Avis n° 151 (2012-2013) de M. Dominique WATRIN , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 novembre 2012
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AVANT-PROPOS
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TRAVAUX DE LA COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE
RAPPORTEUR POUR AVIS
N° 151
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME VI
SANTÉ
Par M. Dominique WATRIN,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Gilbert Barbier , Mmes Isabelle Debré, Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Jean-Marie Vanlerenberghe, vice-présidents ; Mmes Aline Archimbaud, Claire-Lise Campion, Catherine Deroche, Chantal Jouanno , M. Marc Laménie, secrétaires ; M. Yves Daudigny, rapporteur général ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Odette Duriez, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38
Sénat : 147 et 148 (annexe n° 26 ) (2012-2013)
Les crédits de la mission « Santé » pour 2013 |
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(en euros) |
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Programmes |
Crédits de paiement ouverts en LFI
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Crédit de paiement demandé
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Variation 2013/2012
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204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins |
738 272 348 |
701 208 230 |
- 5 |
183 Protection maladie |
638 003 000 |
588 000 000 |
-7,8 |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le budget de la mission santé s'élève à 1,29 milliard d'euros pour 2013, soit une baisse de 0,1 milliard par rapport à 2012. Les changements de périmètre, qui constituaient l'essentiel des modifications budgétaires de l'année dernière avec la budgétisation de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) devenue Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), sont cette année très réduits : il s'agit seulement de l'intégration de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna qui dépendait auparavant du budget de l'Outre-mer.
L'essentiel du poids des réductions de crédits est supporté par les agences sanitaires , qui représentent 75 % du budget. Leurs fonds de roulement sont réduits en moyenne de 2,5 %, ce choix étant néanmoins censé préserver leurs crédits de fonctionnement.
Le Gouvernement entend par ailleurs mener une réflexion sur le périmètre des agences, ainsi que l'y invitent plusieurs rapports des corps de contrôle : Cour des comptes en 2011, Igas, Inspection générale des finances et Conseil d'Etat en 2012. Une nouvelle mission conjointe de l'Igas et de l'IGF a donc été demandée par la ministre. Elle examinera notamment le périmètre des agences face aux administrations centrales.
Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) voit aussi ses crédits baisser de 50 millions sur la dotation Etat (auxquels il faut ajouter une baisse de 200 millions de la dotation de la branche AT-MP dans le PLFSS). Cette baisse de 50 millions, qui réduit à néant la dotation de l'Etat, doit être reconduite au cours des deux années suivantes, soit une réduction totale de 150 millions d'euros.
L'existence d'un fonds de roulement du Fiva correspondant à près d'une année de dépenses pose question sur la manière dont il est géré. La Cour des comptes se penche actuellement sur ce problème et ses conclusions seront connues en début d'année.
Mais la suppression de 150 millions d'euros de crédits ne prive-t-elle pas le Fiva des moyens nécessaires pour répondre aux évolutions souhaitées par les victimes de l'amiante ? Chacun s'accorde à dire que le personnel du Fiva subit une surcharge de travail. Cet argent aurait pu être utilisé pour améliorer les conditions de travail du personnel et accélérer les procédures d'indemnisation.
Votre rapporteur s'interroge par ailleurs sur la rigueur peut-être trop grande des contrôles exercés par le Fiva qui est particulièrement mal perçue par les victimes et leurs associations.
Les crédits du fonds d'intervention régional (FIR), créé en 2012 pour financer les actions de prévention des ARS, baissent également (- 32,4 millions). Cette baisse devrait être compensée par une augmentation de la dotation de l'assurance maladie au FIR financée par les taxes comportementales (bière et tabac). Ce choix n'est pas sans conséquence car il contribue à brouiller la répartition des compétences entre l'Etat et l'assurance maladie. Il ajoute par ailleurs à la complexité des tuyauteries financières entre l'Etat et l'assurance maladie, dont les taxes précédemment affectées à l'Afssaps nous ont donné l'année dernière un autre exemple. Il signifie enfin que des taxes affectées à l'assurance maladie ne servent pas à financer la protection sociale mais à compenser la baisse des engagements de l'Etat.
