Avis n° 170 (2015-2016) de M. Michel DELEBARRE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 novembre 2015

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N° 170

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME V

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
ET JURIDICTIONS FINANCIÈRES

Par M. Michel DELEBARRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 169 (2015-2016)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des lois du Sénat, réunie le mercredi 25 novembre 2015, sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, vice-président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Michel Delebarre, les crédits consacrés par le projet de loi de finances pour 2016 aux juridictions administratives et aux juridictions financières 1 ( * ) .

Le rapporteur pour avis a tout d'abord observé que, malgré un contexte budgétaire contraint, les moyens alloués par le projet de loi de finances pour 2016 à ces deux programmes étaient préservés , avec une progression de 1 % des crédits ainsi que la création de 35 emplois pour les juridictions administratives et une diminution de 0,2 % des crédits et un plafond d'emplois stable pour les juridictions financières.

Il a ensuite constaté que la stabilité des moyens avait permis à ces juridictions d'afficher des performances satisfaisantes, mais que ces résultats étaient fragilisés par la pression contentieuse continue pour les juridictions administratives et par la multiplication des missions des juridictions financières.

Pour faire face à la pression contentieuse, il a souligné que des mesures avaient été mises en oeuvre et étaient en cours pour rationaliser l'activité des juridictions administratives comme la limitation de la participation des magistrats aux commissions administratives ou l'utilisation d'outils procéduraux tels que le recours au juge unique ou l'encadrement des procédures dans des délais contraints. Le rapporteur pour avis s'est néanmoins interrogé sur les limites de ces leviers procéduraux et sur leur impact éventuel sur la qualité de la justice rendue

Il a ensuite relevé que pour permettre aux juridictions financières de faire face à l'augmentation de leurs missions, des mesures de réorganisation avaient été mises en oeuvre. Ainsi, la réforme de la carte des chambres régionales des comptes (CRC), qui devrait s'achever en 2016, a permis à ces juridictions d'atteindre une taille optimale. Le rapporteur a cependant souligné que de nouvelles restructurations ne sauraient être envisagées pour l'avenir, sous peine de porter atteinte à la nécessaire proximité des CRC avec les entités contrôlées.

Par ailleurs, s'il a estimé que le développement des formations communes à la Cour des comptes et aux chambres régionales et territoriales de comptes pour des enquêtes et des contrôles sur des sujets spécifiques donnait des résultats satisfaisants, il a cependant appuyé sur la nécessité de faire preuve de prudence dans l'utilisation de cet outil pour que ces travaux inter-juridictions ne se développent pas au détriment des missions de contrôle des CRC.

Sous réserve de ces observations, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes n° 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et n° 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » du projet de loi de finances pour 2016.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Nous examinons, pour la deuxième année, les crédits du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » avec les crédits du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État », dont le responsable est le Premier ministre.

Les crédits affectés au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » représentent 60,5 % des crédits de la mission et ceux du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » 33,4 % 2 ( * ) .

Cette année encore, ces deux programmes bénéficient de conditions budgétaires relativement favorables leur permettant d'exercer leurs missions dans des conditions satisfaisantes. Les juridictions administratives voient leur budget progresser d'1 % et bénéficieront de 35 ETPT supplémentaires alors que les juridictions financières voient leurs crédits en légère diminution (- 0,21 %) et leur plafond d'emplois stabilisé au même niveau que les années précédentes (1840 ETPT).

Ces conditions budgétaires favorables ne sont pas seules à l'origine des bonnes performances de ces juridictions qui ont su, malgré la forte pression contentieuse pour les juridictions administratives et la multiplication des missions qui leur sont confiées pour les juridictions financières, mettre en place des outils procéduraux ou organisationnels leur permettant d'éviter la dégradation de leurs performances.

I. DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES QUI BÉNÉFICIENT DE CONDITIONS BUDGÉTAIRES FAVORABLES

A. UN BUDGET EN LÉGÈRE PROGRESSION

1. L'augmentation des crédits

Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux huit cours administratives d'appel, aux quarante-deux tribunaux administratifs (dont onze tribunaux ultramarins) et, depuis le 1 er janvier 2009, à la Cour nationale du droit d'asile.

Ce programme inclut le jugement des différends opposant l'administration et les administrés, le conseil aux autorités publiques dans l'élaboration des projets de loi et d'ordonnance ainsi que des principaux décrets, et enfin la réalisation d'études et d'expertises juridiques au profit des administrations.

Les crédits alloués à ce programme par le projet de loi de finances pour 2016 sont en progression de 1 % en crédits de paiement (386,9 millions d'euros) par rapport à 2015. Cette augmentation est moins importante que celle observée lors de l'exercice précédent (+ 2,2 %). Hors dépenses de personnel, ces crédits sont cependant en baisse de 0,8 %, ce qui s'explique par les économies mises en oeuvre dans le cadre du redressement des finances publiques.

Évolution des crédits du programme 165
« Conseil d'État et autres juridictions administratives »
(en millions d'euros)

Numéro et intitulé du programme et de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en

2015

Demandées pour

2016

Évolution

Ouverts en

2015

Demandés pour

2016

Évolution

(en %)

(en %)

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

387,3

399,0

+ 3,0

383,2

386,9

+ 1,0

01 - Fonction juridictionnelle : Conseil d'État

26,2

26,5

+ 1,1

26,2

26,5

+ 1,1

02 - Fonction juridictionnelle : Cours administratives d'appel

49,9

50,2

+ 0,6

49,9

50,2

+ 0,6

03 - Fonction juridictionnelle : Tribunaux administratifs

153,5

156,8

+ 2,1

153,5

156,8

+ 2,1

04 - Fonction consultative

11,2

11,2

0,0

11,2

11,2

0,0

05 - Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités

16,1

16,2

+ 0,6

16,1

16,2

+ 0,6

06 - Soutien

107,5

114,4

+ 6,4

103,4

102,3

- 1,1

07 - Cour nationale du droit d'asile

22,9

23,7

+ 3,5

22,9

23,7

+ 3,5

Source : commission des lois à partir du projet annuel de performances pour 2016.

Le budget 2016 s'inscrit dans la continuité des exercices précédents. Il ne présente pas d'évolution significative.

Avec 323,07 millions d'euros (contre 318,68 millions d'euros pour 2015), les crédits destinés au personnel (titre 2) augmentent de 1,38 %. Ils constituent le plus gros poste de dépenses de ce budget : 83,5 %.

Avec 57,05 millions d'euros, les dépenses de fonctionnement courant progressent de 0,17 million d'euros (+ 0,30 %).

Les dépenses d'investissement se réduisent de 0,6 million d'euros (- 8,13 %), conformément aux engagements pris pour la période 2013-2016.

Évolution des crédits par titre et catégorie

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

ouverts en

2015

Demandés pour

2016

Progression

(millions d'euros)

Progression

(%)

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

383,19

386,90

+ 3,71

+ 0,97

Titre 2 - Dépenses de personnel

318,68

323,07

+ 4,39

+ 1,38

Rémunération d'activité

201,99

204,68

+ 2,69

+ 1,33

Cotisations et contributions sociales

115,18

116,87

+ 1,69

+ 1,47

Prestations sociales et allocations diverses

1,50

1,52

+ 0,02

+ 1,33

Titre 3 - Dépenses de fonctionnement

56,88

57,05

+ 0,17

+ 0,30

Titre 5 - Dépenses d'investissement

7,38

6,78

- 0,60

- 8,13

Titre 6 - Dépenses d'intervention

0,25

-

- 0,25

- 100,0

Source : commission des lois à partir du projet de loi de finances pour 2016.

Globalement, le programme 165 bénéficie ainsi de conditions relativement favorables, compte tenu du contexte économique morose. Par lettre adressée au vice-président du Conseil d'État le 25 mai 2005, et à l'issue d'un arbitrage interministériel, le Premier ministre a indiqué que le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » bénéficierait de modalités budgétaires particulières et ne serait pas affecté par les mises en réserve de crédits. En 2015 comme les années précédentes, le Conseil d'État a donc été exonéré de mise en réserve de crédits en début de gestion.

Toutefois, le programme a fait l'objet d'annulations de crédits, comme prévu par le décret d'avance du 14 avril 2015, pour un montant de 0,8 million d'euros, dont 0,6 million d'euros de crédits pour le titre 2.

Les gains générés par la mise en place des téléprocédures

Les téléprocédures ont fait l'objet d'une expérimentation conduite au Conseil d'État depuis 2005 puis étendue aux juridictions franciliennes en 2008 et 2009 pour le contentieux fiscal. Au cours de l'année 2013, elles ont été généralisées à l'ensemble des contentieux et à l'ensemble des juridictions administratives, dans le cadre défini par le décret n° 2012-1437 du 21 décembre 2012 relatif à la communication électronique devant le Conseil d'État, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs.

Les téléprocédures permettent aux avocats et aux administrations de transmettre électroniquement toutes leurs productions (requêtes, mémoires et pièces) au moyen d'une application sécurisée, accessible sur l'internet, « Télérecours ». Les juridictions administratives peuvent communiquer électroniquement à ces parties tous les actes de procédure (communications, mesures d'instruction, avis d'audience, notification des décisions pour les administrations et transmission de leurs ampliations pour les avocats).

