Avis n° 151 (2012-2013) de M. Claude JEANNEROT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 novembre 2012
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AVANT-PROPOS
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I. UN SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI RENFORCÉ
POUR FAIRE FACE À LA HAUSSE PRÉOCCUPANTE DU CHÔMAGE
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II. UN PROJET DE BUDGET QUI TRADUIT LES NOUVELLES
ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION
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III. LA CONTRIBUTION DE LA POLITIQUE DU TRAVAIL ET
DE L'EMPLOI À L'EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉFICITS
PUBLICS
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I. UN SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI RENFORCÉ
POUR FAIRE FACE À LA HAUSSE PRÉOCCUPANTE DU CHÔMAGE
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EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
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Article 71 (art. L. 161-1-2 du code de la
sécurité sociale) - Abrogation de l'exonération de
cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs
d'entreprise
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Article 72 (nouveau) (art. 19 de la loi
n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la
sécurité sociale pour 2008) - Limitation du
bénéfice de l'exonération de cotisations applicables aux
organismes d'intérêt général établis en zone
de revitalisation rurale aux organismes comptant moins de cinq cents
salariés
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Article 71 (art. L. 161-1-2 du code de la
sécurité sociale) - Abrogation de l'exonération de
cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs
d'entreprise
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TRAVAUX DE LA COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE
RAPPORTEUR POUR AVIS
N° 151
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME VIII
TRAVAIL ET EMPLOI
Par M. Claude JEANNEROT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Gilbert Barbier , Mmes Isabelle Debré, Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Jean-Marie Vanlerenberghe, vice-présidents ; Mmes Aline Archimbaud, Claire-Lise Campion, Catherine Deroche, Chantal Jouanno , M. Marc Laménie, secrétaires ; M. Yves Daudigny, rapporteur général ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Odette Duriez, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38
Sénat : 147 et 148 (annexe n° 31a ) (2012-2013)
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le projet de budget pour le travail et l'emploi met en oeuvre les nouvelles orientations que les Français ont choisies lors des scrutins des mois de mai et juin 2012.
Il traduit un changement de politique qui se manifeste d'abord au niveau de l'évolution globale des crédits : entre 2008 et 2012, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté d'un million, tandis que les crédits de la mission « Travail et emploi » sont passés de 12,5 à 10,1 milliards d'euros, soit une baisse de 20 %.
Le projet de loi de finances pour 2013 propose d'inverser cette tendance en inscrivant des crédits en hausse de 2 %. Les crédits de la mission s'élèveront ainsi à 10,3 milliards d'euros, en incluant la contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions ». La hausse des crédits atteint même 4 % si l'on tient compte d'un changement de périmètre qui a conduit à transférer 250 millions d'euros vers le compte d'affectation spéciale « Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage ».
Le changement se traduit également par la volonté d'établir une nouvelle relation de confiance avec les partenaires sociaux, comme en témoignent l'organisation, dès le mois de juillet, de la Grande conférence sociale, puis le lancement, à la rentrée, de négociations importantes sur le contrat de génération et sur la sécurisation de l'emploi. Dans le cadre de la discussion budgétaire, on note que le Gouvernement a décidé de ne plus ponctionner le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), afin de respecter l'autonomie des partenaires sociaux qui en assurent la gestion.
Mais le changement passe surtout par la définition de nouvelles priorités : priorité à l'emploi des jeunes avec le déploiement des emplois d'avenir ; soutien aux publics les plus en difficulté avec le maintien à un niveau élevé des entrées en contrats aidés ; accompagnement des mutations économiques avec la relance de l'activité partielle ; renforcement du service public de l'emploi avec 2 000 embauches supplémentaires à Pôle emploi ; développement des formations en alternance, qui offrent de bonnes perspectives d'insertion professionnelle, avec l'objectif fixé par le Premier ministre de 500 000 apprentis à la fin du quinquennat.
Votre commission approuve ces nouvelles orientations, même si elle a conscience que le changement mettra du temps avant de produire ses effets. La France doit en effet faire face à une situation très difficile sur le front de l'emploi, avec un chômage qui a augmenté sans discontinuer depuis dix-huit mois, et doit gérer une dette publique qui atteint des sommets et qui impose un effort collectif d'assainissement budgétaire.
Les deux programmes qui financent la politique de l'emploi rassemblent la plus grande partie des crédits de la mission. Le troisième programme vise à l'amélioration des conditions de travail et à la promotion du dialogue social. Le dernier programme regroupe les moyens qui permettent de conduire la politique du travail et de l'emploi.
Décomposition des moyens de la mission « Travail et emploi » |
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(en milliards d'euros) |
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Crédits
|
Proportion du budget
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|
Programme 102 « Accès et retour à l'emploi » |
5,7 |
55% |
Programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » |
3,75 |
36 % |
Programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » |
0,08 |
1 % |
Programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » |
0,78 |
8 % |
Mission « Travail et emploi » |
10,31 |
100 % |
Source : projet de loi de finances pour 2013 |
Outre ces crédits budgétaires, la politique du travail et de l'emploi se caractérise par l'importance des dépenses fiscales qui y sont associées. Recensées dans le projet annuel de performance, ces dépenses fiscales atteignent un montant global de 10,6 milliards d'euros.
La prime pour l'emploi (PPE), qui incite ses bénéficiaires à reprendre un emploi plutôt qu'à vivre des minima sociaux, occasionne, à elle seule, une dépense de 2,46 milliards. Près de 4,6 milliards de dépenses fiscales sont liés aux diverses mesures destinées à favoriser le développement des services à la personne.
La limitation des exonérations applicables aux heures supplémentaires témoigne cependant de la volonté du Gouvernement de supprimer ou de réduire les niches fiscales qui n'ont pas un effet suffisant sur l'emploi, voire qui découragent les créations d'emploi.
L'Assemblée nationale a sensiblement amélioré le projet de budget en majorant les crédits de plusieurs dispositifs qui apparaissaient trop peu dotés : gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) et dispositifs locaux d'accompagnement (DLA). Ces dépenses supplémentaires sont compensées par la limitation de certaines exonérations de cotisations sociales. Elle a aussi légèrement augmenté les crédits destinés aux entreprises d'insertion, qui effectuent un travail considérable en faveur de personnes éloignées de l'emploi.
Ce projet de budget n'est évidemment qu'un des leviers à la disposition du Gouvernement pour gagner la bataille de l'emploi. Une action doit être conduite, dans la durée, pour redresser la compétitivité de nos entreprises, notamment dans le secteur industriel. Tel est l'objectif du pacte annoncé par le Premier ministre, qui prévoit notamment la mise en place prochaine d'un crédit d'impôt afin d'alléger le coût du travail. Un autre axe de réflexion est l'amélioration du fonctionnement du marché du travail, qui tend aujourd'hui à faire peser tout le poids de la précarité sur les jeunes et les seniors. Les partenaires sociaux sont invités à négocier sur ce sujet un accord historique, qui pourrait servir de base, l'année prochaine, à une grande réforme législative.
I. UN SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI RENFORCÉ POUR FAIRE FACE À LA HAUSSE PRÉOCCUPANTE DU CHÔMAGE
Le chômage est orienté à la hausse depuis la mi-2011, ce qui est une conséquence de la dégradation de la conjoncture économique. Les prévisions de croissance pour l'année prochaine ne permettent pas d'envisager d'amélioration sur le front de l'emploi sans action volontariste de la part des pouvoirs publics. Dans ce contexte, le service public de l'emploi (SPE), en première ligne pour indemniser et accompagner les chômeurs, va voir ses moyens renforcés.
A. LA HAUSSE DU CHÔMAGE SE POURSUIT
1. Une situation dégradée en 2012
Après une courte embellie au premier semestre 2011, la progression de l'emploi salarié marchand a marqué le pas : on a dénombré ainsi 30 000 destructions nettes d'emplois entre le deuxième trimestre 2011 et le deuxième trimestre 2012. Selon les estimations de l'Insee, 16 125 000 personnes étaient salariées dans le secteur marchand non agricole à la fin du premier semestre, soit 308 000 de moins qu'à la fin du premier trimestre 2008, avant la crise.
Ces destructions d'emplois sont liées, en grande partie, à la suppression d'emplois intérimaires : entre le deuxième trimestre 2011 et le deuxième trimestre 2012, 56 000 postes ont été perdus dans le secteur de l'intérim, tandis que le reste de l'emploi salarié a augmenté de 26 000 unités sur la même période. Ces pertes d'emplois se sont concentrées dans le secteur industriel, qui recourt largement au travail temporaire.
Si l'on considère les statistiques hors intérim, on constate que 23 000 postes ont été perdus dans l' industrie , tandis que l'emploi a légèrement diminué dans le secteur de la construction et progressé, de manière ralentie, dans les services marchands (+ 53 000 postes contre + 157 000 postes au cours des douze mois précédents).
La dégradation de l'emploi salarié s'est poursuivie, voire accélérée, au troisième trimestre de l'année 2012 : selon l'estimation provisoire publiée par l'Insee, 50 400 postes auraient été perdus, dont les deux tiers dans l'intérim.
Cette évolution de l'emploi a eu naturellement un impact défavorable sur le taux de chômage , d'autant plus fort que la population active a continué à progresser. Selon les chiffres de l'Insee, le taux de chômage s'est établi à 10,2 % de la population active au deuxième trimestre (9,7 % en France métropolitaine). Le nombre d'inscrits à Pôle emploi a franchi la barre des trois millions au mois d'août et a encore augmenté de 46 900 personnes en septembre, soit la plus forte hausse constatée depuis le mois d'avril 2009, et de 45 400 personnes en octobre.
Les annonces de plans sociaux se sont multipliées ces derniers mois (Doux, PSA, Sanofi, Pétroplus...), ce qui laisse présager une poursuite de la dégradation. L'Insee estime le taux de chômage à 10,4 % de la population active au troisième trimestre (10 % en France métropolitaine) et table sur un taux de 10,6 % au quatrième trimestre (10,2 % en France métropolitaine) 1 ( * ) .
2. Une stabilisation envisagée en fin d'année 2013
Pour 2013, le Gouvernement envisage 2 ( * ) une reprise des créations d'emplois dans le secteur marchand (+ 45 000), en lien avec la légère amélioration de la croissance. Le projet de loi de finances est construit sur une hypothèse de croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,8 % l'an prochain, alors que la croissance ne devrait pas excéder 0,3 % cette année.
En plus de ces créations d'emplois dans le secteur marchand, le Gouvernement mise sur l'effet des nouveaux dispositifs en cours de déploiement ou qui vont être mis en place prochainement : emplois d'avenir et contrats de génération. Si l'ont tient également compte du fait que les effectifs de la fonction publique vont être stabilisés, le nombre total de créations d'emplois devrait être un peu supérieur à 145 000 en 2013.
Il n'est pas certain, cependant, que cette augmentation du nombre de créations d'emplois soit suffisante pour faire reculer le chômage. On a observé ces dernières années que le chômage ne commence à refluer en France que lorsque la croissance atteint 1,5 %, soit un niveau bien supérieur à celui anticipé l'an prochain. De plus, des incertitudes entourent la prévision de croissance du Gouvernement, que la Commission européenne vient par exemple de juger trop optimiste 3 ( * ) .
La principale interrogation porte sur les conséquences de la politique de réduction des déficits que le Gouvernement a engagée avec détermination : politiquement indispensable pour éviter que la France ne se place dans la dépendance des marchés financiers, elle peut avoir, à court terme, un effet négatif sur l'activité, à moins que la confiance retrouvée dans une saine gestion des finances publiques n'encourage les ménages à réduire leur taux d'épargne.
Ces incertitudes soulignent la nécessité d'une action volontariste des pouvoirs publics en matière d'emploi, mais aussi de réformes structurelles pour faire baisser de manière permanente notre taux de chômage. Tel est l'objectif de la négociation en cours entre les partenaires sociaux sur la sécurisation de l'emploi, lancée à l'initiative du ministre du travail, Michel Sapin.
Lors de sa conférence de presse du 13 novembre, le Président de la République, François Hollande, a réaffirmé sa conviction que le chômage pouvait être stabilisé vers la fin de l'année 2013, avant de commencer à refluer . Votre commission juge cette perspective réaliste compte tenu des mesures volontaristes qui vont être mises en oeuvre l'an prochain et du potentiel de croissance de l'économie française.
B. LES DÉPENSES D'INDEMNISATION DU CHÔMAGE
Alors que les dépenses d'assurance chômage devraient augmenter l'an prochain, la dotation de l'Etat au fonds de solidarité s'inscrit en diminution dans le projet de budget.
1. Une assurance chômage fortement mise à contribution
L'augmentation du chômage pèse sur les dépenses de l'Unedic, qui devrait être encore déficitaire en 2012 et 2013.
Sur l'ensemble de l'année 2012, l'assurance chômage s'attend à une hausse sensible du nombre de demandeurs d'emploi indemnisés (71 900). L'an prochain, la hausse du nombre de demandeurs d'emploi indemnisés se poursuivrait, mais à un rythme ralenti (7 200).
En conséquence, les dépenses de l'Unedic augmenteraient pour atteindre 37,2 milliards l'an prochain, tandis que ses recettes seraient peu dynamiques, creusant ainsi son déficit. Le déficit de l'assurance chômage devrait s'élever à plus de 4 milliards d'euros l'an prochain, contre 2,6 milliards cette année et seulement 1,5 milliard en 2011. Il en résulterait une nouvelle augmentation de la dette cumulée, qui dépasserait les 17 milliards d'euros.
Evolution de la situation financière de l'assurance chômage |
|||||
(en millions d'euros) |
|||||
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
|
Recettes |
30 310 |
31 188 |
31 855 |
32 630 |
33 119 |
Dépenses |
31 482 |
34 158 |
33 419 |
35 217 |
37 217 |
Résultat de l'année (R -D) |
- 1 172 |
- 2 970 |
- 1 565 |
- 2 587 |
- 4 098 |
Endettement net bancaire au 31 décembre |
6 139 |
8 571 |
11 026 |
13 633 |
17 731 |
(R) : réalisé - (P) : prévision - (H) : hypothèse Source : Unedic |
L'Unedic finance son déficit en empruntant sur les marchés financiers où elle bénéficie de taux d'intérêt historiquement bas. Elle a versé environ 200 millions d'euros d'intérêts en 2012.
Il est intéressant de noter que 40 % des allocataires de l'assurance chômage exercent une activité réduite, ce qui leur permet de cumuler un revenu d'activité et une partie de leur allocation chômage. Ces demandeurs d'emploi restent ainsi proches du monde du travail, ce qui est susceptible de faciliter leur retour à l'emploi durable.
2. La solidarité avec les chômeurs en fin de droits
Institué en 1982, le fonds de solidarité finance les allocations versées aux demandeurs d'emploi en fin de droits, notamment l'allocation de solidarité spécifique (ASS).
Il dispose d'une ressource propre, la contribution de solidarité des agents du secteur public, qui devrait rapporter 1,38 milliard d'euros en 2013, à laquelle s'ajoute une part du produit de la taxe sur les tabacs, pour un montant prévisionnel de près de 150 millions d'euros.
Ces ressources sont complétées par une subvention d'équilibre, versée par l'Etat. Le montant de cette subvention atteint 834,2 millions dans le projet de loi de finances, ce qui porte le total des recettes du fonds à plus de 2,3 milliards d'euros. Ces recettes devraient être suffisantes pour couvrir le financement des allocations relevant du fonds de solidarité, ainsi que les charges courantes et de fonctionnement, tout en dégageant une réserve de précaution.
Les principales dépenses à la charge du fonds l'an prochain sont les suivantes :
- 2,1 milliards au titre de l'ASS ;
- 129 millions au titre de l'allocation équivalent retraite (AER) ; créée en 2002, l'AER était versée aux demandeurs d'emploi qui ne pouvaient percevoir de pension de retraite, faute d'avoir atteint l'âge de soixante ans, alors qu'ils avaient validé suffisamment de trimestres de cotisations au titre de l'assurance vieillesse pour avoir droit à une pension à taux plein ; elle a été supprimée le 1 er janvier 2009, le fonds de solidarité continuant à prendre en charge le versement des allocations dues aux personnes qui en étaient déjà titulaires à cette date ;
- 71 millions au titre des primes mensuelles versées aux titulaires de l'ASS qui reprennent une activité ;
- 42 millions au titre de l'Accre-ASS, qui permet à des bénéficiaires du dispositif d'aide à la création ou à la reprise d'entreprise (Accre) de conserver pendant un an le versement de l'ASS à taux plein ;
- 10 millions d'euros pour les bénéficiaires de l'allocation de fin de formation (AFF) dont les droits ont été ouverts avant le 31 décembre 2008 ; l'AFF a été créée en 2001 afin que les demandeurs d'emploi qui effectuent une formation prescrite par le service public de l'emploi continuent à percevoir un revenu après l'expiration de leurs droits à l'assurance chômage ; elle a été abrogée le 1 er janvier 2009.
