III. LES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN MATIÈRE DE SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE
Les collectivités territoriales ont été à l'origine du développement des politiques sportives en France au début du XX e siècle et elles n'ont cessé depuis de développer leurs actions en ce domaine en mobilisant des moyens importants, tant humains que financiers. Les interventions des collectivités bénéficient par ailleurs du soutien de l'État au travers de structures, comme le Centre national de développement du sport (CNDS), qui financent les projets d'équipements locaux.
La gouvernance complexe des politiques sportives favorise les partenariats et l'effet de levier des subventions nationales mais ne permet pas une grande lisibilité. Les inégalités en termes d'équipements demeurent par ailleurs importantes ce qui marque une limite aux politiques menées depuis longtemps en vue de rééquilibrer les équipements. Une démarche de clarification du rôle des différents acteurs pourrait donc être utile afin, en particulier, de préserver les moyens des collectivités pour favoriser le sport pour tous mais aussi de les prémunir face à des engagements insuffisamment maîtrisés en faveur du sport professionnel.
Les départements, spécialistes de l'action sociale de proximité, soutiennent activement les associations intervenant auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture. Les secteurs du sport, de la jeunesse et de l'éducation populaire ont traditionnellement été caractérisés par l'importance des financements croisés provenant des différents niveaux de collectivités territoriales qui disposent d'une compétence partagée dans ces domaines.
A. UNE COMPÉTENCE SPORTIVE QUI S'EST DÉVELOPPÉE AVEC LES LOIS DE DÉCENTRALISATION
1. L'implication différenciée des collectivités territoriales dans les politiques sportives
a) Une implication ancienne des communes dans le sport
Les communes ont été les premières à engager des politiques sportives afin d'accompagner l'émergence de l'éducation physique comme composante à part entière de l'enseignement obligatoire sous la IIIème République. La loi George du 27 janvier 1880 prévoit ainsi que la gymnastique est obligatoire dans tous les établissements d'instruction publique de garçons. La même année, par la circulaire du 20 mai, Camille Sée étend l'obligation à tous les types d'enseignement, primaire et secondaire, pour les garçons et les filles. Les communes commencent donc par construire des gymnases scolaires, c'est le « premier âge du sport » qui s'étend de la fin du XIX e siècle aux premières décennies du XX e siècle.
Comme le rappelle Patrick Bayeux, « c'est à partir des années 1930 que des équipements sportifs vont être construits » 64 ( * ) . Le maire de Lyon, Édouard Herriot, incite les communes à s'équiper et Léo Lagrange, en 1936, réalise un inventaire général des installations sportives françaises. Le retard constaté est important puisque le pays ne compte alors que 149 parcs de sport, 102 stades, 627 terrains de jeux aménagés, 2 357 terrains de jeux, 70 piscines, 442 baignades, soit un total de 4 234 installations 65 ( * ) . Dès lors, l'État ne cessera plus de s'impliquer pour aider à la réduction des inégalités d'équipements sportifs, développer une politique sportive d'aménagement du territoire et favoriser l'accès au sport. Un programme est engagé à hauteur de 63 millions de francs financé par moitié par l'État.
Après-guerre, des grilles d'équipement sont élaborées par le Gouvernement indiquant dans les documents d'urbanisme les surfaces de terrains à réserver pour les équipements sportifs et socio-éducatifs. De leur côté, les communes mettent en place, dès 1945, des offices municipaux des sports puis des services des sports municipaux.
La loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République donne naissance aux communautés de communes et aux communautés de villes qui doivent choisir des compétences parmi lesquelles on compte « la construction, l'entretien et le fonctionnement d'équipements culturels et sportifs » .
b) Une intervention plus récente des conseils généraux et des conseils régionaux
Les conseils généraux ont tardé à intervenir dans le domaine du sport même si la loi du 10 août 1871 leur reconnaissait une compétence générale. Il faut attendre les lois de décentralisation pour qu'ils se dotent de services des sports départementaux, même s'ils pouvaient déjà financer des équipements sportifs, tant en investissement qu'en fonctionnement.
De la même manière, les conseils régionaux après 1986 se dotent de services et développent des actions dans le domaine du sport au travers de subventions au mouvement sportif, aux clubs, aux événements et à la construction d'équipements.
2. Une compétence reconnue par les lois de décentralisation
a) Une intervention qui trouvait sa source dans la clause de compétence générale reconnue à l'ensemble des collectivités territoriales
L'intervention des communes dans les politiques sportives repose sur la clause de compétence générale définie à l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ( « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ») .
Le même principe valait jusqu'à 2010 pour les conseils généraux (article L. 3211-1 du même code) issu de l'article 23 de la loi du 2 mars 1982 et pour les conseils régionaux (article L. 4221-1 du même code) issu de l'article 23 de la loi du 6 janvier 1986.
b) Une « compétence partagée » depuis la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010
La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, qui a modifié l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales, prévoyait de supprimer la clause de compétence générale, à l'exception de trois domaines dans lesquels la compétence est partagée. Le sport fait partie de ces exceptions : « les compétences attribuées par la loi aux collectivités territoriales le sont à titre exclusif. Toutefois, la loi peut, à titre exceptionnel, prévoir qu'une compétence est partagée entre plusieurs catégories de collectivités territoriales. Les compétences en matière de tourisme, de culture et de sport sont partagées entre les communes, les départements et les régions » .
On est donc passé d'une clause de compétence générale à une compétence générale sur le sport et les subventions peuvent être accordées sans limitation de cumul . Cette situation est conforme au principe de libre administration des collectivités mais elle rend difficile la lisibilité et l'évaluation de leur action. C'est pourquoi le législateur de 2010 prévoyait la possibilité pour les départements et les régions de réaliser des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services permettant de fixer les délégations de compétences réciproques, d'organiser les interventions financières et de prévoir les conditions d'organisation et de mutualisation des services.
Par ailleurs, la loi n° 2010-1563 a également créé les métropoles en prévoyant qu'elles exercent des compétences en lieu et place des communes membres voire du département.
* 64 « Le sport et les collectivités territoriales », Patrick Bayeux, PUF.
* 65 Les données historiques présentées dans le présent rapport sont extraites de l'ouvrage précité de M. Patrick Bayeux.