INTRODUCTION

Madame, Monsieur,

Le contexte stratégique marqué par la multiplication des menaces et des zones d'instabilité a conduit à augmenter les déploiements opérationnels des forces armées françaises, présentés sur la carte ci-dessous, et contribue à faire de l'activité opérationnelle un objectif prioritaire de la LPM en cours d'exécution et de la LPM en cours de préparation. La préparation et l'emploi des forces sont des enjeux essentiels dans ce contexte.

Le niveau d'engagement pour les forces françaises en opérations extérieures est très élevé 1 ( * ) avec les opérations BARKHANE 2 ( * ) qui a succédé à SERVAL 3 ( * ) au Mali depuis l'été 2014 et CHAMMAL 4 ( * ) mise en oeuvre en Irak depuis septembre 2014 et en Syrie depuis septembre 2015. Le besoin d'engagement sur le territoire national pour garantir la sécurité est devenu indiscutable après les attentats des 7 et 9 janvier 2015, du 13 novembre 2015 et du 14 juillet 2016, comme en témoigne la mise en oeuvre de l'opération SENTINELLE.

Dans cette perspective, la prochaine LPM doit prendre en compte deux évolutions cruciales :

- le redimensionnement de la force opérationnelle terrestre à la hauteur des enjeux, soit 77 000 hommes, et le fort niveau de déploiements opérationnels ont laissé les services de soutien au bord de la rupture. En pleine mutation, supportant une part plus que proportionnelle des déflations d'effectifs prévus par l'actuelle LPM, sans que la remontée de la FOT n'ait à ce jour inversé cette tendance à la diminution des effectifs, ces services pourraient atteindre leur limite de fonctionnement à court terme. Il est impératif de suspendre toute nouvelle déflation de leurs effectifs pour maintenir la capacité de déploiement de notre armée ;

- l'augmentation des crédits au profit de l'équipement programmé des matériels et du titre 2 du programme 178 est indispensable pour permettre la régénération des matériels soumis à de fortes pressions lors de leur utilisation très intensive en opérations extérieures, pour faire face à l'augmentation exponentielle des coûts des matériels obsolètes et des matériels neufs plus modernes, et pour offrir aux militaires les équipements nécessaires à leur entraînement et à leur qualification.

L'effort budgétaire consenti est satisfaisant, mais vos rapporteurs pour avis restent soucieux des faibles progrès réalisés en matière de disponibilité technique de certains équipements, notamment des hélicoptères, et des faibles niveaux de préparation opérationnelle enregistrés en 2017 et prévus en 2018.

I. UN BUDGET EN AUGMENTATION DE 10 %

A. UNE FORTE PROGRESSION QUI NE MODIFIE PAS LA STRUCTURE DU PROGRAMME

Après avoir connu la stabilité en 2017, les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » s'établissent à 8,067 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une forte progression de 10,6 % par rapport à 2017. Toutes ressources confondues, notamment les cessions immobilières, les crédits de paiement du programme 178 atteignent 8,44 milliards d'euros en 2018 (contre 7,35 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2017).

La progression des autorisations d'engagement (AE) est moindre, mais atteint tout de même 5,3 % entre 2017 et 2018, après une diminution de 8,8 % 5 ( * ) l'année dernière. Elles s'élèvent à 8,818 milliards d'euros .

On peut constater, en première approche, que les dépenses de fonctionnement du titre 3 augmentent de 697,97 millions d'euros , les dépenses d'investissement de 43,9 millions d'euros , et les dépenses d'intervention de 30,5 millions d'euros .

1. La progression de 44 % des crédits dédiés aux OPEX n'accroît pas foncièrement leur poids dans le programme
a) Une répartition des crédits stable par action

Le graphique et le tableau suivants présentent l'évolution, entre 2017 et 2018, des crédits du programme 178, par action.

Présentation des crédits du programme 178 par action (hors fonds de concours et attributions de produits)

*Les totaux peuvent différer des totaux des sommes inscrites dans les colonnes en raison des arrondis.

La répartition des crédits par action se caractérise par une remarquable stabilité . Elle est illustrée par les deux graphiques suivants.

La structure du programme ne varie donc pas par rapport à 2017. De fait, la part de chaque action est restée quasiment identique en 2015 6 ( * ) , 2016, 2017 et 2018. L'évolution en agrégat, ci-après présentée, permet de comprendre cette stabilité : l'accroissement des crédits dédiés à l'entretien programmé du matériel (EPM) de 450 millions d'euros s e répartit entre les actions du programme, d'un montant élevé, et lisse l'effet de l'accroissement des crédits consacrés au financement du surcoût des OPEX.

Ainsi, la préparation des forces navales et la préparation des forces aériennes bénéficient chacune de 27 % du total des crédits du programme. La préparation des forces terrestres représente 17 % des ressources du programme.