Le tableau suivant retrace l'évolution du nombre de bénéficiaires des différentes allocations financées par le fonds.
Evolution des effectifs |
|||
Allocations |
2011 (Rap)* |
2012 (Pap)* |
2013 (PLF)* |
ASS |
367 401 |
388 000 |
379 280 |
Intéressement ASS |
33 446 |
24 032 |
39 450 |
AER |
24 568 |
11 255 |
10 750 |
AFF |
8 873 |
1 606 |
1 290 |
ASS-Accre |
6 693 |
5 774 |
7 250 |
APS (effectif moyen mensuel) |
129 |
200 |
77 |
AFD (effectif moyen mensuel) |
1 704 |
2000 |
539 |
ASS : allocation de solidarité spécifique -
AER : allocation équivalent retraite - AFF : allocation
fin de formation - ASS-Accre : allocation de solidarité
spécifique - aide aux chômeurs créateurs ou
repreneurs d'entreprise -
*Rap : rapport annuel de performance - Pap : projet annuel de performance - PLF : projet de loi de finances |
|||
Source : ministère du travail, de
l'emploi
|
Le nombre de titulaires de l'AER et de l'AFF continue à diminuer dans la mesure où, ces prestations ayant été supprimées, le fonds de solidarité ne finance plus que les allocations versées au « stock » des bénéficiaires.
C. LE RENFORCEMENT DES MOYENS DU SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI
Tant Pôle emploi que les missions locales disposeront de ressources accrues l'an prochain, ce qui est pleinement justifié dans le contexte actuel d'augmentation du chômage.
1. Pôle emploi
Alors que la précédente majorité avait réduit les moyens de Pôle emploi, le Gouvernement a annoncé, dès sa prise de fonction, que les effectifs de Pôle emploi seraient augmentés pour lui permettre de faire face dans de meilleures conditions à la hausse du nombre de demandeurs d'emploi. Ceci ne dispense pas Pôle emploi de poursuivre ses efforts de modernisation et ses redéploiements internes afin d'améliorer encore l'accompagnement des chômeurs.
a) Une dotation revalorisée pour permettre des embauches
Restée inchangée, depuis trois ans, à 1,36 milliard d'euros, la dotation de l'Etat au budget de Pôle emploi va progresser, en 2013, pour atteindre 1,47 milliard d'euros. Elle est complétée par une dotation de l'Unedic, égale à 10 % de ses recettes, soit environ 3,3 milliards d'euros.
En parallèle, le plafond d'emplois de l'opérateur va augmenter, pour s'établir à 47 422 équivalents temps plein (ETP), ce qui permettra d'embaucher 2 000 agents supplémentaires en CDI . Le recrutement de ces nouveaux agents devrait se faire, pour l'essentiel, par la pérennisation de contrats de travail à durée déterminée (CDD). Le directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, qui a pris ses fonctions en début d'année, a indiqué que ces agents seraient affectés aux tâches d'accompagnement des demandeurs d'emploi.
Cette orientation contraste avec les choix arrêtés par la précédente majorité : on se souvient qu'en 2010 Pôle emploi avait accueilli 900 psychologues du travail, auparavant employés par l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), sans recevoir aucune dotation budgétaire en contrepartie ; en 2011, 1 800 postes en CDD avaient été supprimés en dépit de l'augmentation du chômage.
La décision de renforcer les effectifs répond à une demande exprimée l'an dernier par votre commission. Elle est cohérente avec les préconisations de la mission commune d'information sur Pôle emploi 4 ( * ) que votre rapporteur pour avis avait présidée en 2011 : la mission avait notamment plaidé pour un renforcement ciblé des moyens de Pôle emploi afin d'apporter un meilleur accompagnement aux personnes les plus éloignées de l'emploi.
b) Un nouveau plan d'action
Une nouvelle convention tripartite a été signée, le 11 janvier 2012, entre l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi. Véritable « feuille de route », elle définit les orientations stratégiques de l'opérateur pour la période 2012-2014. Pôle emploi s'est également doté, le 21 juin 2012, d'un plan stratégique, intitulé « Pôle emploi 2015 », qui vise à assurer la déclinaison opérationnelle de la convention tripartite.
La convention comme le plan d'action insistent sur la nécessité d'une plus grande personnalisation de l'offre de services de Pôle emploi, en direction des demandeurs d'emploi et des entreprises, d'une plus forte territorialisation de cette offre et d'un renforcement du pilotage par la performance de l'opérateur, au moyen d'une liste d'indicateurs plus resserrée et mieux ciblée.
Pour assurer un suivi plus personnalisé des demandeurs d'emploi, les conseillers disposeront d'une autonomie accrue, dans le respect des prérogatives de l'encadrement de proximité.
Trois types d'accompagnement sont envisagés, en fonction de la distance à l'emploi du bénéficiaire :
- un accompagnement « renforcé » pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, chaque conseiller ayant à suivre au plus soixante-dix demandeurs d'emploi ;
- un accompagnement « guidé » pour les personnes moins éloignées de l'emploi ; le portefeuille pourrait alors atteindre cent à cent cinquante demandeurs d'emploi par conseiller ;
- enfin, un accompagnement « suivi » pour les demandeurs d'emploi les plus autonomes, avec des portefeuilles qui pourraient compter de deux cents à trois cent cinquante demandeurs d'emploi.
Il appartiendra à chaque conseiller de déterminer quel type de suivi est adapté aux besoins du demandeur d'emploi, en tenant compte des caractéristiques du bassin d'emploi. Pôle emploi entend aussi développer une offre de services entièrement dématérialisée à l'intention des demandeurs d'emploi qui le souhaitent.
La convention prévoit par ailleurs le redéploiement de 2 000 ETP supplémentaires vers l'accompagnement des demandeurs d'emploi . Ce redéploiement sera rendu possible par la rationalisation des fonctions supports, par des gains de productivité, par l'adaptation de la chaîne hiérarchique et le recentrage des actions en direction des entreprises.
Pôle emploi souhaite mener des expérimentations, notamment pour apprécier l'efficacité d'équipes dédiées à la relation avec les entreprises ou celle d'équipes spécialisées dans le contrôle de la recherche d'emploi. Pôle emploi entend également mieux évaluer les résultats de son action en termes de retour à l'emploi, ce qui suppose d'avoir accès au fichier des déclarations d'embauche par les entreprises.
Votre commission se félicite de la réaffirmation des valeurs de service public de Pôle emploi par la nouvelle direction générale, qui a abandonné la terminologie, autrefois en usage, qui conduisait à désigner Pôle emploi comme une « entreprise » et les chômeurs comme des « clients ». Pôle emploi est en réalité un établissement public national et les demandeurs d'emploi les usagers de ce grand service public.
2. Les missions locales
Créés en 1982, les missions locales et les points d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) sont chargés de définir et mettre en oeuvre des parcours d'insertion personnalisés au profit de jeunes âgés de moins de vingt-six ans qui rencontrent des difficultés sociales ou professionnelles.
Au premier semestre 2012, on dénombrait 458 missions locales et 8 PAIO, employant environ 11 400 salariés. Le réseau des misions locales et des PAIO bénéficie du renfort de 770 personnes mises à disposition, notamment 350 ETP en provenance de Pôle emploi.
L'activité des missions locales et des PAIO a progressé sous l'effet de la crise. Le bilan d'activité réalisé pour l'année 2010 montre que 1,3 million de jeunes ont été en contact avec le réseau et que 1,1 million ont été reçus en entretien au moins une fois. Un peu plus de 515 000 jeunes ont été accueillis pour la première fois, chiffre en hausse de 16 % en cinq ans. Les estimations pour 2011 suggèrent que le niveau d'activité est resté élevé, même si le nombre de jeunes accueillis pour la première fois semble avoir un peu diminué.
Nombre de jeunes accueillis par le réseau des missions locales |
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2008 |
2009 |
2010 |
2011* |
|
Jeunes en contact avec le réseau |
1 213 000 |
1 268 000 |
1 313 079 |
1 321 000 |
Dont jeunes reçus en entretien |
1 021 000 |
1 098 000 |
1 131 182 |
1 136 000 |
Jeunes accueillis pour la première fois |
467 000 |
515 000 |
515 221 |
515 000 |
Jeunes en demande d'insertion (JDI) 1 |
638 921 |
697 292 |
719 029 |
720 000 |
* Estimations |
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1 JDI : jeunes ayant bénéficié d'au moins un entretien au cours des cinq derniers mois |
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Source : ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social |
Le financement des missions locales et des PAIO est assuré par l'Etat et Pôle emploi (à hauteur de 47 %), les collectivités territoriales (40 %), le fonds social européen (2 %) et par divers organismes publics et privés (11 %).
La dotation de l'Etat aux missions locales et aux PAIO va augmenter de manière significative en 2013, après avoir stagné pendant plusieurs années autour de 179 millions d'euros. Elles vont bénéficier l'an prochain d'une dotation de 178,8 millions d'euros, à laquelle vont s'ajouter 30 millions d'euros de crédits destinés à accompagner le déploiement des emplois d'avenir.
3. Les maisons de l'emploi
La précédente majorité a réduit de manière brutale les crédits alloués aux maisons de l'emploi : alors que 95,5 millions d'euros leur étaient consacrés en 2010, la dotation a été ramenée à 77,4 millions d'euros en 2011 (en crédits de paiement) et à 62,4 millions en 2012, soit une diminution de plus d'un tiers en deux ans.
Certes, cette diminution drastique des crédits s'est accompagnée d'une évolution du rôle des maisons de l'emploi, qui n'ont pas vocation, sauf exception, à accueillir des demandeurs d'emploi. Leur mission a été recentrée sur des tâches de coordination et de planification stratégique (anticipation des mutations économiques, développement de l'emploi local, réduction des obstacles culturels et sociaux à l'accès à l'emploi).
Cette diminution des crédits a cependant été difficile à gérer par les acteurs locaux qui les cofinancent.
Malgré un contexte budgétaire tendu, le projet de loi de finances propose de stabiliser en 2013 la dotation de l'Etat aux maisons de l'emploi à hauteur de 63 millions d'euros.
Le nouveau cahier des charges des maisons de l'emploi, en vigueur depuis 2010, insiste sur leur nécessaire évaluation. Le bilan de leur activité paraît en effet très hétérogène selon les territoires. Elles font désormais l'objet d'une évaluation conduite par le préfet de région. La poursuite des financements et la détermination de leur montant seront fonction de la conformité des actions au nouveau cahier des charges et des résultats obtenus. Un bilan sera également réalisé par le ministre de l'emploi et débattu au sein du Conseil national de l'emploi.
II. UN PROJET DE BUDGET QUI TRADUIT LES NOUVELLES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION
Le projet de loi de finances permet de financer les priorités définies par le Gouvernement, notamment en matière d'emploi des jeunes et d'accompagnement des mutations économiques. Il se caractérise par un effort de sincérité budgétaire puisqu'il met un terme à la pratique consistant à ponctionner le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) pour financer des dépenses de formation qui doivent relever de l'Etat.
Le projet de loi de finances devra cependant encore être complété dans les mois qui viennent pour préciser les conditions de financement du contrat de génération et pour apporter une solution au problème que pose le risque de cessation de paiement de l'Afpa, réel motif de préoccupation pour votre commission.
A. UNE ACTION VIGOUREUSE EN FAVEUR DES PUBLICS LES PLUS EN DIFFICULTÉ
1. Une priorité : la jeunesse
Alors que près d'un jeune actif sur quatre est aujourd'hui au chômage et que de nombreux jeunes enchaînent contrats courts et missions d'intérim avant de se stabiliser dans l'emploi, le Président de la République a décidé de faire de la jeunesse une des priorités de son action.
a) Une mesure phare, les emplois d'avenir
Le projet de budget pour 2013 prévoit les financements nécessaires au déploiement des emplois d'avenir, institués par la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012 5 ( * ) .
Les emplois d'avenir visent à donner une première expérience professionnelle à des jeunes sans emploi et sans qualification. Ils comportent un important volet « formation » et prévoient un suivi personnalisé destiné à favoriser l'insertion professionnelle durable de leurs bénéficiaires.
Il est prévu d'embaucher environ 100 000 jeunes en emploi d'avenir au cours de l'année 2013 . La montée en charge se poursuivra en 2014 pour arriver à un total de 150 000 bénéficiaires en rythme de croisière.
Les crédits consacrés aux emplois d'avenir s'élèvent, en 2013, à 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 466,6 millions d'euros en crédits de paiement.
Votre commission tient à souligner la rapidité avec laquelle les services du ministère de l'emploi ont préparé les mesures d'application de la loi portant création des emplois d'avenir : deux décrets et un arrêté ont été publiés dès le 31 octobre, complétés par une circulaire en date du 1 er novembre, ce qui a permis de signer les premiers contrats de travail dès le début du mois de novembre.
Le succès du dispositif dépend maintenant de la mobilisation des services de l'Etat et du service public de l'emploi, chargés de le promouvoir sur le terrain, ainsi que de l'adhésion des employeurs. Le ministère du travail a lancé, le 19 novembre, une campagne nationale d'information et de communication afin de faire mieux connaître les emplois d'avenir et d'accélérer leur déploiement.
b) Les autres dispositifs en faveur des jeunes
En parallèle à l'effort consenti pour financer les emplois d'avenir, le Gouvernement a choisi de préserver les moyens des autres dispositifs en faveur des jeunes.
Le contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis) est un outil d'accompagnement renforcé mis en oeuvre par les missions locales, destiné à des jeunes de seize à vingt-cinq ans confrontés à un risque d'exclusion professionnelle. Les bénéficiaires du Civis peuvent percevoir, s'ils n'ont pas de revenu, une allocation destinée à conforter leur parcours d'insertion. En 2013, les financements destinés au Civis sont maintenus à hauteur de 50 millions d'euros.
Le fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) finance des actions d'accompagnement des jeunes confrontés à des difficultés sociales qui font obstacle à leur insertion professionnelle.
Le projet de loi de finances prévoyait initialement d'allouer 18,6 millions au FIPJ, répartis de la manière suivante :
- 3,6 millions pour les aides directes aux jeunes : logement, transport, achat de vêtements de travail, garde d'enfant, etc. ;
- 15 millions pour les aides indirectes : organisation de forums pour l'emploi, prospection d'entreprises, préparation de concours, etc.
La dotation prévue au titre des aides directes s'inscrivait en nette baisse par rapport à celle votée en loi de finances pour 2012. Sur proposition du rapporteur spécial de la commission des finances, Michel Castaner, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui l'augmente de 1,4 million d'euros, de sorte que le FIPJ disposera, au final, exactement de la même dotation que l'an dernier.
Pour financer cette mesure, l'Assemblée nationale a réduit les crédits affectés au dispositif « zéro charge », qui visait à favoriser l'embauche dans les très petites entreprises (TPE), et qui est aujourd'hui en voie d'extinction.
Les écoles de la deuxième chance et l'établissement public d'insertion de la défense (Epide) poursuivent un objectif commun : aider des jeunes en difficulté et sans qualification à prendre un nouveau départ.
Concernant les écoles de la deuxième chance, le projet de loi de finances prévoit de maintenir leur dotation, d'un montant de 24 millions d'euros, ce qui permettra à l'Etat de contribuer au financement de 12 000 places. La dotation de l'Etat pour l'Epide, qui dispose de 2 200 places, s'inscrit, quant à elle, en légère baisse (45 millions, après 46,67 millions en 2012 et 48,33 millions en 2011).
c) La suppression du contrat d'autonomie
Créé en juillet 2008 dans le cadre du plan « Espoir Banlieues » en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville, le contrat d'autonomie s'adressait aux jeunes de seize à vingt-cinq ans faiblement qualifiés et rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi, résidant dans les zones couvertes par un contrat urbain de cohésion sociale.
L'an dernier, votre commission avait souligné le médiocre rapport coût-efficacité de ce dispositif et elle avait déploré que le nombre de contrats d'autonomie augmente encore en 2012. Le coût d'un contrat d'autonomie était de l'ordre de 8 500 euros, contre 370 euros pour un Civis, avec un taux de sortie positive (en emploi ou en formation) de seulement 42 %.
Votre commission approuve donc la décision du Gouvernement de ne pas reconduire le contrat d'autonomie en 2013 , ce qui permet de réaliser une économie de 46 millions d'euros.
d) Le contrat de génération
Les contours précis du contrat de génération n'étaient pas encore connus au moment de l'élaboration du projet de budget, ce qui explique que son financement ne soit pas prévu par le projet de loi de finances. Le dispositif sera cependant bien mis en oeuvre dès l'an prochain, dans des conditions qui seront précisées dans une prochaine loi de finances rectificative.
Le projet de contrat de génération, porté par François Hollande pendant la campagne présidentielle, a reçu un bon accueil des partenaires sociaux qui ont conclu, dès le 19 octobre 2012, un accord national interprofessionnel (ANI) pour déterminer ses modalités concrètes de mise en oeuvre. Cet accord devrait être signé par la totalité des organisations syndicales et des organisations d'employeurs.
