EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 27 FÉVRIER 2013
M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis. - Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, afin d'en examiner quelques articles relatifs au droit des assurances, au droit de la consommation, au droit funéraire et aux règles applicables aux commissions d'enquête parlementaires.
Mon rapport s'inscrit dans les pas de notre collègue Nicole Bonnefoy, puisqu'il propose de reprendre des amendements qu'elle avait fait adopter par le Sénat, en décembre 2011, comme rapporteure du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, texte qui n'avait pas abouti.
Les articles 11 et 11 bis modifient les règles du secret professionnel devant les commissions d'enquête parlementaires. Actuellement, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit qu'une personne entendue par une commission d'enquête peut lui opposer le secret professionnel. La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a apporté une dérogation en disposant que les personnes participant ou ayant participé aux travaux de l'Autorité de contrôle prudentiel ou de l'Autorité des marchés financiers sont déliées de ce secret lorsque la commission d'enquête applique le secret à leur audition. Le projet de loi prévoit qu'il en soit de même pour les personnes participant ou ayant participé aux missions du Haut conseil de stabilité financière, appelé à se substituer à l'actuel conseil de régulation financière et du risque systémique, ainsi que pour les dirigeants et salariés des établissements de crédit.
Tout ceci pose question quant à la cohérence des règles en matière de secret professionnel devant les commissions d'enquête. Pourquoi s'en tenir au domaine financier ? Pourquoi ne pas s'interroger aussi sur l'opposabilité du secret professionnel en matière fiscale, comme évoqué l'an dernier à l'occasion de notre commission d'enquête sur l'évasion des capitaux ? Sans doute aurons-nous l'occasion de revenir sur ces sujets le moment venu. Pour l'heure, je vous propose deux amendements destinés à mettre en cohérence les dispositions du projet de loi sans les modifier sur le fond.
L'article 18 du projet de loi renforce l'information de l'emprunteur sur le coût de l'assurance dans le cas d'un crédit à la consommation et encadre les conditions dans lesquelles il est possible de souscrire un contrat d'assurance pour un crédit immobilier autre que le contrat groupe proposé par le prêteur, de façon à permettre à l'emprunteur d'exercer véritablement la liberté de choix instituée par la loi Lagarde de juillet 2010. Instaurée au nom de la concurrence, celle-ci peut avoir pour effet de diminuer le coût de l'assurance-crédit pour l'emprunteur, pour un montant qui peut atteindre plusieurs milliers d'euros sur la totalité de la durée du crédit. Plusieurs de mes amendements sont destinés à clarifier ces dispositions approximatives. La question demeure posée de la liberté de choix pour les contrats de crédits souscrits antérieurement à la loi Lagarde. La Cour de cassation semble avoir ouvert une porte mais je n'ai pu étudier cette question plus avant dans les délais impartis.
L'article 23 relatif aux facilités d'accès au compte bancaire du défunt reprend un dispositif que le Sénat avait adopté dans la rédaction proposée par notre commission, à l'initiative de notre collègue Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis du projet de loi renforçant les droits du consommateur. Il s'agit d'autoriser les héritiers à accéder au compte bancaire du défunt pour régler ses funérailles. La commission des finances a fort heureusement rétabli la référence à la « personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles», que le projet du gouvernement avait remplacée par la notion, inconnue en droit civil, de «personne ayant pourvu aux funérailles ». Cet article 23 propose en outre d'autoriser un successible en ligne direct à payer certaines dettes de la succession et même à clôturer le compte et à prélever la totalité des fonds. Il lui suffirait pour cela de faire valoir sa qualité grâce à un acte de naissance et de déclarer, sans autre vérification, qu'il n'y a, à sa connaissance, pas d'autres héritiers, ni de testament ou de contrat de mariage. Pour la clôture du compte, il devrait en outre produire une attestation des autres héritiers l'autorisant à percevoir les fonds disponibles. Ces procédures ne seraient possibles que pour des comptes bancaires d'un montant inférieur à quelques milliers d'euros. A l'issue des mes auditions, ce dispositif m'inspire les plus grandes réserves. Le conseil supérieur du notariat estime notamment que la sécurité juridique du dispositif est loin d'être assurée et qu'il risque d'exacerber certains conflits successoraux. Que se passera-t-il lorsque les enfants souhaiteront clôturer le compte et que la compagne du défunt détiendra un testament olographe non enregistré ? Verra-t-on les successibles en conflit engager une course contre la montre pour vider les comptes bancaires du défunt à leur profit, en procédant, le cas échéant, à de fausses déclarations ? Comment l'intérêt des créanciers du défunt sera-t-il garanti, une fois les fonds dispersés, sans trace, entre les héritiers ? Je vous proposerai donc d'adopter un amendement supprimant ces deux ajouts, tout en conservant la disposition relative au seul paiement des funérailles.
Le présent projet de loi me paraît être particulièrement indiqué pour reprendre trois dispositifs relatifs aux contrats obsèques, déjà adoptés par le Sénat à l'initiative de notre commission, dans le projet de loi consommation.
