D. DEUX AVANCÉES LÉGISLATIVES SALUTAIRES EN 2014
Les pouvoirs publics ont d'ores et déjà apporté une réponse législative à deux demandes fortes exprimées par les armateurs, ce dont votre rapporteur se félicite. Cependant, elles ne doivent pas nous conduire à relâcher les efforts en faveur de la compétitivité-coût et de la simplification administrative.
1. L'adoption de la loi autorisant l'embarquement de gardes armés privés sur les navires
La loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires a été adoptée dans un climat de remarquable consensus à l'issue d'une procédure accélérée justifiée par l'urgence de la situation.
On assiste en effet à une résurgence de la piraterie maritime : le bureau maritime international (BMI) a recensé 133 attaques au 31 juillet 2014 contre des navires de commerce ou de pêche, essentiellement dans trois zones : le nord de l'océan Indien, l'Asie du Sud-Est et le Golfe de Guinée.
Pour autant, la France restait, avec les Pays-Bas, le dernier pays d'Europe à ne pas autoriser la présence de gardes armés sur ses navires, bien que le recours à la protection de la Marine nationale ne soit possible que dans les deux tiers des cas, faute de moyens. Or, sans protection, les navires quittent le pavillon français , car les assurances comme les clients ne sont plus prêts à courir le risque de la piraterie.
Désormais, la loi permet d'embarquer des gardes armés sur les navires, dont la fonction est avant tout dissuasive. Les décrets d'application, qui encadrent l'exercice de cette activité privée de protection, sont actuellement en cours d'examen par le Conseil d'État et devraient être publiés d'ici la fin de l'année .
Le début des prestations de protection par gardes armés sera ensuite conditionné par les délais de mise en oeuvre de cette nouvelle réglementation, notamment par les entreprises (agréments administratifs et certification). Il faut cependant noter que des dispositions transitoires sont définies en vue de permettre le démarrage de cette activité dans un délai assez court pour satisfaire la forte attente des armateurs français.
2. L'extension de l'obligation de pavillon à l'importation de produits pétroliers raffinés
La loi n° 92-1443 du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier vise à assurer la sécurité des approvisionnements énergétiques français. Elle garantit la constitution et le maintien des stocks stratégiques d'hydrocarbures au niveau imposé par la réglementation européenne 19 ( * ) , afin d'assurer la couverture a minima des besoins du pays, notamment en cas de crise majeure. Ses deux outils sont la constitution de stocks stratégiques et le maintien d'une capacité nationale de transport maritime susceptible d'en garantir la reconstitution.
Cette loi ne s'applique qu'au secteur pétrolier et impose aux raffineurs établis en métropole de disposer, à long terme, d'une capacité minimale de transport maritime de pétrole brut sous pavillon français : le tonnage total de la capacité des navires, exprimé en tonnes de port en lourd (TPL), doit être au moins égal à 5,5 % du tonnage de pétrole brut traité annuellement.
Depuis 1992, de profonds changements sont intervenus dans la répartition de la consommation des différentes énergies fossiles (produits bruts et raffinés, gaz, charbon). Ces changements ont conduit au déclin du raffinage en France , avec pour conséquence un impact très négatif sur la quantité de pétrole brut importée et sur le solde extérieur de produits pétroliers finis issus du raffinage (essences, gazoles, fioul domestique, fioul lourd, carburéacteur, butane et propane).
La croissance des importations de produits raffinés a ainsi progressivement vidé le dispositif en vigueur de son contenu . La diminution sensible du tonnage de pétrole brut traité par les raffineries françaises a entrainé une forte dégradation de la capacité minimale de transport maritime imposée par la loi. En quinze ans, le nombre de navires entrant dans le champ d'application de la loi est ainsi passé de seize à sept .
Cette perte de capacité sous pavillon national n'a pas été compensée par une hausse équivalente de la capacité de transport maritime de produits finis issus du raffinage. Ces derniers étant exclus du périmètre de la loi, aucune obligation de capacité minimale ne s'impose, alors que les enjeux de sécurité de nos approvisionnements énergétiques sont strictement identiques. En effet, rien ne permet d'affirmer que dans une situation de crise majeure, des États de l'UE qui disposent d'une flotte pétrolière placeraient ces navires à la disposition de la France.
Pour cette raison, lors de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, les députés ont adopté un amendement visant à étendre l'obligation de pavillon à l'ensemble des produits pétroliers importés . Votre rapporteur soutient fermement cette mesure, qui devrait permettre de maintenir une flotte française d'une vingtaine de navires pétroliers 20 ( * ) ainsi que de conserver un vivier de personnel qualifié, essentiel pour un métier fortement spécialisé nécessitant dix années de formation.
* 19 La directive 2009/119/CE du Conseil du 14 septembre 2009 fait obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de pétrole brut et/ou de produits pétroliers.
* 20 Ces navires sont différents, dans leur conception et dans leur taille, des transporteurs de pétrole brut. En effet, les supertankers ou very large crude carriers (VLCC) sont généralement d'un port en lourd de 280 à 300 kilotonnes, tandis que les transporteurs de produits finis sont plutôt de l'ordre de 37 à 50 kilotonnes.