L'ANI prévoit que les entreprises de trois cents salariés et plus devront être couvertes par un accord ou un plan d'actions intergénérationnel, comportant un diagnostic, des objectifs chiffrés d'embauches de jeunes et d'embauches ou de maintien dans l'emploi de seniors 6 ( * ) et des actions relatives à l'accompagnement des jeunes et au transfert des savoirs et des compétences.
Les entreprises de moins de trois cents salariés bénéficieront d'une aide de l'Etat lorsqu'elles concluent avec l'administration une convention de génération, prévoyant le recrutement d'un jeune et le maintien dans l'emploi d'un senior. Les entreprises comptant de cinquante à trois cents salariés devront être couvertes par un accord d'entreprise ou un accord de branche intergénérationnel.
Le contrat de génération donnera lieu à un projet de loi examiné en Conseil des ministres le 12 décembre prochain. Son coût pour l'Etat devrait être de l'ordre de 1 milliard d'euros par an en régime de croisière. Il incitera les entreprises du secteur concurrentiel à embaucher des jeunes et viendra en complément des emplois d'avenir qui s'adressent principalement au secteur non marchand.
2. Atténuer les effets de la crise pour les plus fragiles
a) Des entrées en contrats aidés qui se maintiennent à un niveau élevé
Comme le Gouvernement s'y était engagé, la création des emplois d'avenir ne se fera pas au détriment des contrats aidés de droit commun, contrat unique d'insertion-contrat initiative-emploi (CUI-CIE) dans le secteur marchand et contrat unique d'insertion-contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) dans le secteur non marchand.
La loi de finances initiale pour 2012 avait prévu 340 000 entrées en CAE cette année et 50 000 entrées en CIE. Au moment de sa prise de fonction, au mois de mai, le ministre de l'emploi a cependant constaté que 240 000 CAE avaient déjà été signés, ce qui correspondait à 70 % de l'enveloppe totale prévue pour l'ensemble de l'année. La préparation des échéances électorales n'était sans doute pas étrangère à cette situation...
Pour éviter un effondrement du nombre d'entrées en contrats aidés au cours du second semestre, le Gouvernement a autorisé, au mois de juin, la conclusion de 80 000 contrats supplémentaires (60 000 CAE et 20 000 CIE) ; en octobre, il a décidé d'ouvrir une nouvelle enveloppe de 40 000 CAE. Un décret d'avance 7 ( * ) a été pris pour débloquer en urgence 300 millions d'euros afin de financer ces contrats supplémentaires.
Au total, ce sont donc 510 000 contrats aidés qui auront pu être mobilisés sur l'ensemble de l'exercice 2012.
Pour 2013 , le projet de loi de finances propose de consacrer :
- 1,7 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,47 milliard en crédits de paiement au financement de 340 000 CAE ;
- 201 millions d'euros en autorisations de programme et 186 millions d'euros en crédits de paiement au financement de 50 000 CIE .
Au-delà du nombre de contrats, il faut noter une augmentation bienvenue de la durée moyenne des CAE : comme l'indique le projet annuel de performance, la dotation prévue pour 2012 est calculée sur la base d'une hypothèse de durée moyenne de ces contrats de 8,58 mois ; en 2011, la durée moyenne constatée était de seulement 6,82 mois, ce qui était souvent trop court pour mener à bien un réel travail d'insertion professionnelle.
En tenant compte de la mise en oeuvre des emplois d'avenir, ce sont au total 490 000 contrats aidés qui devraient être conclus l'année prochaine. Cet effort de solidarité est nécessaire dans le contexte actuel de crise économique afin d'éviter qu'un trop grand nombre de demandeurs d'emploi ne sombrent dans le chômage de longue durée, ce qui aurait pour effet de réduire leurs chances de retour à l'emploi.
b) Un effort en faveur du secteur de l'insertion par l'activité économique
Les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) ont pour mission d'employer et d'accompagner vers l'emploi durable des personnes qui, en raison de leurs difficultés sociales, ne seraient pas en mesure d'être embauchées dans les conditions ordinaires du marché du travail.
Les crédits consacrés aux SIAE sont restés inchangés en 2010, 2011 et 2012. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoyait, initialement, de reconduire les mêmes dotations budgétaires, soit :
- 140 millions pour les entreprises d'insertion (EI) et les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) ; les EI perçoivent une aide au poste, d'un montant de 9 681 euros par salarié occupé à temps plein, tandis que les ETTI perçoivent une aide au poste d'accompagnement, d'un montant de 51 000 euros pour l'accompagnement de douze salariés en insertion (en équivalent temps plein) ;
- 23,5 millions pour les ateliers et chantiers d'insertion (ACI) ; l'aide est versée aux organismes conventionnés porteurs d'un atelier ou d'un chantier d'insertion ; elle ne peut dépasser 15 000 euros par ACI et 45 000 euros par organisme conventionné ;
- 12,7 millions pour les associations intermédiaires (AI) ; l'aide, plafonnée à 30 000 euros par an, vise à renforcer la qualité des actions d'accompagnement.
S'y ajoutent 20,8 millions au profit du fonds départemental de l'insertion par l'activité économique (FDI), qui contribue au développement des structures d'insertion.
Les SIAE effectuent un travail considérable auprès de personnes éloignées de l'emploi. En 2010, environ 159 000 personnes ont été embauchées ou ont vu leur contrat renouvelé dans l'une de ces structures, chiffre en hausse de 4 % par rapport à 2009. Les ACI et les EI tendent à recruter des personnes plus éloignées de l'emploi que les AI et les ETTI.
La stagnation des crédits qui leur sont alloués rend cependant plus difficile l'accomplissement de leur mission d'insertion. L'aide au poste dans les EI n'a pas été revalorisée depuis 2002 et l'aide au poste d'accompagnement dans les ETTI ne l'a pas été depuis 2005, ce qui a eu pour effet de fragiliser ces structures.
Tenant compte de cette situation, l'Assemblée nationale a décidé, sur proposition de son rapporteur spécial, Michel Castaner, et de son rapporteur pour avis, Jean-Patrick Gille, de majorer de 10 millions d'euros la dotation prévue pour les EI et les ETTI . Elle a réduit, à due proportion, les crédits consacrés au dispositif « zéro charge » dans les TPE, en voie d'extinction.
Cet abondement supplémentaire, qui n'est certes pas suffisant pour répondre à tous les besoins, a permis d'envoyer un signal positif au secteur de l'IAE, dans l'attente de prochaines réformes. Une mission a été confiée à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'inspection générale des finances (IGF) dans le but de formuler des propositions visant à simplifier le financement du secteur de l'IAE et à le faire gagner encore en efficacité.
Dans la même perspective, le Gouvernement s'est engagé à majorer de 2 millions d'euros la dotation aux dispositifs locaux d'accompagnement (DLA), fixée initialement à 10,4 millions. Les DLA ont pour vocation d'apporter un accompagnement professionnel, sur le plan technique et financier, aux employeurs associatifs et aux employeurs du secteur de l'IAE. Cette majoration de crédits est financée par la suppression de l'exonération de cotisations sociales accordée aux organismes d'intérêt général établis dans une ZRR et employant plus de cinq cents salariés.
B. ACCOMPAGNER LES MUTATIONS ÉCONOMIQUES EN PÉRIODE DE CRISE
Le contexte actuel de crise impose d'utiliser tous les leviers pour éviter les licenciements et favoriser la reconversion des victimes de licenciements économiques.
1. L'anticipation des mutations économiques
Le projet de budget prévoit de consacrer l'an prochain 25 millions en autorisations d'engagement et 60 millions en crédits de paiement au financement des mesures d'aide à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et au dispositif dénommé « engagements de développement de l'emploi et des compétences » (Edec).
L'aide à la GPEC, prévue par un décret du 25 janvier 2007, vise à inciter les petites et moyennes entreprises (PME) à anticiper leurs besoins en matière de ressources humaines. Le dispositif Edec permet à l'Etat d'aider, dans un cadre contractuel, des organisations professionnelles ou interprofessionnelles à anticiper et accompagner l'évolution des emplois et des qualifications.
L'Assemblée nationale a observé que les crédits affectés à l'aide à la GPEC et à Edec s'inscrivaient en nette baisse par rapport à l'an dernier : en 2012, les crédits s'élevaient en effet à 37,5 millions en autorisations d'engagement et à 97 millions en crédits de paiement. Au cours de l'examen des crédits en séance publique, le Gouvernement s'est engagé à majorer de 15 millions d'euros la dotation prévue pour 2013, cette dépense supplémentaire étant compensée par la restriction aux seules structures employant moins de cinq cents salariés de l'exonération applicable aux organismes d'intérêt général établis dans les ZRR.
Votre commission approuve cette mesure qui permettra d'éviter une chute trop brutale des crédits alloués à l'anticipation des mutations économiques, sans aggraver pour autant le déficit du budget de l'Etat.
2. Des moyens renforcés pour l'activité partielle
L'an dernier, votre commission s'était inquiétée de la modestie des crédits consacrés au financement de l'activité partielle, aussi dénommée chômage partiel. Ce dispositif permet de verser une aide aux entreprises en cas de retournement brutal de la conjoncture économique ou lors de difficultés exceptionnelles, liées à des fermetures pour travaux ou à des intempéries, et d'éviter ainsi des licenciements.
La dotation inscrite dans la loi de finances pour 2012 était de seulement 30 millions d'euros, après 40 millions en 2011, ce qui paraissait insuffisant pour répondre à l'ensemble des besoins. Pour 2013, le projet de loi de finances prévoit de porter la dotation à 70 millions d'euros , ce qui correspond à une augmentation de plus de 130 %.
Outre cet effort financier, l'année 2013 pourrait être marquée par une réforme destinée à simplifier les modalités de recours au chômage partiel. Le document d'orientation envoyé, au mois de septembre, aux partenaires sociaux pour fixer le cadre de la négociation sur la sécurisation de l'emploi les invite à « construire un dispositif unifié qui offre une alternative plus efficace aux licenciements économiques et des solutions en matière de formation, à l'instar de ce qu'ont su faire certains de nos voisins européens » , notamment l'Allemagne.
Le système d'indemnisation du chômage partiel juxtapose aujourd'hui plusieurs dispositifs, d'origine légale ou conventionnelle :
- une allocation spécifique (AS) avancée par l'entreprise et remboursée par l'Etat ; en application d'un décret du 28 juin 2001, le montant de l'AS varie en fonction de la taille de l'entreprise : 4,84 euros par heure chômée dans les entreprises de moins de 250 salariés, 4,33 euros pour les entreprises au-delà de ce seuil ;
- une allocation conventionnelle versée par l'employeur, en application de l'ANI du 21 février 1968 modifié, qui porte l'indemnisation globale du salarié à 60 % de son salaire brut antérieur, sans pouvoir être inférieure à 6,84 euros, à condition toutefois que l'entreprise ou sa branche soit signataire de l'ANI ;
- une allocation d'activité partielle de longue durée (APLD), créée par un décret du 29 avril 2009, qui porte l'indemnisation perçue par le salarié à 75 % de sa rémunération brute antérieure, en cas de réduction de son activité en dessous de la durée légale du travail pendant une période de longue durée (trois mois minimum).
L'Etat finance exclusivement l'AS, le financement de l'APLD étant à la charge de l'Unedic.
Le 1 er mars 2012, est entrée en vigueur une réforme de l'activité partielle qui a ouvert la possibilité, dans le cadre de l'APLD, de faire bénéficier les salariés de tout type de formation pendant leurs périodes chômées, avec une indemnisation portée à 100 % de leur salaire net de référence.
Cette réforme a également supprimé l'obligation pour l'employeur d'obtenir une autorisation administrative préalable : l'employeur pouvait mettre ses salariés en chômage partiel de son propre chef et ce n'était qu' a posteriori , lors de l'examen de la première demande de remboursement, que l'administration rendait sa décision, après instruction du dossier.
Présentée comme une mesure de simplification, la suppression de l'autorisation préalable n'a toutefois pas favorisé le recours au chômage partiel : beaucoup d'entreprises ont regretté d'avoir perdu en sécurité juridique avec cette nouvelle procédure. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé, en accord avec les partenaires sociaux, de rétablir, par un décret en date du 19 novembre 2012, l'autorisation administrative préalable . L'administration dispose dorénavant d'un délai de quinze jours pour notifier sa décision à l'employeur, l'absence de réponse valant acceptation de la demande.
3. La pérennisation du contrat de sécurisation professionnelle
Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), qui a remplacé en septembre 2011 la convention de reclassement personnalisé (CRP) et le contrat de transition professionnelle (CTP), a connu une montée en puissance au cours de l'année écoulée.
Le CSP peut bénéficier aux salariés qui disposent de droits suffisants pour prétendre à une indemnisation par l'assurance chômage et dont le licenciement économique est envisagé dans une entreprise non soumise à l'obligation de proposer un congé de reclassement 1 . En cas de défaut de proposition de l'employeur, Pôle emploi peut proposer le CSP au salarié qui vient s'inscrire comme demandeur d'emploi. D'une durée maximale de douze mois, le CSP a pour objet le suivi d'un parcours de sécurisation professionnelle pouvant comprendre des mesures d'accompagnement, des périodes de formation et des périodes de travail au sein d'entreprises ou d'organismes publics. Pendant la durée du contrat, et en dehors des périodes durant lesquelles il exerce une activité rémunérée, le titulaire du CSP, s'il avait au moins un an d'ancienneté dans son entreprise au moment de son licenciement, perçoit une allocation de sécurisation professionnelle (ASP), égale à 80 % du salaire brut moyen perçu au cours des douze mois précédant la conclusion du CSP. Le financement du dispositif est assuré par l'Etat, l'Unedic et par l'employeur, lequel effectue un versement représentatif de l'indemnité compensatrice de préavis et du montant des droits du salarié non utilisés au titre du droit individuel à la formation (Dif).
1
Les entreprises ou
établissements qui emploient au moins mille salariés doivent
proposer un congé de reclassement à leurs salariés qu'ils
envisagent de licencier pour motif économique.
|
Environ 90 000 personnes ont adhéré au CSP depuis sa création, dont près de 70 000 depuis le début de l'année 2012. Près de 10 000 personnes ont bénéficié d'une formation dans le cadre de leur contrat et un peu plus de 3 300 personnes ont effectué des périodes de travail en entreprise, d'une durée moyenne de deux mois et demi.
Il reste maintenant à apprécier l'efficacité du CSP au niveau du reclassement de ses bénéficiaires, ce qui n'est pas aujourd'hui possible faute d'un recul suffisant. L'indicateur de performance 3.2 permet de suivre le taux de reclassement à l'issue du CSP ; l'objectif, à l'horizon 2015, est d'atteindre un taux de 60 %, un taux de reclassement de 55 % étant anticipé en 2013.
Le projet de loi de finances propose de consacrer 70 millions d'euros au financement du CSP l'an prochain, auxquels s'ajoutent 31,7 millions de trésorerie déjà disponibles au titre de la gestion de la CRP, du CTP et du CSP, soit au total 101,7 millions. Cette dotation est calculée sur la base d'une hypothèse de 97 000 entrées dans le dispositif.
4. Les mesures d'âge destinées aux seniors
La suppression par la précédente majorité de la plupart des mécanismes de préretraite crée aujourd'hui des difficultés sociales auxquelles il faudra répondre dans le cadre de la concertation sur l'avenir des régimes de retraite prévue en 2013.
La loi de finances pour 2012 a supprimé les allocations spéciales du fonds national de l'emploi (ASFNE) , qui permettaient, dans le cadre d'une convention avec l'Etat, d'assurer un revenu de remplacement à des salariés âgés dont l'emploi était supprimé et dont les perspectives de reclassement étaient réduites.
Le projet de budget prévoit de consacrer encore 49 millions d'euros l'an prochain au financement des allocations payées au « stock » de bénéficiaires de l'ASFNE.
Le dispositif de cessation anticipée d'activité de certains travailleurs salariés (Cats) est également en voie d'extinction. Le nombre de bénéficiaires va encore diminuer l'an prochain (moins de 1 700 allocataires), ce qui va permettre de réduire sensiblement la dotation (17,45 millions, après 25,35 millions en 2012 et 36,85 millions en 2011).
Ce sont surtout les effets de la suppression brutale de l' AER qui se font sentir durement sur le terrain.
Supprimée le 1 er janvier 2009, l'AER a été rétablie, à titre provisoire, en 2009 et 2010, pour faire face à la crise économique. Elle a été remplacée, en 2011, par l' allocation transitoire de solidarité (ATS), qui est toutefois attribuée dans des conditions très restrictives et qui ne comble donc pas le vide laissé par la suppression de l'AER. L'ATS est versée à des demandeurs d'emploi nés entre le 1 er juillet 1951 et le 31 décembre 1953, qui étaient indemnisées par l'assurance chômage à la date de publication de la loi du 10 novembre 2010 portant réforme des retraites, qui avaient atteint l'âge de soixante ans au moment de l'extinction de leurs droits à assurance chômage et qui disposent du nombre de trimestres de cotisation nécessaire pour avoir droit à une pension à taux plein, sans avoir atteint le nouvel âge légal requis pour partir en retraite.
