B. LES ECARTS DE COMPÉTITIVITÉ-COÛT RESTENT IMPORTANTS PAR RAPPORT À D'AUTRES PAVILLONS EUROPÉENS
Les aides financières mises en place par les États membres dans le cadre des lignes directrices communautaires en faveur du transport maritime visent à limiter le phénomène de dépavillonnement et les fuites vers des pavillons non européens, plus attractifs d'un point de vue économique. Néanmoins, si ces interventions publiques jouent un rôle important dans le ralentissement du déclin des flottes européennes, la concurrence internationale reste forte sur un marché global, complètement libre et caractérisé par de faibles barrières à l'entrée. Les compagnies étrangères opèrent souvent avec des structures de coûts plus faibles. Dans ce contexte, les armements européens doivent faire face à une compétition issue des pays d'Asie du Sud-Est et d'Extrême-Orient qui offrent un environnement particulièrement attractif.
La situation de la France n'est guère avantageuse sur ce plan, en dépit de l'introduction du Registre international français (RIF) par la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 7 ( * ) . Employer un marin sous pavillon français représente un coût supérieur à celui d'autres pavillons européens qui présentent les mêmes garanties de fiabilité. L'écart de rémunération entre un marin français et un marin anglais est de 20%, et s'élève jusqu'à 40 % vis-à-vis des marins danois ou italiens. L'organisation du temps de travail et des congés n'est guère plus favorable puisqu'il faut en France trois équipages pour faire tourner un navire contre deux au Danemark. Enfin, les exonérations de charges sont insuffisantes par rapport à d'autres États européens (Danemark, Italie, Royaume-Uni, Luxembourg) qui sont allés au maximum de ce qu'autorisent les lignes directrices sur les aides d'État au transport maritime, en supprimant totalement les charges patronales et salariales.
LES PRINCIPAUX OUTILS DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN
Prévus par le droit communautaire, ils ne sont pas propres à la France et sont aujourd'hui partagés par tous les États ayant conservé une flotte de commerce. i) La taxe forfaitaire au tonnage Les armateurs français, en principe soumis à l'impôt sur les sociétés (IS), ont la possibilité d'opter, pour une période de dix ans renouvelables, pour un impôt forfaitaire de taxation calculé en fonction du tonnage des navires qu'ils exploitent. La visibilité sur le montant d'impôt payé est donc accrue, l'assiette ne fluctuant pas au gré des bénéfices et des pertes. Ce dispositif est appliqué par l'ensemble des États européens maritimes et par 80% de la flotte mondiale. ii) Les exonérations de charges patronales Les entreprises d'armement maritime qui emploient des marins affiliés à l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) bénéficient de l'exonération des seules charges patronales ENIM, dès lors qu'elles sont soumises à une concurrence internationale. Les exonérations de charges non ENIM ne profitent qu'aux entreprises de transport de passagers. iii) Les outils en faveur de l'investissement Le code général des impôts permet aux entreprises de transport et de services maritimes d'investir en déduisant les déficits nés de l'amortissement dégressif d'un bien mis en location des résultats imposables des autres activités, dès lors que le bien est exploité ou situé dans l'espace économique européen (EEE). iv) Les mesures issues du Registre international français (RIF) Les marins français naviguant sur un navire immatriculé au RIF bénéficient de l'exonération d'impôt sur le revenu sous réserve de naviguer 183 jours à l'étranger. La simplification des démarches administratives (création d'un guichet unique) vise également à renforcer l'attractivité du pavillon français. |
Dans ce contexte, votre rapporteur s'interroge sur la cohérence du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) . Bien que directement exposées à la concurrence internationale, les entreprises de transport et de services maritimes ne peuvent bénéficier du dispositif puisqu'elles sont imposées selon un régime forfaitaire, et non dans les conditions du droit commun de l'impôt sur les bénéfices. Ce message est peu audible, à l'heure où le Gouvernement souhaite mener une véritable politique maritime, une ambition que votre rapporteur salue pour mieux déplorer le manque de moyens qui y concourent.
* 7 Pour mémoire, le RIF permet de recruter des membres de l'équipage à des conditions internationales, c'est-à-dire réglées par le contrat entre le marin et l'armateur, dans le respect des règles internationales fixées par les conventions dont la France est signataire. Le Conseil constitutionnel a validé ce double régime salarial au sein d'un même équipage, considérant que « les navigants qui résident hors de France ne se trouvent pas dans la même situation que ceux qui résident en France compte tenu des conditions économiques et sociales propres aux pays où se situe le centre de leurs intérêts matériels et moraux » - et que cette « différence objective de situation » justifiait une différence de traitement sans attenter au principe d'égalité (décision n°2005-514 DC du 28 avril 2005).