II. LES TROIS AXES PRIORITAIRES POUR LA COMPETITIVITÉ DES PME : SIMPLIFICATION, INNOVATION ET FINANCEMENT

L'audition des représentants des entreprises a confirmé que la complexité et surtout l'instabilité des normes conjuguées au poids des prélèvements obligatoires ont atteint un seuil qui rend la situation difficilement tolérable pour une majorité de PME, surtout en période de ralentissement économique.

Pour les observateurs étrangers, la principale singularité du système fiscal français a longtemps été la solidité de son socle, c'est-à-dire le consentement à l'impôt des agents économiques, ce qui a permis aux dépenses publiques d'atteindre 57 % du PIB dans notre pays. Or ce pilier des institutions et du modèle français semble aujourd'hui avoir atteint ses limites. La qualité du service apporté en contrepartie de ces prélèvements, même s'il progresse, n'est pas encore optimale, ce qui justifie une stratégie de réduction du coût du secteur public tout en maintenant la qualité de ses prestations.

A l'occasion de ce rapport, votre rapporteure pour avis a tenu à contrebalancer le constat de ces difficultés en montrant que certaines PME ont adopté des stratégies offensives qui prouvent leur efficacité et peuvent constituer des exemples de bonnes pratiques. La mutualisation et le renforcement des réseaux apparaissent ainsi comme une des clefs de l'amélioration de la compétitivité des PME.

A. RECENTRER LA STRATÉGIE DE SIMPLIFICATION SUR LE CRITÈRE DU GAIN DE TEMPS PROCURÉ AUX ENTREPRISES.

Incontestablement, la simplification a été affichée comme une priorité au cours des dernières années : un grand nombre de mesures législatives ou réglementaires ont étés prises et, sur le plan institutionnel les comités, les conseils et les réunions se sont multipliées.

Bref aperçu du grand chantier de la simplification pour les PME.

D'après l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), les petites et moyennes entreprises (PME), y compris les très petites entreprises (TPE), représentent plus de 99 % des entreprises françaises et près de 50 % des effectifs salariés.

Le 19 mars 2012, une Commission de réduction de la paperasse (COREP) présidée par le secrétaire d'État chargé des PME a été installée pour formuler des propositions en vue de réduire les lourdeurs administratives et assurer le suivi des mesures de simplification engagées dans le cadre des Assises de la simplification des 29 avril et 6 décembre 2011. Deux chantiers avaient alors été lancés : simplifier le bulletin de paie en le rendant plus lisible et mettre en oeuvre l'Armoire numérique sécurisée des entreprises (ANSE), afin d'éviter aux entreprises de devoir fournir des informations redondantes à l'administration.

Dans le cadre du « choc de simplification » pour les entreprises annoncé en mars 2013, de nouvelles instances ont été instituées, reprenant les travaux de la COREP. Le conseil de la simplification a été installé en janvier 2014, co-présidé par un député et un chef d'entreprise et composé de 14 personnalités indépendantes représentant les différents acteurs intervenant dans la politique de simplification à destination des entreprises. Il assure le suivi et l'évaluation du programme de simplification issu du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) et peut formuler toute proposition nouvelle en matière de simplification.

Le Gouvernement fait observer que 50 mesures de simplification présentées par le Conseil de la simplification pour les entreprises seront mises en oeuvre d'ici le 1 er janvier 2015 conformément à la loi relative à la simplification de la vie des entreprises du 22 juillet 2014. S'y ajoutent 50 nouvelles mesures résultant du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises sur la base du texte n° 123 (2014-2015) adopté par la commission mixte paritaire, le 25 novembre dernier.

Le second volet visant à lutter contre la redondance des informations données à l'administration a trouvé une traduction concrète dans le programme « Dites-le nous une fois » qui a débouché sur 17 démarches simplifiées, dont 7 supprimées. Tout en travaillant à réduire le nombre de formulaires et à favoriser l'échange de données entre administrations, le programme a lancé des projets innovants comme « Marché public simplifié », un service en ligne visant à simplifier la réponse aux marchés publics pour les entreprises.