Le projet de budget prévoit 10 millions de crédits pour financer les cohortes 2009 et 2010 de l'AER 8 ( * ) ainsi que l'ATS. Il ne permet pas de régler la situation de certains demandeurs d'emploi âgés qui pensaient percevoir l'AER à l'expiration de leurs droits à l'assurance chômage, qui ne rentrent pas dans les critères requis pour toucher l'ATS et qui deviennent, de ce fait, titulaires de minima sociaux.
Interrogé sur ce point à l'Assemblée nationale, le ministre du travail, Michel Sapin, a d'abord souligné la difficulté de connaître avec précision le nombre de personnes concernées ; le décret, pris au mois de juillet mais entré en vigueur seulement le 1 er octobre, qui rétablit l'âge de départ en retraite à soixante ans pour les salariés qui ont commencé à travailler tôt, devrait permettre de régler certaines situations. Il faut aussi tenir compte du coût budgétaire d'un rétablissement, même partiel, de l'AER, qui poserait une vraie difficulté dans le contexte actuel.
Pour ces raisons, le ministre a indiqué que le Gouvernement préférait que cette question soit examinée début 2013 dans le cadre de la concertation plus large qui va s'ouvrir avec les partenaires sociaux sur l'avenir des régimes de retraite. Lors de son audition par la commission, il a précisé avoir donné instruction aux préfets de faire bénéficier un certain nombre de ces chômeurs âgés de contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE), ce qui peut leur permettre de percevoir un revenu plus élevé en attendant d'atteindre l'âge requis pour partir en retraite 9 ( * ) .
Votre commission comprend la nécessité pour le Gouvernement de disposer de plus de temps pour évaluer les besoins et étudier les mesures à prendre. Elle partage également son souci de privilégier les politiques « actives » du marché du travail, qui visent à faire augmenter le taux d'emploi, plutôt que les dépenses « passives » d'indemnisation du chômage. Elle se montrera cependant vigilante concernant les suites données à ce dossier car il lui paraît essentiel d'éviter que des personnes qui ont commencé à travailler tôt et qui ont été victimes de la pratique, longtemps trop répandue dans les entreprises, consistant à se séparer des salariés âgés, ne se retrouvent sans solution.
5. La promotion d'activités nouvelles
La sortie de crise passera également par la création de nouvelles entreprises opérant dans des secteurs porteurs.
Pour favoriser la création ou la reprise d'entreprises par des demandeurs d'emploi, l'Etat finance le dispositif « nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprise » (Nacre). Le créateur ou repreneur d'entreprise bénéficie d'un accompagnement renforcé réalisé par un opérateur conventionné et peut solliciter un prêt à taux zéro.
Depuis sa création en 2009, près de 70 000 personnes ont été accompagnées dans le cadre du Nacre. Près de 36 500 prêts ont été décaissés, pour un encours total de plus de 200 millions d'euros. Ces prêts Nacre ont été complétés par des prêts bancaires à hauteur de 1 milliard d'euros.
La dotation prévue pour 2013 s'élève à 43,5 millions en autorisations d'engagement et à 25,1 millions en crédits de paiement, ce qui devrait permettre de financer 20 000 entrées dans le dispositif et de poursuivre les accompagnements en cours.
Le fonds de cohésion sociale intervient dans le cadre du Nacre, à hauteur de 10 millions d'euros, en apportant sa garantie aux prêts accordés. Il finance également du microcrédit à hauteur de 14 millions d'euros.
C. UNE AMBITION POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE
En matière de formation, le Gouvernement a d'abord souhaité rétablir un climat de confiance avec les partenaires sociaux, en renonçant à ponctionner le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) dont ils assurent la gestion. Il a également pris l'engagement de sauver l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), qui est menacée de cessation de paiement. Il a enfin fixé un objectif ambitieux, mais réaliste, consistant à porter le nombre d'apprentis à 500 000 en 2017.
1. Rétablir la confiance avec les partenaires sociaux
Lors de la Grande conférence sociale qui s'est tenue à Matignon les 9 et 10 juillet dernier, le Premier ministre a garanti aux partenaires sociaux que le FPSPP ne serait plus ponctionné par l'Etat. Cet engagement est tenu dans le projet de budget.
Deux années de suite, en 2011 et en 2012, l'Etat a prélevé 300 millions d'euros sur les ressources du FPSPP afin de financer des dépenses de formation qu'il aurait dû lui-même assumer. Ce prélèvement a servi à financer plus précisément trois mesures : la subvention versée à l'Afpa au titre de sa participation au service public de l'emploi et de la mise en oeuvre des titres professionnels délivrés par le ministère de l'emploi ; la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ; et le versement de l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation (Afdef).
Votre commission avait, à l'époque, dénoncé ces ponctions qui ont privé le fonds d'une grande partie de ses ressources, qui sont de l'ordre de 650 millions d'euros chaque année, et qui sont à l'origine d'un déficit de trésorerie qui pourrait atteindre 120 millions d'euros mi-2013.
L'engagement de l'Etat de ne plus opérer de prélèvement sur les ressources du fonds donne de la visibilité aux partenaires sociaux, qui peuvent ainsi se montrer plus ambitieux concernant les moyens à allouer au FPSPP. Le fonds est alimenté, principalement, par un prélèvement effectué sur les cotisations dues par les entreprises au titre de la formation professionnelle. Le taux de prélèvement est défini annuellement, par arrêté, sur proposition des organisations d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national. Ces dernières ont décidé de porter ce taux à 13 % en 2013, alors qu'il était de 10 % depuis deux ans, ce qui augmentera sensiblement les ressources du fonds.
Elles ont également conclu un accord sur l'affectation des ressources du fonds sur la période 2013-2015, qui fixe trois priorités : l'accès à l'emploi des jeunes, le maintien et l'évolution dans l'emploi des salariés les plus fragiles et la sécurisation des salariés et des demandeurs d'emploi qui passent par des phases de transition et de reconversion professionnelles. Cet accord sert de base aux discussions en cours pour conclure avec l'Etat une nouvelle convention-cadre. Enfin, le FPSPP a accepté de contribuer l'an prochain, sur une base volontaire, au financement d'allocations pour les demandeurs d'emploi en formation.
2. La formation des demandeurs d'emploi
La formation des jeunes sans emploi et sans qualification pourra d'abord passer par leur recrutement en emplois d'avenir , dans la mesure où ces contrats comportent, comme on l'a vu, une part importante de formation professionnelle.
Pour les demandeurs d'emploi en fin de droits, le Gouvernement a décidé de maintenir, en 2013, le dispositif de la rémunération de fin de formation (RFF), qui a pris la suite, en 2011, de l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation (Afdef), qui avait elle-même remplacé, en 2009, l'ancienne allocation de fin de formation (AFF).
La succession de ces dispositifs est une illustration des hésitations qui ont caractérisé, un temps, la politique de l'emploi : le précédent gouvernement avait cru opportun de supprimer l'AFF, avant de redécouvrir, sous l'effet de la crise de 2009, l'intérêt de pouvoir verser une allocation qui permet à des demandeurs d'emploi d'achever dans de bonnes conditions une formation prescrite par le service public de l'emploi.
En 2013, le financement de l'Afdef et de la RFF mobilisera 190 millions d'euros de crédits, qui ne proviennent que pour partie du budget de l'Etat. Le FPSPP contribuera en effet au financement de la RFF, à hauteur de 58,5 millions pour les cohortes 2011 et 2012 et à hauteur de 60 millions d'euros pour ceux qui entreront dans le dispositif en 2013.
Au-delà du versement de ces allocations, il est nécessaire, pour qu'un plus grand nombre de demandeurs d'emploi accèdent à la formation, que Pôle emploi améliore encore sa coordination avec les conseils régionaux et donne les moyens à ses conseillers d'avoir connaissance de l'ensemble des formations disponibles, quel que soit leur financeur.
Les efforts accomplis en faveur des demandeurs d'emploi seraient cependant très négativement impactés si l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), qui effectue un travail considérable en direction des publics les plus défavorisés, venait à interrompe son activité.
3. La nécessaire sauvegarde de l'Afpa
Comme son président, Yves Barou, l'a expliqué devant la commission, l'Afpa est aujourd'hui dans une situation financière très précaire et n'est pas à l'abri d'un risque de cessation de paiement en début d'année prochaine si les banques qui l'aident à faire face à ses besoins de trésorerie décidaient de ne plus la soutenir.
Confrontée à une ouverture à la concurrence du marché de la formation à laquelle elle a mal été préparée, l'Afpa a perdu 20 % de son chiffre d'affaires depuis 2008. Elle a subi une perte de 50 millions d'euros en 2011 et devrait connaître un déficit encore plus élevé en 2012, compris entre 75 et 80 millions. Ne disposant pas de fonds propres, l'association ne peut se permettre d'accumuler longtemps des pertes d'une telle ampleur.
Nommé au mois de juin, Yves Barou a d'abord remercié l'ancienne équipe de direction avant de s'atteler à l'élaboration d'un plan de refondation, qui est en cours de finalisation. Ce plan prévoit notamment de faire évoluer l'offre de formation de l'Afpa, en proposant des modules permettant d'individualiser les parcours, de réduire le maillage territorial, en remplaçant certains centres par des antennes plus légères, et de réduire les frais de structure, en particulier au siège. Il ambitionne de faire passer son chiffre d'affaires de 800 millions à 900 millions d'euros d'ici à 2017, en positionnant l'Afpa sur des segments porteurs comme le reclassement et les transitions professionnelles.
Le Gouvernement n'est pas resté inactif face à la dégradation de la situation : dès le mois de juin, l'Etat a versé à l'association 20 millions d'euros qu'il lui devait au titre de travaux effectués sur le bâti ; il lui a ensuite versé 20 millions supplémentaires au titre du paiement de prestations assurées par l'Afpa dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle. En 2013, la subvention versée à l'Afpa au titre de ses sujétions de service public va s'élever à près de 21 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 10,4 millions de subventions d'investissement allouées au niveau régional.
Toutefois, deux questions restent encore en suspens : celle du patrimoine immobilier de l'Afpa, dont l'Etat est propriétaire, et qui pourrait être confié à l'association via la conclusion de baux emphytéotiques administratifs, moyennant le paiement d'une redevance ; celle, ensuite, de la recapitalisation de l'Afpa, qui pourrait émettre des titres associatifs auxquels l'Etat souscrirait. Ses besoins en fonds propres peuvent être estimés entre 200 et 300 millions d'euros.
A moyen terme, la définition d'un service d'intérêt économique général (SIEG) pourrait permettre de faire échapper la formation des publics les plus en difficulté à la stricte application des règles de la concurrence, ce qui aiderait l'Afpa à faire valoir ses atouts par rapport aux autres prestataires.
Votre commission suivra avec la plus grande attention l'évolution de la situation de l'Afpa. Ayant accueilli près de 160 000 stagiaires en 2011, parmi lesquels 92 000 demandeurs d'emploi, elle demeure un opérateur incontournable dans le champ de la formation professionnelle, notamment pour les formations industrielles. Il serait dramatique qu'elle soit contrainte d'interrompre son activité, alors que les besoins en formation des salariés et des demandeurs d'emploi sont plus importants que jamais du fait d'une crise économique qui impose de nombreuses reconversions professionnelles.
4. Objectif 500 000 apprentis
L'apprentissage, qui repose sur le principe de l'alternance entre enseignement théorique en centre de formation d'apprentis (CFA) et enseignement pratique chez un employeur, offre de bons résultats en termes d'insertion professionnelle. Souffrant trop souvent d'une mauvaise image de marque, il mérite donc d'être promu et valorisé.
a) Les moyens de la mission
La précédente majorité avait fixé des objectifs spectaculaires, mais peu crédibles, en matière d'apprentissage - les chiffres de 600 000, 800 000, voire 1 million d'apprentis avaient été évoqués. En se donnant comme objectif 500 000 apprentis à l'horizon 2017, le Gouvernement se montre plus réaliste.
Atteindre cet objectif supposera cependant de mobiliser tous les acteurs concernés : la France comptant aujourd'hui environ 420 000 apprentis, une progression annuelle de l'ordre de 3 % du nombre d'apprentis est nécessaire pour y parvenir. Comme l'apprentissage reste marginal dans le secteur public (9 200 entrées en 2011), un effort peut être réalisé en particulier par l'Etat et par les collectivités territoriales.
En 2013, l'Etat va consacrer des moyens importants au financement de l'apprentissage. Il va verser notamment 550 millions d'euros aux régions au titre de la compensation du financement de l'indemnité compensatrice forfaitaire (ICF) 10 ( * ) . Il va également compenser à la sécurité sociale, à hauteur de 1,23 milliard d'euros, la perte de recettes qu'elle subit du fait de l'exonération de cotisations sociales applicable aux contrats d'apprentissage. Le soutien de l'Etat à l'apprentissage prend également la forme de dépenses fiscales : 500 millions au titre du crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage, 305 millions au titre de l'exonération de l'impôt sur le revenu du salaire des apprentis.
b) Le compte d'affectation spéciale
Depuis l'an dernier, une partie des sommes consacrées à l'apprentissage figure dans le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (FNDMA).
Ce type de compte permet de retracer des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. La création de ce compte rend plus lisibles ces opérations qui, auparavant, n'apparaissaient pas dans le budget de l'Etat puisqu'elles étaient gérées en tant que comptes de tiers par le Trésor public.
En 2013, le fonds va connaître une hausse substantielle de ses moyens en raison d'un changement de périmètre . Sa prévision de dépenses s'établit à 825 millions d'euros, contre seulement 575 millions d'euros en 2012.
Cet écart s'explique par le rattachement au CAS d'une fraction de la compensation versée au titre de l'ICF. Ce rattachement est justifié par le fait que l'on observe, d'année en année, une différence entre le montant de la compensation versée par l'Etat aux régions et le montant des sommes effectivement versées au titre de l'ICF, le solde étant utilisé pour financer d'autres actions en faveur du développement de l'apprentissage. Il paraît plus lisible de faire figurer désormais ces sommes au sein du CAS FNDMA.
Le fonds consacrera par ailleurs :
- 200 millions à la péréquation entre les régions des sommes perçues au titre de la taxe d'apprentissage ;
- 360 millions au financement des contrats d'objectifs et de moyens passés entre l'Etat et les régions ;
- 15 millions au paiement du « bonus » dû aux entreprises qui comptent plus de 4 % d'apprentis dans leurs effectifs et au financement d'actions de communication et de promotion de l'apprentissage.
Un des problèmes qui se pose en matière d'apprentissage est le nombre élevé de ruptures de contrats. Pour y remédier, des expérimentations ont été menées, tendant à mieux accompagner les jeunes ainsi que leurs maîtres d'apprentissage. La fondation des orphelins apprentis d'Auteuil a par exemple organisé en Alsace un accompagnement renforcé dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, qui a permis de ramener le taux de rupture autour de 10 % 11 ( * ) .
Pour encourager la poursuite de ces expérimentations, l'Assemblée nationale a décidé de majorer de 2 millions d'euros les crédits consacrés aux actions de promotion et de communication de l'apprentissage au sein du FNDMA, cette hausse des dépenses étant compensée par une réduction des crédits alloués aux conventions d'objectifs et de moyens.
c) Les investissements d'avenir
Augmenter le nombre d'apprentis suppose également d'augmenter les capacités d'hébergement des apprentis. Lors de son audition par la commission, le ministre délégué à la formation professionnelle, Thierry Repentin, a rappelé que le programme des « investissements d'avenir », lancé en 2010, doit permettre de mener à bien des projets de construction en ce domaine.
Le programme prévoit de consacrer 500 millions au développement des formations en alternance. A ce jour, un peu plus de 182 millions d'euros ont été engagés pour financer une quarantaine de projets. Il reste donc encore plus de 300 millions à investir, en lien notamment avec les régions.
III. LA CONTRIBUTION DE LA POLITIQUE DU TRAVAIL ET DE L'EMPLOI À L'EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉFICITS PUBLICS
L'effort porte à la fois sur les recettes, avec la remise en cause de plusieurs niches fiscales ou sociales, et sur les dépenses de fonctionnement du ministère.
A. DES MESURES DE RÉDUCTION DE NICHES FISCALES OU SOCIALES
Votre commission avait plaidé l'an passé pour que certaines niches fiscales ou sociales, peu efficaces en termes de création d'emplois, soient réexaminées. Les mesures adoptées ces derniers mois ou proposées dans le projet de budget lui donnent satisfaction.
1. La limitation de la détaxation des heures supplémentaires
La loi du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa), avait instauré un régime fiscal et social dérogatoire applicable aux heures supplémentaires accomplies par les salariés (ainsi qu'aux heures complémentaires effectuées par les salariés employés à temps partiel). La rémunération de ces heures était exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales salariales, tandis que l'employeur bénéficiait d'une exonération forfaitaire de cotisations patronales, à hauteur de 0,5 euro par heure supplémentaire, majorée de 1 euro pour les entreprises de moins de vingt salariés.