Cette application a été mise en service au Conseil d'État le 1 er avril 2013, dans les juridictions des ressorts des cours administratives d'appel de Nancy et de Nantes le 3 juin 2013 et dans l'ensemble des juridictions administratives métropolitaines le 2 décembre 2013. Déployée, le 8 juin 2015, au sein des tribunaux administratifs de Saint-Denis de la Réunion et de Mayotte, la mise en service de l'application « Télérecours » se poursuivra au sein des ressorts des tribunaux administratifs de Fort-de-France, de Basse-Terre, et de Cayenne, au début du mois de décembre 2015.

Au 30 juin 2015, 11 347 avocats et 2 134 administrations ou organismes de droit privé chargés d'une mission de service public utilisaient cette application. Depuis sa mise en service, plus de 10 500 requêtes ont été déposées par ce biais devant la section du contentieux du Conseil d'État et plus de 125 000 requêtes l'ont été devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel.

« Télérecours » rencontre un réel succès. Au 1 er semestre 2015, 57 % en moyenne des requêtes éligibles devant les tribunaux administratifs (c'est-à-dire les requêtes déposées par une administration ou un avocat) et 63  % en moyenne des requêtes éligibles devant les cours administratives d'appel ont été déposées sur l'application (contre respectivement 34 % et 42 % en moyenne au 1 er semestre 2014). Ce taux s'élève à 82 % en moyenne devant le Conseil d'État pour la même période.

Outre la poursuite du déploiement dans les juridictions ultra-marines, le Gouvernement envisage de rendre l'utilisation de l'application obligatoire pour les avocats et les administrations de l'État et de ses établissements publics en 2017.

La généralisation des téléprocédures, moyennant un investissement technologique initial important, est un facteur de rationalisation du travail des agents de greffe mais également d'économies substantielles pour les juridictions administratives, en particulier en matière de frais d'affranchissement.

Au sein des dépenses de fonctionnement (titre 3), l'enveloppe dédiée aux frais de justice (frais postaux, frais d'interprétariat) représente 12 millions d'euros. Ce montant est en légère diminution par rapport à 2005 : - 1,8 %. Cette diminution de l'enveloppe consacrée aux frais de justice, malgré une augmentation de 23,8 % des frais d'interprétariat devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) entre 2014 et 2015, se justifierait par la mise en oeuvre des procédures dématérialisées. En première lecture à l'Assemblée nationale les dépenses de fonctionnement ont encore été minorées de 170 000 euros en raison de l'« optimisation des dépenses sur les frais de justice » 3 ( * ) .

Les représentants du Conseil d'État, entendus par votre rapporteur, ont fait valoir que ces économies avaient peut-être été surestimées par le Gouvernement pour 2016 et ne seraient effectives qu'en 2017 avec la mise en oeuvre de l'obligation d'utiliser « Télérecours » pour les publics qui y sont éligibles.

De plus, ces économies doivent être mises en relation avec les investissements initiaux nécessaires à la mise à niveau des installations informatiques pour permettre le déploiement de ce dispositif dans des conditions satisfaisantes.

Par ailleurs, les représentants des syndicats de magistrats administratifs ont fait part à votre rapporteur de leurs réserves concernant l'utilisation de « Télérecours ». Selon l'union syndicale des magistrats administratifs, « ces nouvelles procédures modifient les méthodes de travail des magistrats, impactant lourdement leurs conditions de travail ». Les représentants du syndicat de la juridiction administrative, entendus par votre rapporteur, estiment, pour leur part, que cette application emporte transfert de charge des avocats vers les juridictions.

En effet, comme l'ont expliqué les représentants du Conseil d'État, entendus par votre rapporteur, les juridictions sont contraintes, dans certains cas, de « rematérialiser » les dossiers transmis pour les parties qui n'utilisent pas « Télérecours ». De plus, les pièces transmises ne sont pas toujours référencées correctement ce qui pose d'importantes difficultés aux magistrats en charge de ces dossiers, de plus en plus volumineux du fait de la dématérialisation.

2. La poursuite de l'effort de recrutement

Au total, le plafond d'autorisation d'emplois pour 2016 est fixé à 3 819 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit trente-cinq emplois de plus qu'en 2015, 29 magistrats et 6 agents de greffe.

Créations d'emplois dans les juridictions administratives

(en ETPT)

2011

2012

2013

2014

2015

PLF 2016

Magistrats

30

5

17

14

14

29

Fonctionnaires

40

35

23

21

21

6

Total

70

40

40

35

35

35

Source : projets annuels de performances.

Ces créations d'emplois sont prioritairement destinées à renforcer les effectifs des tribunaux administratifs et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), mais ce sont les conférences de gestion qui se tiennent à l'automne qui permettront d'ajuster la répartition des emplois en fonction de la charge de travail des juridictions.

Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentants du syndicat de la juridiction administrative ont fait part de leurs craintes de voir ces effectifs entièrement affectés à la CNDA, alors que les personnels de certains tribunaux administratifs, en grandes difficultés, devraient être renforcés.

Depuis 1991, la gestion des moyens en personnels et en budget de fonctionnement des juridictions administratives a été transférée au Conseil d'État. L'option ainsi retenue a pour corollaire une « double gestion » des agents de greffe : ceux-ci demeurent statutairement gérés par le ministère de l'intérieur, du fait de leur appartenance aux corps de ce ministère, mais ils sont fonctionnellement gérés par le Conseil d'État, qui décide notamment de leur affectation, et par les chefs de juridiction, qui assurent la gestion de proximité.

Cette double gestion est parfois délicate notamment pour :

- la gestion prévisionnelle des emplois, du fait du caractère parcellaire des informations dont le Conseil d'État dispose ;

- la gestion budgétaire, du fait des incidences de décisions qui ne sont pas entièrement maîtrisées par le Conseil d'État ;

- la gestion des recrutements pour des métiers de plus en plus spécifiques donc exigeant des profils nouveaux ou des compétences nouvelles.

Un bilan du dispositif a été réalisé en 2009 et a abouti à la signature d'une nouvelle charte le 16 décembre 2010 par le directeur des ressources humaines du ministère de l'intérieur et le secrétaire général du Conseil d'État. Cette nouvelle charte s'est attachée notamment à améliorer la mise en oeuvre des actes de gestion liés à la mobilité, le déroulement de carrière et la formation.

Le secrétariat général du Conseil d'État a décidé de procéder en 2015 à un bilan et à une actualisation de cette charte, en lien avec le ministère de l'intérieur. La nouvelle charte tiendra compte notamment du transfert progressif de la pré-liquidation de la paie des agents de greffe au Conseil d'État, qui s'est achevé en octobre 2014.

La justification de ce système un peu particulier, qui n'existe pas pour le greffe de la CNDA, directement géré par le Conseil d'État, pose question.

Selon les représentants du syndicat de la juridiction administrative, entendus par votre rapporteur, ce système serait maintenu pour permettre une plus grande mobilité des personnels de greffe à travers la possibilité pour eux de réintégrer leur ministère d'origine et d'être affectés en préfecture.

Cependant, dans les faits, la fonction de greffier administratif est bien spécifique et les agents qui occupent ces emplois ne réintègrent que très rarement le ministère de l'intérieur.

C'est pourquoi, dans la perspective d'une simplification du système, votre rapporteur estime que la question de confier purement et simplement la gestion des greffes au Conseil d'État doit être posée.

À côté des effectifs de greffe et de magistrats, des dispositifs d' aide à la décision ont été mis en place ces dernières années pour alléger la charge de travail des juridictions. Elles font appel à des assistants qui relèvent de deux catégories : les assistants de justice et les assistants du contentieux.

Le recrutement d'assistants de justice au sein des juridictions administratives a été autorisé par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. Ce sont des agents contractuels exerçant à temps partiel, recrutés pour une durée maximale de deux ans renouvelable deux fois.

Au 31 décembre 2014 les juridictions administratives comptaient 155 assistants de justice, soit un effectif en légère hausse par rapport à l'année 2013 (146), auxquels s'ajoutaient 13 ETPT au Conseil d'État.

Source : services du Conseil d'État.

Les assistants du contentieux sont, quant à eux, des fonctionnaires titulaires de catégorie A, pour l'essentiel des attachés, affectés à ces fonctions comme le sont les autres agents de greffe. Leurs fonctions se situent à la charnière de celles du greffe et des magistrats. Ils sont notamment chargés de préparer les dossiers contentieux sous le contrôle d'un magistrat, d'assister les présidents de chambre par la préparation d'ordonnances, ou encore de constituer des dossiers de documentation juridique.

En 2014, le nombre d'assistants du contentieux s'est élevé à 100,5 ETPT. Comme les années antérieures, près des deux tiers de ces emplois sont exercés dans les tribunaux administratifs.

Évolution des effectifs d'assistants du contentieux de 2011 à 2014

2011

2012

2013

2014

ETPT

93,38

98,7

99,5

100,5

Effectifs physiques

104

105

107

108

Source : services du Conseil d'État.

B. DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES QUI AFFICHENT, DANS L'ENSEMBLE, DES RÉSULTATS SATISFAISANTS

1. Des performances remarquables, au regard des indicateurs présentés, malgré une pression contentieuse constante
a) Une pression contentieuse continue

Le contentieux administratif progresse de 6 % par an, en moyenne, depuis près de 40 ans et, pour 2014, cette progression a été de 11,3 % devant les tribunaux administratifs 4 ( * ) , de 3,3 % devant les cours administratives d'appel et de 30 % devant le Conseil d'État, compte tenu du volume important du contentieux relatif au découpage cantonal et aux élections 5 ( * ) .