Le premier a trait à la revalorisation des contrats obsèques, dont le Parlement avait voté le principe dans la loi relative à la législation funéraire, présentée par le président Sueur et rapportée par Jean-René Lecerf. Mais une ordonnance prise un mois plus tard l'avait supprimée...
M. Jean-Pierre Sueur , président . - Scélérate !
M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - ...puis nous l'avions rétablie dans la loi de simplification. Pour autant, cette disposition n'est toujours pas appliquée, les sociétés tirant argument d'une possible incompatibilité avec les règles prudentielles européennes en matière d'assurance-vie. Notre commission avait adopté un dispositif alternatif conçu par le président Sueur en collaboration avec les services de Bercy. Je vous propose de le reprendre.
Ensuite, comme nous l'avions voté à propos du projet de loi sur la consommation, l'un de mes amendements réserve la dénomination « contrats obsèques » à ceux qui assurent un capital pour financer les obsèques, sans les prévoir à l'avance, ainsi qu'aux contrats de prestations obsèques qui garantissent le paiement de prestations définies par le souscripteur. En serait en revanche exclus, les produits qui ne sont en fait que des assurances-vie déguisées, absolument pas destinés au financement des obsèques.
Je propose de reprendre une autre disposition que nous avions adoptée, qui concerne les contrats dits « packagés » liant le souscripteur à un ensemble de prestations standards, ainsi qu'à un prestataire unique, sans possibilité de modification. Une loi de 2004, les a déjà interdits mais, dans les faits, des opérateurs funéraires continuent de proposer des prestations insuffisamment précises et individualisées, par exemple un capiton molletonné sans préciser la matière. Il revient alors aux héritiers de faire ces choix, avec des suppléments de tarifs. Notre amendement précise au contraire que les prestations funéraires détaillées dans les contrats obsèques doivent être personnalisées.
Ce texte pourrait aussi nous permettre de reprendre un autre dispositif que le Sénat avait adopté, à l'occasion d'une proposition de loi, puis dans le projet de loi de consommation : il concerne les contrats d'assurance vie non réclamés. Le législateur est déjà intervenu en 2005 et surtout en 2007 pour préciser les obligations des assureurs en matière de recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie non réclamés mais les efforts doivent être poursuivis. Tout d'abord, je vous propose de donner un caractère annuel à l'obligation de vérification, auprès du répertoire national d'identification des personnes physiques géré par l'INSEE, du décès de l'assuré, lorsque la provision du contrat atteint au moins 2000 euros. L'ignorance du décès par l'assureur est en effet une cause importante de non réclamation par le bénéficiaire, lorsqu'il ignore la stipulation faite à son profit. Il vous est ensuite proposé de renforcer la transparence des démarches effectuées par les assureurs grâce à la publication d'un bilan annuel par les organisations professionnelles concernées.
L'article 25 du projet de loi vise à mettre en conformité le droit français des assurances avec un arrêt du 1 er mars 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne, suite au recours formé par l'association belge de consommateurs Test-Achats. La Cour a invalidé l'article 5 de la directive de 2004 prévoyant une dérogation au principe d'égalité en matière de primes et contrats d'assurance, avec effet au 21 décembre 2012. Nous sommes en mars 2013 et rien n'a été fait pour mettre la législation française en conformité ! La commission des finances a utilement clarifié la rédaction de cet article sur un point qui était d'interprétation difficile. Même si les représentants des assureurs souhaitaient que l'article soit adopté en l'état, au motif qu'il reprend un arrêté ministériel du 21 décembre 2012, il ne me semble pas que le législateur doive se sentir lié par un arrêté ministériel, intervenu, faute de mieux sans doute, dans le domaine de la loi. Je vous propose donc d'approuver la rédaction de l'article 25 telle que modifiée par la commission des finances.
Sous réserve de l'adoption de ces amendements, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des articles dont nous nous sommes saisis.
M. Pierre-Yves Collombat . - Ce texte n'apportant rien en matière de séparation et de réglementation bancaires, je suis heureux qu'il puisse améliorer la législation funéraire.
M. François Pillet . - Merci à notre collègue pour ce travail sur un sujet très technique. Je suis satisfait par l'amendement concernant l'obligation des compagnies d'assurances en matière de recherches des ayant-droits et des bénéficiaires des contrats d'assurance-vie, qui reprend les travaux de nos collègues Dominique de Legge et Nicole Bonnefoy. La loi actuelle est insuffisante et il conviendra de vérifier l'intensité, la qualité des diligences des assureurs dans l'application des nouvelles dispositions, d'autant que, d'expérience, les difficultés concernent surtout de petits contrats souscrits par des personnes modestes sur l'aimable recommandation d'un conseiller bancaire.
