B. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L'AGENCE FRANCE ENTREPRENEUR
Annoncée dès le 5 février 2015 par le président de la République, alors M. François Hollande, l'Agence France entrepreneur (AFE) n'a entamé véritablement son activité qu'en milieu d'année 2016. Après une année complète de fonctionnement, votre rapporteur a souhaité tirer une première évaluation de ses réalisations au regard des objectifs ambitieux que lui avait assignés le Gouvernement.
1. Une structure qui a pris sa place dans le paysage de l'accompagnement des entreprises
a) Un financement complémentaire pour le lancement de ses missions
Votre rapporteur s'était fortement interrogé l'an passé sur la capacité de l'AFE à exercer les prérogatives et les missions qui lui étaient fixées dans sa feuille de route , tant les financements prévus en loi de finances initiale s'avéraient ténus. La feuille de route établie en avril 2016 par le Gouvernement vise en effet :
- à animer et incarner la stratégie nationale de soutien à l'entreprenariat. Il s'agit ainsi pour l'AFE de renforcer la visibilité et de consolider le pilotage des financements vers les grands réseaux d'appui aux entreprises, en animant par ailleurs « l'écosystème » public et privé de l'entreprenariat ;
- à devenir la référence nationale en matière d'information et d'orientation numériques des entrepreneurs, en modernisant notamment le site internet développé par l'APCE (Agence pour la création d'entreprises, qu'elle a absorbée) et faisant connaître les plateformes de formation à l'entreprenariat ;
- à nouer des partenariats stratégiques avec les grands acteurs territoriaux et à impulser des actions innovantes sur les territoires.
Néanmoins, pour ce faire, la loi de finances initiale pour 2017 prévoyait seulement au titre du programme 134 des crédits de 2 millions d'euros pour le fonctionnement de l'agence 8 ( * ) ainsi que le regroupement de 1,8 million d'euros de crédits d'intervention jusqu'alors disséminés dans trois programmes budgétaires. 9 ( * ) Ces seuls financements n'auraient en réalité permis que de poursuivre la modernisation du site internet et non d'engager les autres actions de la feuille de route.
Or, la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a heureusement doté l'AFE de 20 millions d'euros qui lui ont donné les moyens de lancer les actions lui permettant d'assurer réellement son rôle d'animateur de la création d'entreprises en France.
b) Plusieurs projets lancés et des réalisations déjà concrètes
Dans le cadre de son activité de pilotage des financements des réseaux d'accompagnement, l'AFE a passé des conventions avec 19 réseaux ou acteurs (tels l'Adie, BGE, France active, Initiative France, Réseau entreprendre...). En outre, dans le cadre du comité de coordination des réseaux (CCR), des groupes de travail ont été mis en place pour avancer sur des problématiques stratégiques : le renforcement des réseaux dans les territoires fragiles, la mutualisation des outils avec les régions, l'accompagnement de la « post-création » d'entreprise et l'entrepreneuriat féminin.
Une action de recensement des réseaux sur le territoire national a été lancée , qui a abouti à la mise en place d'une cartographie nationale à même de mettre en exergue les lieux où existe un réel manque de structures d'accompagnement. Ainsi, 72 territoires - qui relèvent des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ou des zones de revitalisation rurale (ZRR) - apparaissent carencés dans ce domaine ; aussi les réseaux partenaires ont-ils été appelés à développer leur offre dans ces lieux. Lors de son audition, M. Alain Belais, directeur général de l'AFE, a néanmoins expliqué que cette tâche n'avait pu être exercée qu'en métropole, compte tenu de difficultés d'adressage persistantes dans plusieurs départements et collectivités d'outre-mer.
Par ailleurs, l'AFE procède à une refonte de son site internet dont le contenu a été fortement étoffé avec des fonctionnalités nouvelles facilitant le parcours des porteurs de projets. Le site totalise aujourd'hui 10 millions de visites annuelles. L'AFE s'est également dotée d'un observatoire de la création d'entreprises, qui contribue à mieux cerner la création d'entreprises en France.