L'activité des juridictions administratives

Affaires enregistrées

2013

Affaires enregistrées

2014

Affaires réglées

2013

Affaires réglées

2014

Données brutes

Données nettes 6 ( * )

Données brutes

Données nettes

Données brutes

Données nettes

Données brutes

Données nettes

CE

9 480

9 235

12 487

12 082

10 019

9 685

12 625

12 252

CAA

29 034

28 885

29 945

29 857

29 172

29 015

30 005

29 930

TA

181 200

175 762

213 733

195 625

188 205

183 182

191 872

188 295

Source : commission des lois à partir du rapport public du Conseil d'État 2015.

Devant les tribunaux administratifs, le premier poste d'augmentation du contentieux est constitué par les contentieux sociaux (litiges relatifs à l'aide sociale, au revenu de solidarité active, au droit au logement opposable...), qui représentent 16 % des affaires enregistrées, avec une progression de 22 % en 2014. Viennent ensuite le contentieux fiscal, qui représente 11 % des entrées, avec une augmentation de 22 %, puis le contentieux de la fonction publique (9 % des entrées), qui progresse de 20 % et enfin, le contentieux des étrangers qui, s'il n'affiche qu'une augmentation de 3 %, représente néanmoins près de 30 % des affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs.

Devant les cours administratives d'appel, la plus forte augmentation enregistrée concerne le contentieux des fonctionnaires et agents publics qui progresse de 32 %, compte tenu de la mise en oeuvre du décret du 13 août 2013 qui a rétabli l'appel pour ces litiges. Ce contentieux est passé de 6 à 8 % des entrées. La seconde augmentation concerne le contentieux des étrangers, avec une progression de 13 % (48 % des entrées) et la troisième augmentation concerne le contentieux de l'urbanisme, qui progresse de 2 % et constitue 8,5 % des affaires enregistrées.

Les réformes récentes qui pourraient alourdir la charge contentieuse
des juridictions administratives

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurité de l'emploi a confié à l'administration le contrôle des plans de sauvegarde de l'emploi élaborés par les entreprises et a créé une nouvelle voie de recours devant le juge administratif régie par l'article L. 1235-7-1 du code de travail pour contester les décisions de validation ou d'homologation de l'autorité administrative, assortie d'un délai de jugement réduit de trois mois devant chaque degré de juridiction. Il s'agit d'une compétence nouvelle pour le juge administratif portant sur un contentieux complexe. Pour 2014, 170 affaires ont été enregistrées à ce titre par les tribunaux administratifs et 62 par les cours administratives d'appel.

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a procédé à la dépénalisation d'un nombre important de sanctions visant à réprimer les infractions au droit de la consommation, transformées en sanctions administratives dont le contentieux est confié au juge administratif. Ces sanctions visent notamment les manquements aux dispositions des livres I er et III du code de la consommation (manquements des opérateurs à leurs obligations d'information sur les prix, présence dans les contrats de consommation de clauses regardées de manière irréfragable comme abusives, sanctions de pratiques restrictives de concurrence).

La loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a créé la possibilité pour le ministre de l'intérieur de prononcer une mesure d'interdiction de sortie du territoire à l'encontre d'un Français pour des raisons d'ordre public, notamment lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il projette des déplacements à l'étranger pour participer à des activités terroristes. Les dispositions législatives relatives à cette mesure et aux règles encadrant son usage se trouvent à l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure. La loi a également créé trois autres nouvelles mesures relevant de la compétence exclusive du ministre de l'intérieur, à savoir l'interdiction administrative du territoire, l'interdiction de se trouver en relation avec une personne nommément désignée et l'interdiction de transport, en raison de l'implication de l'intéressé dans des activités à caractère terroriste ou de ses liens avec des mouvances extrémistes.

Le contentieux de l'ensemble de ces décisions a été confié, par le décret n° 2015-26 du 14 janvier 2015, au tribunal administratif de Paris. Si les premiers jugements viennent d'être rendus en juillet 2015 par cette juridiction, il est encore prématuré de faire une évaluation précise des conséquences de cette réforme sur la charge de travail des personnels des juridictions administratives.

La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative au droit d'asile et le projet de loi relatif au droit des étrangers en France 7 ( * ) , actuellement en cours de navette, prévoient l'institution de nouvelles voies de recours en matière de contentieux des étrangers ( cf. infra ).

En 2014, pour la première fois depuis 2007, le taux de couverture 8 ( * ) des affaires par les tribunaux administratifs a été inférieur à 100 %. Il s'est établi, pour les tribunaux administratifs, à 96,3 % en données nettes, en diminution de 7,7 % par rapport à 2013 (104,3 %). Cette baisse est le résultat de la forte augmentation des entrées en 2014.

La diminution du taux de couverture a entraîné mécaniquement une augmentation du stock des affaires en instance (+ 4,9 % par rapport à la situation observée au 31 décembre 2013).

Cependant, depuis la fin du traitement du contentieux électoral, le taux de couverture s'est progressivement amélioré pour atteindre de nouveau 100 %.

Quant à la CNDA, son activité a progressé de 7 % en 2014, et devrait connaître une accélération sensible en 2015 en raison de facteurs conjoncturels tels que la politique de déstockage des dossiers en instance mise en oeuvre par l'OFPRA mais également la politique d'attribution du statut de réfugié. En effet, le taux de recours formés contre les décisions de refus d'attribution du statut de réfugié de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) est de 86 %.

Entendus par votre rapporteur, les représentants du Conseil d'État lui ont fait part de leurs craintes de voir la situation de la CNDA se détériorer.

En effet, outre la hausse des entrées attendue en 2015 et 2016, la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative au droit d'asile impose des délais de jugement très courts à la CNDA. Lorsqu'elle statue en formation collégiale sur les recours formés contre les décisions de l'Ofpra, elle doit désormais se prononcer dans un délai de cinq mois à compter de sa saisine. Ce délai est porté à cinq semaines lorsque le juge statue seul.

Or, en 2015, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock à la CNDA s'est établi à 6 mois, la prévision pour 2016 est plutôt de 7 mois et l'objectif pour 2017 s'établit à 6 mois ( cf. infra ). Selon les représentants du Conseil d'État, les délais fixés par la loi « asile » risquent donc de ne de pas pouvoir être respectés à effectifs constants.

b) Des indicateurs qui reflètent de bonnes performances

Les juridictions administratives ont, depuis quelques années, un double objectif : maîtriser les délais de jugement tout en maintenant la qualité des décisions rendues.

Or la plupart des indicateurs du programme sont des indicateurs quantitatifs et concernent la maîtrise des délais de jugement : le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, la proportion d'affaires en stock enregistrées depuis plus de deux ans, le nombre d'affaires réglées par magistrat ou agent de greffe.

La qualité des décisions juridictionnelles rendues n'est mesurée qu'à partir de l'indicateur relatif au taux d'annulation de ces décisions.

Selon l'union syndicale des magistrats administratifs, qui a fait parvenir à votre rapporteur une contribution écrite, « cette présentation ne rend compte que d'un seul point de vue, celui du gestionnaire et qui, en conséquence, ne saurait objectivement refléter la réalité de ce qu'est la justice administrative aujourd'hui ».

Au regard de ces indicateurs, les juridictions administratives présentent des performances tout à fait satisfaisantes.

Depuis 2011, l'objectif fixé par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice de ramener à un an en moyenne les délais de jugement devant les juridictions administratives est atteint.

En 2014, le délai prévisible moyen de jugement s'est établi à 10 mois et 1 jour devant les tribunaux administratifs, 11 mois et 1 jour devant les cours administratives d'appel, 6 mois et 2 jours devant le Conseil d'État et 6 mois et 4 jours devant la Cour nationale du droit d'asile.

Pour la CNDA, le délai prévisible moyen effectif pour 2015 devrait être proche des prévisions du projet annuel de performances pour 2015, malgré une dégradation du taux de renvoi consécutive aux mouvements de grève conduits par les agents de la juridiction et les avocats au début de l'année 2015.

Délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock

2013

2014

2015

2015

2016

2017

Réalisation

Réalisation

(prévision PAP)

(prévision actualisée)

(prévision)

(cible)

Conseil d'État

7 mois et
25 jours

6 mois et
2 jours

8 mois et 15 jours

8 mois et 15 jours

8 mois

8 mois

CAA

11 mois et
12 jours

11 mois et
1 jour

10 mois

10 mois et 15 jours

10 mois

10 mois

TA

9 mois et
25 jours

10 mois et
1 jour

10 mois

10 mois

10 mois

10 mois

CNDA

6 mois et
24 jours

6 mois et
4 jours

6 mois

6 mois et
8 jours

7 mois et
7 jours

6 mois

Source : projet annuel de performances 2016.

Ces bons résultats ont été obtenus grâce aux créations d'emplois dont ont bénéficié les juridictions administratives ces dernières années, mais également grâce à la mobilisation des magistrats et personnels, dont les efforts de productivité consentis ont facilité l'absorption du contentieux.

Ils peuvent également être mis en relation avec la multiplication, au cours des dernières années, de procédures particulières à certains contentieux de masse, enserrés dans des délais extrêmement contraints ou traités par un juge statuant seul ( cf. infra ).

Or l'indicateur « délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock » ne distingue pas selon les types de décisions rendues . Sont donc comptabilisées de la même manière, toutes les affaires, y compris les ordonnances et les procédures enfermées dans un délai déterminé.

Le juge administratif étant contraint de traiter en priorité ces contentieux de l'urgence, il peut en résulter une éviction des contentieux ordinaires, devenus non prioritaires.