Répartition en actions des crédits du programme 178 : 7,297 milliards d'euros pour 2017

Répartition en actions des crédits du programme 178 : 8,07 milliards d'euros pour 2018

b) Les principales évolutions de crédits au sein des actions en 2018

Au sein de l'action « Planification des moyens et conduite des opérations » bénéficiant de 529 millions d'euros en CP , on note :

- une augmentation de 16,2 millions d'euros des crédits de la sous-action « emploi des forces » pour répondre à l'augmentation des budgets de l'OTAN pour 10 millions d'euros, d'une part, et pour financer le renforcement de la Cyberdéfense , au titre des mesures comprises dans le « Paquet protection » pour 6,2 millions d'euros, d'autre part,

- une hausse de 17,6 % des ressources budgétaires de la direction du Renseignement militaire (DRM) au sein de la sous-action « renseignement d'intérêt militaire », conséquence de la priorité efforts faits dans les domaines cyber et renseignements. Les crédits de cette sous-action s'élèvent à 47,24 millions d'euros en CP,

- un accroissement de 10 millions d'euros des crédits de la Direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information de la défense ( DIRISI) pour permettre le financement des réseaux des armées.

S'agissant de l'action « Préparation des forces terrestres », dont les crédits s'élèvent à 1,3 milliard d'euros en CP :

- pour faire suite à la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre, un effort particulier est fait en faveur de relance de la préparation opérationnelle conduisant une augmentation de 83 millions d'euros des CP ,

- pour permettre la poursuite du projet « maintien en condition opérationnelle du matériel terrestre à l'horizon 2025 » (MCO T 2025) 7 ( * ) et pour poursuivre l'effort de régénération des matériels anciens 8 ( * ) décidés lors de l'actualisation de la LPM en 2015, les crédits d'EPM augmentent de 14 % en CP soit 107,68 millions d'euros supplémentaires .

S'agissant de l'action « Préparation des forces navales » qui bénéficie de 2,2 milliards d'euros en CP, on constate :

- l'augmentation de 7 millions d'euros , soit une hausse de 2,3 %, des crédits de fonctionnement en raison du transfert sur cette action du complément de subvention pour charge de service public prévue pour l'école navale ,

- la hausse de la ressource allouée à l'opération stratégique « dissuasion » en raison de la réalisation de l'IPER du Terrible ,

- l'augmentation de 40 % des AE et 24 % des CP dédiés à « l'EPM flotte navale » en raison de la passation de marchés pluriannuels dans le domaine du MCO pour les AE 9 ( * ) , et de la mise à disposition des premiers crédits du paquet EPM régénération pour les CP, soit 255 millions d'euros pour les FREMM, 184 millions d'euros pour les autres bâtiments, 138 millions d'euros pour les forces sous-marines, notamment,

- la légère diminution des crédits dédiés à « l'EPM flotte de l'aéronautique navale » en raison du renouvellement en 2017 des marchés pluriannuels de MCO.

Pour l'action « Préparation des forces aériennes », dont les crédits s'élèvent à 2,1 milliards d'euros en CP, on note :

- l'augmentation de 5,7 % en CP de l'opération stratégique « activités opérationnelles » en raison de l'augmentation du carburant opérationnel et du recours à la location d'heures de vol d'hélicoptères civils dans le cadre de la formation organique afin de pallier la très faible disponibilité de la flotte Caracal ,

- la poursuite, sur l'opération stratégique « EPM », de la montée en puissance des flottes Rafale et A400M et des efforts visant à maintenir un potentiel suffisant sur la flotte M2000, sursollicitée en OPEX. Sur cette même opération stratégique sont supportés le lancement du programme de modernisation du cursus de formation des pilotes de chasse, la FOMEDEC, et la remontée progressive de l'activité pour rejoindre l'objectif de la LPM de 180 heures de vol par pilote de chasse, 400 heures de vol par pilote de transport tactique et 200 heures de vol par pilote d'hélicoptère.

Les évolutions notables de l'action « Logistique et soutien interarmées », dotée de 1,4 milliard d'euros en CP, sont les suivantes :

- pour le service de santé des armées (SSA), une augmentation de 3,7 % des CP par rapport à 2017, pour atteindre 282 millions d'euros répartis entre les crédits budgétaires et les crédits extrabudgétaires,

- pour la sous-action « soutien des forces par les bases de défense », dotée de 671,57 millions d'euros , une hausse de 3,7 % des CP pour prendre en compte « une partie des coûts induits par les besoins de sous-traitance de moindres déflations »,

- pour la sous-action « service interarmées des munitions » ( SIMU ) une relative stabilisation des crédits , augmentant de 2 % en 2018 après avoir crû de 44 % entre 2006 et 2017. Ces crédits s'établissent à 10,2 millions d'euros en CP pour l'agrégat fonctionnement et 12,17 millions d'euros en CP pour l'agrégat équipements,

- pour la sous-action « service du commissariat des armées », une augmentation de constatation des CP du fait du transfert de l'alimentation hors garnison est en déplacement des militaires de l'armée de terre au commissariat aux armées. Les crédits dédiés à l'entretien programmé du personnel atteignent 300 millions d'euros en 2018 progressant de 31,2 % par rapport à 2017. Cette augmentation finance un effort de 41 millions d'euros sur la protection des combattants , l'équipement de combat des effectifs de la garde nationale pour 22,52 millions d'euros , notamment.

