1 millions d'euros. L'ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse a d'ailleurs expressément prévu que la dotation de continuité territoriale continuerait d'être perçue par cette collectivité, conformément au nouvel article L. 4425-26 du code général des collectivités territoriales, qui doit entrer en vigueur le 1 er janvier 2018.

* 10 Et non pas 580 millions d'euros, comme il est indiqué dans le projet annuel de performance, qui ne tient pas compte de l'adoption de l'amendement n° 542 par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2017.

* 11 Il est plus difficile de reconstituer, à partir des documents budgétaires, la somme des crédits de paiement dédiés à ces différentes fractions en 2017. Au titre du programme 112, 30,4 millions d'euros en CP ont été budgétés pour les contrats de ruralité et 2,8 millions pour les pactes métropolitains d'innovation ; au titre du programme 119, 322,9 millions d'euros pour l'ensemble des fractions de la DSIL relevant de ce programme.

* 12 À défaut d'éléments d'information précis, on a supposé que le montant des crédits de paiement de cette troisième part de la première enveloppe de la DSIL était égal en 2017 à celui des autorisations d'engagement.

* 13 Pour de plus amples développements sur ce point, voir ci-dessous, pp. 41-42.

* 14 L'action n° 7 du programme 119 était dotée en loi de finances initiale pour 2017 de 450 millions d'euros en AE et 200 millions d'euros en CP.

* 15 L'ancienne action n° 3, qui comprenait les concours particuliers au titre de la dotation générale de décentralisation, a été transférée en 2015 vers le programme 119.

* 16 Rapport annuel de performance de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », annexe au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2016, p. 58-59, consultable à l'adresse suivante : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr .

* 17 Selon les annexes aux projets de loi de règlement de 2015 et 2016, les dépenses liées aux applications informatiques de la DGCL se sont montées, ces années-là, respectivement à 1,44 million d'euros et à 1,57 million d'euros (en AE=CP). Les dépenses imputées à l'action n° 2 du programme 122 étaient à chaque fois beaucoup plus faibles.

* 18 Cet amendement fait l'objet d'une présentation plus complète dans la prochaine section, pp. 28-30.

* 19 Pour ce qui est de la dotation de solidarité rurale, il est en outre précisé qu'au-delà de la première année, l'attribution évolue selon un taux égal au taux d'évolution de la dotation de solidarité rurale.

* 20 Voir ci-dessous, p. 39.

* 21 À savoir la commune de Paris, l'établissement public territorial Paris Ouest La Défense et la communauté de communes des Falaises du Talou.

* 22 Les crédits de la dotation de continuité territoriale sont, en effet, maintenus à l'action n° 5 du programme 119, contrairement à ce qu'indiquent les annexes budgétaires (voir ci-dessus, p. 14).

* 23 Pour mémoire, l'épargne brute des collectivités territoriales correspond à l'excédent de leurs recettes réelles de fonctionnement sur leurs dépenses réelles de fonctionnement, reversé à la section d'investissement de leur budget.

* 24 Pour de plus amples développements sur les mesures relatives aux finances locales prévues par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, voir ci-dessous, p. 31 sqq .

* 25 Rapport n° 645 (2016-2017) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016, p. 25. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l16-645-1/l16-645-1.html .

* 26 Rapport n° 56 (2017-2018) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l17-056/l17-0561.pdf .

* 27 Le choix de cette période de référence se justifie, selon le Gouvernement, par le fait qu'elle permet d'exclure la crise financière ainsi que les baisses importantes de la dotation globale de fonctionnement intervenues à compter de 2015.

* 28 Selon le IV de l'article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, des contrats devront être conclus entre l'État et les 319 collectivités territoriales et EPCI les plus peuplés afin de déterminer les objectifs assignés à chacun. Ce mécanisme permettra opportunément de prendre en compte la situation particulière de chaque territoire. Mais il a peu de choses à voir avec le principe contractuel, puisque l'État conservera, en cas de refus de contracter de la part d'une collectivité ou d'un EPCI, la faculté d'imposer unilatéralement sa volonté par le biais du mécanisme de correction décrit ci-dessous.

* 29 Par ailleurs, toute incertitude n'a pas disparu sur l'application des objectifs d'évolution des dépenses de fonctionnement et du besoin de financement aux collectivités qui ne seraient pas tenues de conclure un contrat avec l'État. En droit, ces objectifs s'imposent également à elles, et elles ne sont pas exclues du champ du mécanisme de correction prévu au V de l'article 10.

* 30 Voir le rapport n° 56 (2017-2018) précité de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, p. 228-230. Voir également le rapport de l'Observatoire des finances locales, « Les finances des collectivités locales en 2017 », p. 30-31, consultable à l'adresse suivante : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/statistiques/brochures/ofgl2017_00.pdf .

* 31 Voir l'article 3 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui détermine l'évolution du solde public effectif des différentes catégories d'administrations publiques.

