D. PLACER LA QUATRIÈME GÉNÉRATION DU FEU SUR UN PIED D'ÉGALITÉ AVEC CELLES QUI L'ONT PRÉCÉDÉE
Bien que les armées françaises soient engagées dans des opérations extérieures , au sens qu'on leur donne aujourd'hui, c'est-à-dire celui d'interventions militaires en dehors du territoire national à l'initiative du Gouvernement ou dans le cadre des obligations et engagements internationaux de la France (accords bilatéraux, Onu, Otan, etc.) depuis 1947 20 ( * ) , ce n'est que depuis la loi du 4 janvier 1993 21 ( * ) que les soldats ayant participé à au moins l'une d'entre elles se sont vu reconnaître la qualité de combattant et ouvrir la possibilité de recevoir la carte du combattant . Dès lors qu'ils avaient été engagés dans l'une des opérations dont la liste est fixée par voie réglementaire 22 ( * ) , la carte pouvait leur être délivrée s'ils avaient :
- appartenu durant trois mois à une unité combattante ;
- appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence , neuf actions de feu ou de combat ;
- pris part à cinq actions de feu ou de combat ;
- été blessés ou faits prisonniers.
Le service historique de la défense (SHD), après examen des journaux de marches et opérations (JMO) des unités, était le seul à même de déterminer si un ancien combattant remplissait l'une des trois premières conditions alternatives.
Toutefois, au vu des différences de nature entre les conflits de la première partie du vingtième siècle, pour lesquels ont été élaborés ces critères, et les Opex, qui dans les faits restreignait grandement la possibilité pour cette nouvelle génération d'anciens combattants de bénéficier de la carte du combattant et conduisait à une procédure très longue d'instruction des demandes , un premier assouplissement a été décidé par le décret du 12 novembre 2010 23 ( * ) , qui dispose que les « actions qui se sont déroulées en situation de danger caractérisé » font partie des actions de feu ou de combat retenues pour accorder la carte du combattant. Un arrêté du 10 décembre 2010 24 ( * ) est venu préciser les types d'actions de feu ou de combat régulièrement rencontrées en Opex , par exemple dans le cadre du maintien de la paix : rétablissement de l'ordre, contrôle de foule, sécurisation des personnes, des biens et des sites ou encore, pour la marine, arraisonnement ou actions de vive force dans le cadre de la lutte contre la piraterie, le brigandage et le terrorisme en mer.
Sur la base de ces règles, 98 753 cartes du combattant avaient été délivrées au titre des Opex au 1 er juillet 2015, dont 57 313 ( 58 % ) depuis 2010 et 10 397 pour le seul premier semestre 2015. Sur les cinq dernières années, le principal contingent est constitué par les militaires ayant participé aux opérations en Afghanistan ( 22 227 ), suivis par l'ex-Yougoslavie ( 18 701 ) et le Tchad ( 4 137 ).
Toutefois, afin de garantir une pleine égalité des droits entre toutes les générations du feu , la loi de finances pour 2015 25 ( * ) a aligné , à compter du 1 er octobre 2015, les critères d'attribution de la carte du combattant applicables aux anciens des Opex sur ceux en vigueur pour les soldats ayant participé à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc. Désormais, tout soldat ayant servi au moins quatre mois sur un théâtre d'opération extérieur pourra recevoir la carte du combattant . Cette mesure, initialement proposée par notre ancien collègue Marcel-Pierre Cléach mais rejetée 26 ( * ) en 2013 par la majorité sénatoriale d'alors, pourraient concerner environ 150 000 bénéficiaires potentiels .
Selon les projections réalisées par l'Onac, celui-ci devrait délivrer à ce titre 20 000 cartes en 2016, 50 000 en 2016 tout comme en 2017 puis enfin 20 000 en 2018, afin de lisser dans le temps ce surcroît de travail annoncé. Le nombre de titulaires de la carte du combattant en raison de leur participation à une Opex devrait donc être multiplié par 2,5 au cours des trois prochaines années.
Le coût budgétaire de cette réforme devrait pourtant rester très limité et être compensé par le déclin démographique des deuxième et troisième générations du feu. Pour l'Etat, les principales dépenses en faveur des titulaires de la carte du combattant sont la retraite du combattant , versée à partir de 65 ans, ainsi que la demi-part fiscale accordée à 75 ans. Or en 2013 l'âge moyen des anciens des Opex ayant reçu la carte du combattant était de 33 ans . Sur un total de plus de 62 000 cartes Opex délivrées avant la fin de l'année 2014, seuls 583 étaient détenues par des personnes nées en 1950, 556 par des personnes nées en 1951, 598 par des personnes nées en 1952 et 590 par des personnes nées en 1953. D'ici à 2018, une part très faible, de l'ordre de 1 % de ses titulaires actuels, devrait donc être éligible à la retraite du combattant.
