N° 537

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 avril 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , d'orientation et de programmation pour la refondation de l' école de la République ,

Par M. Claude HAUT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

653 , 767 et T.A. 96

Sénat :

441 (2012-2013)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République traduit l'engagement du Gouvernement de faire de l'éducation nationale une des priorités du nouveau quinquennat, en consacrant les moyens financiers et humains nécessaires au premier des services publics de la République française.

Mais, au-delà de la question des moyens, à laquelle votre commission des finances est naturellement attentive, il s'agit d'un projet global et ambitieux, ayant pour finalité de refonder notre école pour mieux préparer l'avenir de nos enfants. Des objectifs élevés sont assignés à la formation des enseignants et au contenu des programmes, traduisant la priorité accordée à la jeunesse par le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Le présent projet de loi est le résultat d'un processus inédit de concertation, lancé dès le 5 juillet 2012 par le Premier ministre devant le Conseil supérieur de l'éducation et ayant conduit à la remise au Président de la République, le 9 octobre 2012, d'une synthèse de 300 heures de débats répartis dans 120 villes, enrichis par 8 200 contributions d'internautes.

Au coeur du projet de refondation de l'école de la République, le rétablissement dans l'enseignement de 60 000 postes supprimés par l'ancienne majorité était au coeur de la campagne du Président François Hollande : le présent projet de loi traduit cet engagement, le déclinant pour la première fois par catégorie de postes et en ciblant des territoires prioritaires, tout en définissant les objectifs et le cadre d'une ambition nouvelle pour l'école.

Dans un contexte particulièrement contraint pour les finances publiques, les choix opérés au bénéfice de l'éducation nationale résultent d'arbitrages au sein d'une enveloppe budgétaire fermée : la stabilisation, d'une part, des dépenses de l'Etat sous les doubles normes « zéro volume » et « zéro valeur » et, d'autre part, des effectifs, signifie que l'effort accompli dans le domaine de l'enseignement est compensé par des économies équivalentes au sein du budget de l'Etat, suivant les principes fixés par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (LPFP). Le présent projet de loi constitue ainsi une loi de programmation déclinant une autre loi de programmation.

Votre commission des finances a choisi de se saisir pour avis des dispositions ayant un impact direct ou indirect - au regard des créations de postes - sur les finances de l'Etat et des collectivités territoriales :

- les créations de postes et leur répartition (le cadrage pluriannuel, les créations de postes et leur répartition, détaillés à l'article 1 er du projet de loi et dans le rapport annexé) ;

- l'accueil en maternelle des enfants de moins de trois ans (article 5) ;

- les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales (articles 12 à 15) ;

- les activités périscolaires (article 46) et la création d'un fonds en faveur des communes ayant opté pour l'aménagement des rythmes scolaires (article 47) ;

- la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (articles 48 à 54).

I. L'ÉDUCATION NATIONALE : UNE POLITIQUE PRIORITAIRE DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT

A. RETOUR SUR LA PROGRAMMATION TRIENNALE : LA MISSION « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE » BÉNÉFICIE D'UNE HAUSSE IMPORTANTE DE SES CRÉDITS AU SEIN DU BUDGET DE L'ÉTAT

1. Des choix budgétaires responsables...

Le présent projet de loi respecte la trajectoire financière fixée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (LPFP).

La LPFP a défini le cadre budgétaire du rétablissement, à moyen terme, de l'équilibre de nos finances publiques, tout en préservant le potentiel de croissance de notre pays et en accordant la priorité aux outils de renforcement de notre cohésion sociale.

Pour parvenir au rétablissement de l'équilibre des finances publiques, et permettre à la France de retrouver à l'avenir des marges budgétaires, la LPFP et le programme de stabilité encadrent l'évolution des dépenses publiques, et en particulier des dépenses de l'Etat.

La dépense publique ne devrait augmenter que de + 0,5 % en volume sur la période 2012-2017. L'effort sera encore plus important, compte tenu notamment de la dynamique des dépenses sociales, pour l'Etat, dont les dépenses hors dette et pensions devraient baisser de 1,5 milliard d'euros en 2014.