* 32 En 2017, les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales étaient inférieurs de 11,5 milliards d'euros à leur niveau de 2013.

* 33 Voir ci-dessous, pp. 41-42.

* 34 Voir notamment le rapport de notre collègue députée Christine Pirès Beaune et de notre regretté collègue Jean Germain, « Pour une dotation globale de fonctionnement équitable et transparente : osons la réforme », juillet 2015, consultable à l'adresse suivante : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/154000507.pdf , ainsi que le rapport d'information n° 731 (2015-2016) de de nos collègues Charles Guené et Claude Raynal, fait au nom de la commission des finances du Sénat, « Sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal », consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r15-731/r15-7311.pdf .

* 35 « Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales », rapport annexé au projet de loi de finances pour 2018, p. 72.

* 36 Selon les informations recueillies par votre rapporteur, à la suite de l'intégration en 2017 de la DCRTP des départements et des régions au sein des variables d'ajustement, ce sont l'Occitanie, la Normandie et les Hauts-de-France qui, parmi les régions, ont subi les plus lourdes pertes, alors que l'Île-de-France n'a pas été touchée puisqu'elle n'est pas éligible à la DCRTP.

* 37 L'article 72-2 ne traite que des transferts de compétences entre l'État et les collectivités territoriales, qui doivent être compensés à l'euro près, et des créations ou extensions de compétences, qui doivent être accompagnées de ressources déterminées par la loi. En ce qui concerne les transferts de compétences départementales aux régions, l'article 133 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe », a prévu une compensation à l'euro près, après avis d'une commission locale pour l'évaluation des charges et des ressources transférées (CLECRT).

* 38 Évaluation préalable de l'article 3 du projet de loi de finances pour 2018.

* 39 Ibid .

* 40 Pour être plus précis, dans le cas où les communes et EPCI ne prendraient en charge qu'une partie du coût du dégrèvement supplémentaire, l'État se chargeant du reste, une hausse de taux fournirait aux communes et EPCI : 1° le produit supplémentaire acquitté par les foyers non dégrevés ; 2° les sommes correspondant à la prise en charge partielle par l'État du dégrèvement supplémentaire.

* 41 Il en a été ainsi des dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties au profit des personnes âgées de condition modeste prévus aux articles 1390 et 1391 du code général des impôts, transformés en exonérations en 1992. Ces exonérations donnent lieu à l'allocation de compensation dite « ECF », intégrée depuis 2009 aux variables d'ajustement, et dont le montant est ainsi passé de 290 millions d'euros en 2008 à... 26 millions d'euros en 2017.

* 42 Voir le projet annuel de performance de la mission « Remboursement et dégrèvements » du projet de loi de finances pour 2018, consultable à l'adresse suivante : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr .

* 43 Article 3 de la Charte européenne de l'autonomie locale du 15 octobre 1985, ratifiée par la France le 17 janvier 2007.

* 44 La contribution mobilière et la patente furent transférées aux collectivités locales par la loi du 31 juillet 1917 ; elles furent suivies en 1948 par les deux contributions foncières.

* 45 Loi n° 73-1229 du 31 décembre 1973 sur la modernisation des bases de la fiscalité directe locale, loi n° 75-678 du 29 juillet 1975 supprimant la patente et instituant une taxe professionnelle.

* 46 Loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale.

* 47 Décision du Conseil constitutionnel n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, loi de finances pour 1999 (à propos de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle, assortie d'une compensation financière). Voir également les décisions du Conseil constitutionnel n os 98-402 DC du 25 juin 1998, 2000-432 DC du 12 juillet 2000 et 2002-464 DC du 27 décembre 2002.

* 48 Voir le compte rendu intégral de la séance du Sénat du 5 novembre 2002, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/seances/s200211/s20021105/s20021105_mono.html .

* 49 Les ressources propres des collectivités territoriales sont également constituées, selon l'article L.O. 1114-3 du code général des collectivités territoriales, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs.

* 50 Voir le rapport n° 324 (2003-2004) de notre ancien collègue Daniel Hoeffel, au nom de la commission des lois (consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l03-324/l03-324.html ) et l'avis n° 325 (2003-2004) de notre ancien collègue Michel Mercier, au nom de la commission des finances (consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a03-325/a03-325.html ).

* 51 Loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

* 52 Intervention de M. Charles de Courson lors d'une réunion du Comité des finances locales du 5 juillet 2006, cité dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, « La fiscalité locale », mai 2010, p. 261. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000215.pdf .

* 53 Conseil des prélèvements obligatoires, « La fiscalité locale », rapport précité, p. 206.

* 54 Décision du Conseil constitutionnel n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, loi de finances pour 2004, considérant 23.

* 55 Voir ci-dessus, pp. 45-46.

* 56 Outre les redevances pour services rendus, produits du domaine, participations d'urbanisme, produits financiers et dons et legs.

* 57 Rapport n° 324 (2003-2004) de M. Daniel Hoeffel précité, p. 28.

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