III. LA DGAC POURSUIT SA POLITIQUE CONTRACYCLIQUE DE DÉSENDETTEMENT
Les tensions sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA) diminuent avec la reprise du trafic aérien depuis fin 2013. Pour autant, des incertitudes économiques demeurent, notamment en Europe, dans un contexte où la mise en place du Ciel unique entraîne des bouleversements structurels.
A. LES EXERCICES PRÉCÉDENTS TÉMOIGNENT D'UN DOUBLE OBJECTIF DE DÉSENDETTEMENT ET DE RELANCE DES INVESTISSEMENTS
1. L'exercice 2014 se caractérise par un effort d'investissement
Malgré un exercice 2013 marqué par un redressement du trafic sur les six derniers mois de l'année, et ce après un exercice 2012 fortement impacté par la crise économique, l'exercice 2014 est resté empreint d' une exécution prudentielle face à un environnement économique encore incertain.
Afin de limiter les risques de pertes de recettes pouvant influer sur l'équilibre financier du BACEA, une forte régulation budgétaire a été imposée dès le début d'exercice avec la mise en place d'une réserve de précaution à hauteur de 30 millions d'euros (M€).
Cependant, les recettes nettes réalisées (hors amortissements et reprise du résultat d'exploitation) en 2014 s'élèvent à 2 167,5 M€ : elles sont supérieures de 12 M€ aux prévisions de la loi de finances initiale (LFI).
Du côté des dépenses , la consommation nette (hors dotation aux amortissements, fonds de concours et attributions de produits) s'est élevée à 2 109,7 M€ en crédits de paiement (CP) pour une prévision LFI de 2 155,1 M€. Cette sous-exécution de 45,4 M€ s'explique notamment par le niveau important de la réserve de précaution et son dégel tardif.
Une analyse plus détaillée par programme et par titre fait apparaître :
- une sous-consommation des crédits de personnel (titre 2) à hauteur de -19,4 M€ (1 119,3 M€ d'exécution pour une prévision LFI de 1 138,8 M€). Cette sous-exécution s'explique principalement par le report de l'entrée en vigueur de certaines mesures liées aux protocoles sociaux actuel et antérieurs ainsi qu'à une réévaluation favorable des versements au compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions ;
- une sur-exécution des dépenses de fonctionnement (+67,7 M€) par rapport aux crédits ouverts, notamment sur le programme 612 « Navigation aérienne », compensée par la sous-consommation de crédits d'investissement (titre 5) à hauteur de -77,8 M€.
Ce dernier point s'explique par plusieurs mécanismes. Premièrement, la plupart des grands projets d'investissement portés par le programme 612 induisent une part nécessaire de dépenses de fonctionnement (comme c'est le cas en matière d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour le projet 4FLIGHT par exemple). Deuxièmement, une part du déport de la dépense d'investissement est consécutive aux mesures de régulation en gestion. Enfin, une partie des dépenses de fonctionnement correspondent à un glissement de dépenses d'investissement que la norme comptable ne permet pas d'imputer directement en titre 5 : en effet, le référentiel comptable appliqué au BACEA conduit à imputer les investissements inférieurs à 10 000 euros sur du titre 3. Une demande de dérogation en ce sens a été formulée en 2014 par la DGAC dans le cadre d'un groupe de travail constitué avec la direction générale des finances publiques (DGFIP).
Au final, l'exercice 2014 s'est conclu par une a ugmentation de trafic de +2,9 % par rapport à 2013 et par un rattrapage du niveau global des recettes de la DGAC (du fait de l'amélioration de la part des survols de +5,3 % par rapport à 2013 et de la tarification spécifique du trafic international). Dès lors, une partie de la contrainte budgétaire a pu être levée : la réserve de précaution restante à fin 2014 s'élevait à 0,7 M€ en AE et 3,5 M€ en CP). Ainsi, les mesures conjuguées de régulation et la bonne tenue économique du secteur aérien se sont traduites in fine, pour le budget annexe, par un résultat d'exploitation en excédent de 23 M€ , soit un écart positif de 11,8 M€ par rapport à 2013.
2. L'exercice 2015 est placé sous le signe du désendettement
À l'heure actuelle, les prévisions d'exécution sont en ligne avec les crédits ouverts pour l'exercice 2015 qui prévoient notamment :
- une réduction de 2 % des dépenses de fonctionnement , soit une économie de près de 10 M€, en application de la norme d'économie décidée par le Gouvernement ;
- des efforts de maîtrise de la masse salariale par des mesures de réduction des effectifs (suppression de 100 ETP au BACEA et de 17 ETP pour l'ENAC) ;
- une reconduction de l'enveloppe d'investissements , qui s'établit à 274,5 M€ en AE et à 257,5 M€ en CP.
