C. LE DÉSENDETTEMENT DE LA DGAC EST MIS ENTRE PARENTHÈSES
Depuis 2008 et le début d'une période de ralentissement de l'activité du secteur aérien se traduisant par une diminution sensible de ses recettes, le BACEA présente des déficits d'exploitation qui ont pour conséquence d'alourdir son endettement.
1. Dans une conjoncture peu favorable, la dette de la DGAC atteint un niveau préoccupant
Au 31 décembre 2013, l'encours des emprunts du budget annexe s'élèvera à 1239 M€, soit une hausse de 2 % par rapport à l'année dernière, conforme aux prévisions . Cet encours était stabilisé jusqu'en 2008 à 878 M€. La dette du BACEA s'est accrue sur la période 2009-2013, de 41 % par rapport à 2008, ce qui représente une augmentation de l'encours de 361 M€.
Plusieurs raisons sont invoquées par la DGAC pour expliquer cette évolution défavorable :
- structurellement, les redevances ne couvrent pas les coûts des services délivrés par la DGAC , en raison d'avantages tarifaires décidés pour des raisons politiques ou économiques 4 ( * ) , mais aussi parce que les recettes de la taxe de l'aviation civile (TAC) ne sont pas intégralement versées au BACEA .
- conjoncturellement, la crise économique a réduit les recettes du budget annexe et conduit au recours à un emprunt supplémentaire de 165 M€ en 2009. L'augmentation de l'endettement s'est ensuite poursuivie, en dépit de la reprise du trafic à partir de 2011, en raison d'un décrochage entre le besoin de financement et les capacités de remboursement de l'emprunt.
La conjoncture économique s'est en effet particulièrement dégradée en 2012-2013 . Ainsi, le déficit de la section d'exploitation du budget annexe, qui s'élevait à 12,2 M€ en 2011, s'est aggravé à 30,1 M€ en 2012 et 21,5 M€ en prévisionnel pour 2013.
2. Le plan de redressement annoncé pour 2013-2015 se révèle trop optimiste
Dans le cadre de la nouvelle programmation budgétaire 2013-2015, la DGAC avait annoncé sa volonté d'engager une politique de réduction de l'endettement , dont les modalités ont été présentées par votre rapporteur l'année dernière 5 ( * ) . Globalement, l'amélioration du résultat d'exploitation devait résulter de la combinaison de mesures de maîtrise de la dépense et d'une hausse des recettes, calculée sur une hypothèse de croissance du trafic aérien de 2,5 % par an en nombre de passagers.
L'endettement devait par conséquent suivre une trajectoire favorable, avec une hausse de 2,06 % en 2013, une quasi-stabilisation en 2014 (+0,48 %) et finalement une diminution en 2015 (- 1,45 %). Votre rapporteur avait alors exprimé de sérieux doutes sur la crédibilité de ces prévisions , au regard du caractère aléatoire du trafic et des recettes. Force est de constater que les chiffres présentés dans le PLF 2014 lui ont malheureusement donné raison.
L'année 2013 est en effet marquée par une baisse des recettes de redevances de navigation aérienne, qui s'est traduite par l'application de mesures d'autorégulation à hauteur de 75 M€. En conséquence, le PLF 2014 retient par construction des hypothèses conservatrices de diminution des recettes de navigation aérienne , en retrait par rapport à la programmation triennale 2013-2015. La prévision retenue pour l'évolution du trafic est une hausse moyenne de 2,3 % du volume de passagers .
Votre rapporteur salue les efforts de régulation infra-annuelle, qui témoignent d'une réelle volonté de maîtriser l'évolution de la dette . La hausse de l'endettement a ainsi pu être effectivement contenue à 2 % en 2013, conformément aux prévisions.
En revanche, votre rapporteur est d'autant plus circonspect sur la trajectoire d'endettement à venir . En effet, la modération budgétaire a freiné le déclenchement d'opérations d'investissement ou de mise en service de nouveaux équipements techniques, ainsi que le renouvellement du patrimoine technique des services de la navigation aérienne depuis plusieurs années.
3. La DGAC est aujourd'hui contrainte de relancer ses investissements
La modernisation des systèmes de navigation aérienne constitue un impératif pour permettre à la France de faire face au défi technologique posé par la construction de l'Europe du contrôle aérien et les évolutions de productivité du secteur. Pour ce faire, la DGAC doit faire construire un nouveau système de management du trafic cohérent et compétitif.
Pour assurer leurs prestations, les services de la navigation aérienne disposent d'un patrimoine technique évalué à environ 2 560 M€ en valeur brute pour 2012 :
- 1 080 M€ d'infrastructures de génie civil spécialisées (42 % du patrimoine) dont le renouvellement est estimé à 54 M€ par an ;
- 760 M€ d'équipements techniques de navigation aérienne (30 % du patrimoine) dont le renouvellement est estimé à 109 M€ par an ;
- 719 M€ de logiciels techniques (28 % du patrimoine) dont le renouvellement est estimé à 103 M€ par an.