À cet égard, l'union syndicale des magistrats administratifs, dans une contribution écrite adressée à votre rapporteur, fait valoir que « de nombreux dossiers dans des domaines techniques et complexes sont jugés dans des délais bien plus longs que ceux exposés, notamment pour ce qui est des marchés publics, du contentieux de l'environnement, ou du contentieux de l'urbanisme par exemple ».

Avant 2015, cet effet d'éviction pouvait être mesuré grâce à l'indicateur « délai moyen constaté pour les affaires ordinaires » qui présentait les délais de jugement des juridictions administratives hors référés-procédures d'urgence, hors affaires dont le jugement est enserré dans des délais particuliers, et hors ordonnances.

Or, en projet de loi de finances pour 2015, cet indicateur a été supprimé « pour des raisons de simplification des documents budgétaires » 9 ( * ) .

De même que l'année dernière, votre rapporteur ne peut que déplorer la suppression de cet indicateur qui lui semblait tout à fait pertinent.

En effet, communiquer sur un délai de jugement inférieur à un an risque d'induire le justiciable en erreur, puisque le délai de jugement des affaires ordinaires s'établissait, en 2014, à 1 an, 9 mois et 4 jours devant les tribunaux administratifs et à 1 an, 2 mois et 1 jour devant les cours administratives d'appel 10 ( * ) .

En tout état de cause, quel que soit l'indicateur utilisé, les délais de jugement des affaires, toutes juridictions confondues, se sont nettement améliorés ces dernières années.

L'effort de « rajeunissement » du stock s'est également poursuivi. Dans les tribunaux administratifs, la part des affaires enregistrées depuis plus de deux ans représente en 2015, selon les prévisions actualisées, 9,5 % du total des affaires en stock dans les tribunaux administratifs (contre 10,7 % en 2014 et 11,6 % en 2013). La cible a été fixée à 8,5 % pour 2016 et 8 % pour 2017.

Dans les cours administratives d'appel, la cible de 3,5 % pour 2016 a d'ores et déjà été atteinte en 2015 mais devrait s'établir à 4,5 % pour 2017. Devant le Conseil d'État, cette proportion a légèrement diminué, passant de 4,5 % en 2014 à 4 % en 2015 (prévisions actualisées).

À l'activité contentieuse s'ajoute, pour le Conseil d'État, une activité consultative importante. En 2014, il a examiné 1 160 textes contre 967 en 2013 dont 102 projets de loi et 756 décrets réglementaires, en moins de deux mois dans 97 % des cas pour les textes législatifs et dans 89 % des cas pour les textes réglementaires.

Enfin, concernant les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), si leur nombre a décru sensiblement de 2010 à 2013, tout en se maintenant à un niveau élevé (256 en 2010, 212 en 2011, 187 en 2012, 162 en 2013), en revanche, l'année 2014 a été marquée par une forte hausse due, en partie, à l'enregistrement de 41 QPC présentées à l'occasion du contentieux du découpage cantonal, soit au total 221 QPC. Ainsi le nombre des QPC progresse de 36,4 % (+ 11 % hors découpage cantonal). Cette tendance à la hausse semble se confirmer sur les sept premiers mois de l'année 2015 : 99 QPC ont été enregistrées du 1 er janvier 2015 au 31 juillet 2015 contre 90 sur la même période 2014 (hors découpage cantonal).

Le principal pourvoyeur des QPC reste de loin le contentieux fiscal même si la part qu'il représente a diminué passant de 33 % en 2010 à 22 % en 2014 (hors découpage cantonal). Les autres matières concernées sont principalement la fonction publique (8 %), les collectivités territoriales (7 %), le droit des personnes et des libertés publiques (5 %) et les pensions (5 %).

Quarante-trois QPC ont ensuite été transmises au Conseil constitutionnel (trente-huit en 2013). Le taux de transmission du Conseil d'État s'établit donc à 25 % des questions (20 % découpage cantonal compris).

2. Des résultats qui découlent également d'une rationalisation de l'activité des juridictions administratives

À côté des dotations budgétaires, d'autres outils ont permis d'améliorer les performances des juridictions administratives.

a) La volonté de recentrer les magistrats administratifs sur leurs activités juridictionnelles

La participation des magistrats aux commissions administratives est souvent recherchée pour apporter une certaine expertise et améliorer ainsi la sécurité juridique des actes pris. Elle peut jouer un rôle important en matière de prévention du contentieux.

Cependant, dans une période où la pression contentieuse accroit la charge de travail des juridictions, dès 2003, une réflexion sur la limitation de la présence des magistrats dans ces structures a été engagée au sein d'un groupe de travail. La réflexion a porté sur l'utilité de la présence d'un magistrat et sur l'importance effective de son rôle, au sein de chacune de ces commissions.

Des règles générales ont ainsi été dégagées par le groupe de travail : le magistrat sollicité pour participer à une commission doit, sauf exception, en assurer la présidence. La participation du magistrat doit être justifiée par la nécessité d'une compétence juridique spécifique et pas seulement par la recherche d'une personnalité qualifiée et impartiale. Le souhait a également été émis que toute participation à une commission soit assortie d'une rémunération.

Le groupe de travail sur un total de 99 commissions recensées dans lesquelles siégeaient des magistrats administratifs, le retrait du magistrat a été envisagé pour 36 d'entre elles. Plusieurs textes ont diminué cette participation 11 ( * ) .

Mais, depuis, plusieurs lois ou ordonnances ont de nouveau prévu la présence de magistrats administratifs dans ces commissions en leur confiant notamment la présidence des chambres disciplinaires des professions de santé. Selon les estimations, cette nouvelle mission représenterait 10 ETPT par an. Depuis 2010, les magistrats administratifs président, en outre, les 21 chambres disciplinaires de première instance des conseils régionaux de l'ordre des infirmiers, constitué conformément aux dispositions des articles L. 4312-1 à L. 4312-9 du code de la santé publique.

Ils sont également sollicités pour représenter le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, lors de perquisitions réalisées par un magistrat judiciaire, pour participer au conseil national des activités privées de sécurité comme des commissions régionales ou interrégionales d'agrément et de contrôle 12 ( * ) ou aux jurys d'examen en vue de l'obtention des diplômes des opérateurs funéraires 13 ( * ) et aux commissions départementales des impôts directs locaux 14 ( * ) .

En application de l'article R. 237-2 du code de justice administrative, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est consulté sur « toute disposition prévoyant la participation des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à d'autres fonctions » que leurs fonctions juridictionnelles.

Cette consultation permet au Conseil supérieur d'apprécier les modalités effectives de la participation des magistrats administratifs, et notamment les conditions de leur désignation, la place qu'ils seront amenés à occuper au sein de l'organisme en cause, la nature et le volume de leur activité et leurs conditions de rémunération.

Le Conseil d'État a entrepris un nouveau travail de recensement exhaustif de ces commissions en vue d'apprécier, en termes d'emplois, des principales activités non juridictionnelles exercées par les magistrats.

Ce travail devrait être utilisé dans le cadre de l'article 52 du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXI ème siècle 15 ( * ) , qui prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures tendant notamment à supprimer la participation des membres du Conseil d'État et des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel aux commissions administratives, lorsque leur présence n'est pas indispensable au regard des droits ou des libertés en cause et, à modifier, le cas échéant, la composition de ces commissions pour tirer les conséquences de cette suppression.

b) Un recours au juge unique pour des contentieux de plus en plus nombreux

Alors même qu'en principe le juge administratif statue en formation collégiale, certains contentieux qui se caractérisent par leur facilité technique, peuvent relever de la compétence d'un juge statuant seul . Cette procédure n'est jamais obligatoire. Le juge en charge de l'affaire peut toujours décider de la renvoyer à une formation collégiale. Cette procédure s'applique principalement devant les tribunaux administratifs.

Les affaires jugées par un juge unique et non par une formation collégiale relèvent de quatre catégories différentes :

- les affaires instruites et jugées selon la procédure de droit commun, la seule dérogation apportée tenant à la composition de la formation de jugement. Leur liste est fixée à l'article R. 222-13 du code de justice administrative (CJA) 16 ( * ) ;

- les affaires instruites et jugées selon une procédure dérogatoire du droit commun, essentiellement en raison de l'urgence, comme par exemple le contentieux des obligations de quitter le territoire français lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure de surveillance, le contentieux du refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile, le contentieux du stationnement des résidences mobiles des gens du voyage ou le contentieux du droit au logement opposable ;

- les procédures de référé (article L. 511-1 et suivants) ;

- les ordonnances 17 ( * ) .

Le décret n° 2013-730 du 13 août 2013 modifiant le code de justice administrative a révisé la liste des contentieux relevant de la compétence d'un magistrat statuant seul fixée par l'article R. 222-13 du code de justice administrative, de même que celle des compétences exercées par les tribunaux administratifs en premier et dernier ressort, c'est-à-dire sans possibilité d'appel.

Jusqu'à présent, ces deux listes se confondaient pour l'essentiel. Elles ont été découplées dans le but de réserver le recours à un magistrat statuant seul aux matières caractérisées par la facilité technique des dossiers alors que la compétence de premier et dernier ressort des tribunaux administratifs est déterminée au regard du critère de l'importance de l'enjeu concret du litige. Dans ces derniers cas, le justiciable n'aura plus pour seule voie de recours que la cassation. Cette réforme s'est appliquée aux requêtes enregistrées depuis le 1 er janvier 2014.