M. Jean-Jacques Hyest . - Il y a quand même eu des progrès mais ces opérations demeurent très difficiles. L'obligation de vérification annuelle devrait simplifier les choses. Toutefois, pour les personnes ne disposant pas de patrimoine, il n'y a pas d'ouverture de succession tandis que, dans les contrats, on se contente de mentionner « les héritiers » sans plus de précision. Il me semble que l'on ne changera pas grand-chose.
Il faut en revanche que nous poursuivions nos efforts sur les contrats obsèques. C'est une affaire extrêmement sensible et l'on propose désormais des contrats complexes - j'ai vu ça - qui concernent non seulement les obsèques mais aussi la dépendance, avec un remboursement si vous n'êtes pas dépendant. Comment cela va-t-il évoluer ? Les questions soulevées risquent d'aller bien au-delà de celles posées par la recherche des bénéficiaires d'assurance-vie.
M. Jean-Pierre Sueur , président . - Merci à M. Thani Mohamed Soilihi pour son travail et pour avoir cité le travail accompli par Nicole Bonnefoy. Je le remercie aussi particulièrement pour la prudence absolument nécessaire dont il fait preuve avec l'amendement n° 9. Dès lors qu'il y a possibilité de clôturer le compte du défunt et de prélever les fonds sur l'héritage, il faut être extrêmement vigilant.
Quant aux amendements n os 10 et 11, ils participent d'une véritable saga dont notre commission a été le témoin. A l'initiative du président Hyest, Jean-René Lecerf et moi-même avions rendu un rapport suivi d'une proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat, puis par l'Assemblée. Ce texte adopté en décembre 2008 prévoyait la revalorisation des sommes des contrats-obsèques chaque année et quelle ne fut pas notre colère lorsqu'une ordonnance est venue subrepticement supprimer l'article en question. Nous y avons vu là l'oeuvre souterraine de certains services de Bercy discrètement actionnés par la Fédération française des sociétés d'assurances. Nous nous en sommes expliqués en séance, à la suite de quoi on nous a exposé que ce que nous avions voté était bel et bon mais inopérant en raison de la réglementation européenne et des directives européennes. L'amendement n° 11, déjà adopté dans le cadre de la loi Lefebvre, est le résultat d'un grand nombre de réunions menées avec les services du ministère des finances pour satisfaire aux exigences communautaires. S'il est enfin mis en oeuvre, ce sera au bénéfice de tous ceux qui signent un contrat-obsèques. Ce n'est quand-même pas mince !
L'amendement n° 10 revient à une juste définition des contrats-obsèques, aujourd'hui détourné constamment en contrats « packagés » proposés par des organismes bancaires ou sociétés d'assurances. Ce sujet concerne toutes les familles de ce pays à un moment où elles sont éprouvées et sont souvent très désemparées.
EXAMEN DES AMENDEMNTS
M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 1 met en cohérence les dispositions relatives au caractère non opposable du secret professionnel dans le domaine financier à l'égard des commissions d'enquête parlementaires. La disposition envisagée par l'article 11 du projet de loi sera insérée dans l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 par un amendement à l'article 11 bis .
L'amendement n° 1 est adopté.
Article 11 bis
L'amendement n° 2 de coordination avec le précédent est adopté.
M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - L'objet de l'amendement n° 3 est de permettre à l'emprunteur d'exercer effectivement sa liberté de choix en matière d'assurance-crédit, en lui accordant un temps minimum pour rechercher, s'il le souhaite, un contrat autre que celui proposé par le prêteur.
L'amendement n° 3 est adopté.
L'amendement n° 4 rédactionnel est adopté.
M. Jean-Pierre Michel . - Bercy doit apprendre à écrire !
Les amendements nos 5 et 6 de clarification sont adoptés.
Article 23
L'amendement rédactionnel n° 7 est adopté.
M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - Comme annoncé, l'amendement n° 8 supprime les deux possibilités supplémentaires d'accès au compte bancaire du défunt.
M. Jean-Pierre Sueur , président . - A propos des amendements 8 et 9, il faudra insister en séance sur la nécessité d'éviter toute dérive.
Les amendements nos 8 et 9 sont adoptés.
M. Jean-Pierre Sueur , président . - L'amendement n° 10 relatif aux conventions-obsèques a déjà été adopté tant de fois par notre commission ! Nous espérons qu'il sera inscrit dans la loi et que celle-ci sera adoptée.
L'amendement n° 10 est adopté.
Articles additionnels après l'article 23
M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 11 porte sur la revalorisation des conventions-obsèques.
M. Jean-Pierre Sueur , président . - Après cinq réunions avec Bercy, nous sommes arrivés à un texte qui va vous éblouir par sa limpidité !
M. Jean-Jacques Hyest . - Qu'apporte le terme « à l'avance » ?
M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - C'est la formule employée dans le code des assurances.
L'amendement n° 11 est adopté.
M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 12 renforce les obligations des assureurs en matière de recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie non réclamés.
L'amendement n° 12 est adopté.
La commission émet, sous réserve de l'adoption de ces amendements, un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle est saisie.