C. DONNER UN SOUFFLE NOUVEAU À L'ÉTAT ACTIONNAIRE EN FAISANT APPEL À DES TALENTS RECONNUS DU MONDE INDUSTRIEL.
En complément d'une approche plus dynamique et soucieuse de préserver l'influence de l'Etat, la troisième recommandation formulée l'an dernier par la commission, était de renforcer la pertinence ainsi que le caractère consensuel de la gestion des participations de l'État en faisant appel à des talents reconnus du monde industriel.
Comme l'a illustré l'attention portée au rapport de M. Louis Gallois, dès qu'une personnalité incontestable s'investit dans un sujet, l'intérêt du pays a tendance à prendre le dessus sur les clivages partisans ou les postures. Il est, dans ces conditions, logique de préconiser que les initiatives de l'Etat actionnaire puissent bénéficier d'un élan et d'un consensus similaire.
En ce qui concerne les prolongements de la recommandation de la commission des affaires économiques tendant à faire appel, au sein de l'APE, à des talents reconnus du monde industriel, la réponse au questionnaire budgétaire pour 2014 apporte quelques précisions et quelques pistes.
L'APE précise qu'elle dispose, pour l'exercice de ses missions, d'une équipe resserrée avec, au 1 er septembre 2013, un effectif de 29 chargés d'affaires, fonctionnaires pour l'essentiel, et de contractuels notamment au sein des pôles d'expertise (financier, RH, juridique, audit et comptabilité). S'ajoutent par ailleurs une vingtaine d'agents dans les fonctions support et les secrétariats, soit un total de 51 personnes.
« La préoccupation de renforcer au sein de l'agence la présence de profils disposant d'une expérience éprouvée de l'entreprise et de la sphère industrielle, est déjà ancienne.
Dès 2003, le rapport Barbier de la Serre soulignait que l'un des objectifs de la création de l'APE était « de rassembler et combiner des compétences de management dans des entreprises publiques et privés, des compétences administratives (...) ainsi que des compétences plus spécialisées ». De même, M. Denis Samuel Lajeunesse, qui fut le premier directeur de l'APE, présentait la mixité public/privé des équipes de l'Agence « comme un signe clair de la volonté de l'Etat de favoriser les synergies entre des cultures professionnelles différentes qui contribue à améliorer la réactivité et l'efficacité de l'Etat actionnaire ».
Une souplesse a donc été donnée en 2004 à l'APE dans le recrutement de ses agents afin de faciliter le recrutement de profils adaptés et diversifiés, notamment par le recours aux contractuels tout en respectant strictement le droit de la fonction publique sur ce sujet. Ainsi, les pôles transversaux de l'APE sur les fonctions RH, financière, comptable et juridique font ils souvent appel à ce type de recrutements pour pouvoir disposer de profils spécialisés disposant de compétences très ciblées. L'agence a notamment recruté, en août 2013, un chargé de mission provenant du secteur financier. Ce dernier, directement rattaché à la Direction générale, est un expert de l'analyse et des opérations financières, notamment dans le secteur industriel.
La nomination, en septembre 2012, d'un commissaire aux participations de l'Etat ayant une expérience significative en entreprise privée comme publique contribue aussi, par exemple, à répondre à cet enjeu.
Par ailleurs, dans le cadre de la nouvelle doctrine de l'Etat actionnaire annoncée par le Gouvernement, l'APE pourra s'appuyer sur des comités spécialisés qui comprendront des personnalités extérieures reconnues pour leur parcours professionnel, dans les domaines clés que sont la stratégie actionnariale et les nominations au sein des entreprises publiques. Un comité stratégique de l'Etat actionnaire et un comité des rémunérations seront créés à cet effet. »
Ce dernier point amène à rappeler que, concrètement, l'État actionnaire participe à la nomination de 936 administrateurs qui siègent actuellement aux conseils d'administration et de surveillance des entreprises du périmètre de l'APE, dont 366 administrateurs représentant l'État .
Dans son rapport annuel pour 2014, l'APE souligne elle-même que la capacité à identifier et à recruter au sein de chaque conseil les profils d'administrateurs les plus adaptés constitue un élément majeur de la mission de l'État actionnaire. Le principal enjeu est donc d'élargir le vivier de candidats susceptibles d'exercer des mandats d'administrateurs. Or les limitations réglementaires imposent de choisir ces représentants parmi les dirigeants d'entreprises publiques ainsi que les fonctionnaires en activité ou retraités, ce qui exclut même les fonctionnaires en disponibilité ou hors cadre travaillant dans des entreprises.
L'article 10 du projet de loi d'habilitation n° 28 (2013-2014) à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, en discussion au Sénat, semble toutefois porteur de progrès dans ce domaine. Ce texte prévoit, dans des termes assez imprécis, de « moderniser la gouvernance des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation majoritaire ou minoritaire ». En pratique, cette habilitation pourrait servir de base à un assouplissement des règles relatives à la nomination d'administrateurs. Si tel est bien le cas, une telle mesure irait très exactement dans le sens des recommandations de la commission .
Encore faudra-t-il examiner attentivement la portée exacte de l'élargissement du vivier de recrutement de ces administrateurs. On peut d'ailleurs se demander si l'imprécision des formules employées ne masque d'importants enjeux, puisque la désignation en tant qu'administrateur constitue une forme de reconnaissance à laquelle peuvent être très sensibles un certain nombre de fonctionnaires de talent et il parait effectivement souhaitable de préserver une occasion pour ces derniers de se familiariser avec le fonctionnement des entreprises.
En même temps, et comme l'ont montré, par exemple, les négociations sur le réaménagement de l'actionnariat d'EADS, l'État, pour prendre des décisions opportunes, aurait besoin de faire appel à des experts de qualité pour fortifier sa vision stratégique dans un secteur donné, en s'inspirant des « bonnes pratiques » allemandes.
Votre commission des affaires économiques préconise ainsi un rééquilibrage dans le sens d'une plus grande mixité des recrutements des représentants de l'Etat actionnaire : entre femmes et hommes, bien entendu, et entre des cultures professionnelles en faisant appel à des personnes issues du secteur privé ayant exercé des fonctions dans le domaine considéré, tout en prévenant les risques de conflit d'intérêt.