LA MODERNISATION DES SYSTÈMES DE NAVIGATION AÉRIENNE L'investissement dans un nouveau système complet de gestion du trafic aérien constitue un impératif pour permettre à la France de faire face à la croissance du trafic d'ici 2020 et assurer la convergence technologique rendue nécessaire par la construction de l'Europe du contrôle aérien . Cette étape est d'autant plus cruciale que le maintien en condition opérationnelle des systèmes actuellement en service engendre des coûts non négligeables et augmente également les dépenses d'exploitation (environ 35 % du programme technique soit 90 M€ annuels). Quatre programmes majeurs impactent le budget d'investissement de la DGAC pour les années à venir : |
- « SESAR » (Single European Sky ATM Research) : ce programme lancé par la Commission Européenne et Eurocontrol, constitue le volet technologique du Ciel unique européen . Pour la première fois, il implique l'ensemble des acteurs du monde aéronautique. Ce programme a pour objectif de développer pour les trente prochaines années une nouvelle génération du système de gestion du trafic aérien européen sûre et performante, moins coûteuse et respectant les conditions d'un développement durable. Ce projet comprend trois phases : une phase de définition (2006-2008), une phase de développement (2008-2013), et une phase de déploiement (à compter de 2014). La DSNA participe activement à ce programme qui constitue un enjeu majeur : il s'agit du cadre européen où seront développés et validés les futurs concepts opérationnels et techniques pour la navigation aérienne et qui permettra de synchroniser les mises en service opérationnelles de systèmes techniques ou de procédures ; - « 4FLIGHT » : il s'agit du renouvellement national du système informatique de gestion du trafic aérien des centres de contrôle en route et des deux grandes approches de la région Parisienne d'ici 2020. Ce programme est la première étape de la mise en oeuvre par la France du programme européen SESAR (Phase SESAR IP1). Le programme 4FLIGHT prend en compte COFLIGHT, système pour le traitement des plans de vol, développé en coopération avec les prestataires de services de navigation aérienne italien (ENAV) et suisse (Skyguide). Pour la DSNA, cette première étape consistera à migrer vers un environnement de travail « tout électronique » pour les contrôleurs aériens, intégrant les outils d'aide à la détection et à la résolution des conflits (projet ERATO). Le projet 4FLIGHT représente à lui seul un budget total de 548 M€ d'investissements ; - « Communications sol-sol sous IP » (CssIP) : le renouvellement des réseaux de communications sol-sol a été lancé en 2005 afin de préparer la migration des télécommunications sous Internet Protocol (IP). Il représente au total un budget de 82 M€ d'investissements . Ce projet qui devrait aboutir prochainement, a pris du retard compte tenu des évolutions des contraintes de sécurité des systèmes informatiques qu'il convient d'appliquer à tous les systèmes opérationnels. En conséquence France Telecom s'est engagé à maintenir opérationnelles les liaisons spécialisées de télécommunications au-delà de l'échéance initiale ; - « Nouveaux systèmes spécifiques tours et approches » : le programme SYSAT a été créé pour définir et mettre en oeuvre une stratégie de modernisation des systèmes propres aux approches et tours de contrôle , en lien avec la stratégie nationale de réorganisation des espaces inférieurs, tout en pérennisant les systèmes actuels avant leur modernisation. Il permettra de moderniser les tours et les approches qui ne bénéficieront pas du système 4FLIGHT. Il représente un budget total de l'ordre de 90 M€ d'investissement et sa mise en oeuvre opérationnelle pour l'ensemble des approches et des tours concernées est prévue d'ici 2021. |
Le niveau global des recettes devrait également être conforme à la LFI (soit 1 983,1 M€), qui prévoyait une progression dynamique des recettes d'exploitation grâce à une hausse assumée des redevances de navigation aérienne (+5,9 % par rapport à la LFI 2014 soit +87,2 M€) pour atteindre 1 564 M€. Le produit de de la taxe d'aviation civile (TAC) est également en progression de 4,8 % par rapport à 2014 et s'élève à 373,7 M€. Enfin, les autres recettes (redevances de contrôle et de certification, redevances de l'autorité de surveillance, redevances outre-mer, etc.) sont en léger recul et représentent 45,1 M€.
Au final, la bonne exécution des recettes et la maîtrise des dépenses devrait permettre, en 2015, une amélioration financière et un accroissement de la capacité d'autofinancement du BACEA : le recours à l'emprunt devrait être réduit (167,9 M€ en LFI 2015 contre 267,2 M€ en 2014) confirmant la diminution de l'en-cours de dette de 57,3 M€ en 2015 .