Toutes compétences confondues, l'évolution de la part respective des affaires jugées par une formation collégiale et par un juge unique s'établit comme suit :

TA (données brutes)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Affaires jugées en formation collégiale

56 519

62 923

70 901

70 867

68 152

70 045

71 378

78 115

79254

83570

34,0 %

36,2 %

38,8 %

36,9 %

34,8 %

36,10 %

37,15 %

39,68 %

42,75 %

43,6 %

Affaires jugées par un juge unique

55 833

52 040

52 893

55 498

61 671

62 933

62 800

58 847

55 063

57 402

33,5 %

29,9 %

29,0 %

28,9 %

31,5 %

32,44 %

32,69 %

29,89 %

29,70 %

29,90 %

Ordonnances

54 100

58 930

58 753

65 667

66 028

61 029

57 951

59 913

51 073

47 738

32,5 %

33,9%

32,2%

34,2%

33,7%

31,46%

30,16%

30,43%

27,55%

24,90 %

Affaires jugées en formation collégiale ou par un juge statuant seul

CAA (données brutes)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Affaires jugées en formation collégiale

16 131

16 492

15 628

17 921

19 372

19 637

21 050

21 968

22 216

22 477

66,2 %

62,4 %

59,0 %

65,2 %

66,1 %

68,22 %

70,48 %

74,36 %

76,16 %

74,91 %

Affaires jugées par un juge unique

2 403

4 131

3 492

2 923

3 174

3 478

3 989

2 344

2 360

2 634

9,9 %

15,6 %

13,2 %

10,6 %

10,8 %

12,08 %

13,36 %

7,93 %

8,09 %

8,78 %

Ordonnances

5 851

5 791

7 353

6 641

6 761

5 668

4 827

5 233

4 596

4 894

Source : services du Conseil d'État.

Au total, environ 55 % des affaires jugées devant les tribunaux administratifs l'ont été par un juge unique ou par ordonnance en 2014, le reste l'a été en formation collégiale . Ces procédures se caractérisant par leur grande rapidité, elles ont largement contribué à l'apurement du stock des affaires en instance devant les juridictions administratives et à la maîtrise des délais de jugement, en particulier du délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, qui ne distingue pas entre affaires ordinaires et affaires réglées selon une procédure spécifique (urgence, référés, ordonnances...).

Part respective des affaires jugées par ordonnances, à juge unique
ou en formation collégiale de 2006 à 2014 dans les tribunaux administratifs

Source : commission des lois à partir des données fournies
par le Secrétariat général du Conseil d'État.

Le nombre d'affaires jugées en formation collégiale a connu une légère progression entre 2013 et 2014, en raison probablement de la mise en oeuvre du décret du 13 août 2013 qui a prévu que relèvent désormais de la compétence d'une formation collégiale les litiges relatifs aux déclarations de travaux et les litiges relatifs aux taxes syndicales, ainsi que l'essentiel du contentieux de la situation individuelle des agents publics.

S'agissant spécifiquement des ordonnances, leur volume est passé de 34,2 % des affaires réglées en 2008 à 24,9 % en 2014, ce qui peut s'expliquer par l'achèvement de l'apurement des stocks entrepris au cours de la dernière décennie. La légère baisse observée entre 2013 et 2014 pourrait être liée à l'entrée en vigueur de l'article R. 772-6 du CJA, créé par le décret du 13 août 2013, qui subordonne le pouvoir du président de la formation de jugement de rejeter une requête par voie d'ordonnance lorsque celle-ci n'est pas ou est insuffisamment motivée, à l'envoi préalable au justiciable d'une invitation à régulariser sa requête, accompagnée d'une information sur le rôle du juge administratif. Cette possibilité nouvelle de régularisation a pu permettre aux justiciables, qui auront complété la motivation de leur requête, de bénéficier d'une instruction contradictoire et du passage à l'audience de leur dossier.

Le nombre d'affaires réglées par juge unique (hors ordonnances), qui avait connu une légère diminution entre 2012 et 2013 est reparti à la hausse, compte tenu de l'extension du champ des matières pouvant relever du juge unique par le décret du 13 août 2013.

En effet, relèvent désormais de la compétence du magistrat statuant seul :

- les contentieux sociaux 18 ( * ) ;

- les litiges relatifs à la consultation d'archives publiques, désormais assimilés aux litiges relatifs à la communication de documents administratifs ;

- les recours en indemnisation introduits à la suite d'un refus de concours de la force publique alors que jusqu'à présent seuls les recours pour excès de pouvoir introduits à la suite d'un tel refus relevaient d'un magistrat statuant seul ;

- les litiges relatifs aux immeubles insalubres, désormais assimilés aux litiges relatifs aux bâtiments menaçant ruine.

Cette dynamique devrait se poursuivre dans les années à venir en raison de l'adoption de la loi n°2015-925 du 29 juillet 2015 relative à l'asile et du projet de loi relatif au droit des étrangers, actuellement en cours d'examen par le Parlement.

Les procédures mises en place par la loi n°2015-925 du 29 juillet 2015 relative à l'asile et du projet de loi relatif au droit des étrangers

La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative au droit d'asile réforme la procédure contentieuse applicable en matière d'asile. Elle prévoit l'institution de nouvelles voies de recours et l'extension de la compétence du magistrat statuant seul en matière de contentieux des étrangers. Sont ainsi prévues :

- l'institution d'un nouveau recours par lequel un étranger ayant été maintenu en rétention, après avoir présenté une demande d'asile formulée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, pourra demander au tribunal administratif l'annulation de la décision préfectorale le maintenant en rétention le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). La procédure applicable sera celle du contentieux des obligations de quitter le territoire français, à savoir un recours exercé dans les 48 heures de la notification de la décision de maintien, jugé par un magistrat statuant seul, sans conclusions du rapporteur public, dans un délai maximal de 72 heures à compter de la notification de la décision de rejet ou d'irrecevabilité de l'Ofpra relative à la demande d'asile ;

- l'institution d'un nouveau recours devant le tribunal administratif pour les décisions de transfert des demandeurs d'asile vers l'État membre de l'Union européenne compétent en vertu du règlement de Dublin. Ce recours en annulation suspensif sera exercé dans un délai de 15 jours et l'affaire confiée à un magistrat statuant seul, sans conclusions du rapporteur public, dans un délai de quinze jours ;

- l'institution d'une nouvelle procédure de référé tendant, après mise en demeure restée infructueuse, à ce qu'il soit enjoint aux étrangers définitivement déboutés de leur demande d'asile d'évacuer les centres d'hébergement pour demandeurs d'asile.

Cette réforme, dont l'objectif est notamment de renforcer les garanties offertes aux demandeurs d'asile et de réduire les délais de traitement de leur demande, devrait se traduire, du fait de l'introduction de nouvelles voies de recours, par une hausse de la charge de travail des juridictions administratives, sans qu'il soit possible d'en évaluer à ce stade précisément l'impact.

Enfin, le projet de loi relatif au droit des étrangers en France 19 ( * ) , actuellement en cours de navette, prévoit également l'institution d'une nouvelle procédure de juge unique pour le contentieux des étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) dite « sèche » (c'est-à-dire lorsque cette obligation n'est pas prononcée en même temps qu'un refus de titre de séjour) ou définitivement déboutés du droit d'asile. Ce type d'OQTF, susceptible de concerner des dizaines de milliers de cas chaque année, pourra être contestée dans un délai de sept jours suivant la notification devant le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin, statuant seul et sans conclusions du rapporteur public, dans un délai d'un mois. Le délai de saisine actuellement prévu par le texte en discussion est de quinze jours, et le délai de jugement de six semaines.

Si le recours au juge statuant seul, associé à d'autres leviers procéduraux tels que la dispense de conclusions du rapporteur public ou la rationalisation des parcours contentieux 20 ( * ) , a permis à la juridiction administrative de faire face à l'augmentation du contentieux et de réduire ses délais de jugement, votre rapporteur estime que l'utilisation de leviers procéduraux a atteint ses limites et qu' aller au-delà risquerait de peser sur la qualité des décisions rendues .

Selon l'union syndicale des magistrats administratifs, « les réformes de procédures contentieuses ont concrètement toutes entraîné une aggravation des conditions de travail des magistrats ». Il y aurait eu, en contrepartie de la réduction des délais de jugement, « une aggravation de la manière dont la justice est rendue ».

II. DES MOYENS ALLOUÉS AUX JURIDICTIONS FINANCIÈRES QUI SE MAINTIENNENT À UN NIVEAU ÉQUIVALENT À CELUI DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

Le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » concerne la Cour des comptes et les vingt chambres régionales et territoriales des comptes 21 ( * ) , dont le nombre sera réduit à dix-huit en 2016 22 ( * ) .

A. UN BUDGET RELATIVEMENT STABLE

Le montant des crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2016, pour la Cour des comptes et les autres juridictions financières est en légère diminution. Il s'élève à 213,64 millions d'euros en crédits de paiement (- 0,21 % par rapport au PLF 2015). Cette diminution (0,44 million d'euros) représente la contribution des juridictions financières aux objectifs d'économies décidés par le Gouvernement dans le cadre de la trajectoire des finances publiques fixée par la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années à venir et par le programme de stabilité. Cette diminution s'impute principalement sur les dépenses de personnel mais également sur les dépenses d'investissement ( cf . tableau infra ).

Quant aux autorisations d'engagement, elles sont en légère progression (+ 1,9 % par rapport à 2015) et représentent 216,81 millions d'euros. Cette augmentation est conjoncturelle. Elle correspond à l'obligation, en vigueur à compter du 1 er janvier 2016, de recourir à des baux comportant une clause de résiliation unilatérale, au rattachement des juridictions financières au marché interministériel de fourniture d'électricité et au renouvellement du marché de gardiennage de la Cour des comptes pour une durée de quatre ans.