Par ailleurs, les effectifs de l'Etat et de ses opérateurs étant stabilisés, les créations d'emplois sont gagées par des suppressions d'emplois à due concurrence.

Dans ce contexte, l'effort en faveur de l'éducation nationale apparaît exceptionnel et souligne la priorité accordée à la jeunesse, puisque les créations de postes et la progression des crédits sont compensées par des efforts réalisés parmi d'autres politiques publiques .

2. ... accordant la priorité à l'éducation, fondement de la réduction des inégalités sociales et territoriales

Dans un cadre budgétaire orienté vers le rétablissement de l'équilibre des finances publiques, la mission « Enseignement scolaire » apparaît comme la première des politiques publiques prioritaires du nouveau Gouvernement.

L'investissement en capital humain est le meilleur garant de la prospérité future d'une nation. Il a un impact sur la croissance potentielle, en améliorant la productivité et l'employabilité des travailleurs. Par ailleurs, favoriser l'égal accès de tous les enfants à l'éducation contribue à la réduction des inégalités sociales et à la résorption de la fracture territoriale.

Les études PISA, qui sont des enquêtes menées tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 34 pays membres de l'OCDE et dans de nombreux pays partenaires, permettent d'évaluer l'acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire. A cet égard, elles font apparaître les insuffisances du système éducatif français, qui a souffert de plus de 80 000 réductions de postes entre 2007 et 2012.

En effet, à l'issue de leur scolarité à l'école primaire, 21 % des élèves ne maîtrisent pas la langue française et 29 % ne maîtrisent pas les principaux éléments de mathématiques et culture scientifique et technologique. Or l'échec scolaire touche d'abord les élèves issus des milieux les plus modestes, conduisant à une reproduction, voire à une aggravation, des inégalités sociales à l'école. C'est pourquoi l'enseignement apparaît comme la première des priorités parmi les missions du budget général de l'Etat .

Alors que les crédits de l'ensemble des missions du budget général (hors charges de la dette et pensions) sont stabilisés en valeur dans la LPFP et devraient être révisés à la baisse, la LPFP a prévu une augmentation des crédits de la mission « Enseignement scolaire » de 1,18 milliard d'euros en 2015 par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2012 1 ( * ) .

La mission « Enseignement scolaire » bénéficie de la deuxième plus importante hausse des crédits d'une mission sur la période du budget triennal 2013-2015, comme le montre le tableau ci-après. Seule la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » bénéficie d'une augmentation de ses moyens légèrement plus importante au cours de la même période (+ 1,21 milliard d'euros), mais la part des dépenses sociales dites de guichet entraîne spontanément une dynamique à la hausse des moyens de cette mission en période de moindre croissance économique. Hors dépenses sociales, la mission « Enseignement scolaire » connaît la plus forte progression de ses crédits.

Si l'on raisonne en termes de hausse cumulée sur la période du budget triennal (c'est-à-dire des crédits de 2013 par rapport à 2012, de 2014 par rapport à 2012 et de 2015 par rapport à 2012), alors que la LPFP prévoit une stabilisation des dépenses en valeur, la mission « Enseignement scolaire » bénéficie , sur trois ans, d'un renforcement de ses moyens de 2,18 milliards d'euros sur trois ans . Seule la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » bénéficie d'une augmentation de ses dotations plus importante au cours de la même période (+ 2,80 milliards d'euros).

Programmation triennale des crédits de paiement des missions du budget général de l'Etat (hors remboursements et dégrèvement, charge de la dette,
et contributions au CAS « Pensions ») :
les missions bénéficiant d'une augmentation de leurs crédits

(en milliards d'euros)

