F. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉ À BUT NON LUCRATIF : UN ENSEIGNEMENT DE QUALITÉ, INSUFFISAMMENT SOUTENU
Dans le projet de loi de finances pour 2015, le montant des moyens consentis aux établissements d'enseignement supérieur privés inscrits dans le programme 150 s'établit à 78,9 millions d'euros, contre 79,7 millions d'euros en 2014, soit une baisse légèrement inférieure à 1 %. Toutefois, le montant budgété en loi de finances, qui a connu une baisse continue depuis 2011, fait régulièrement l'objet de gels significatifs en cours d'année. Ainsi, en 2013, les subventions aux établissements d'enseignement supérieur privés ont non seulement diminué de 6 % mais ont également été soumises à un gel de 7 %. En 2014, la baisse de leurs moyens est estimée à 7 %.
Évolution du financement de l'enseignement supérieur privé associatif
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Évolution 2014/2011 |
|
Subvention accordée en loi de finances initiale |
84,4 |
82,8 |
74,5 |
69,6 |
- 17,5 % |
Exécution |
81,9 |
80,6 |
70 |
64,7 |
- 21 % |
Source : Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres
Les quatre fédérations de l'enseignement supérieur privé associatif réunissent 56 établissements sous contrat avec l'État. À la rentrée universitaire de septembre 2013, les établissements privés ayant signé un contrat avec l'État totalisent un effectif de 79 257 étudiants, soit 3 % des effectifs d'étudiants de l'enseignement supérieur. Sur les 79 257 étudiants pris en compte dans les critères de répartition des moyens, 75 640 suivent une formation initiale dans un établissement d'enseignement supérieur libre ou technique (donnant lieu à une subvention totale de l'État aux établissements les accueillant de 68,9 millions d'euros) et 2 717 étudiants suivent une formation préparant aux métiers de l'enseignement (donnant lieu à une subvention de l'État de 10 millions d'euros au profit des établissements privés proposant des formations de master destinées aux métiers de l'enseignement). Les établissements d'enseignement supérieur privés sous contrat avec l'État délivrent 10 % des diplômes de niveau master en France.
La création, par l'article 70 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, d'un statut pour les établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif, inscrit au nouveau chapitre II du titre III du livre VII de la troisième partie du code de l'éducation (articles L. 732-1 à L. 732-3), a permis de clarifier les rapports entre l'État et cette catégorie d'établissements concourant aux missions de service public de l'enseignement supérieur et de reconnaître leur fonctionnement particulier. Cette reconnaissance s'est concrétisée par la publication du décret n° 2014-635 du 18 juin 2014 relatif aux établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général et au comité consultatif pour l'enseignement supérieur privé qui fixe les modalités et la procédure de dépôt des candidatures des établissements souhaitant obtenir le statut d'établissement d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (EESPIG).
Le comité consultatif pour l'enseignement supérieur privé (CCESP), consacré par la loi, donnera un avis sur les candidatures. La composition de ce comité a été officialisée par un arrêté en date du 2 octobre 2014 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. M. Pierre Grégory a été reconduit dans ses fonctions de président de ce comité.
Afin de bénéficier de la qualification d'EESPIG, les établissements devront remplir les missions de service public de l'enseignement supérieur définies à l'article L. 123-3 du code de l'éducation. Seront examinées en priorité les candidatures des établissements privés ayant déjà signé un contrat avec le ministère chargé de l'enseignement supérieur depuis 2010. Une soixantaine d'écoles ou instituts sont ainsi concernés. Tous sont déjà reconnus par l'État au sens de l'article L. 443-2 du code de l'éducation et sont autorisés soit à délivrer un diplôme conférant le grade de master, soit à préparer à la délivrance d'un diplôme national par convention avec une université ou en jury rectoral.
La décision de qualification d'EESPIG sera également fondée sur le respect par l'établissement des notions d'indépendance de gestion. Il devra attester de son caractère non lucratif. L'adossement à la recherche, la qualité de l'insertion professionnelle, l'ouverture sociale seront également des critères déterminants. Enfin, la participation des établissements privés aux regroupements d'établissements sur les sites universitaires constituera un atout pour cette qualification. Celle-ci sera accordée pour la durée du contrat quinquennal.