Évolution des crédits du programme 164

« Cour des comptes et autres juridictions financières »

(en millions d'euros)

Titre et catégorie

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

PLF 2015

PLF 2016

Progression
(en %)

PLF 2015

PLF 2016

Progression
(en %)

Titre 2. Dépenses de personnel

185,76

185,64

- 0,06

185,76

185,64

-0,06

Autres titres

26,98

31,18

+ 15,6 %

28,32

28

- 1,1 %

Dont titre 3. Dépenses de fonctionnement

24,13

30,33

+ 25,7 %

24,69

27,15

+ 10,0 %

Dont titre 5. Dépenses d'investissement

2,8

0,8

- 71,4 %

3,58

0,8

- 77,7 %

Dont titre 6. Dépenses d'intervention

0,05

0,05

0,0 %

0,05

0,05

0,0 %

TOTAL

212,75

216,81

+ 1,9 %

214,08

213,64

- 0,21

Source : commission des lois à partir des données
du projet de loi de finances pour 2016.

Avec un plafond d'emplois fixé à 1 840 ETPT, les moyens humains théoriques des juridictions financières s'établissent à un niveau constant par rapport aux exercices précédents. La priorité donnée au projet de loi de finances pour 2016 est, d'une part, de consolider les recrutements dans les fonctions de contrôle (agents de catégories A et A+ principalement) et, d'autre part, de rationaliser la fonction support (agents de catégories B et C majoritairement).

Compte tenu de ces politiques de recrutement, au 31 décembre 2014, les personnels de catégorie A et A+ représentaient 67 % des effectifs des juridictions financières. Cette proportion est supérieure à la moyenne de la fonction publique d'État, au sein de laquelle cette catégorie de personnels représente 55 % des agents.

Évolution du plafond d'emplois du programme 164

(en ETPT)

Catégorie d'emplois

Plafond d'emplois 2012

Plafond d'emplois 2013

Plafond autorisé 2014

Plafond autorisé
pour 2015

Plafond demandé
pour 2016

Variation

2015/2016

Catégorie A + et A

1 087

1 098

1 200

1 263

1 275

+ 12

Catégorie B

379

377

350

317

311

- 6

Catégorie C

374

365

290

260

254

- 6

TOTAL

1 840

1 840

1 840

1 840

1 840

0

Source : services de la Cour des comptes.

Cependant, dans les faits, la consommation d'emplois est inférieure au plafond. En 2014 par exemple, alors que le plafond était fixé à 1 840 ETPT, seuls 1 749 ETPT avaient été consommés. Pour 2015, la consommation prévisionnelle est de 1 777 ETPT.

Plusieurs facteurs expliquent cette sous-consommation du plafond d'emplois :

- de manière structurelle, la nécessité de conserver un volant de sécurité d'ETPT pour assurer l'éventuelle réintégration des magistrats se trouvant à l'extérieur des juridictions financières 23 ( * ) ;

- le nombre réduit de magistrats recrutés par rapport au nombre de départs (retraites, mobilités, disponibilités...) ;

- les effets de la réforme territoriale de la carte des juridictions financières de 2012 : gel des postes vacants en 2013 pour privilégier les mouvements internes des personnels concernés.

Pour tenir compte de la fermeture de trois chambres régionales des comptes au 1 er janvier 2016, en application de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, un nouveau gel partiel des recrutements externes est prévu afin d'offrir, comme en 2012, aux agents concernés, un choix le plus large possible d'affectations.

Prévision et exécution des dépenses du titre 2 pour 2014

LFI 2014

Exécution

Taux de réalisation

Titre 2 en millions d'euros

187,9

178,3

94,89 %

Plafond d'emplois en ETPT

1 840

1 749

95,05 %

Source : services de la Cour des comptes.

Enfin, votre rapporteur rappelle que les conditions d'exécution du présent programme sont relativement favorables . En effet, pour garantir l'indépendance de la Cour des comptes, aucune mise en réserve de précaution en début de gestion n'affecte les crédits ouverts au titre du programme 164. De même, les mesures d'annulation des crédits ouverts en loi de finances initiale doivent recueillir l'accord préalable de la Cour. Ainsi, en 2014, le budget du programme a connu des annulations de crédits à hauteur de 10,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 10,1 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

B. DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES QUI DOIVENT FAIRE FACE À UNE MULTIPLICATION DE LEURS MISSIONS

1. L'extension des missions des juridictions financières par des textes récents

L' examen des comptes publics , le contrôle des finances publiques et le contrôle de la gestion des organismes publics constituent la majeure partie de l'activité de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes. Cependant, les missions des juridictions financières n'ont cessé de s'étendre avec le temps.

a) L'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales prévue par la loi « NOTRe »

Au titre du contrôle de la régularité et la sincérité des comptes des administrations publiques, visé à l'article 47-2 de la Constitution 24 ( * ) , l'article 110 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), a prévu un dispositif d'expérimentation de certification des comptes de collectivités territoriales.

Selon l'article 110, « cette expérimentation doit permettre d'établir les conditions préalables et nécessaires à la certification des comptes du secteur public local, qu'il s'agisse de la nature des états financiers, des normes comptables applicables, du déploiement du contrôle interne comptable et financier ou encore des systèmes d'information utilisés ».

Cette expérimentation commencera trois ans après la promulgation de la loi, c'est-à-dire en août 2018, et durera cinq ans.

Elle sera coordonnée par la Cour des comptes, et concernera des collectivités territoriales volontaires. La limitation de l'expérimentation aux collectivités territoriales les plus importantes (dont les produits de fonctionnement excèdent le seuil de 200 millions d'euros), prévue dans le projet de loi initial, a finalement été supprimée.

Elle fera l'objet d'un bilan intermédiaire au terme des trois ans, puis d'un bilan définitif au terme des huit ans. Ces bilans donneront lieu à un rapport du Gouvernement transmis au Parlement, avec les observations des collectivités territoriales et groupements concernés et de la Cour des comptes.

À partir des résultats de cette expérimentation, le législateur interviendra pour déterminer les suites à donner à cette expérimentation.

Actuellement, la Cour des comptes est en phase de mise en place des conditions préalables nécessaires à la mise en oeuvre de cette expérimentation (adaptation de la forme des comptes et des procédures comptables, développement du contrôle interne, notamment). Les dispositions prises le sont à budget constant.

Entendus par votre rapporteur, les représentants de la Cour des comptes ont cependant fait valoir qu'à effectifs constants, les juridictions financières seraient dans l'impossibilité d'assumer une généralisation de la certification des comptes des collectivités territoriales sans que cela se fasse au détriment de leurs autres compétences.

Lorsqu' au terme de cette expérimentation le législateur devra se prononcer sur les suites à lui donner, votre rapporteur sera particulièrement attentif à la nécessité de faire appel , pour la mise en oeuvre de cette nouvelle compétence, à d'autres acteurs de la certification des comptes 25 ( * ) .

b) L'extension des missions de contrôle des juridictions financières aux établissements privés de santé, prévu par le projet de loi relatif à la santé

L'article 27 ter du projet de loi relatif à la santé, inséré en première lecture dans le texte par l'Assemblée nationale, et non remis en cause au Sénat, prévoit le contrôle, par les juridictions financières, des établissements privés sanitaires, sociaux et médico-sociaux.

Actuellement, en application de l'article L. 111-7 du code des juridictions financières, la Cour des comptes peut exercer un contrôle sur tout organisme qui bénéficie du concours financier de l'État, d'une autre personne soumise à son contrôle ainsi que de la Communauté européenne.

À ce titre, les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés, qui reçoivent chaque année des financements importants (11,3 milliards d'euros en 2014) de la part de l'État, des collectivités territoriales et de l'assurance maladie, sont soumis à ce contrôle.

Dans le cadre de la mission de contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, l'article L. 132-3-2 du code des juridictions financières prévoit que la Cour « établit, en liaison avec les chambres régionales des comptes, un programme trisannuel des travaux à mener notamment sur l'évaluation comparative des coûts et des modes de gestion des établissements sanitaires et médico-sociaux financés par l'assurance maladie, quel que soit leur statut public ou privé ». Or la mise en oeuvre de cet article suppose la coopération des organismes privés dont l'absence est dépourvue de sanction.

Cet article complète les missions de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes (CRC) pour y ajouter la possibilité d'exercer un contrôle sur les personnes morales de droit privé à caractère sanitaire et social ou médico-social.

L'article étend en conséquence les possibilités de délégation de la Cour aux CRC qui ne concernent actuellement que les seuls établissements publics.

Il complète les prérogatives de la Cour dans sa mission de contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Il prévoit, enfin, que les rapports de certification des comptes des organismes privés sont transmis à la Cour des comptes.

Selon les représentants des présidents de chambres régionales des comptes, entendus par votre rapporteur, cette multiplication des missions risque de conduire les juridictions financières à devoir faire des choix de programmation au plan national et local.

L'enjeu principal désormais, pour les juridictions financières, est de s'organiser au mieux pour assumer l'ensemble des missions qui leur sont confiées.