Ce régime dérogatoire a eu un coût élevé pour les finances publiques - 4,9 milliards en 2012 - entièrement supporté par l'Etat, puisque le manque à gagner pour la sécurité sociale était compensé par l'affectation de recettes fiscales 12 ( * ) . Il a eu un effet, au mieux, ambigu sur l'emploi, dans la mesure où il a pu décourager certaines embauches au profit du recours aux heures supplémentaires, et a occasionné un effet d'aubaine important, les avantages fiscaux et sociaux ayant incité les entreprises à officialiser des heures supplémentaires sous-déclarées, voire à déclarer sous forme d'heures supplémentaires des rémunérations jusqu'alors attribuées sous d'autres formes.
C'est pourquoi la loi de finances rectificative du 16 août 2012 est revenue sur la plupart de ces dispositions. Elle a supprimé l'exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales salariales et a maintenu l'exonération forfaitaire de cotisations patronales pour les seules entreprises de moins de vingt salariés. Cette dernière disposition, dont le coût est estimé à 500 millions d'euros, vise à préserver une certaine souplesse de gestion pour ces petites entreprises qui peuvent rencontrer des difficultés pour embaucher en cas de surcroît d'activité.
L'Etat va récupérer le produit des impôts qui avait été affecté à la sécurité sociale et disposera ainsi, en 2013, de plusieurs milliards d'euros de recettes supplémentaires, bienvenus en cette période de lutte contre les déficits publics. Le coût des heures supplémentaires étant renchéri, sauf dans les entreprises de moins de vingt salariés, les employeurs sont plus fortement incités à accroître leurs effectifs s'ils souhaitent augmenter leur production.
2. L'exonération liée au régime social de la micro-entreprise
L'Etat va également réaliser une économie en raison de l'augmentation des cotisations sociales acquittées par les auto-entrepreneurs.
L'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, encore en cours de discussion par le Parlement, prévoit d'aligner le taux de cotisation des auto-entrepreneurs sur celui-ci des autres travailleurs indépendants. Les auto-entrepreneurs resteront toutefois exonérés des cotisations minimales dues par les indépendants, le principe du « zéro chiffre d'affaires, zéro cotisations » étant maintenu.
Cette mesure permettra à l'Etat de réaliser une économie substantielle, évaluée à 130 millions d'euros, qui viendra réduire d'autant les dépenses de la mission « Travail et emploi ». Les crédits de la mission comportent en effet une dotation destinée à compenser le manque à gagner pour la sécurité sociale. En 2012, le projet de loi finances prévoyait une dotation de 156,6 millions, qui est ramenée à 31 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2013.
3. Les mesures sectorielles
Les services à la personne et la restauration sont deux secteurs fortement créateurs d'emplois.
a) Les services à la personne
D'importantes dépenses fiscales, associées au programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », visent à favoriser la création d'emplois dans le secteur des services à la personne. Il existe notamment un crédit d'impôt et une réduction d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile, ainsi que diverses exonérations de cotisations sociales. Au total, 4,6 milliards d'euros de dépenses fiscales devraient bénéficier au secteur des services à la personne en 2013.
L'article 56 du projet de loi de finances propose de durcir les règles applicables à certaines niches fiscales, dont celles relatives aux emplois de service à la personne, en prévoyant que la réduction d'impôt qui peut en être retirée ne pourra dépasser 10 000 euros (alors que le plafond s'élève actuellement à 18 000 euros plus 4 % du revenu imposable).
Cette mesure n'aura pas d'impact l'année prochaine mais s'appliquera en 2014 sur les revenus perçus en 2013. Elle permettra de limiter les comportements d'optimisation fiscale de certains contribuables aisés qui échappent largement à l'impôt en faisant un usage avisé des niches fiscales. Il conviendra cependant d'évaluer, le moment venu, son effet sur les créations d'emplois dans le secteur des services à la personne et de veiller à ce qu'elle ne provoque pas un retour du travail au noir.
b) La restauration
Votre rapporteur pour avis souhaite également évoquer le cas du secteur de la restauration, des représentants de cette profession lui ayant fait part de leurs inquiétudes concernant une éventuelle remise en cause du taux réduit de TVA qui leur est applicable.
En dévoilant son pacte de compétitivité, le Gouvernement a indiqué dans quel sens il envisage de trancher cette question : le secteur de la restauration continuerait à bénéficier du taux réduit de TVA, mais celui-ci serait porté de 7 % à 10 %. Cette augmentation permettrait de compenser, pour partie, le manque à gagner lié à la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.
4. Les mesures proposées dans les articles rattachés
Les mesures proposées par les articles 71 et 72 du projet de loi de finances, rattachés aux crédits la mission, visent à supprimer ou réduire des régimes d'exonération de cotisations sociales.
L'article 71 tend à supprimer l'exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise, instituée par la loi du 1 er août 2003 pour l'initiative économique. Cette mesure a eu peu de succès et est aujourd'hui concurrencée par le régime de l'auto-entrepreneur. Sa suppression permettra à l'Etat de réaliser une économie de 4 millions d'euros.
L'article 72, inséré dans le texte à l'initiative du Gouvernement, concerne les zones de revitalisation rurale (ZRR). Les organismes d'intérêt général (associations reconnues d'utilité publique, fondations, établissements d'enseignement supérieur...) qui sont établis dans ces zones bénéficient d'une franchise de cotisations patronales, dans la limite de 1,5 Smic. Cette disposition occasionne un manque à gagner pour la sécurité sociale, compensé par le budget de l'Etat qui prévoyait d'y consacrer 151 millions d'euros en 2013.
La mesure proposée consiste à réserver le bénéfice de l'exonération aux seuls organismes employant moins de cinq cents salariés . Une économie de l'ordre de 20 millions d'euros est attendue.
L'autre dispositif applicable en ZRR, qui permet aux entreprises employant moins de cinquante salariés de bénéficier d'une franchise de cotisations pour chaque personne embauchée en CDI ou en CDD pour une durée supérieure à douze mois, demeure inchangé. Une dotation de 17,67 millions est prévue pour compenser le manque à gagner pour la sécurité sociale.
B. LES ÉCONOMIES RÉALISÉES SUR LES FRAIS DE FONCTIONNEMENT DU MINISTÈRE
Le ministère du travail et de l'emploi et ses services contribuent à l'effort nécessaire de maîtrise de la dépense publique.
1. La rationalisation des fonctions support
Le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » est le programme support de la mission. Il rassemble les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la politique du travail et de l'emploi, c'est-à-dire les personnels, les crédits de fonctionnement et d'investissement et les crédits d'études, de statistiques, de recherche et d'évaluation.
a) Un important changement de périmètre
La gestion de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) va être de nouveau rattachée, à partir de 2013, au programme 155.
En 2007, la décision avait été prise de séparer politique du travail et politique de l'emploi et de rattacher cette dernière au ministère de l'économie. Peu convaincante, cette nouvelle architecture ministérielle avait été abandonnée par le précédent gouvernement - l'ancien ministre Xavier Bertrand était ainsi en charge du travail et de l'emploi - mais sans que les conséquences en soient tirées sur le plan budgétaire. Ce sera chose faite en 2013 avec le retour des moyens de la DGEFP au sein de la mission « Travail et emploi ».
Ce rattachement conduit à une augmentation en trompe-l'oeil des moyens du programme, qui apparaissent en hausse de 5,4 % en crédits de paiement, ainsi que du plafond d'emplois de la mission qui passe de 9 899 postes en équivalents temps plein travaillé (ETPT) à 10 072 postes (soit une hausse de 2%).
b) Un réel effort de réduction des dépenses
Le changement de périmètre du programme ne saurait masquer l'effort accompli en vue de réaliser des économies sur les moyens de fonctionnement du ministère.
Le Gouvernement ayant décidé d'augmenter les effectifs de trois ministères prioritaires, l'éducation nationale, la justice et l'intérieur, sans accroître la dépense globale de l'Etat, les autres départements ministériels doivent réduire leur train de vie, notamment en ne remplaçant pas certains départs en retraite.
Le ministère du travail et de l'emploi prend sa part dans cet effort collectif. A titre d'illustration, les crédits du programme 155, à périmètre constant, donc hors rattachement de la DGEFP, auraient diminué de 3,8 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2012.
Le ministère va connaître une baisse de ses effectifs l'an prochain, à hauteur de 141 ETPT (dont 2 ETPT au titre de la DGEFP), ce qui correspond à une diminution de 1,4 % et à un taux de non-remplacement des départs en retraite de 46 %.
Les dépenses de fonctionnement s'inscrivent également en baisse. Les crédits de fonctionnement courant diminuent de 6 %, ce qui représente une économie de 2 millions d'euros. Il est également prévu de réduire de 8 % la dépense de gestion et d'entretien du parc immobilier, cette économie étant notamment rendue possible par les regroupements immobiliers qui ont accompagné la création des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) 13 ( * ) .
Plusieurs opérateurs du programme contribuent à l'effort de réduction des dépenses. La subvention de l'Etat à l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (Intefp) va ainsi diminuer de 7 % et celle versée au centre d'étude de l'emploi (CEE) de 4 %.
2. Le financement de la démocratie sociale
Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » participe également à l'effort de maîtrise des dépenses, sans sacrifier les actions nécessaires au bon fonctionnement de notre démocratie sociale.
a) Des crédits en léger recul pour le programme 111
L'an passé, le programme a été doté de 80,58 millions de crédits. Le projet de loi finances propose de fixer la dotation pour 2013 à 78,8 millions, en baisse de 2,2 %.
L'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) perçoit une subvention, financée par le programme, dont le montant va diminuer de 4,3% l'an prochain. L'agence va également perdre 2 ETPT, ce qui va ramener ses effectifs à 84 personnes.
Dans le détail, on constate cependant que les crédits de ce programme connaissent des variations contrastées qui dépendent surtout des différents cycles de notre démocratie sociale.
b) Des évolutions contrastées selon les actions
Le programme finance les dépenses liées à la mesure de l'audience syndicale et celles relatives aux élections prud'homales.
L'action n° 3, consacrée au « dialogue social et à la démocratie sociale », voit en apparence ses crédits s'effondrer par rapport à l'an dernier, puisque ceux-ci passent de 42 millions à seulement 32,4 millions. Cependant cette différence s'explique surtout par le fait que 13,3 millions de crédits étaient prévus en 2012 pour organiser le scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des très petites entreprises (moins de onze salariés), en application de la loi du 15 octobre 2010 complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi du 20 août 2008 14 ( * ) . Ce scrutin, qui intéresse 4,5 millions de salariés, se déroule du 28 novembre au 12 décembre 2012.
En 2013, la mesure de l'audience syndicale va arriver à son terme et la liste des organisations syndicales représentatives au niveau national interprofessionnel et au niveau des branches devrait être rendue publique. Environ 5 millions d'euros serviront à régler les dernières dépenses liées à la mesure de l'audience syndicale et 0,9 million seront utilisés pour amorcer le nouveau cycle de mesure de l'audience syndicale qui va couvrir la période 2013-2016.
En revanche, les crédits de l'action n° 2 « qualité et effectivité du droit » s'inscrivent en forte hausse : une dotation de 19,1 millions d'euros est prévue en 2013, contre seulement 10,3 millions en 2012. Ces crédits supplémentaires serviront à engager le processus qui aboutira, au plus tard en décembre 2015, au renouvellement des 14 500 conseillers prud'homaux. Le ministre du travail n'a toutefois pas exclu, lors de son audition par la commission, qu'une réforme du mode de désignation des conseillers prud'homaux intervienne d'ici là.
*
* *
Dans un contexte difficile, le projet de budget pour le travail et l'emploi parvient à concilier soutien à l'emploi et maîtrise des dépenses, tout en fixant clairement de nouvelles orientations qui répondent aux attentes de nos concitoyens.
C'est pourquoi votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du travail et de l'emploi pour 2013, ainsi qu'à l'adoption des articles rattachés 71 et 72 et du compte d'affectation spéciale « Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage » .
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 71 (art. L. 161-1-2 du code de la sécurité sociale) - Abrogation de l'exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise
Objet : Cet article tend à abroger une exonération de cotisations sociales dont bénéficient certains salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise.
I - Le dispositif proposé
Le paragraphe I tend à abroger l'article L. 161-1-2 du code de la sécurité sociale relatif à l'exonération de cotisations sociales applicable aux salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise.
Créée par la loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique, cette exonération bénéficie aux salariés qui respectent des conditions de durée d'activité salariée ou qui sont allocataires de certaines prestations familiales.
Le salarié a l'obligation d'avoir effectué au moins 910 heures d'activité salariée dans les douze mois précédant la date de création ou de reprise de l'entreprise et doit effectuer au moins 455 heures d'activité salariée au cours des douze mois suivant la création ou la reprise d'entreprise. Les périodes durant lesquelles il a été involontairement privé d'emploi et a perçu un revenu de remplacement sont comptabilisées comme des périodes d'activité. L'exonération est également applicable aux personnes qui bénéficient de l'allocation parentale d'éducation ou du complément de libre choix d'activité à la date de la création ou de la reprise d'entreprise.
L'exonération est accordée, à la demande du salarié, au titre des douze premiers mois d'exercice de l'activité de création ou de reprise d'entreprise, pour la part de rémunération ou de revenu n'excédant pas 120 % du Smic.
Le paragraphe II prévoit une mesure transitoire : il indique que l'exonération restera applicable aux revenus perçus au titre des périodes antérieures au 1 er janvier 2013.
II - La position de la commission
L'exonération de cotisations pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise est un dispositif peu utilisé, qui n'a compté que 1 358 bénéficiaires en 2011. Il est concurrencé par des dispositifs plus récents, comme le statut d'auto-entrepreneur, qui poursuivent le même objectif de faciliter les transitions entre le statut de salarié et celui de chef d'entreprise, et qui ont davantage atteint leur cible.
L'abrogation de cette exonération ne devrait donc pas avoir d'effet perceptible sur le niveau des créations d'entreprises. Elle permettra en revanche à l'Etat de réaliser une petite économie de 4 millions d'euros.
Sous le bénéfice de ces considérations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 72 (nouveau) (art. 19 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008) - Limitation du bénéfice de l'exonération de cotisations applicables aux organismes d'intérêt général établis en zone de revitalisation rurale aux organismes comptant moins de cinq cents salariés
Objet : Cet article additionnel, inséré par l'Assemblée nationale, tend à restreindre le bénéfice de l'exonération de cotisations applicables aux organismes d'intérêt général établis en zone de revitalisation rurale (ZRR) aux seuls organismes comptant moins de cinq cents salariés
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
Les zones de revitalisation rurales (ZRR) ont été créées par l'article 42 de la loi n° 95-115 du 5 février 2005 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Compte tenu de leur fragilité économique, sociale et démographique, elles se sont vu accorder des aides financières ainsi qu'un régime fiscal dérogatoire destiné à réduire les inégalités de développement sur le territoire national.
L'exonération de cotisations sociales patronales applicable aux organismes d'intérêt général installés dans les ZRR a été instituée par la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux. Cette exonération s'applique aux rémunérations versées aux salariés employés par ces organismes, quel que soit leur montant, jusqu'à un plafond correspondant à 1,5 Smic.
Les organismes concernés sont des associations reconnues d'utilité publique, des fondations, des établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique, des organismes agréés pour le financement de petites et moyennes entreprises, ainsi que des associations cultuelles et de bienfaisance autorisées à recueillir des dons. Leur siège social doit se trouver dans une commune classée en ZRR.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, le Gouvernement avait souhaité supprimer cette exonération, jugée coûteuse et peu efficace en termes de créations d'emplois. En raison de l'opposition rencontrée à l'Assemblée nationale, un compromis a été trouvé, consistant à abroger l'exonération à compter du 1 er novembre 2007, mais en continuant à l'appliquer aux contrats de travail conclus avant cette date, et ce jusqu'à leur terme.
Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté cet article additionnel qui restreint encore le champ d'application de l'exonération.
Le paragraphe I propose de maintenir l'exonération pour les seuls organismes dont l'effectif est inférieur à cinq cents salariés.
Le paragraphe II précise la date d'entrée en vigueur de cette mesure : elle s'appliquerait aux rémunérations versées à compter du 1 er janvier 2013.
II - La position de la commission
L'exonération applicable aux organismes d'intérêt général avait pour objectif, à l'origine, de soutenir des structures de petite taille qui contribuent à renforcer le lien social dans les territoires ruraux. Certains grands organismes ont entendu bénéficier de cet avantage en s'installant dans une ZRR.
La mesure proposée aura pour effet de priver de l'exonération environ 130 organismes, soit 5 % du nombre total de bénéficiaires, qui profiteront de l'allègement général de cotisations sur les bas salaires. Elle permettra de mieux cibler l'exonération sur les petits organismes qui sont ceux qui en ont le plus besoin.
