N° 169
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2016 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME III
ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES :
TRANSPORTS AÉRIENS
Par Mme Nicole BONNEFOY,
Sénatrice.
(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; Mme Natacha Bouchart, MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Cyril Pellevat, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602
Sénat : 163 , 164 à 168 et 170 (2015-2016)
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Rares sont les secteurs qui connaissent d'aussi solides perspectives de croissance au niveau mondial que l'aérien. Les prévisions de trafic sont toujours favorables, tirées par les besoins de mobilité d'une population sans cesse plus nombreuse. La France possède des atouts incomparables pour capter cette croissance, grâce à son « triple A » : un grand constructeur d'avions, une grande compagnie nationale et le plus grand groupe aéroportuaire du monde.
Le revers de la médaille est que ce secteur suscite énormément de convoitises, au risque de faire parfois fi des règles de base de la concurrence. Au coeur du problème se situent les différences entres les cadres règlementaires européens et ceux des pays tiers, qui minent la compétitivité de nos compagnies, de nos aéroports et de notre industrie. Il n'est un secret pour personne que certaines cités-États du Moyen-Orient subventionnent massivement ce secteur afin d'attirer les flux de trafic.
Dans ce contexte, le pavillon français souffre, et les tensions chez Air France sont révélatrices des difficultés rencontrées. En parallèle, les hubs européens voient leur position menacée par les plateformes de Turquie et du Moyen-Orient, qui jouissent d'une position stratégique. Quant à notre industrie aéronautique, elle continue d'enregistrer des succès, mais la pression concurrentielle est de plus en plus forte pour Airbus : les pays émergents sont sur le point de faire leur entrée par le bas de la gamme, tandis que les Américains soutiennent massivement leur constructeur Boeing .
Derrière les enjeux économiques, on mesure donc toute l'importance des ambitions étatiques et des rapports de force géopolitiques. C'est désormais au niveau européen qu'il faut une réaction forte : face à l'agressivité de nos concurrents, il n'est plus possible de se contenter d'une politique limitée au seul contrôle aérien dans le cadre du Ciel Unique. L'Europe doit parler d'une seule voix pour soutenir la compétitivité de nos compagnies, renforcer l'attractivité de nos hubs et défendre notre industrie aéronautique.
C'est à l'aune de ces considérations que je vous propose d'analyser les crédits consacrés aux transports aériens dans le projet de loi de finances pour 2016. Ils figurent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) qui regroupe les crédits de la navigation aérienne et des opérations de contrôle et de sécurité, ainsi qu'au programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dans les actions 11 et 14 relatives aux infrastructures de transport et au soutien des lignes pour l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne le budget de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), on observe pour la première fois une diminution des dépenses de personnel et le désendettement se confirme. Du côté de l'aménagement aéroportuaire, l'actualité porte essentiellement sur les privatisations engagées et la reprise des travaux à Notre-Dame-des-Landes.
Dans un contexte d'assainissement des finances publiques, les crédits relatifs au transport aérien apparaissent cependant relativement préservés. Pour cette raison, et notamment au regard de l'évolution favorable du budget annexe, votre rapporteure pour avis a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Réunie le 18 novembre 2015, et à l'issue d'un large débat, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l'adoption du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des crédits relatifs aux transports aériens de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour 2016.
I. UNE ÉVOLUTION TOUJOURS FAVORABLE DE LA CONJONCTURE DU TRANSPORT AÉRIEN
A. LA HAUSSE TENDANCIELLE DU TRAFIC SE PROLONGE EN 2014
En 2014, le trafic mondial a atteint 6 145 milliards de passagers kilomètres transportés (PKT) , contre 3 038 milliards en 2000, soit un doublement en quinze ans , et un taux de croissance annuel moyen supérieur à 5 %. Cette moyenne recouvre des évolutions très différentes selon les périodes : la stagnation observée en 2001-2003 est consécutive aux attentats du 11 septembre 2001, à la guerre en Irak et à l'épidémie de SRAS ; le trafic a ensuite fortement repris jusqu'en 2008 puis a marqué une pause tout au long de l'année 2009 en raison de la crise économique, avant de repartir à la hausse depuis 2010.
Lorsque l'on raisonne par zones géographiques , on constate également des évolutions divergentes. La croissance du trafic profite surtout aux compagnies des pays émergents , notamment au Moyen-Orient (+12,9 % par an depuis 2000) et en Asie (+9,3 % par an). On observe une évolution beaucoup plus faible en Amérique du Nord (+1,3 % par an), où le marché est depuis longtemps plus mature que dans les autres régions du monde. En Europe, le trafic aérien croît légèrement plus que la moyenne mondiale (+6,1 % par an), en dépit du développement des réseaux ferrés à grande vitesse en France, Allemagne, Espagne et Italie, qui pèse sur le dynamisme du trafic intérieur.
Quant au trafic aérien en France métropolitaine, il a connu une croissance annuelle moyenne de 2,6 % entre 2000 et 2014 . Cette croissance est uniquement due au trafic international (+4,2 % en 2014) qui regroupe 80 % des passagers en France, puisque le trafic intérieur a connu une forte baisse depuis son apogée de 2000 (26,9 millions de passagers) jusqu'au niveau de 2010 (21,7 millions), en raison de la mise en service du TGV Méditerranée en 2001 et du TGV Est en 2007. Le trafic intérieur s'est cependant redressé en 2011 et 2012 grâce au développement des lignes transversales favorisé par les compagnies à bas coûts (26 % de parts de marché en métropole), mais il a diminué de 2,3 % en 2014 en raison de la grève d'Air France au mois de septembre.
Au total, le transport aérien français enregistre en 2014 une meilleure performance que prévue , avec une hausse de 2,9 % du nombre de passagers transportés (140,3 millions). Cette bonne nouvelle est due à la légère baisse du prix du transport aérien (-0,2 %) portée par un contexte économique favorable au niveau mondial.
En revanche, le nombre de mouvements d'avions continue de diminuer (-0,9 % par rapport à 2013), ce qui s'explique par l'augmentation de la taille des appareils utilisés et, surtout, un meilleur taux de remplissage sur certaines lignes (ce taux est de 80% en moyenne au niveau mondial). Les compagnies aériennes ajustent leurs programmes de vol avec une meilleure réactivité, pour s'adapter au marché et capter de nouveaux clients.
TRAFIC DE LA MÉTROPOLE EN 2014 (EN MILLIONS DE PASSAGERS)
2014 |
Évolution / 2013 |
|
Intérieur Métropole |
23,8 |
-2,3 % |
Métropole-DOM/COM |
3,8 |
-0,5 % |
International |
112,7 |
+4,2 % |
dont UE |
63,7 |
+5,3 % |
Total |
140,3 |
+2,9 % |
Source : DGAC