2. La nécessité pour les juridictions financières d'adapter leur organisation
a) Une réforme de la carte des juridictions financières en deux étapes : la loi du 13 décembres 2011 relative à la répartition des contentieux et la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions

La loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles a fixé à quinze, le nombre de chambres régionales des comptes pour la métropole et les régions d'outre-mer (contre vingt-deux par le passé) 26 ( * ) . Ces regroupements ont ensuite été décidés par décret 27 ( * ) .

Carte des chambres régionales des comptes regroupées

Source : site internet de la Cour des comptes
http://www.ccomptes.fr/

• Le coût de la réforme de 2012

L'impact budgétaire global de la réforme a été revu à la baisse : 6,15 millions d'euros alors que son coût budgétaire avait été estimé en 2012 à 13,43 millions d'euros. Cette réévaluation à la baisse s'explique notamment par le choix d'une partie plus importante que prévue des personnels concernés de rejoindre d'autres administrations 28 ( * ) , ainsi que par une bonne maîtrise des opérations immobilières. Aucun crédit supplémentaire n'ayant été sollicité pour ce faire, la réforme a été imputée sur les moyens du programme.

L'essentiel du coût de la réforme a été supporté lors des exercices 2012 et 2013, même si elle aura un impact budgétaire sur les dépenses de personnels jusqu'à la fin de l'exercice budgétaire de 2016 (0,12 million d'euros pour 2016).

Coût de la réforme de la carte des juridictions financières de 2012

Titre 2

Hors titre 2

Total

2012

1,57

1,47

3,04

2013

0,90

1,77

2,67

2014

0,12

0,00

0,12

2015 (prévision)

0,20

0,00

0,20

2016 (prévision)

0,12

0,00

0,12

Total

2,91

3,24

6,15

Source : services de la Cour des comptes.

• L'impact de la réforme sur les personnels

Les fusions des chambres territoriales des comptes se sont achevées le 31 décembre 2013 avec la fin du reclassement de l'ensemble des 195 personnels concernés (cinquante-et-un magistrats et 144 agents), soit 18 % des effectifs totaux des CRC.

Pour permettre aux personnels concernés un large choix d'affectation, les emplois vacants ont été gelés en 2012 et 2013, ce qui a pu, selon les représentants des présidents des chambres régionales des comptes, entendus par votre rapporteur, poser certaines difficultés de fonctionnement des juridictions.

Effectifs des chambres régionales des comptes avant et après la réforme 29 ( * )

CRC avant regroupements (2011)

/après regroupements (2015)

A+

A

B

C

Total

CRC Aquitaine + CRC Poitou-Charentes

28

17

21

22

88

CRC regroupée Aquitaine, Poitou-Charentes

28

26

18

10

82

CRC Auvergne + CRC Rhône-Alpes

34

28

25

28

115

CRC regroupée Auvergne, Rhône-Alpes

39

37

14

18

108

CRC Bourgogne + CRC Franche-Comté

14

14

12

18

58

CRC regroupée Bourgogne, Franche-Comté

17

14

11

9

51

CRC Centre + CRC Limousin

14

13

16

19

62

CRC regroupée Centre, Limousin

19

18

12

8

57

CRC Champagne-Ardenne + CRC Lorraine

19

13

19

21

72

CRC regroupée Champagne-Ardenne, Lorraine

24

18

9

12

63

CRC Nord-Pas-de-Calais + CRC Picardie

29

17

20

26

92

CRC regroupée Nord-Pas-de-Calais, Picardie

33

25

16

17

91

CRC Basse-Normandie + CRC Haute-Normandie

16

12

13

20

61

CRC regroupée Basse-Normandie, Haute-Normandie

20

19

8

8

55

Total CRC avant regroupements

154

114

126

154

548

Total CRC après regroupements

180

157

88

82

507

Source : commission des lois à partir des données fournies
par les services de la Cour des comptes.

Au final, à la suite de la réforme, les effectifs ont diminué de 41 agents. Ce nombre représente le solde de la création de 69 emplois de catégories A+ et A et de la suppression de 110 emplois de catégories B et C.

Ce mouvement traduit l'ambition affichée de la réforme de revoir la répartition des effectifs entre la fonction de soutien et la fonction de contrôle .

Les métiers des juridictions financières ont évolué avec les années et le développement des nouvelles technologies de l'information et de communication. Avec la dématérialisation des dossiers et des procédures, l'accès aux ressources juridiques par internet, les fonctions de greffiers, documentalistes ou archivistes ont changé.

• Les effets de la réforme

La réforme a donc permis de mutualiser les fonctions « support » des chambres regroupées et de renforcer parallèlement les ressources affectées aux missions de contrôle (magistrats et assistants de vérification).

Si en apparence les sept nouvelles CRC ont connu des baisses d'effectifs, elles ont, en réalité, bénéficié d'un renforcement de leurs moyens en termes de ressources dans les fonctions de contrôle.

À la suite des restructurations, les opérations de contrôle semblent avoir atteint, dans la plupart des juridictions regroupées, un niveau équivalent à celui antérieur à la réforme. Il en est de même du nombre de déplacements effectués.

Déplacements effectués dans le cadre des activités de contrôle

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Prévision 2015

CRC Aquitaine, Poitou-Charentes

92

81

13

19

36

136

351

CRC Auvergne, Rhône-Alpes

159

112

132

170

91

179

380

CRC Basse-Normandie, Haute-Normandie

107

108

138

106

183

482

360

CRC Bourgogne, Franche-Comté

140

119

160

123

215

231

237

CRC Centre, Limousin

72

68

67

54

55

59

86

CRC Champagne-Ardenne, Lorraine

383

318

306

218

34

149

165

CRC Nord-Pas-de-Calais, Picardie

343

310

263

316

335

627

925

Source : services de la Cour des comptes.

Les regroupements ont eu pour effet de permettre aux juridictions financières d'atteindre une taille critique 30 ( * ) et ainsi de :

- rendre possible la constitution d'équipes de contrôleurs suffisamment étoffées pour mener à bien des travaux complexes et divers ;

- permettre aux magistrats d'exercer normalement leurs missions juridictionnelles et de se spécialiser selon des cursus professionnels plus exigeants ;

- mutualiser les compétences et favoriser l'homogénéité des méthodes de contrôle ;

- réaliser des économies d'échelle par la mutualisation des moyens et des fonctions support pour mieux orienter les ressources vers le contrôle.

Cependant, selon les représentants du syndicat des juridictions financières unifié, entendus par votre rapporteur, la réforme territoriale a affaibli la mission de contrôle des chambres, en diminuant leur présence dans les plus petites collectivités. À moins d'avoir connaissance de difficultés particulières, ces petites collectivités (en dessous de 50 000 habitants) ne seraient plus contrôlées.

Enfin, la réforme des juridictions financières a généré des économies. À compter de 2014, l'économie en année pleine et en euros constants est évaluée à 0,95 million d'euros, dont 0,77 million d'euros sur les loyers, 0,15 million d'euros sur les fluides et 0,03 million d'euros sur les services aux bâtiments.

Ainsi, hors titre 2, le coût budgétaire de la réforme, estimé à 3,2 millions d'euros, sera absorbé en trois ans et demi.

• Le deuxième volet de la réforme : la loi du 16 janvier 2015

En application de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, le décret n° 2015-1199 du 30 septembre 2015 modifie les dispositions relatives au siège et au ressort des chambres régionales des comptes, réduisant leur nombre de quinze à treize.

Seront ainsi fusionnées les chambres régionales des comptes Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées en une juridiction unique Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, dont le siège sera situé à Montpellier, et les chambres régionales des comptes d'Alsace et de Champagne-Ardenne-Lorraine, désormais dénommée Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, située à Metz. Les sites de Toulouse, Strasbourg et Épinal seront fermés.

Contrairement à ce qui peut être observé pour d'autres services publics, il a été fait le choix de fermetures « sèches », et de ne pas laisser d'antennes dans les anciennes juridictions, car ces structures de quelques personnes seraient isolées et ne bénéficieraient pas de la dynamique positive des regroupements.

Le coût de cette nouvelle réforme , qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2016, n'a pas été intégré dans le projet de loi de finances pour 2016 . Or, de même que pour la réforme de 2012, des crédits seront nécessaires pour les travaux d'aménagement des sites regroupés, dont le montant pourrait s'établir, selon la Cour des Comptes à un million d'euros et l'accompagnement des personnels (120 personnes environ), dont le coût est estimé à 3,5 millions d'euros.

Le financement de ces opérations devrait être pris en charge par un complément budgétaire apporté aux juridictions financières en cours d'année. Selon les représentants de la Cour des comptes, entendus par votre rapporteur, ce nouveau volet de la réforme devrait être amorti en deux ans environ.

Selon votre rapporteur, par ces regroupements, les chambres régionales des comptes ont atteint une taille optimale . Il ne faudrait pas aller au-delà, sous peine de porter atteinte à la nécessaire proximité qui doit exister entre les chambres régionales des comptes et les entités soumises à leur contrôle .

b) Le développement des formations inter-juridictions (FIJ)

L'article L. 111-9-1 du code des juridictions financières dispose que lorsqu'une enquête ou un contrôle relève à la fois des compétences de la Cour des comptes et de celles d'une ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes ou de celles de deux ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes, ces juridictions peuvent, dans l'exercice de leurs missions non juridictionnelles, constituer des formations communes.

La loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles a rénové les dispositions applicables à ces formations.

Avant cette loi, les formations inter-juridictions avaient pour seule fonction de conduire les travaux et d'adopter la synthèse de ces travaux et les suites à donner à cette synthèse. Chaque juridiction conduisait les travaux qui lui incombaient et délibéraient sur leurs résultats.