L'Etat, qui compense à la sécurité sociale le manque à gagner dû à l'exonération, attend une économie d'environ 17 millions de cette disposition. Cette économie permettra au Gouvernement d'augmenter les crédits alloués à plusieurs dispositifs qui apparaissaient insuffisamment dotés, sans alourdir le déficit du budget de l'Etat.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le mercredi 21 novembre 2012 sous la présidence de Mme Annie David, présidente , puis de M. Jacky Le Menn, vice-président , la commission procède à l' audition de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur le projet de loi de finances pour 2013.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Le contexte dans lequel nous avons élaboré ce budget vous est connu. D'une part, après dix-sept mois consécutifs de hausse du chômage, le nombre de demandeurs d'emploi dépasse les trois millions, et certaines catégories (jeunes, chômeurs âgés, chômeurs de longue durée) posent des problèmes difficiles à résoudre. D'autre part, la contrainte des finances publiques a conduit le Gouvernement à vouloir maîtriser le déficit budgétaire afin de faire décroître notre endettement. Nous avons donc choisi de nous battre activement sur le front du chômage, tout en faisant preuve de responsabilité sur le plan budgétaire.
Les crédits budgétaires consacrés au travail, à l'emploi, à la formation professionnelle et au dialogue social augmentent de 4 % : c'est considérable, mais ce n'est pas à cela que nous jugeons de la qualité du budget. D'ailleurs, toutes les actions que nous conduirons en 2013 ne sont pas inscrites dans ce budget. Le contrat de génération, après une négociation réussie entre les partenaires sociaux, sera adopté en conseil des ministres le 12 décembre et débattu au Parlement en janvier, nous ne pouvions donc pas encore en prévoir les conséquences dans le projet de loi de finances. De même, la grande négociation sur la sécurisation de l'emploi, complexe mais si importante pour l'avenir de notre pays, pourrait avoir des conséquences sur le budget : meilleure mobilisation du chômage partiel ou des capacités de formation avant licenciement.
Ce budget finance d'abord l'urgence : les contrats aidés et les emplois d'avenir. Il y aura 1,479 milliard d'euros en crédits de paiement pour créer 340 000 contrats aidés dans le secteur non marchand, et 50 000 dans le secteur marchand, comme l'année passée. Mais nous étalerons ces créations tout au long de l'année, et nous allongerons la durée de ces contrats, qui n'a cessé de décroître à mesure que le nombre de bénéficiaires augmentait : j'ai donné des instructions très fermes aux préfets de région à cet égard. Les emplois d'avenir ne sont pas financés par une diminution des crédits consacrés aux emplois aidés. Nous commençons à les mettre en oeuvre, et l'émotion qui se dégage des réunions organisées à cette occasion confirme, s'il en était besoin, que nous avons visé juste. D'ailleurs, des élus de tout bord nous rejoignent sur ce dispositif, même s'ils s'y étaient opposés au plan national. Les autorisations d'engagements s'élèvent à plus de 2 milliards d'euros, et les crédits de paiement sont calculés en retenant l'hypothèse d'une montée en puissance progressive au cours de l'année - mais si elle devait être plus rapide que prévu, nous ferons les choix nécessaires pour que rien ne l'entrave.
Ce budget finance la consolidation du service public de l'emploi, particulièrement en renforçant les moyens de Pôle emploi. Dès le mois de juin dernier, dans l'urgence, j'avais décidé de renforcer ces moyens par l'embauche en CDI de 2 000 agents supplémentaires. Leur recrutement est progressif, et 2 000 autres viendront les renforcer grâce à des redéploiements internes, de sorte que ce sont 4 000 agents supplémentaires qui accompagneront les demandeurs d'emploi. Nous augmentons donc en conséquence la subvention à Pôle emploi pour qu'il puisse financer ces postes supplémentaires. Les missions locales, autre pilier du service public de l'emploi, voient également leurs crédits maintenus, et même augmentés, puisque 30 millions destinés à l'accompagnement des emplois d'avenir iront vers les missions locales. Les maisons de l'emploi, enfin, dont les crédits avaient diminué, quoiqu'elles fussent de création assez récente, bénéficient d'une reconduction de leurs crédits. L'accompagnement financier des demandeurs d'emploi en formation est l'objet d'une participation volontaire du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Les allocations de solidarité sont également financées à hauteur de 834 millions d'euros.
Ce budget renforce le soutien à des publics spécifiques qu'il s'agit d'aider à entrer dans l'emploi. Les mesures en faveur des personnes handicapées sont significativement développées, avec des crédits de 337 millions d'euros - en hausse de 9 % - pour les aides aux postes dans les entreprises adaptées, ce qui permettra de créer mille places supplémentaires. Cet engagement avait été pris au cours de la conférence nationale du handicap de juin 2011, et sera tenu sur plusieurs années. Les crédits pour l'insertion par l'activité économique (IAE) sont reconduits à 197 millions d'euros et l'Assemblée nationale les a augmentés de 10 millions d'euros, créant ainsi ce que j'ai appelé une provision pour réforme à venir : il faut simplifier les dispositifs d'insertion par l'activité économique, et une mission conjointe de l'Igas et de l'IGF est lancée pour faire le point - pour simplifier et rendre plus efficace, non pour diminuer, comme en témoigne cette provision. Nous avons préservé les sommes nécessaires pour que le contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis) continue à soutenir 135 000 jeunes. Un nouveau marché public va être mis en oeuvre pour assurer le volet pédagogique des formations professionnelles à destination des publics spécifiques (détenus, ultra-marins, Français de l'étranger), en attendant de voir ce qu'ils deviendront par la suite dans le cadre de la décentralisation. Les crédits pour les écoles de la deuxième chance sont également conservés. Et le fonds d'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) est renforcé par un amendement adopté à l'Assemblée nationale.
Ce budget vise aussi à anticiper et à accompagner les restructurations industrielles et les mutations économiques, dans le but de prévenir les licenciements, en développant l'activité partielle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), la formation : c'est là que les conséquences de la négociation sur la sécurisation de l'emploi rendront sans doute nécessaires des évolutions du budget en cours d'année. Ce sont 60 millions d'euros de crédits budgétaires qui sont mobilisés pour financer les accords de GPEC déjà signés, ou qui le seront l'an prochain, chiffre que l'Assemblée nationale a augmenté de 15 millions prélevés sur d'autres actions de mon ministère. Nous avons prévu 70 millions de crédits budgétaires pour l'activité partielle : c'est la dépense constatée en 2011, nous verrons si c'est le bon niveau. La dotation globale de restructuration est également reconduite, ainsi que les conventions de formation et d'adaptation du FNE et les cellules d'appui à la sécurisation professionnelle. Pour l'accompagnement social des restructurations, l'allocation temporaire dégressive est reconduite au niveau de 11 millions d'euros. Nous pérennisons le contrat de sécurisation professionnelle, pour un coût prévisionnel de 70 millions d'euros.
Ce budget finance l'adaptation des qualifications, la reconnaissance des compétences, la formation professionnelle et l'alternance. M. Repentin développera ce point.
Notons aussi les actions en faveur du développement de l'emploi : l'Etat compense à la sécurité sociale des exonérations de cotisations patronales spécifiques en fonction du territoire ou du secteur d'activité. Nous finançons aussi la création ou la reprise d'entreprises, avec des dispositifs comme le Nacre, qui est utile, le fonds de cohésion sociale, l'exonération liée au régime des micro-entreprises. Les conventions pour la promotion de l'emploi ou les dispositifs locaux d'accompagnement développent d'autres formes d'emploi.
Quelques mots enfin des moyens de la politique du travail : santé et sécurité au travail, qualité et effectivité du droit, dialogue social et démocratie sociale sont des sujets très importants pour nous. Le deuxième plan « santé au travail » sera donc financé par une augmentation sensible des crédits de paiement inscrits sur la ligne « recherche et exploitation des études », et la fixation à 9 millions d'euros de la subvention à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Des crédits de 10,6 millions d'euros sont aussi prévus pour la préparation des élections prudhommales, 7,2 millions pour la formation des conseillers prudhommes et 24 millions pour la formation économique, sociale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales.
Ce budget, enfin, participe à l'effort de réduction des déficits. Le schéma d'emplois du ministère intègre 141 suppressions de postes - c'est moins que ce qui se faisait auparavant, mais c'est notre participation à la création de postes dans les secteurs prioritaires : éducation, justice et police. Les dépenses de fonctionnement sont en baisse de 3,7 % grâce à des efforts sur les dépenses de fonctionnement courant, de gestion et d'entretien du parc, d'infrastructure et de réseau. Par ailleurs, l'alignement du dispositif d'auto-entrepreneur sur celui d'entrepreneur individuel a pour effet de réduire la compensation à la sécurité sociale de 130 millions d'euros.
M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Pour développer l'adaptation des qualifications, la reconnaissance des compétences, la formation professionnelle et l'alternance, l'Etat dispose de plusieurs outils.
La compensation des exonérations de charges au bénéfice des entreprises qui accueillent dans leurs effectifs des apprentis coûte 1,234 milliard d'euros, auxquels s'ajoutent une quinzaine de millions d'euros pour les contrats de professionnalisation, ciblés sur les demandeurs d'emploi de plus de quarante-cinq ans.
La dotation globale de décentralisation compense aux régions le coût financier des compétences qui leur ont été transférées en matière de formation professionnelle et d'apprentissage : elle s'élève à 1,702 milliard d'euros. Une partie de cette somme provient du compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (FNDMA) créé en 2011 pour rendre plus lisible le dispositif global concernant l'alternance. Pour 825 millions de dépenses, il est doté pour 2013 de 688 millions d'euros de recettes, auxquelles s'ajoutent 160 millions d'euros d'excédent constaté. Ces recettes proviennent de la taxe d'apprentissage et du malus payé par les entreprises de plus de 250 salariés, qui sont soumises à une contribution supplémentaire dès lors qu'elles n'ont pas au moins 4 % d'apprentis dans leurs effectifs. Les dépenses sont réparties entre trois programmes : 450 millions d'euros pour la péréquation entre les régions et la compensation au titre du transfert du versement d'indemnités compensatrices forfaitaires, 360 millions d'euros pour les contrats d'objectifs et de moyens avec les régions au titre de la contractualisation pour le développement et la modernisation de l'apprentissage, et 15 millions d'euros pour l'incitation financière en direction des entreprises respectant les quotas en alternance. Le regroupement des moyens affectés au développement de l'apprentissage sur le compte d'affectation spéciale FNDMA leur donne une meilleure lisibilité. Leur montant global a été préservé, ce dont on ne peut que se féliciter.
L'Etat pourvoit aussi au financement de ce qu'on appelle les « savoirs de base », ou « accès aux compétences-clef » à hauteur de 55 millions d'euros. L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) va prévoir de nouveau 87 millions d'euros en 2013 pour un accompagnement en ce domaine. Ces actions ne seront plus financées par un prélèvement sur le FPSPP mais par le budget de l'Etat. La validation des acquis de l'expérience fait l'objet de crédits d'un montant de 6,77 millions d'euros et la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle est prévue à hauteur de 185 millions d'euros.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis . - Nous aimerions être éclairés sur les perspectives qui sont les vôtres au sujet de l'allocation équivalent retraite (AER). Des demandeurs d'emploi âgés, qui pensaient percevoir cette allocation à l'arrivée à expiration de leurs droits à l'assurance chômage, se retrouvent aujourd'hui titulaires de minima sociaux du fait de la suppression de l'AER.
Le contrat de génération fera sans doute l'objet d'un collectif budgétaire en début d'année, mais avez-vous déjà une idée de son coût annuel ?
Concernant l'Afpa, son président nous a indiqué que les besoins de recapitalisation s'élevaient à 200 ou 300 millions d'euros et que la cessation de paiement menaçait dès janvier 2013. Nous connaissons votre engagement en faveur de l'Afpa. Ses difficultés actuelles résultent du fait qu'elle a été plongée brutalement et sans préparation dans la concurrence. Peut-être faudrait-il veiller à aménager les conditions de cette concurrence en définissant un service d'intérêt économique général (SIEG) pour rétablir la situation ?
Enfin, l'objectif de 500 000 apprentis à la fin du quinquennat est ambitieux. La dégradation de la conjoncture sera-t-elle un obstacle à sa réalisation ? Quels moyens nécessite-t-il ?
M. Michel Sapin, ministre . - Je commence par le sujet le plus délicat et le plus douloureux dont nous ayons débattu à l'Assemblée nationale : l'AER. Pour ceux qui croyaient pouvoir en bénéficier et qui ont été soudain frustrés de cette espérance, la situation est très pénible, à la fois pour eux-mêmes bien sûr mais aussi pour l'Etat qui ne joue pas un beau rôle dans cette affaire. Mais rétablir le dispositif coûterait 800 millions d'euros, c'est-à-dire que cela se ferait au détriment d'autres actions. Peut-on en rétablir au moins une partie ? A 1 000 euros par mois et par personne, les chiffres sont vite considérables, et en agissant pour certains seulement, on exacerberait le sentiment d'injustice chez les autres. La position du Gouvernement, qui a été acceptée par les partenaires sociaux, est que cette question devra être abordée au cours du premier semestre de l'année prochaine dans le cadre de l'état des lieux sur le financement des régimes de sécurité sociale et sur les premières propositions pour maintenir un mécanisme de financement solidaire des régimes de retraite. Cela dit, le dispositif de départ à soixante ans, qui a fait l'objet d'un décret en juillet applicable à compter du 1 er novembre, permettra de régler une partie du problème, puisque, parmi les quelque 100 000 personnes qu'il concerne, certaines auraient pu toucher l'AER. Par ailleurs, j'ai donné instruction aux préfets de veiller à ce que la mise en place des emplois d'avenir permette de consacrer un plus grand nombre de contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE) à des chômeurs âgés. Ces deux facteurs devraient faire baisser un peu le nombre de ces personnes en grande détresse, sans, hélas, le ramener à zéro.
S'agissant du contrat de génération, à quelle vitesse va-t-il monter en puissance ? Dans les entreprises de plus de trois cents salariés, il ne coûtera rien, et j'espère qu'il ne rapportera rien : cela voudrait dire qu'elles ne le mettent pas en place et sont sanctionnées. Entre cinquante et trois cents salariés, un accord doit être recherché, en l'absence duquel un plan unilatéral de l'entreprise doit être présenté. Cela demandera un peu de temps, quelques mois sans doute. Dans les entreprises de moins de cinquante salariés en revanche, l'application sera immédiate, ce qui peut créer un effet d'entraînement assez considérable. Nous souhaitons une montée en puissance rapide, et nous évaluons le coût pour l'année prochaine à 150 ou 200 millions d'euros, et pour une année pleine, à 800 millions ou 1 milliard, qu'il faudra prendre en compte dans le pacte de compétitivité présenté par le Premier ministre. Les crédits seront affectés à Pôle emploi, qui a l'habitude de ce type de dispositif et fera les versements. C'est donc Pôle emploi qui en assurera la trésorerie en début d'année.
M. Georges Labazée . - Combien de contrats prévoyez-vous en tout, compte tenu de la situation économique?
M. Michel Sapin, ministre . - Notre objectif est d'arriver à 500 000 contrats, dont peut-être 100 000 ou 150 000 mille la première année. Cela concernera donc un million de personnes en tout. Cette aide doit durer trois ans.
M. Thierry Repentin, ministre délégué . - Dès ma première réunion de travail avec Michel Sapin nous avons évoqué le dossier de l'Afpa. La formation professionnelle est en effet une partie importante de la politique de l'emploi et l'Afpa est un des acteurs majeurs pour la formation des demandeurs d'emploi. Nous avons apporté à l'Afpa une subvention de 20 millions d'euros cet été et, en votant le texte sur les emplois d'avenir, vous nous avez permis de lui allouer 20 millions d'euros supplémentaires pour les prestations que l'Etat lui avait demandées mais qu'on ne pouvait lui payer faute de support législatif. Au-delà de ces 40 millions d'euros, le nouveau président, Yves Barou, a pour mission de préparer un plan de refondation sur la période 2013-2016, qui se déploiera sur trois axes : redresser les finances de cette association, qui n'est pas, je le rappelle, une agence de l'Etat, développer son activité en retissant du lien avec les donneurs d'ordres et transformer son modèle pédagogique. Dans ce cadre, l'Etat est sollicité sur trois plans. D'abord, contribuer à la recapitalisation, qui est en réalité une capitalisation puisque l'Afpa n'a pas de fonds propres, afin de redonner à l'Afpa la capacité d'emprunter et d'investir pour son avenir, notamment à travers la souscription de titres associatifs. L'ordre de grandeur de 200 millions d'euros, que vous avez évoqué, me semble réaliste et nous devrons préciser ce montant début 2013. Ensuite, faire évoluer le statut de son patrimoine : il n'appartient pas à l'Afpa, ce qui ne facilite pas sa modernisation ni son adaptation aux besoins de l'activité. Maintenir, enfin, le niveau des subventions qui étaient apportées à l'Afpa à 87 millions d'euros : c'est un signe de confiance que nous lui donnons. Nous réfléchissons aussi à l'émergence d'un service d'intérêt économique général au bénéfice des publics les plus éloignés de l'emploi : cette solution, compatible avec le droit européen, pourrait trouver sa place dans le texte nouveau sur la décentralisation qui sera présenté au Parlement en 2013. Quoi qu'il en soit, l'Etat a la ferme volonté de maintenir cet outil : dites-le autour de vous, afin d'apaiser l'inquiétude - légitime - qu'ont pu ressentir les quelque 9 300 salariés de l'Afpa.