Au total, le besoin de renouvellement et de modernisation est évalué à environ 265 M€ par an . Or la période 2008-2011 s'est caractérisée par un sous-investissement difficilement soutenable à long terme, qu'illustre le graphique suivant.
ÉVOLUTION DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT
DE LA DGAC DEPUIS 2000
ET PRÉVISIONS POUR LES ANNÉES À
VENIR
Source : DGAC
En conséquence, la DGAC demande des crédits supplémentaires dans le PLF 2014 afin de relancer ses investissements. La hausse de 37 M€ d'emprunt supplémentaire par rapport au triennal budgétaire a vocation à financer 88 % des 42 M€ d'investissements complémentaires prévus dans le PLF. Il s'agit notamment d'éviter la condamnation de la France en raison de retards enregistrés dans des programmes européens comme Data Link, et de maintenir en condition opérationnelle des équipements dont le niveau de sécurité reste un objectif primordial.
Pour limiter la hausse de l'endettement liée à ces opérations d'investissement, la DGAC prévoit de réaliser des économies importantes sur les dépenses : 10 M€ sur les dépenses de personnel et 5 M€ sur les dépenses de fonctionnement par rapport à la loi de programmation des finances publiques (LPFP). En outre, l'administration met en avant le fait que ces dépenses d'investissement ont vocation à optimiser tendanciellement la productivité du BACEA et à favoriser parallèlement l'absorption des réductions des effectifs, ce qui devrait faciliter le retour à l'équilibre des comptes.
Sans remettre en cause le bien-fondé de ces investissements, votre rapporteur s'interroge néanmoins sur la réelle capacité de la DGAC à organiser son désendettement . Les exigences européennes ne sont pas une nouveauté. Chaque année, la DGAC demande des crédits supplémentaires, qui ont ensuite vocation à faciliter le désendettement. Mais force est de constater que ce désendettement peine à s'amorcer, alors que de nouvelles contraintes continuent à s'ajouter. Compte tenu de la faiblesse des perspectives économiques, la crédibilité du désendettement de la DGAC repose sur une approche plus structurelle.
4. Une hausse de la quotité de taxe d'aviation civile (TAC) affectée au budget annexe est nécessaire
Le recours à l'emprunt pour financer les investissements supplémentaires de la navigation aérienne met en exergue la nécessité de réviser le mode de financement du budget annexe. Un désendettement soutenable du BACEA suppose d'identifier des ressources supplémentaires. Actuellement, la structure de financement du budget annexe est la suivante :
Redevances |
67 % |
Taxe de l'aviation civile (TAC) |
20 % |
Produit des emprunts |
11 % |
Recettes diverses |
2 % |
Ainsi que votre rapporteur l'a déjà souligné l'année dernière, le budget annexe est structurellement déséquilibré par l'affectation d'une part du produit de la TAC au budget de l'État. Les quotités de TAC affectées respectivement au BACEA et au budget général sont fixées à 80,91 % et 19,09 %. En 2014, le montant de TAC prélevé par l'État s'élève ainsi à 84,1 M€.
L'augmentation de la quotité de TAC affectée au BACEA permettrait d'engager rapidement un désendettement significatif. Les simulations transmises à votre rapporteur montrent que si le BACEA bénéficiait de 100 % de quotité de TAC à compter de 2015, son endettement à l'horizon 2020 pourrait être réduit de près de 70 %.
Bien que la situation actuelle ne relève pas d'une logique économique robuste, votre rapporteur a conscience que l'affectation totale du produit de la TAC au BACEA est peu envisageable à court terme , ne serait-ce qu'en raison de la difficulté à trouver un gage au niveau du budget général. Une réflexion pourrait néanmoins être menée sur l'opportunité d'une hausse modérée de la quotité de TAC affectée au BACEA , afin de mettre la DGAC en situation de totale responsabilité sur sa trajectoire de désendettement.
* 4 En 2010, pour la navigation aérienne, les exonérations « juridiques » sont liées aux règlements européens : coûts sur des aérodromes non assujettis, vols à vue, vols gouvernementaux, etc. Ces exonérations en métropole représentent 58 millions d'euros, soit environ 5 % des coûts. S'ajoute un montant de 8 millions d'euros non couvert pour motif économique. Les coûts rendus outre-mer (109 millions d'euros) ont été couverts à 36 % (40 millions d'euros). Le solde non couvert s'est élevé à 69 millions d'euros. Pour la surveillance et certification, le coût de 132 millions d'euros a été couvert par des redevances pour 37 millions d'euros (28 %) seulement, du fait des faibles capacités contributrices des secteurs concernés. Les activités outre-mer sont couvertes à 6 %.
* 5 Avis n°153 (2012-2013) relatif au projet de loi de finances pour 2013.