Mission

LFI 2012 format 2013

2013

2014

2015

Evolution 2012-2015

Hausse cumulée 2 ( * ) sur 3 ans

Solidarité, insertion et égalité des chances

12,53

13,17

13,48

13,74

+ 1,21

+ 2,80

Enseignement scolaire

45,40

45,70

46,10

46,58

+ 1,18

+ 2,18

Recherche et enseignement supérieur

25,12

25,64

25,74

25,86

+ 0,74

+ 1,88

Régimes sociaux et de retraite

6,37

6,54

6,75

6,84

+ 0,47

+ 1,02

Sécurité

11,58

11,61

11,78

11,96

+ 0,38

+ 0,61

Justice

6,02

6,20

6,30

6,32

+ 0,30

+ 0,76

Outre-mer

1,90

1,99

2,07

2,14

+ 0,24

+ 0,50

Sport, jeunesse et vie associative

0,49

0,46

0,48

0,56

+0,07

+ 0,03

Immigration, asile et intégration

0,59

0,67

0,66

0,64

+ 0,05

+ 0,20

Action extérieure de l'Etat

2,79

2,83

2,81

2,81

+ 0,02

+ 0,08

Conseil et contrôle de l'Etat

0,48

0,49

0,50

0,50

+ 0,02

+ 0,04

Sécurité civile

0,39

0,39

0,40

0,41

+ 0,02

+ 0,03

Provisions

0,15

0,16

0,21

0,16

+ 0,01

+ 0,07

Source : commission des finances, d'après la loi de programmation de finances publiques

3. Un changement de cap engagé dès l'été 2012

Cette priorité donnée à l'éducation a été engagée dès le premier « acte budgétaire » de la nouvelle majorité, la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 n° 2012-958 du 16 août 2012.

a) La majoration de l'allocation de rentrée scolaire

Le Gouvernement a majoré l'allocation de rentrée scolaire (ARS) versée, sous conditions de ressources 3 ( * ) , aux familles ayant au moins un enfant scolarisé et âgé de 6 à 18 ans, à la rentrée 2012. Par un décret en date du 27 juin 2012, le montant de l'ARS a été revalorisé de 25 % (contre une revalorisation de 1,5 % lors de la rentrée 2011, correspondant à l'inflation), les plafonds de ressources pour bénéficier de l'ARS étant inchangés.

À la rentrée 2012, son montant s'est ainsi établi comme suit :

- 356,20 euros pour les enfants âgés de 6 à 10 ans ;

- 375,85 euros de 11 à 14 ans ;

- 388,87 euros de 15 à 18 ans.

Le coût global de cette mesure, correspondant à un engagement de campagne, s'est élevé à 372 millions d'euros (portant le coût global de l'ARS à 1,86 milliard d'euros) au bénéfice de trois millions de familles.

Cette mesure a été financée de manière pérenne par l'affectation d'une fraction de la hausse de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et de placement, laquelle procure un rendement global de 0,8 milliard d'euros - c'est donc près de la moitié de cette hausse qui a été affectée à la revalorisation de l'ARS.

b) L'augmentation des crédits votée dans la loi de finances pour 2013

Dans la loi de finances n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 pour 2013, la hausse des crédits de la mission « Enseignement scolaire » par rapport à 2012 s'élève à 0,3 milliard d'euros, pour un montant total de dépenses de 45,7 milliards d'euros (hors contribution au CAS « Pensions »). Hors dépenses de personnel examinées ci-après, les dépenses de fonctionnement et d'intervention - dont les bourses - ont augmenté de 130 millions d'euros dans la loi de finances pour 2013 par rapport à 2012.

c) Les réformes de l'enseignement français à l'étranger

Afin de mieux tenir compte des situations des familles concernées, la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans les classes de lycée des établissements d'enseignement français à l'étranger a été supprimée par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012, permettant une économie de 12,5 millions d'euros en 2012. Parallèlement, il a été procédé à une augmentation de bourses attribuées sur critères sociaux, pour répondre aux besoins des familles les plus modestes.

Dans la loi de finances pour 2013, l'éducation à l'étranger a également bénéficié de moyens accrus, avec une augmentation de 5,5 millions d'euros de la subvention allouée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).


* 1 Au format du projet de loi de finances pour 2013.

* 2 Hausse cumulée des crédits de 2013 par rapport à 2012, de 2014 par rapport à 2012 et de 2015 par rapport à 2012.

* 3 À la rentrée 2012-2013, pour pouvoir percevoir l'allocation de rentrée scolaire, les ressources du foyer (sur la base des revenus de l'année 2010) ne devaient pas dépasser 23 200 euros pour un enfant, 28 554 euros pour deux enfants et 33 908 euros pour trois enfants (plus 5 354 euros par enfant supplémentaire).

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