Le protocole de contractualisation du 19 juillet 2010 entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur privés concourant aux missions du service public de l'enseignement supérieur précisait que la contractualisation « tendra [...] à rapprocher l'évolution des moyens par étudiant pour les établissements représentés par les fédérations signataires de celles dont bénéficient l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur publics ». Or, il s'avère que l'aide moyenne par étudiant inscrit dans l'enseignement supérieur privé a diminué de 37 % en quatre ans, de 2011 à 2014, passant de 1 382 euros à 873 euros :.
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
|
Nombre total d'étudiants |
52 885 |
59 277 |
61 872 |
66 379 |
70 292 |
Montant de la subvention de l'État par étudiant (en euros) |
1 298 |
1 382 |
1 165 |
938 |
858 |
Source : Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres
Le président de la Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres (FESIC), M. Jean-Philippe Ammeux, a ainsi rappelé, à l'occasion d'un entretien pour le journal L'Étudiant en date du 30 juin 2014, que « nous n'avons pas de capitaux propres, et nous recevons très peu de subventions des pouvoirs publics. Nous vivons dans une précarité qui nous oblige à innover et être performants. Nous contribuons ainsi de façon significative au développement de l'enseignement supérieur. Notre existence permet à l'État d'économiser 700 à 800 millions d'euros par an. » Le fait est que la subvention versée par l'État représente en moyenne 10 % des ressources des établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif. Une telle diminution, qui s'ajoute à l'effondrement des fonds provenant de la taxe d'apprentissage (compris selon la FESIC entre 30 % et 50 %), pèse sur l'équilibre financier d'établissements qui ne souhaitent pas compenser ces pertes par une hausse de leurs frais de scolarité.
Dans ces conditions, la commission des finances du Sénat a adopté, à l'initiative de son rapporteur spécial, M. Philippe Adnot, un amendement tendant à rehausser de 1,57 millions d'euros le montant des crédits consentis à l'enseignement supérieur privé inscrits sur l'action n° 4 du programme 150, en prélevant une somme équivalente sur l'action n° 2 « Aides indirectes » du programme 231 « Vie étudiante ».
Les établissements d'enseignement supérieur, qu'ils soient du reste privés ou publics, s'estiment lourdement pénalisés par les changements résultant de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, en ce qui concerne les règles de versement de la taxe d'apprentissage et, notamment, le fléchage que pouvaient effectuer les entreprises sur leurs financements en faveur de certaines formations professionnelles.
En effet, les entreprises sont désormais tenues d'affecter 65 % de leurs versements au titre du barème (part hors quota de la taxe d'apprentissage, fixée à 23 %) au financement de formations de niveaux III (brevet de technicien supérieur - BTS -, enseignement technologique court...), IV et V (certificat d'aptitude professionnelle - CAP -, brevet d'études professionnelles - BEP -...) et 35 % pour des formations de niveaux I et II (formations de niveau égal ou supérieur à la licence). Les représentants des établissements d'enseignement supérieur rappellent que, depuis un certain nombre d'années déjà, le dynamisme de l'apprentissage est grandement alimenté par l'enseignement supérieur. La loi du 22 juillet 2013 entendait, du reste, renforcer considérablement le développement de l'apprentissage au sein des établissements d'enseignement supérieur.
Le vice-président de la Conférence des grandes écoles (CGE) et directeur général délégué « Enseignement, recherche et innovation » de la Chambre de commerce et d'industrie Paris-Île-de-France, M. Xavier Cornu, s'est ainsi inquiété de ce que « bon nombre de régions ont déjà fait part de leur souhait de favoriser les niveaux IV et V au détriment des formations supérieures ». Il redoute également que l'instauration d'une fraction régionalisée de la taxe d'apprentissage, qui devrait « augmenter les ressources des régions de près de 250 millions d'euros », conduise à « diminuer la part de la taxe librement affectable par les entreprises » alors que « les entreprises sont très attachées au fait de pouvoir choisir l'école qu'elles veulent soutenir financièrement » 16 ( * ) .
* 16 Dépêche n° 478512 de l'agence d'informations spécialisées AEF en date du 2 avril 2014.