Depuis 2011, il revient aux formations elles-mêmes de statuer sur les orientations des travaux, de les conduire et de délibérer sur leurs résultats. Elles en adoptent ensuite la synthèse ainsi que les suites à lui donner.

Les deux types de formations inter-juridictions

En l'absence d'urgence , ou lorsque l'opération à mener nécessite le contrôle organique de collectivités territoriales, la procédure suivie comporte deux étapes. Dans un premier temps, la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) conduisent leurs travaux d'examen selon leurs propres procédures, chacune de leur côté. Elles adressent leurs observations définitives à la formation commune. Dans un second temps, la formation commune rédige un rapport synthétisant ces observations. Ces formations fonctionnent avec un nombre réduit de rapporteurs puisque les travaux d'instruction ont été menés par la Cour et les CRTC.

En cas d'urgence , tous les travaux, y compris ceux d'instruction, sont conduits directement par la formation commune. Dans ce cas, la formation doit être dotée d'un nombre plus important de rapporteurs.

Selon la Cour des Comptes, grâce à cette procédure, les juridictions financières sont en mesure de répondre dans un délai beaucoup plus court aux demandes d'enquête , émanant du Parlement et du Gouvernement, qui concernent à la fois le champ de compétence de la Cour et celui des CRC.

Jusqu'à la loi du 13 décembre 2011, dans ce cas de figure, s'additionnaient les délais propres à chaque CRC, ceux propres à la Cour, puis ceux de la FIJ, ce qui ne permettait pas la réalisation de ces travaux dans des délais raisonnables.

Selon les données fournies par les services de la Cour des comptes, une cinquantaine de formations ont été créées à la date du 1 er septembre 2015. Leur durée de vie est limitée au temps nécessaire à la réalisation des travaux pour lesquels elles ont été constituées, à l'exception de la formation commune « finances publiques locales », qui est permanente.

Les thèmes des enquêtes diligentées par ces formations sont divers : les maternités, les stations de ski dans les Pyrénées, l'accès des jeunes à l'emploi, le haut débit, la départementalisation de Mayotte, la gestion du stationnement urbain...

Les magistrats qui participent à ces formations sont nommés par arrêté du premier président sur proposition des présidents des chambres auxquelles ils appartiennent. Ils continuent à exercer, en parallèle, les missions de contrôle engagées pour le compte de leur juridiction d'appartenance.

Selon les représentants de l'association des présidents de chambres régionales des comptes, entendus par votre rapporteur, ces structures sont très efficaces et présentent l'avantage de porter u n regard transversal , là où les chambres régionales et territoriales des comptes ne peuvent avoir qu'une vision géographiquement limitée par leur ressort.

Cependant, ils ont également appelé à la prudence dans l'utilisation de cet outil . En effet, depuis la restructuration de la carte des juridictions, et compte tenu du contexte budgétaire contraint, les effectifs des juridictions ont été calculés au plus juste des besoins des différentes juridictions, au regard de leur programme de contrôle.

Comme l'ont souligné les représentants du syndicat des juridictions financières unifié, lors de leur audition par votre rapporteur, il ne faudrait pas que les travaux inter-juridictions, en particulier des formations constituées en cas d'urgence ( cf. encadré supra ), se développent au détriment des missions de contrôle organique des CRC.

Le principe doit demeurer celui de chambres régionales et territoriales des comptes, juridictions autonomes, qui assurent librement la programmation et la conduite de leurs travaux.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la justice administrative et à la justice financière.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cour des comptes

M. Jérôme Filippini , secrétaire général

M. Xavier Lefort , secrétaire général adjoint

Conseil d'État

Mme Natacha Chicot , secrétaire général adjoint

M. Philippe Caillol, secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile

M. Jean-Noël Bruschini , directeur de la prospective et des finances

Syndicat de la juridiction administrative

Mme Fabienne Corneloup , présidente

M. Thomas Breton , délégué de section au tribunal administratif de Montreuil

Syndicat des juridictions financières unifié

M. Vincent Sivré , président

Mme Marie-Christine Tizon , membre et présidente de section à la chambre régionale des comptes d'Île-de-France

Contribution écrite

Union syndicale des magistrats administratifs


* 1 Le compte rendu de la réunion de commission est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html .

* 2 Les crédits attribués au programme 126 « Conseil économique, social et environnemental » constituent 6 % du total des crédits du programme et les crédits du programme 340 « Haut conseil des finances publiques » 0,1 %.

* 3 Cf. objet de l'amendement de seconde délibération n° II-6 déposé par le Gouvernement.

* 4 7,3 % hors contentieux électoral.

* 5 En 2014, le Conseil d'État a eu à connaitre en premier et dernier ressort d'un contentieux inédit sous la V e République, le contentieux du découpage des circonscriptions cantonales. 2 626 affaires ont été enregistrées à ce titre. 7 318 affaires ont également été enregistrées au titre du contentieux des élections devant les tribunaux administratifs et 445 affaires devant le Conseil d'État.

* 6 Les données nettes excluent les affaires dites de « série », c'est-à-dire celles qui présentent à juger en droit, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification des faits, une question qui a déjà fait l'objet d'une décision juridictionnelle.

* 7 Renommé « projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration » en première lecture au Sénat.

* 8 Ratio : affaires traitées / affaires enregistrées.

* 9 L'indicateur « délai moyen de l'instance pour les affaires en cassation devant le Conseil d'État » a également été supprimé pour les mêmes raisons.

* 10 Ces chiffres sont tirés du rapport public 2015 du Conseil d'État.

* 11 L'ordonnance n° 2004-637 du 1 er juillet 2004 relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre ; le décret n° 2005-1253 du 4 octobre 2005 relatif à la composition et au fonctionnement de la commission régionale d'agrément des centres de gestion agréés et modifiant les articles 371 G à 371 K et 371 U de l'annexe II au code général des impôts ; l'ordonnance n° 2005-1528 du 8 décembre 2005 relative à la création du régime social des indépendants et le décret d'application n° 2006-83 du 27 janvier 2006 ; le décret n° 2006-665 du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives.

* 12 En application de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

* 13 Cf. Décret n° 2012-608 du 30 avril 2012 relatif aux diplômes dans le secteur funéraire et décret n° 2013-1194 du 19 décembre 2013 relatif à la formation dans le secteur funéraire.

* 14 Cf. Décret n° 2013-993 du 7 novembre 2013 fixant les modalités de mise en place et de fonctionnement des commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels et des commissions départementales des impôts directs locaux.

* 15 Ce texte a été adopté en première lecture au Sénat le 5 novembre 2015 après que son intitulé a été modifié : projet de loi relatif à l'action de groupe et à l'organisation judiciaire.

* 16 Le décret n° 2013-730 du 13 août 2013 modifiant le code de justice administrative a révisé la liste des contentieux relevant de la compétence d'un magistrat statuant seul, fixée par l'article R. 222-13 du code de justice administrative. Cette réforme s'applique aux requêtes enregistrées depuis le 1 er janvier 2014.

* 17 La possibilité conférée aux présidents des sous-sections du Conseil d'État de régler par ordonnance, sans instruction contradictoire et sans audience, des affaires appelant une solution évidente et simple est prévue à l'article R. 122-12 du code de justice administrative. La même possibilité est dévolue aux présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, en cours d'examen, prévoit de répartir le pouvoir de prendre des ordonnances au sein du conseil d'état entre les dix présidents de sous-section et les vingt assesseurs.

* 18 C'est-à-dire les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi.

* 19 Renommé « projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration » en première lecture au Sénat.

* 20 Par la suppression par exemple de l'appel pour certains contentieux comme les contentieux sociaux et le contentieux du permis de conduire.

* 21 Le décret n° 2012-255 du 23 février 2012 relatif au siège et au ressort des chambres régionales des comptes (CRC) a fixé le siège et le ressort des vingt CRC, en application de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles. Quatorze ont leur siège en métropole, cinq en outre-mer et une en Corse.

* 22 En application de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

* 23 Un tiers des magistrats de la Cour des comptes exerce hors de celle-ci.

* 24 Le second alinéa de l'article 47-2 dispose que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

* 25 Les critères d'intervention des juridictions financières et des commissaires aux comptes doivent être définis par la loi, sous peine de censure par le Conseil constitutionnel. Cf. Conseil constitutionnel, décision n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009 « Loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ».

* 26 Auxquelles il faut ajouter cinq chambres territoriales des comptes situées outre-mer.

* 27 Le décret n° 2012-255 du 23 février 2012 relatif au siège et au ressort des chambres régionales des comptes a fixé le siège et le ressort des 20 CRTC : 14 en métropole (Arras, Bordeaux, Dijon, Épinal, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Noisiel, Orléans, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse ), 5 en outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion et Mayotte) et une en Corse (Bastia).

* 28 Quarante-trois des cinquante-et-un magistrats concernés, soit 84 %, sont restés en fonction dans les juridictions financières, contre cinquante deux sur 144 agents, soit 36 % des personnels administratifs concernés par les regroupements.

* 29 Hors présidents et vice-présidents.

* 30 Les choix de regroupements ont été justifiés par plusieurs critères : un nombre minimum de magistrats (quinze, sauf cas particuliers et outre-mer), un ressort géographique homogène et cohérent, la limitation du temps de déplacement supplémentaire pour le contrôle de l'ensemble des collectivités et organismes des nouveaux ressorts, un accueil optimal des personnels regroupés (en termes immobiliers, de transports...) et une limitation de l'impact social de la réorganisation.

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