Vous avez raison d'évoquer l'importance de la conjoncture économique à propos de l'objectif de 500 000 apprentis : le développement de l'apprentissage est corrélé avec l'activité économique. En période difficile, les chefs d'entreprise ont moins d'appétit pour accueillir des apprentis. Mais nous avons l'objectif, volontariste, de voir progresser le nombre d'apprentis de 420 000 à 500 000 d'ici la fin du quinquennat : il nous faut donc une progression annuelle de 3 %. Nous avons adressé un courrier conjoint aux chambres consulaires, leur annonçant que nous prendrions en charge les développeurs de l'apprentissage. Ils ont pour mission de démarcher les entreprises n'ayant pas d'apprentis pour leur faire connaître les dispositifs d'allègements de charges et leur faire comprendre l'intérêt qu'elles auraient à en recruter. Nous présenterons en 2013 un plan de développement, dont le Parlement aura à connaître, sur l'ajustement des dispositifs d'allègement de charges, tout en sollicitant certaines branches professionnelles qui sont en retard dans le développement de l'apprentissage, mais aussi les collectivités territoriales qui sont, elles, très en retard : elles emploient moins de 8 000 des quelque 400 000 apprentis que compte la France !
Il existe des freins à l'embauche de jeunes dans les collectivités territoriales, mais certaines d'entres elles recrutent des apprentis. J'étais hier à Libourne, une ville moyenne, qui en accueille une vingtaine. Au-delà de l'adoption de mesures fiscales et budgétaires, des engagements sont à passer avec les présidents de région pour donner leur chance à des jeunes qui ne trouvent pas d'employeurs alors qu'ils ont une place dans un centre de formation des apprentis (CFA).
Mme Gisèle Printz . - Quel sort faites-vous précisément aux auto-entrepreneurs dans ce budget ? Souvent, il s'agit de jeunes qui débutent dans la vie professionnelle.
Mme Christiane Demontès . - La formation tout au long de la vie bénéficie surtout aux diplômés. Que faire pour les autres, ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi ? Le Gouvernement a créé les emplois d'avenir, que je lance dans ma commune. Comment individualiser le plus possible leur volet formation, en particulier, sur les pré-requis ? Quelle compatibilité avec les marchés publics ? C'est la condition de la réussite des emplois d'avenir mais aussi de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels. Tout le problème est de susciter l'appétence de ceux qui gardent un mauvais souvenir de leur scolarité. Où en est la réflexion sur ce sujet ?
Mme Catherine Procaccia . - Monsieur Sapin, vous avez évoqué, concernant l'aide aux publics spécifiques, des dispositifs multiples et complexes, notamment 1 000 postes adaptés pour les personnes handicapées. Avez-vous l'intention de mettre un peu d'ordre dans des contrats qui ont eu leur logique mais qui, pour certains, n'en ont peut-être plus ? Cela simplifierait les choses, à la fois pour les personnes concernées et pour les entreprises.
A une époque, il a été question de réforme des élections prud'homales. Quels sont vos objectifs ?
Les contrats de génération, avez-vous dit, seront financés ultérieurement, sans doute par un projet de loi de finances rectificative. Et pour les emplois d'avenir ? En cas de succès, et je note votre prudence, vous avez évoqué des choix financiers. Pouvez-vous en dire plus ? Dans le même ordre d'idées, le financement des maisons de l'emploi s'arrêtera-t-il à la liste des maisons agréées il y a deux ou trois ans ou évoluera-t-il ?
Je veux dire ma satisfaction devant vos projets importants pour l'apprentissage. Nous voulons tous ici soutenir ce type d'emploi et de mise sur le marché du travail. Pour autant, les entreprises, de plus en plus sollicitées, peinent à dégager du temps pour former les apprentis. Qu'en est-il de la carte nationale d'apprenti, évoquée par Laurent Wauquiez, et dont on a reparlé au Sénat lors des dernières journées de l'apprentissage ? Enfin, une question récurrente depuis plusieurs années, le transport et l'hébergement de ces jeunes qui doivent faire la navette entre leur lieu de travail et leur établissement. Comment avancer ?
M. René-Paul Savary . - Le président Hollande s'est engagé à infléchir d'ici un an la courbe du chômage...
M. Michel Sapin, ministre . - Non, à l'inverser ! C'est mieux qu'avant : l'ancien Président, lui, parlait de baisse de la hausse tendancielle du chômage...
M. René-Paul Savary . - Je vous souhaite de réussir ! Vous le devriez avec vos 100 000 emplois d'avenir, 100 000 contrats de génération, 4 000 agents de plus à Pôle emploi, 60 000 postes dans l'éducation nationale sans parler du reste. Mais n'y-a-t-il pas une contradiction à constater l'importance du déficit et à proposer des mesures qui accroissent la dépense publique ?
Les contrats aidés ? Le contrat de génération, parce qu'il est davantage tourné vers le secteur marchand, est plus prometteur que les autres. Le problème, nous le savons, est la sortie de ces contrats, surtout en période de crise. Les gens se retrouvent sur le carreau, à la case départ, ce qui les déçoit terriblement.
La contrainte budgétaire vient souvent contredire la volonté d'insertion que portent les départements. Pour un conseil général, cela vaut le coup de miser sur les contrats aidés pour les plus de vingt-cinq ans car cela signifie autant de gens au RSA en moins. Un mécanisme qui ne jouera pas pour les emplois d'avenir qui s'adressent aux 16-25 ans.
L'accueil d'apprentis, c'est exact, n'est pas une habitude des collectivités territoriales. C'est un peu antinomique, d'ailleurs, de leur demander cet effort quand beaucoup d'entre elles sont, par la force des choses, engagées dans une stratégie difficile de réduction du personnel en période de crise. Quelle que soit notre volonté de lutter pour l'emploi nous nous heurtons à une contrainte budgétaire.
M. Jacky Le Menn, président . - Ce budget pour l'emploi dans une conjoncture économique difficile marque la volonté forte du Gouvernement de lutter contre le chômage, on ne peut que s'en féliciter. Nous devons tous donner priorité à l'emploi, Etat et collectivités territoriales.
Je salue la consolidation du service public de l'emploi après la fusion difficile de l'ANPE et des Assedic. Grâce aux 4 000 postes supplémentaires, le portefeuille des agents diminuera-t-il ? D'après nos contacts sur le terrain, ces derniers, qui sont eux-mêmes en emploi précaire...
M. Michel Sapin, ministre . - Nous créons des CDI !
M. Jacky Le Menn, président . - Très bien ! Ces agents, donc, n'ont pas le temps de rechercher des emplois auprès des entreprises - en particulier de convaincre les plus petites, là où sont les gisements d'emplois les plus importants - et d'accompagner correctement les personnes les plus éloignées de l'emploi. Pouvez-vous me rassurer ? Ne vend-on pas de l'illusion à nos concitoyens ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué . - Madame Procaccia, le plan de développement de l'apprentissage de 2013, dont je vous ai parlé, intègre un volet « qualité » qu'on a trop souvent négligé par le passé. Concernant l'hébergement, les investissements d'avenir pourraient financer des projets de construction au bénéfice des apprentis. Des collectivités territoriales ont déjà déposé des projets. J'ajoute qu'une petite ligne budgétaire a été votée à l'Assemblée nationale pour l'accompagnement des apprentis les plus en difficulté.
Madame Demontès, l'intérêt des emplois d'avenir réside dans la formation qui l'accompagne pour des jeunes qui n'en ont précisément pas, une formation qui est obligatoire. Pour eux, il faut un plan de formation spécifique et individualisé. Parce que l'Etat ne peut pas y parvenir seul, nous avons noué des partenariats avec les régions afin qu'elles revoient leur offre de formation pour les 16-25 ans, avec les organismes paritaires collecteurs agréés qui dédieront une partie de leurs recettes à l'accompagnement individualisé de ces jeunes et avec le FPSPP qui travaillera sur l'acquisition des compétences socles et la lutte contre l'illettrisme, un fléau plus répandu qu'on ne le croit. Grâce à la mise en place d'un service d'intérêt économique général de la formation avec un agrément délivré pour plusieurs années, nous aurons des interventions plus fines sur la pédagogie. L'accès rapide à la formation professionnelle sera un des critères de l'agrément.
Voilà l'ensemble des moyens que nous aurons à mettre en musique l'an prochain, j'espère le soutien du Parlement !
M. Michel Sapin, ministre . - Madame Printz, nous touchons à un tout petit avantage des auto-entrepreneurs en alignant leur taux de cotisation sur celui des autres travailleurs indépendants. L'essentiel demeure, c'est-à-dire l'allègement des formalités déclaratives et le principe du « zéro chiffre d'affaires, zéro charges ». J'ajoute que ma collègue Sylvie Pinel est chargée d'étudier les améliorations que nous pourrions apporter à ce régime.
Madame Procaccia, 1 000 postes seront créés dans les entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap dans les trois prochaines années, soit 3 000 postes supplémentaires. Vous avez parlé de complexité : elle est surtout palpable dans le secteur de l'IAE car chaque filière a son propre mécanisme d'aide. Une étude est en cours pour parvenir à une simplification qui n'a pas pour but, je le précise, de faire des économies. Cela dit, votre question portait plus largement sur les contrats aidés. Nous verrons s'il faut procéder éventuellement à des fusions après la montée en puissance des emplois d'avenir et des contrats de génération. S'agissant des élections prud'homales, le Gouvernement s'en tient pour l'heure au calendrier prévu, la preuve en est l'inscription des crédits au budget. Des évolutions ultérieures ne sont pas à exclure.
Le financement des emplois d'avenir s'il y a une montée en charge plus rapide que prévu ? Nous réglerons la question en gestion ce qui, en langage budgétaire, signifie que nous procéderons par ajustement au vu de la réalisation dans une loi de finances rectificative. Nous avons employé cette méthode pour financer les contrats aidés supplémentaires décidés en cours d'année. Cette approche vaut pour des montants inférieurs à 100 millions d'euros ; au-delà, il faudrait prendre des mesures complémentaires d'économies ou de recettes.
Les crédits des maisons de l'emploi sont maintenus. Comment mieux les répartir ? On a tendance, vous le savez, à reconduire les crédits de l'année antérieure, de sorte que des disparités considérables persistent entre les maisons, qu'il faudrait réduire.
Monsieur Savary, les emplois d'avenir ont un intérêt pour les départements. L'intervention des collectivités aura un effet d'entraînement car elles connaissent associations et établissements sociaux sur leur territoire. Les emplois d'avenir ne représentent pas des dépenses supplémentaires s'ils s'inscrivent dans une logique de gestion prévisionnelle des emplois. Je m'explique : si le départ en retraite d'un agent est prévu, pourquoi ne pas former un jeune, qui n'en a pas actuellement les compétences, pour le remplacer ? Voilà une manière intelligente de renforcer les effectifs et de former les jeunes. Il ne s'agit pas de demander aux collectivités territoriales à la fois de dépenser plus et de serrer les boulons...
Monsieur Le Menn, votre question sur Pôle emploi est la bonne : 2 000 postes créés, c'est mieux que les 1 800 supprimés par l'ancien gouvernement en période de hausse du chômage. A ces créations de postes, il faut ajouter les 2 000 que Pôle emploi s'est engagé à redéployer vers l'accueil des chômeurs. Déjà, des améliorations sont sensibles. Surtout, Pôle emploi s'est engagé dans une réforme importante : passer d'un système standardisé d'accueil au sur-mesure. Le jeune débrouillard, qui sait parfaitement utiliser internet, n'a pas besoin de rencontrer fréquemment un conseiller; un échange de courriers électroniques suffit peut-être. En revanche, les personnes les plus éloignées de l'emploi ont besoin d'un contact humain avec leur conseiller, à échéances rapprochées. Cette réforme oblige à modifier les affectations et les compétences. Les personnels réclament des moyens supplémentaires, mais apportent leur soutien à cette personnalisation de l'accueil.
Pour finir, monsieur Savary, personne n'a jamais dit, et surtout pas moi, que les politiques publiques de l'emploi suffiraient à régler la question du chômage. Les contrats aidés, les emplois d'avenir, les contrats de génération, la politique de suivi et de formation viennent en complément des mesures sur la compétitivité, l'équilibre des comptes publics, la réorientation du projet européen vers la croissance. Les entreprises doivent redevenir créatrices d'emploi, c'est l'objectif. Avec cette politique économique, et vous examinerez les dernières décisions plus rapidement que vous ne le pensez, nous créons les conditions pour atteindre cet objectif mobilisateur qu'est l'inversion de la courbe du chômage.
M. Jacky Le Menn, président . - Merci de votre disponibilité.
II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mercredi 28 novembre 2012 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente , la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Claude Jeannerot sur le projet de loi de finances pour 2013, mission « Travail et emploi » .
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis . - Depuis dix-huit mois, le nombre de demandeurs d'emploi augmente sans discontinuer, le cap des trois millions de chômeurs a été franchi en août et il y a eu 45 000 chômeurs de plus en octobre. Dans le même temps, la France doit gérer un endettement historique, d'où l'indispensable effort de réduction des déficits publics. Le Gouvernement en a tenu compte en élaborant un projet de budget du travail et de l'emploi qui marque un réel changement d'orientation.
Le changement se manifeste d'abord par l'évolution globale des crédits : entre 2008 et 2012, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté d'un million, tandis que les crédits de la mission « Travail et emploi » baissaient de 20 %. Ce budget inverse la tendance avec 10,3 milliards, soit une hausse de 2 %, et même de 4 % en tenant compte du transfert de 250 millions vers le compte d'affectation spéciale « fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage ».
Le changement se traduit également par la volonté d'établir une relation de confiance avec les partenaires sociaux. Par respect de leur autonomie, le Gouvernement a décidé de ne plus ponctionner le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, pratique à laquelle nous nous étions opposés l'an dernier.
Le changement passe surtout par la définition de nouvelles priorités. L'emploi des jeunes, d'abord, a été au coeur de la campagne du président de la République. 100 000 jeunes seront embauchés en emploi d'avenir. La montée en charge se poursuivra en 2014 pour arriver à un total de 150 000 bénéficiaires par an. Les crédits consacrés aux emplois d'avenir atteindront 2,3 milliards en autorisations d'engagement et 466 millions en crédits de paiement. Les moyens consacrés aux autres dispositifs en faveur des jeunes, notamment au contrat d'insertion dans la vie sociale, seront maintenus. En revanche, le Gouvernement propose de supprimer le contrat d'autonomie, lancé en 2008 dans le cadre du plan « Espoir banlieues » et dont nous en avions maintes fois dénoncé le médiocre rapport coût-efficacité. Sa suppression occasionnera une économie de 46 millions.
Dans quelques semaines, nous examinerons le projet de loi relatif au contrat de génération, retranscrivant l'accord unanime conclu par les partenaires sociaux le 19 novembre. Les entreprises de moins de trois cents salariés bénéficieront d'une aide de l'Etat lorsqu'elles recruteront un jeune tout en maintenant dans l'emploi un senior qui sera chargé de transmettre ses savoirs et ses compétences. Le coût de cette mesure, qui sera présentée en collectif, devrait se monter à un milliard par an.
La deuxième priorité consiste à atténuer les effets de la crise pour les publics les plus fragiles, grâce notamment aux contrats aidés. En 2012, le Gouvernement a pris des mesures d'urgence pour remédier à la surconsommation des contrats aidés observée pendant les premiers mois de l'année. Il a d'abord autorisé, en juin, la conclusion de 80 000 contrats supplémentaires : 60 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et 20 000 contrats initiative-emploi (CIE). Puis il a ouvert en octobre une nouvelle enveloppe de 40 000 CAE, un décret d'avance débloquant les 300 millions nécessaires. Pour 2013, le projet de loi de finances consacre encore 1,5 milliard à 340 000 CAE et 186 millions à 50 000 CIE. Le déploiement des emplois d'avenir n'interviendra pas au détriment des autres contrats aidés.
Le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) effectue un travail remarquable auprès de personnes en grande difficulté. Il était initialement prévu de reconduire à l'identique les crédits votés en 2012, soit 140 millions pour les entreprises d'insertion, 23,5 millions pour les ateliers et les chantiers d'insertion et 12,7 millions pour les associations intermédiaires. Lors du débat sur les emplois d'avenir, il a beaucoup été question des moyens attribués à ce secteur. L'Assemblée nationale, qui a souhaité adresser un signal positif aux entreprises d'insertion percevant une aide au poste dont le montant n'avait pas été revalorisé depuis dix ans, a décidé de majorer de 10 millions leur dotation. Sans répondre à tous les besoins, cette mesure aidera les entreprises d'insertion à attendre la réforme du financement de l'IAE que Michel Sapin a annoncée mercredi dernier.