2. La répartition du programme par opération stratégique : la prééminence de l'entretien programmé du matériel au sein du programme 178

En 2018, les crédits de paiement du programme 178 sont ainsi répartis :

- 46 % sont consacrés à l'entretien programmé du matériel (prestations d'entretien facturées par les industriels ou par les régies des trois services de soutien SSF, SIMMT, SIMMAD et au SIMu, achats de pièces de rechanges),

- 15 % aux activités opérationnelles (dépenses d'alimentation et de carburant),

- 13 % au fonctionnement et activités spécifiques (dépenses consacrées à l'administration générale des personnels et au fonctionnement),

- 10 % à l'équipement d'accompagnement et de cohérence (dépenses consacrées à l'acquisition de petits matériels destinés à soutenir les opérations, dépenses destinées à l'entraînement -matériels de ciblerie, certains simulateurs-, les dépenses destinées aux réseaux de communication et aux systèmes d'information et de commandement, les dépenses destinées aux munitions d'entraînement et de guerre),

- 6 % à la dissuasion,

- 5 % aux opérations extérieures,

- 4 % à l'entretien programmé du personnel (dépenses consacrées à l'habillement des personnels et à leur soutien direct en opérations -rations de combat, tentes, douches de campagne, etc.-),

- et 1 % au renseignement.

Le tableau suivant présente les crédits du programme 178 par opération stratégique (OS) et leur évolution entre 2017 et 2018.

Présentation des crédits du programme 178 par « opération stratégique » (y compris attributions de produit du service de santé des armées)

PLF
en millions d'euros

Autorisations d'engagement
(AE)

évolution

Crédits de paiement
(CP)

évolution

2017

2018

2017

2018

Entretien programmé du matériel

4637

4517

-2,6%

3379

3828

13,3%

Dissuasion

256

622

143,0%

443

508

14,7%

Renseignement

40

48

20,0%

39,6

47

18,7%

Équipements d'accompagnement

706

715

1,3%

821

801

-2,4%

Activités opérationnelles

1200

1255

4,6%

1199

1231

2,7%

Fonctionnement et activités spécifiques

1046

1036

-1,0%

1058

1100

4,0%

Entretien programmé du personnel

261

296

13,4%

229

300

31,0%

Opex

280

405

44,6%

280

405

44,6%

Total du programme 178

8 426

8894

5,6%

7 449

8222

10,4%

N.B. : Le tableau ci-dessus tient compte des attributions de produits du service de santé des armées (156 millions d'euros hors T2). En revanche, il n'intègre pas les autorisations d'engagement supplémentaires accordées au service (80 millions d'euros) pour lui permettre d'amorcer, dès le début de la gestion, des opérations qui ont vocation à être couvertes ultérieurement par des attributions de produits.

Les principaux points devant être soulignés dans l'évolution de la répartition des crédits du programme 178 par OS sont les suivants :

- les crédits en AE et CP dédiés aux OPEX augmentent de 44,6 % et donneront lieu à un développement ultérieur,

- les crédits en autorisations d'engagement de l'OS dissuasion progressent fortement pour engager des marchés de MCO,

- comme l'année dernière, les crédits de l'OS renseignement sont en hausse de 20 %. Ils atteignent 47 millions d'euros en 2018,

- un effort particulier permet d'augmenter de 31 % les CP de l'OS entretien programmé du personnel ,

- enfin, l'OS entretien programmé du matériel voit ses CP progresser de 13,3 % pour atteindre 3 828 millions d'euros en 2018 . La diminution de 2,6 % des AE fera l'objet d'une attention particulière car cette baisse conjoncturelle ne doit pas devenir tendancielle vu les besoins des armées dans ce secteur.


* 1 L'OPEX SANGARIS menée en République Centrafricaine depuis décembre 2013 a pris fin en décembre 2016.

* 2 Dans la bande sahélo-saharienne.

* 3 Dans la bande sahélo-saharienne, également.

* 4 Au Levant.

* 5 La diminution de 811 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2017 tenait au décalage d'engagement lié au renouvellement en 2016 du marché pluriannuel de maintien en condition opérationnelle courant des SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins).

* 6 Année d'actualisation de la présente LPM.

* 7 Les crédits dédiés à ce projet s'élèvent à 45 millions d'euros en 2018 pour permettre la mise en oeuvre du nouveau modèle de maintenance dans lequel un certain nombre de marchés sont externalisés vers l'industrie privée.

* 8 Soutien des canons Caesar, soutien des VAB, VBL et PVP.

* 9 Marché de MCO courant des NH-90, de MCO des frégates de surveillance, remotorisation des missiles Aster et entretien des SNA.

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