Ces mesures s'inscrivent en cohérence avec le « Small Business Act » européen, adopté par le conseil des ministres de l'Union européenne (UE) en décembre 2008. Le « Small Business Act » européen établit un cadre politique global afin d'améliorer l'entrepreneuriat et de remédier aux problèmes qui freinent le développement des PME. Il a inscrit, tant dans le processus législatif que dans le comportement des administrations, le principe « penser aux PME d'abord », qui conduit ainsi à passer chaque disposition législative nouvelle au filtre du « test PME ».

Cette mesure est suivie par le conseil de la simplification pour les entreprises. Le « test PME » est une modalité de consultation qui permet d'évaluer directement avec les entreprises les conséquences d'une réglementation et d'y apporter des modifications afin de la rendre plus simple et efficace. Le test PME est réalisé par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). À titre d'exemple, il a permis de simplifier le décret relatif à la signalétique commune de tri ou encore l'arrêté relatif à la sécurité des transporteurs de fonds dans les lieux et zones sécurisés. Depuis 2013, les 4 tests PME réalisés ont permis d'impliquer 69 entreprises situées dans sept régions, dans l'élaboration de normes les concernant. Le Gouvernement a manifesté l'intention de mettre en place un « test PME » pour les nouveaux projets de textes présentant le plus fort impact potentiel sur les petites et moyennes entreprises.

En pratique, l'impression générale, sur le terrain, est que cet activisme remporte quelques succès ponctuels, mais les efforts de simplification du stock de règles existantes sont contrecarrés par la persistance d'un flux de normes nouvelles qui produit une instabilité et une perplexité peu propices à l'initiative économique. De plus, les normes les plus récentes ont tendance à perdre en concision et en clarté et les représentants des PME ont regretté la multiplication des dispositifs pouvant donner lieu à de multiples interprétations.

Face au bilan mitigé, pour les PME, du « grand chantier de la simplification », votre rapporteure pour avis suggère de réorienter la stratégie de simplification en fonction d'un critère majeur : améliorer la « compétitivité-temps » de nos procédures pour permettre aux entreprises de se consacrer à leur performance économique.

En même temps, alors que les producteurs de normes ont tendance à se focaliser sur l'équilibre ou la pertinence des solutions qu'ils édictent, le principal objectif des PME est aujourd'hui de limiter les pertes de temps imputables aux démarches ou aux hésitations juridiques et fiscales. Le niveau élevé des prélèvements obligatoires justifie de franchir une nouvelle étape dans l'efficacité administrative. Il convient également de signaler que les inconvénients de l'instabilité normative - qui entrainent des coûts d'adaptation et un bouleversement des plans d'investissement - apparaissent parfois, pour les entreprises, supérieurs aux avantages attendus par le perfectionnement des dispositifs. Par-dessus tout, l'exemple du compte pénibilité démontre l'effet potentiellement dévastateur de dispositions adoptées sans mesure précise de leur impact sur la vie des entreprises.

Extrait d'une question écrite relative aux vives inquiétudes suscitées dans le secteur du bâtiment à l'égard de la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité.

« Institué par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, ce dispositif repose à présent sur les fiches individuelles de pénibilité que les entreprises doivent tenir en vertu de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite. Or, ces fiches nécessitent un suivi permanent pour 80 % des salariés du bâtiment et s'apparentent à un véritable casse-tête à la fois pour les artisans et les PME. En effet, ces derniers ont désormais l'obligation de se livrer constamment à cette lourde tâche, sur tous les chantiers, poste par poste, situation par situation, en tenant compte d'éléments complexes et d'activités imbriquées. À titre d'exemple, un menuisier qui aurait posé un coffrage à proximité d'une source de bruit a t-il été affecté par ce bruit pendant un temps plus ou moins long, a t-il connu un dégagement soudain de poussière ? A-t-il dû porter des charges lourdes ou a-t-il bénéficié de l'aide du maçon qui intervenait sur le chantier ? Autrement dit, ce processus pourrait engendrer également de nombreuses sources de contestation et donc une judiciarisation préjudiciable pour les entreprises. »

Question écrite n° 11527 publiée au JO Sénat du 8 mai 2014 - page 1069.

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