V. UN SOUTIEN URGENT EST NÉCESSAIRE POUR MAINTENIR LE PAVILLON FRANÇAIS AU NIVEAU DE SES CONCURRENTS

Par rapport aux autres pays européens, le transport aérien français présente une structure unique avec un poids lourd, Air France, et des petites ou moyennes entreprises qui exploitent des niches de marchés. On dénombre ainsi une quinzaine de compagnies en métropole exploitant des avions de plus de 19 sièges et une dizaine basées outre-mer.

Classement des transporteurs aériens français par chiffre d'affaires
(en millions d'euros)

Source : rapport Le Roux

Classement des transporteurs aériens français
par nombre d'appareils

Source : données DGAC

A. UNE GRANDE FRAGILITÉ STRUCTURELLE DU TRANSPORT AÉRIEN FRANÇAIS

Le transport aérien est structurellement une activité dont la profitabilité est faible et qui dépend fortement des aléas de la conjoncture . Les transporteurs français, en particulier les compagnies régionales, ont été particulièrement affaiblis par les différentes crises économiques et géopolitiques qui se succèdent depuis 2008 (crise financière et crise de la zone euro, instabilité au Sahel, printemps arabes, volcan islandais, crise nucléaire japonaise, etc.).

Plusieurs ont d'ailleurs fait faillite : Eagle Aviation (environ 130 salariés) et New Axis Airways (environ 100 salariés) en 2009, Noor Airways (environ 120 salariés), Strategic Airlines (environ 100 salariés) et Blue Line (environ 200 salariés) en 2010. La plupart d'entre eux sont aujourd'hui sous-capitalisés ou viennent tout juste d'être recapitalisés , après plusieurs exercices déficitaires. Certains ont dû lancer des plans de restructuration (Air France, Corsair, Air Austral, Air Méditerranée) conduisant à une réduction des effectifs et à une refonte de leur réseau. Depuis six ans, les compagnies françaises font ainsi des efforts d'optimisation, de productivité et de maitrise des coûts : Air France a réduit de plus de 10 % ses effectifs de personnels au sol, alors que sa production globale s'est accrue d'environ 6 %.

Confrontés de plus à un prix élevé du baril de pétrole , qui représente environ 35 % de leurs coûts d'exploitation, les transporteurs français peinent à retrouver la rentabilité, celle-ci excédant d'ailleurs rarement 5 % en période faste . Il leur est notamment impossible de répercuter la totalité de leurs surcoûts sur la demande, en raison de l'intense concurrence qui existe sur ce marché, depuis l'arrivée des compagnies à bas coûts et des compagnies du Golfe ou des cités-États d'Asie du sud-est. Ils maintiennent pour la plupart une croissance de leur volume de trafic au prix d'une diminution de la recette unitaire : le nombre de passagers transportés par le pavillon français a ainsi augmenté de 3 % depuis 2008 (atteignant 62,1 millions de passagers en 2013) mais sa part de marché accuse un recul de 3,1 points.

Ce recul est le plus fort sur les vols intra-métropolitains ou vers l'Europe, respectivement -10,7 points et -8,6 points entre 2008 et 2013. Il s'explique par la concurrence des compagnies à bas coûts étrangères , qui ont transporté 17,3 % des passagers intra-métropolitains (+10,6 points par rapport à 2008) et 16,9 % des passagers vers l'Europe (+12,7 points par rapport à 2008) en 2013.

Au niveau domestique, les transporteurs aériens sont confrontés à la concurrence du train à grande vitesse (TGV), tempérée par les effets positifs de l'intermodalité TGV-avion : le TGV permet d'alimenter le hub parisien ainsi que, dans une moindre mesure, le hub lyonnais. On estime que 3 millions de passagers sont concernés.

Concernant les vols long-courriers, le pavillon français occupe une très bonne place, surtout vers l'Amérique Latine et l'Afrique hors Maghreb. Sa part de marché atteint un niveau maximum en 2013, respectivement 89,2 % et 79,6 % des passagers transportés. En revanche l'arrivée des compagnies du Golfe est à l'origine de pertes conséquentes de parts de marché vers le Moyen-Orient et l'Asie du sud-est . En 2012, 78 % des passagers transportés vers les Émirats Arabes Unis et le Qatar (via Emirates, Etihad ou Qatar Airways) étaient destinés à du trafic de correspondance, principalement vers l'Asie. Ce phénomène empêche le pavillon français de bénéficier pleinement du dynamisme de la demande entre la France et l'Asie .

Pour faire face à ces difficultés, certains ont décidé d'allier leurs forces dans le cadre de contrats de partenariat (notamment Corsair et Air Caraïbes depuis 2012 sur l'ensemble de leurs liaisons long-courriers) ou sous forme capitalistique , avec la création de HOP et Transavia France au sein du groupe Air France. Dans le même temps, la création de nouvelles compagnies reste un évènement exceptionnel : en métropole, seul le transporteur DreamJet est apparu. Cette compagnie a vu le jour, sur un marché de niche, celui des vols Paris - New York, exploité à l'aide d'un seul appareil intégralement équipé en classe affaires.

Les derniers résultats publiés, sur un périmètre incluant les transporteurs ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 M€ et excluant le groupe Air France, montrent une baisse du chiffre d'affaires cumulé en 2013 de 2,5 %, conséquence des nombreux ajustements en cours. Les pertes sur la même période sont divisées par deux, à 59 M€ contre 113 M€ un an plus tôt, et la marge d'exploitation passe de -5,0 % à -2,6 %.

En ce qui concerne l'activité fret, elle est largement dominée par deux compagnies , Air France qui a transporté plus de 500 000 tonnes de fret en France en 2013 (un tiers du total et plus de 80 % du fret transporté par des compagnies françaises) et Fedex qui a transporté plus de 400 000 tonnes de fret. La troisième compagnie de fret est European Air transport qui transporte du fret pour DHL et a transporté 84 000 tonnes de fret en 2013 11 ( * ) . Fedex domine largement le marché domestique et vers l'Union européenne . En revanche les autres flux, hormis le Moyen Orient (où se concentre tout le trafic d'Emirates et où Fedex est majoritaire) et le Maghreb (où European Air Transport est majoritaire), sont à l'avantage d'Air France.


* 11 On notera également qu'Emirates, 6ème compagnie en termes de fret transporté (39 000 tonnes, 2,3 % du fret total), est la deuxième compagnie derrière Air France parmi les compagnies à transporter aussi des passagers, introduisant, du fait de ses capacités considérables en soute, une nouvelle forme de concurrence.

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