Les nouveaux entrants dans le dispositif ne devraient pas faire grandement varier ce total. Ainsi, en 2014, seulement 288 des 17 899 cartes Opex délivrées (1,6 %) l'ont été à des anciens combattants d'au moins 65 ans . En tenant compte de l'assouplissement des conditions de délivrance de la carte du combattant entré en vigueur le 1 er octobre dernier, ce sont, selon les estimations de l'Onac, 1 380 retraites du combattant qui devraient être versées pour la première fois à des anciens des Opex en 2015, 2 010 en 2016, 2 510 en 2017 et 2 680 en 2018. A partir de cette dernière date, elles constitueront presque la moitié ( 48,9 % ) des nouvelles attributions de la retraite du combattant.
Il existe toutefois encore une différence entre les régimes juridiques applicables aux conflits d'Afrique du Nord et aux Opex en matière d'attribution de la carte du combattant. Si la durée de présence sur place est désormais identique, il est nécessaire , dans le second cas, qu'un acte réglementaire détermine les opérations éligibles . Il s'agit de l'arrêté du 12 janvier 1994 précité. Pour éviter des inégalités de traitement , il convient que, lorsque plusieurs opérations se sont déroulées simultanément sur un même territoire , elles y figurent toutes. De même, ainsi que l'a fait remarquer l'Onac à votre rapporteur pour avis, quelques difficultés risquent d'apparaître concernant la marine, afin d'obtenir une mesure précise de la présence de ses bâtiments dans les zones d'opération.
Sur ce point, il appartient au Gouvernement d'être plus réactif . C'est en effet un arrêté du 1 er avril 2015 27 ( * ) qui, le dernier, est venu compléter l'arrêté du 12 janvier 1994. Il a prolongé de deux ans la période prise en compte pour les opérations en Afghanistan, Côte d'Ivoire, Haïti, Liberia, République du Congo ainsi que pour les opérations Atalanta de lutte contre la piraterie dans la corne de l'Afrique et Boali en République centrafricaine. Première modification du texte de référence depuis octobre 2013 28 ( * ) , ce n'est que plus d'un an et demi , deux ans et 16 mois après leur déclenchement qu'il a ouvert le droit à la carte du combattant, respectivement, aux militaires ayant participé aux opérations Tamour en Jordanie, Serval au Mali et dans les Etats voisins et Sangaris en République centrafricaine, au Cameroun et au Tchad, et ce alors que les deux premières d'entre elles étaient déjà achevées. Alors que l'opération Chammal contre l'organisation « Etat islamique » en Irak a été lancée en septembre 2014, puis étendue à des cibles situées en Syrie en septembre 2015 et enfin renforcée à la suite des attentats qui ont touché Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015, votre rapporteur pour avis sera très attentif à ce qu'elle soit elle aussi, dans les meilleurs délais, inscrite à l'arrêté de 1994 et qu'elle ouvre droit à la carte du combattant.
* 20 Date la plus ancienne retenue pour une opération (Madagascar) par l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
* 21 Loi n° 93-7 du 4 janvier 1993 relative aux conditions d'attribution de la carte du combattant.
* 22 Par l'arrêté du 12 janvier 1994 précité ; NOR : ACVP9320062A.
* 23 Décret n° 2010-1377 du 12 novembre 2010 relatif aux modalités d'attribution de la carte du combattant.
* 24 Arrêté n° 80066/DEF/DAJ/D2P/EGL fixant la liste des actions de feu ou de combat définies à l'article R. 224 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; NOR : DEFD105806A.
* 25 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, art. 87.
* 26 Proposition de loi n° 669 (2011-2012) de M. Marcel-Pierre Cléach et plusieurs de ses collègues visant à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l'armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1 er juillet 1964 ou en opérations extérieures, art. 2, rejetée par le Sénat le 19 novembre 2013.
* 27 Arrêté du 1 er avril 2015 modifiant l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; NOR : DEFH1506819A.
* 28 Et l'arrêté du 30 octobre 2013 modifiant l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; NOR : ANCM1326411A.