Enfin, les crédits obtenus à l'occasion de la loi de finances rectificative pour 2016 ont permis de lancer le 1 er février 2017 des appels à projets et à manifestation d'intérêt :
- l'appel à projets « Développer, animer et coordonner une offre d'accompagnement à la création/reprise dans les territoires fragiles », qui vise à renforcer l'offre d'accompagnement sur 10 territoires (7 quartiers prioritaires de la politique de la ville et 3 territoires comportant des zones de revitalisation rurale) où elle est insuffisante, en suscitant sur chaque territoire l'offre d'un consortium d'acteurs auquel une subvention d'environ 300 000 € sera attribuée ;
- l'appel à manifestation d'intérêt « Initiatives structurantes pour l'entrepreneuriat dans les territoires fragiles », qui s'adresse aux régions et métropoles et a pour objet de cofinancer à hauteur de quelques centaines de milliers d'euros des appels à projets en commun avec ces collectivités pour soutenir l'entrepreneuriat dans les territoires fragiles. Le conseil d'administration de l'AFE a affecté 7 millions d'euros pour renforcer les partenariats avec les régions et métropoles à travers la coconstruction et le cofinancement d'actions, nouvelles ou existantes, impulsées sur leurs territoires fragiles en faveur de la création, de la reprise et du développement d'entreprise. Sur cette base, six régions ou métropoles ont ainsi lancé des appels à projets (Ile-de-France, Hauts de France, Occitanie-Pyrénées-Méditerranée, Bourgogne-Franche-Comté, Nantes-Métropole et Métropole de Lille) ;
- l'appel à projets « Déploiement d'une offre d'accompagnement pour accélérer le développement des TPE », qui vise à identifier et favoriser des initiatives structurantes proposant un dispositif d'accompagnement post-création lisible, complet et de qualité aux TPE souhaitant développer leur activité et l'emploi. Toutefois, au cours de son audition, M. Alain Belais a indiqué que cette mesure avait été suspendue à la suite d'un gel des crédits à hauteur de 10 millions d'euros , ce qui représente la moitié des crédits ouverts par la loi de finances rectificative.
2. Des questions subsistent sur le positionnement de l'agence
Le bilan satisfaisant de l'action de l'AFE ne doit pas dissimuler certains points de vigilance sur son positionnement.
Le premier concerne son caractère généraliste . L'AFE a été créée en 2016 avec un positionnement ambigu dont ont témoigné les annonces gouvernementales de l'époque, en étant d'abord présentée comme l'agence des « territoires fragiles ». La reprise complète en 2016 des actions de feue l'APCE montre qu'il n'en est rien : l'AFE a en effet vocation à exercer ses actions au profit de l'entreprenariat sur l'ensemble du territoire français et à destination de l'ensemble des entrepreneurs . C'est une situation satisfaisante, car une institution de ce type doit avant tout être conçue comme un facilitateur global de la création d'entreprises qui, en elle-même souffrirait de n'avoir qu'un « public-cible » unique.
Votre rapporteur ne nie évidemment pas l'importance de l'accompagnement d'entreprises dans les territoires fragiles où le terreau entrepreneurial peine à se développer faute de structures locales d'appui suffisantes. Et, à cet égard, la démarche « cartographique » menée par l'AFE permettant de mettre en relief l'absence d'offres d'accompagnement dans certains territoires est essentielle, de même que l'objectif fixé à l'agence de porter à 50 % la part des entrepreneurs accompagnés par les réseaux qui sont issus des territoires fragiles, d'augmenter de 50 % la part de l'activité des réseaux réalisée dans les quartiers de la politique de la ville et d'y accroître de manière significative la part de l'accompagnement post-création. Mais l'agence perdrait beaucoup, justement, à n'être que l'agence de ces seuls territoires.
Dès lors, il importe que le programme d'action de l'AFE, malgré les éventuelles coupes budgétaires dont il pourrait faire l'objet à l'avenir, reste résolument généraliste.
Le second concerne l'esprit et le fonctionnement de l'AFE . L'APCE avait été conçue comme une entité très « agile » et autonome, aux mains des acteurs de l'économie, afin de recueillir et de faire connaître les bonnes pratiques entrepreneuriales.
Or, au cours des auditions menées par votre rapporteur, s'est dégagé le sentiment que la mission de coordination des financements budgétaires désormais exercée par l'AFE tendait à la transformer en une enceinte proche d'un guichet d'administration centrale dispensateur de subventions , dont les arbitrages sont essentiellement le fait des représentants de l'administration au détriment des représentants des entreprises siégeant au conseil d'administration. Ainsi, les représentants de CCI France, entendus par votre rapporteur, ont souhaité que l'AFE conserve le rôle de think tank qui avait été celui de l'APCE et regretté, à ce titre, que l'AFE ne soit pas consultée par le Gouvernement dans le cadre de la préparation du futur projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises.
De fait, M. Mohed Altrad ayant quitté, à sa demande, la présidence de l'AFE, il reviendra à son nouveau président de donner à cette structure les moyens de peser encore davantage, avec les moyens qui sont les siens, pour favoriser plus encore la création d'entreprises dans un contexte économique qui s'annonce aujourd'hui plus prometteur. C'est le rôle fédérateur de cette personnalité qui permettra également de consacrer l'AFE comme l'incontournable instance de dialogue , de concertation, de proposition et de réflexion prospective entre les acteurs des politiques de soutien à l'entrepreneuriat.
* 8 Également financé par une dotation de 2 millions d'euros des autres membres fondateurs de l'agence (au premier chef desquels la Caisse des dépôts et consignations) et par 2 millions de ressources propres.
* 9 Programmes 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 147 « Politique de la ville ».