III. UNE DOUBLE RÉFORME AUX RÉSULTATS MITIGÉS
En 2003, la Cour des comptes a présenté un état des lieux de la protection judiciaire de la jeunesse et a dressé un constat sévère en ces termes : « C'est au vu de l'augmentation considérable des moyens dont avaient bénéficié au cours des dernières années les services de la protection judiciaire de la jeunesse que la Cour a programmé son contrôle sur l'activité et la gestion de ces derniers, particulièrement ceux relevant du secteur public. Cet accroissement sans précédent des ressources de la PJJ ne s'est pas traduit, en effet, par leur utilisation satisfaisante, pas plus que par une efficacité accrue de la part des services ».
La Cour a ainsi en particulier relevé une « sous-administration » de la PJJ, avec un échelon central trop faible ne jouant pas son rôle de pilotage, d'animation et de coordination des échelons déconcentrés, des incohérences dans la répartition des compétences et des responsabilités entre les échelons départemental et régional, enfin un grand émiettement des services et des établissements du secteur public. La Cour a également regretté un écart persistant entre les besoins et l'offre de prise en charge, un contrôle « lacunaire et défaillant » ainsi qu'une absence d'évaluation de l'ensemble du dispositif de la PJJ.
Première cause de cette situation selon la juridiction financière, le véritable « abandon » dans lequel était tombé la PJJ et la justice des mineurs, l'État ayant cessé d'assumer son rôle de direction : « Ni la loi ni les règlements n'ont défini de manière précise le contenu des mesures décidées par les juges, pas plus que les structures d'accueil des jeunes et, a fortiori, les normes minimales auxquelles elles devraient répondre ».
Dès lors, la Cour des comptes suggérait une reprise en main et une ample restructuration afin d'améliorer le service rendu par la PJJ.
Dès lors, une réforme a été menée selon deux modalités, essentiellement entre 2008 et 2012 : d'une part une restructuration administrative et territoriale, d'autre part un renouvellement des pratiques professionnelles .
Cette réforme a été opérée sous forte pression budgétaire, les moyens alloués à la PJJ étant passés entre 2008 et 2011 de 804,4 millions d'euros à 756,6 millions d'euros, soit une diminution de près de 6 %.
A. UNE RESTRUCTURATION TERRITORIALE ET ORGANISATIONNELLE DE GRANDE AMPLEUR
1. La restructuration territoriale et organisationnelle
Les 15 directions régionales ont été regroupées début 2009 en 9 directions interrégionales d'une taille conçue pour permettre aux directeurs interrégionaux, responsables de leur budget opérationnel de programme (BOP), de disposer de marges de manoeuvre suffisantes.
Parallèlement, les 100 directions départementales de la PJJ ont été remplacées par 54 directions territoriales , le critère de formation des territoires étant la capacité à proposer l'ensemble des équipements et dispositifs en matière de santé et d'insertion scolaire et professionnelle nécessaires à la mise en oeuvre des politiques publiques liées à la protection de l'enfance et à la prévention de la délinquance.
Cette réorganisation territoriale a eu comme corollaire une réforme du pilotage de la PJJ qui s'est traduite par la mise en place d'un organigramme type pour les directions interrégionales et territoriales, celle d'une « carte des emplois » des fonctions pilotage et support, enfin la création de quatre emplois spécifiques : directeur des politiques éducative, responsable des politiques éducatives, responsable des politiques institutionnelles, auditeurs.
En outre, à partir du 1er janvier 2012, un dispositif de plateformes interrégionales de mutualisation des fonctions « support » (ressources humaines, informatique, immobilier, budget et comptabilité) pour toutes les juridictions et services déconcentrés du ministère de la justice a été mis en place par le regroupement des services du secrétariat général, de la DAP, de la DPJJ et de la DSJ. Huit plateformes de gestion ont ainsi été mises en place depuis 2012. La plateforme Ile-de-France sera créée au cours de l'année 2014.
Parallèlement à cette réforme territoriale, les établissements et services de la PJJ ont fait l'objet d'une structuration juridique , impulsée par le décret du 6 novembre 2007. Jusqu'à cette date en effet, les structures de prise en charge n'avaient aucun fondement juridique. Les dispositions de ce décret régissent ainsi les droits des usagers ainsi que les procédures de création et d'évaluation des équipements. Elles déterminent également les autorités investies d'un pouvoir de contrôle.
Enfin, une réforme de l'encadrement des structures de prise en charge a été mise en oeuvre avec la création d'une fonction de responsable d'unité éducative (RUE). Un directeur de service dirige une structure composée au moins de deux unités, chaque unité étant placée sous la responsabilité d'un RUE. De plus, une taille minimale a été définie pour les unités éducatives de milieu ouvert qui doivent être constituées d'un minimum de 6 éducateurs.
Le directeur de service, plus éloigné de la prise en charge directe, doit désormais être un relais du directeur territorial pour travailler à l'articulation des prises en charge, mobiliser les acteurs concernés (services des conseils généraux, dispositifs de scolarité, d'insertion, de formation, les administrations de santé). Ce travail d'articulation doit notamment permettre d'ouvrir les dispositifs de droit commun aux mineurs sous protection judiciaire .
Le 3 ème plan stratégique national (2012-2014) porte désormais sur l'amélioration de la qualité et de la diversité de l'action et de l'offre éducatives. Il s'agira notamment de mieux garantir la continuité et l'individualisation de la prise en charge des mineurs confiés à la PJJ par l'autorité judiciaire.
2. Un bilan mitigé des réformes
La réforme territoriale de la DPJJ s'est traduite par une économie de 337 postes entre 2008 et 2012 sur la fonction soutien et pilotage. Elle a permis de ramener à 14,1 % en 2013 la part des effectifs consacrés à cette fonction au sein des services déconcentrés. Elle a ainsi permis le redéploiement de 80 postes pour créer un nouveau dispositif d'audit ayant pour objectif d'auditer au moins une fois tous les cinq ans l'ensemble des établissements du secteur public et du secteur associatif habilité de la PJJ.
Les personnes entendues par votre rapporteur ont fait de ces bouleversements structurels un bilan mitigé.
L'un des syndicats entendu par votre rapporteur a ainsi admis qu'il existait, avant que la réforme ne soit menée, une certaine dilution des fonctions administratives . Sur ce plan, la création des plateformes inter-directionnelles a constitué un progrès certain. Toutefois, il semble que les services utilisateurs aient parfois quelque peine à identifier leur service gestionnaire au sein de la nouvelle organisation. De même, la perte d'emplois administratifs a bien eu pour contrepartie un certain renforcement des fonctions éducatives et de leur encadrement. Toutefois, le bilan global en termes d'emplois représente une perte assez massive à l'échelle d'une administration comme la PJJ .
En revanche, un autre syndicat entendu par votre rapporteur considère que les réformes initiées en 2008 ont été au total très destructrices, aboutissant parfois à la création de directions territoriales sans cohérence et sans interlocuteurs crédibles pour les préfets et les conseils généraux.