Troisième priorité, l'accompagnement des mutations économiques est plus nécessaire que jamais dans le contexte de crise. Il est proposé de pérenniser le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), créé en 2011, auquel 90 000 personnes ont déjà adhéré. Le CSP, pour lequel plus de 100 millions sont prévus, offre un parcours de transition professionnelle à des personnes licenciées pour motif économique. Le dispositif du chômage partiel est relancé : il évite des licenciements en cas de retournement brutal de la conjoncture. Le gouvernement précédent avait pourtant réduit considérablement la dotation qui n'était plus que de 40 millions en 2011 et de 30 millions cette année. Il est proposé de la porter à 70 millions. Le Gouvernement a également décidé de rétablir la procédure d'autorisation administrative préalable supprimée en début d'année.
La quatrième priorité est le renforcement du service public de l'emploi. En 2011, la précédente majorité avait supprimé 1 800 postes à Pôle emploi, alors que le chômage repartait à la hausse. En 2012, il a été décidé, au contraire, d'augmenter les moyens de Pôle emploi en lui permettant d'embaucher 2 000 agents supplémentaires en CDI. Afin de les financer, la dotation de l'Etat va augmenter de plus de 100 millions, pour atteindre 1,47 milliard. Ces 2 000 agents seront tous affectés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, pour mettre en oeuvre le nouveau suivi personnalisé. En complément, Pôle emploi va redéployer 2 000 postes de travail des fonctions support vers l'accompagnement. Au total, 4 000 conseillers supplémentaires seront ainsi au contact direct des usagers.
Les missions locales, qui suivent les jeunes de moins de vingt-six ans, verront également leurs moyens augmenter : à la dotation de base de près de 180 millions, s'ajouteront 30 millions au titre de leur contribution au déploiement des emplois d'avenir.
Cinquième et dernière priorité, le développement des formations en alternance, avec l'objectif, fixé par le Premier ministre, de 500 000 apprentis à la fin du quinquennat. Cet objectif peut sembler en retrait par rapport aux annonces passées. L'ancien président de la République avait annoncé, le 1 er mars 2011, que 800 000 jeunes seraient formés par alternance dès 2015, ce qui supposait d'augmenter le nombre d'alternants d'un tiers en quatre ans. Peu friand d'effets d'annonce, Jean-Marc Ayrault a préféré fixer un objectif plus modeste, mais plus réaliste. Une partie des moyens consacrés à l'apprentissage figurent dans la mission « Travail et emploi ». Les régions recevront notamment une dotation de 550 millions, pour la prime d'apprentissage, et 1,2 milliard sera versé à la sécurité sociale afin de compenser le manque à gagner dû à l'exonération de cotisations sociales applicable aux contrats d'apprentissage.
Depuis l'an dernier, une part importante des ressources dédiées à l'apprentissage est retracée dans le compte d'affectation spéciale « fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage » qui dépensera 825 millions en 2013, dont 250 millions versés aux régions au titre de la compensation des compétences transférées en matière d'apprentissage, 200 millions consacrés à la péréquation des sommes perçues au titre de la taxe d'apprentissage, 360 millions au financement des actions arrêtées en application des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre l'Etat et les régions et 15 millions pour financer le bonus versé aux entreprises qui comptent plus de 4 % d'apprentis dans leurs effectifs. L'Assemblée nationale a majoré de 2 millions la dotation des actions de promotion de l'apprentissage, afin de prolonger certaines expérimentations tendant à prévenir les ruptures de contrats d'apprentissage, encore trop fréquentes, notamment dans des secteurs comme l'hôtellerie-restauration.
La politique du travail et de l'emploi prend sa part de l'effort nécessaire de réduction des déficits publics. Elle y contribue en supprimant ou réduisant des niches fiscales et sociales et je me félicite de la limitation des exonérations applicables aux heures supplémentaires. Notre commission souhaitait remettre en cause ces exonérations coûteuses pour les finances publiques - 4,9 milliards en 2012 - et qui décourageaient les embauches.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'aligner le taux de cotisation des auto-entrepreneurs sur celui des autres travailleurs indépendants. Cette mesure représente une économie de 130 millions, puisque l'Etat n'aura plus besoin de compenser le manque à gagner pour la sécurité sociale.
L'article 71, rattaché à la mission, supprime l'exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise, instituée par la loi du 1 er août 2003 pour l'initiative économique. Cette mesure a eu peu de succès et est aujourd'hui concurrencée par le régime de l'auto-entrepreneur. Sa suppression économisera 4 millions. L'article 72 réserve le bénéfice de l'exonération applicable aux organismes d'intérêt général installés dans les zones de revitalisation rurale à ceux comptant moins de cinq cents salariés, soit une économie de l'ordre de 20 millions.
Des économies sont enfin demandées aux services du ministère du travail et de l'emploi : il perd 141 ETP, les crédits de fonctionnement courant baissent de 6 % et les dépenses de gestion et d'entretien du parc immobilier de 8 %. Les subventions versées à divers opérateurs, tels que l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (Intefp), le Centre d'études de l'emploi (CEE) ou l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) vont également diminuer. Cette baisse des crédits et des effectifs impose aux agents des réorganisations, mais elle est indispensable pour accroître les moyens des ministères prioritaires, sans creuser les déficits ni augmenter encore les prélèvements obligatoires.
Il nous faudra rester vigilants sur la situation de ces chômeurs âgés, ayant suffisamment cotisé pour avoir droit à une retraite à taux plein, qui arrivent aujourd'hui en fin de droits et qui subissent les conséquences de la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER). Le Sénat a voté hier soir un amendement de Martial Bourquin instaurant une taxe sur les nuits d'hôtel de luxe, dont l'objectif est de trouver une ressource. M. Cahuzac nous a dit que le nombre de personnes concernées serait précisément connu en décembre, et il a confirmé l'engagement du gouvernement à faire avancer ce dossier d'ici janvier.
Mme Catherine Génisson . - Et d'apporter une solution !
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis . - Certes, car à l'expiration de leurs droits à l'assurance chômage, ces personnes se retrouvent titulaires de minima sociaux, dont le montant est modeste, 470 euros pour l'ASS, alors que le montant de l'AER, dont elles pensaient bénéficier jusqu'à leur retraite, était de l'ordre de 1 000 euros. Le Gouvernement souhaite disposer d'un peu de temps pour évaluer les effets du décret qui a rétabli l'âge de départ à la retraite à soixante ans pour les salariés qui ont commencé à travailler tôt. Il réexaminera cette question dans le cadre de la discussion sur l'avenir des régimes de retraite qui aura lieu au premier semestre 2013. Dans l'immédiat, le ministre du travail a donné instruction aux préfets d'éviter, à court terme, une chute des revenus de ces chômeurs grâce à des contrats d'accompagnement dans l'emploi.
Je suis très attaché au devenir de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). Son président, Yves Barou, nous a dit à quel point sa situation financière était précaire. Le Gouvernement a pris des mesures d'urgence pour éviter la cessation de paiement mais une action plus structurelle est nécessaire : tel est l'objet du plan de refondation qui vient d'être rendu public. L'Etat peut aider l'Afpa en lui transférant le patrimoine immobilier dont il est propriétaire, via des baux emphytéotiques, et en participant à sa recapitalisation, ses besoins en fonds propres étant estimés entre 200 et 300 millions. A moyen terme, la définition d'un service d'intérêt économique général (SIEG) ferait échapper une partie du marché de la formation à la stricte application des règles de la concurrence, ce qui aiderait l'Afpa à faire valoir ses atouts et ses spécificités.
En conclusion, ce projet de budget n'est évidemment qu'un des leviers à la disposition du Gouvernement pour gagner la bataille de l'emploi. La compétitivité de nos entreprises doit s'améliorer : tel est l'objet du pacte annoncé par le Premier ministre, qui prévoit la mise en place d'un crédit d'impôt afin d'alléger le coût du travail. Beaucoup d'entreprises étant également confrontées à des problèmes de financement, nous allons bientôt examiner le projet de loi relatif à la Banque publique d'investissement. Nous devrons également améliorer le fonctionnement du marché du travail, qui fait peser tout le poids de la précarité sur les jeunes et les seniors. Les partenaires sociaux sont invités à négocier sur ce sujet un accord historique, qui pourrait servir de base à une grande réforme législative. Dans cette attente, je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, ainsi que des deux articles qui y sont rattachés et du compte d'affectation spéciale FNDMA.
Mme Laurence Cohen . - Vous avez noté, à juste titre, l'augmentation du chômage. Une manifestation aura lieu samedi prochain à l'appel de l'association pour l'emploi, l'information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires (Apeis) : il faut soutenir le travail de ces associations, car le problème est à la fois individuel et sociétal.
Je partage vos remarques sur l'Afpa : le SIEG répondrait, en partie, aux difficultés actuelles.
Qu'en est-il des cotisations sociales versées par les auto-entrepreneurs ? Pour certains chômeurs, ce statut séduisant n'est-il pas une illusion ?
Je suis étonnée par votre conclusion : vous donnez un avis positif à l'adoption de cette mission alors que ses crédits, en forte baisse, ne sont pas à la hauteur de nos ambitions.
Mme Catherine Génisson . - Ce rapport de qualité illustre le dynamisme de notre politique en faveur de l'emploi. La baisse des crédits de fonctionnement s'explique par le nécessaire redressement des comptes publics.
Le rapporteur a rappelé notre débat d'hier soir sur l'AER : j'espère que le gouvernement fera rapidement des propositions concrètes pour régler ce problème douloureux.
Concernant le service public de l'emploi, je partage ses remarques sur l'Afpa. Je signale que le Nord-Pas-de-Calais expérimente un service public de la formation professionnelle continue. Pourquoi ne pas examiner ce qui s'y fait ? Enfin, les maisons de l'emploi, qui n'ont pas été évoquées, ne font-elles pas doublon avec Pôle emploi ?
Les collectivités territoriales devraient proposer plus de contrats d'apprentissage, car les formations en alternance, qui existent aussi dans l'enseignement supérieur, offrent aux jeunes une voie royale vers l'emploi.
Notre rapporteur a évoqué la suppression des exonérations de cotisations sociales pour les auto-entrepreneurs. Il faudra sans doute aller plus loin et réexaminer ce statut, qui est souvent choisi par des chômeurs qui n'ont en réalité pas les moyens de mener à bien un projet de création d'entreprise. De plus, il donne lieu fréquemment à des abus, certaines entreprises licenciant leurs salariés pour leur demander de devenir ensuite des sous-traitants auto-entrepreneurs.
Mme Annie David, présidente . - Les 30 millions en faveur des emplois d'avenir seront-ils versés aux missions locales ? J'ai été interrogée à ce sujet...
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis . - Tout à fait !
Mme Annie David, présidente . - L'apprentissage est une voie de formation intéressante et il faut se préoccuper, comme vous le faites, monsieur le rapporteur, des ruptures de contrats d'apprentissage.
Je m'inquiète de la baisse des subventions à certaines agences, notamment à l'Anact, alors que les conditions de travail se dégradent.
Hier soir, nous avons eu un débat très intéressant sur l'AER : certes, la mesure adoptée sur les nuits d'hôtel de luxe mérite sans doute d'être améliorée, mais nous devons venir en aide à ces personnes qui se retrouvent dans des situations dramatiques.
M. Georges Labazée . - En tant que président de conseil général, je finance des mesures en faveur de l'apprentissage dans des grands groupes. Les chefs d'entreprise qui comparent volontiers leur situation à celle qui prévaut en Allemagne, oublient trop souvent que l'apprentissage est dans ce pays au coeur de la stratégie des entreprises.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis . - Oui, l'apprentissage est indispensable et devrait être encouragé par les collectivités territoriales. Dans mon département, je dois me montrer pédagogue pour faire comprendre tout l'intérêt de cette formation. L'objectif de 500 000 apprentis d'ici cinq ans me semble ambitieux, mais réaliste.
Des moyens supplémentaires sont donnés aux missions locales : pour les emplois d'avenir, elles sont le seul référent des jeunes.
Ces deux dernières années, les crédits versés aux maisons de l'emploi ont fortement diminué. Les maisons de l'emploi percevront, comme en 2012, 63 millions alors qu'elles étaient dotées de 95 millions en 2010. Bien que le Gouvernement maintienne leurs crédits en 2013, nous devrons être attentifs car les situations varient considérablement d'une région à l'autre. Dans certains territoires, les maisons de l'emploi ont su trouver leur place, dans d'autres, elles restent en concurrence avec Pôle emploi. Le travail de complémentarité doit aller à son terme.
Le projet de loi de financement pour 2013 prévoit de relever le taux de cotisation des auto-entrepreneurs, sans modifier leur statut. Néanmoins, je partage votre appréciation sur celui-ci et la question reste posée.
Laurence Cohen estime que les crédits diminuent : certes, mais uniquement pour les services du ministère du travail, ce qui aura des conséquences sur l'administration et sur certaines agences, comme l'Institut national du travail qui devra consentir des efforts de gestion, et l'Anact dont les effectifs passeront de 84 à 82 ETP, ce qui n'est pas considérable. Globalement, les crédits de la mission augmentent, je le rappelle, de 2 %.
M. René Teulade . - N'oublions pas l'apport de la future Banque publique d'investissement qui apportera une contribution décisive au financement des entreprises.
Suivant son rapporteur, la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi qu'aux articles 71 et 72 rattachés et au compte d'affectation spéciale « FNDMA ».
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS
• Hervé Bécam , vice-président, et Philippe Delterme , secrétaire général de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) ; Jacques Barre , président, et Anne Clerc , vice-présidente du groupement national des chaînes (GNC) ; Philippe Labbe , président d'honneur du syndicat national de la restauration thématique et commerciale (SNRTC) ;
• Vincent Destival, directeur général, et Michel Monier, directeur général-adjoint, de l'Unedic ;
• Olivier Dupuis , secrétaire général, et Joséphine Labroue , chargée de mission, du comité national des entreprises d'insertion (CNEI) ;
• Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi ;
• Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), et Marianne Kermoal-Berthomé , sous-directrice du financement, contrôle de gestion, informatique et systèmes d'information (FCGISI).
* 1 Cf. le « Point de conjoncture » de l'Insee, octobre 2012.
* 2 Cf. le tome I « Perspectives économiques 2012-2013 et évolution des finances publiques » du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.
* 3 Dans ses prévisions rendues publiques le 7 novembre, la Commission anticipe une croissance de seulement 0,4 % l'an prochain.
* 4 Cf. le rapport Sénat n° 713 (session 2010-2011) « Pôle emploi : une réforme nécessaire, une dynamique de progrès à amplifier », fait par Jean-Paul Alduy au nom de la mission commune d'information sur Pôle emploi.
* 5 Cf. le rapport Sénat n° 768 (2011-2012) fait par Claude Jeannerot au nom de la commission des affaires sociales.
* 6 En principe, seront considérées comme jeunes les personnes âgées de moins de vingt-six ans et comme seniors celles âgées de plus de cinquante-cinq ans.
* 7 Un décret d'avance permet d'ouvrir des crédits en cas d'urgence, dans la limite de 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale, gagés par des annulations de crédits ou par la constatation de recettes supplémentaires. Il est ratifié par le Parlement lors de la prochaine loi de finances.
* 8 Comme on l'a vu, les cohortes antérieures sont financées par le fonds de solidarité.
* 9 Un salarié en CUI-CAE est rémunéré au minimum sur la base du Smic et travaille au moins vingt heures par semaine.
* 10 L'ICF, appelée aussi « prime d'apprentissage », constitue une aide destinée à inciter les entreprises à recruter des apprentis ; depuis la loi du 27 février 2002, elle est versée par les régions qui perçoivent pour la financer une dotation de l'Etat.
* 11 Cf. l'avis n° 255, tome 7 (XIV e législature) fait par Gérard Cherpion, député, au nom de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, p. 30.
* 12 Trois recettes fiscales avaient été attribuées à la sécurité sociale : le produit de la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés ; celui de la TVA brute collectée sur les alcools ; et une fraction du droit de consommation sur les tabacs.
* 13 Les Direccte sont nées de la fusion de plusieurs services, notamment les directions régionales et départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP et DDTEFP), les directions régionales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DRCCRF), les directions régionales du commerce extérieur (DRCE) et une partie des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire).
* 14 Dans les entreprises de plus de onze salariés, ce sont les résultats obtenus par les syndicats lors des élections professionnelles (élection des délégués du personnel ou du comité d'entreprise) qui sont pris en compte pour apprécier l'audience de chaque organisation. Comme les entreprises de moins de onze salariés n'organisent pas d'élection de représentants du personnel, il a été nécessaire de prévoir un scrutin ad hoc pour mesurer l'audience des syndicats auprès de leurs salariés.