3. La conflictualité reste maîtrisée par un dialogue social soutenu
Les mouvements sociaux affectant la DGAC sont de trois types : grèves générales de la fonction publique, mouvements spécifiques portés par des organisations syndicales pour l'ensemble de la DGAC, grèves locales affectant un nombre restreint de sites. L'impact sur le trafic aérien dépend directement du taux de participation des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA). Du point de vue des seules recettes de navigation aérienne (donc sans compter les pertes pour les compagnies aériennes), on estime qu'une journée sans contrôle aérien coûte entre 3 millions d'euros et 4,5 millions d'euros.
La DGAC a connu un apaisement relatif des tensions internes , provenant notamment des contrôleurs aériens, par des mesures progressives depuis les années 1980. En particulier, le dialogue social est organisé depuis 1988 autour de la signature de protocoles d'accord triennaux entre le ministre chargé des transports et les organisations syndicales représentatives des personnels. Cette démarche permet d'évaluer les mesures sociales accordées en contrepartie des efforts consentis par les personnels, et de donner une visibilité pluriannuelle à la DGAC. La Cour des Comptes 10 ( * ) a cependant dénoncé une « politique d'action sociale (...) très généreuse dont le coût se révèle supérieur aux crédits votés et affectés par le Parlement » , en raison notamment de la multiplicité et de l'opacité des structures associatives subventionnées par la DGAC.
Au final, en 2014, la DGAC a connu 5 grèves « fonction publique » et 11 grèves locales , qui ont mobilisé 1 831 grévistes au total. Ce sont les 6 jours de grève liés au sujet du Ciel unique qui ont mobilisé le plus fortement les agents de la DGAC , et en particulier les contrôleurs aériens, entraînant des perturbations sur le trafic aérien.
Au premier semestre 2015, la DGAC a été affectée par six mouvements de grève :
- un mouvement « fonction publique » d'une journée ;
- trois mouvements d'une durée cumulée de 13 jours sur des problématiques relatives aux ingénieurs électroniciens (IESSA), à la filière technique (recrutement, attractivité des postes, etc.) et sur l'abandon des recommandations de l'audit du CGEDD sur le service technique de Roissy ;
- deux mouvements d'une durée cumulée de 3 jours liés à des revendications spécifiques DGAC portées par des organisations syndicales nationales, contre les conditions d'application des règlements européens (notamment le règlement UE 2015/340 du 20 février 2015 11 ( * ) ), les modalités de suivi et d'accompagnement du glissement de 57 à 59 ans de la limite d'âge des contrôleurs aériens et l'ouverture de négociations protocolaires. Seules ces trois dernières journées (1 508 grévistes) ont entraîné des perturbations du trafic aérien.
Les années 2014 et 2015 se caractérisent également par la mise en oeuvre des mesures du 9 ème protocole social , dont l'application est décalée dans le temps : en raison de délais dans la signature du protocole 2013-2015, aucune mesure programmée pour 2013 n'avait pu être exécutée cette année-là.
LE PROTOCOLE 2013-2015 : UN PROTOCOLE PORTEUR DE RÉFORMES STRUCTURELLES L'accord social 2013-2015, conclu entre le Gouvernement et trois organisations syndicales confédérées (CGT, FO et CFDT) comporte des axes majeurs de réformes structurelles : fermeture de bureaux régionaux d'information aéronautique (BRIA) ; transformation des tours de contrôle en services d'information en vol (AFIS) ; suppression des délégations territoriales de la direction de la sécurité de l'aviation civile ; mutualisation de services opérationnels de contrôle aérien ; modernisation des fonctions support adossées à des systèmes d'information reposant sur des technologies matures. Le coût total de ce 9 ème protocole, dont les mesures sont mises en paiement de 2014 à 2016, s'élève à 27 M€ . L'enveloppe catégorielle s'élève à 13,6 M€ en 2014 et 10,3 M€ en 2015. Le financement de ces mesures sera assuré, en grande partie, par les économies des schémas d'emplois des années précédentes. |
Au final, si votre rapporteure salue les efforts de maîtrise de la masse salariale, elle espère qu'ils ne seront pas neutralisés par l'octroi de nouvelles mesures catégorielles dans le cadre de la négociation du prochain protocole social.
* 10 La direction générale de l'aviation civile : une action sociale généreuse et coûteuse - Rapport public annuel de la Cour des Comptes, février 2013 (Tome I, volume 2, chapitre I)
* 11 Règlement (UE) n° 2015/340 de la Commission du 20 février 2015 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux licences et certificats de contrôleur de la circulation aérienne conformément au règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil, modifiant le règlement d'exécution (UE) n° 923/2012 de la Commission et abrogeant le règlement (UE) n° 805/2011 de la Commission.