La dotation de l'Etat pour le financement de la CMU-c est supprimée et remplacée par l'affectation du produit des taxes sur les boissons à sucre ajouté et contenant des édulcorants, les crédits de l'aide médicale d'Etat restent stables.
Cette réduction du budget de la santé pose question.
La mission « Santé » est composée majoritairement de crédits d'intervention. Toute diminution de son budget signifie donc, à court ou moyen terme, une réduction des actions de l'Etat. L'application de normes de limitation au budget des opérateurs de la mission pose donc problème au moment où les agences sanitaires voient leurs missions de contrôle accrues.
La mission ne comporte pas les frais de personnel des opérateurs des programmes (ministère de la santé, agences et ARS) qui sont inclus dans la mission « Solidarité ». Il y a de ce point de vue un problème de lisibilité des crédits présentés par le programme annuel de performance (le « bleu budgétaire »). Le programme offre certes une vision consolidée des emplois des agences mais il ne récapitule ni les emplois du ministère au sein de ses différentes directions générales, ni ceux des ARS.
On sait que les opérateurs, et au premier rang d'entre eux les agences sanitaires, auront moins de crédits pour effectuer leurs missions et moins de personnel pour les mettre en oeuvre . Mais il nous est impossible, en dehors d'une étude au cas pas cas lors des auditions, de mesurer l'interaction entre ces deux dimensions. Ainsi l'Institut de veille sanitaire (InVS) voit son plafond d'emploi réduit de sept postes en 2013, ce qui signifie le non-renouvellement de contrats à durée déterminée et des redéploiements de personnel, au détriment de ses antennes chargées de la collecte des données épidémiologiques au niveau régional. L'InVS devra également renoncer au développement du suivi de l'habitat insalubre faute de moyens humains.
Il s'agit clairement d'un budget de crise, tourné vers le redressement des finances publiques. Votre rapporteur déplore bien évidemment la réduction des crédits de la mission « Santé ».
Cependant, la ministre s'est engagée à redéfinir les priorités qui n'ont pas été revues depuis la loi de santé publique de 2004. L'approche territoriale constituera le levier de l'action publique. Elle reposera sur la contractualisation entre les équipes de soins de proximité et les « acteurs de la proximité » que sont les élus locaux, CPAM, rectorat, responsables de la médecine du travail, de la protection maternelle et infantile (PMI), de la santé scolaire, animés par les délégués territoriaux des Agences régionales de santé.
En complément de cette action de terrain, plusieurs mesures de rationalisation sont également envisagées, dont l'unification du système de vigilance en matière sanitaire. D'autres devraient concerner les actions de prévention. Ces mesures de rationalisation auront un impact financier car elles doivent aboutir à éliminer les actions concurrentes et à faire financer celles qui demeurent par un seul des trois acteurs : les collectivités locales, l'assurance maladie ou l'Etat. Néanmoins, l'ampleur des marges de manoeuvres budgétaires potentiellement dégagées n'est pas évaluée.
Ainsi les projets de loi envisagés pour le premier semestre 2013 sur la santé publique et sur l'accès aux soins poseront le cadre de la politique sanitaire dans lequel s'inscriront les prochains budgets.
I. L'AMORCE D'UNE RÉFORME DES PRIORITÉS DE SANTÉ PUBLIQUE DANS UN CONTEXTE DE BAISSE BUDGÉTAIRE
Les premiers éléments disponibles sur ces nouvelles orientations conduisent à nous interroger sur le rôle futur des agences sanitaires.
A. LA REDÉFINITION DES AXES DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
La ministre en charge de la santé a réaffirmé sa volonté de redéfinir les priorités de santé publique qui n'ont pas été revues depuis la loi de santé publique de 2004. Deux axes semblent privilégiés, la définition de thématiques larges (les maladies infectieuses, la santé des jeunes) et la prise en charge de proximité afin d'assurer la prévention des risques liés à la santé. Les ARS sont ainsi désormais chargées de définir des territoires d'intervention correspondant à des « bassins de santé » dont la taille sera inférieure à celle des « territoires de santé » actuellement prévus.
« L'approche territoriale, a affirmé la ministre de la santé lors du Congrès de la médecine générale le 23 juin 2012, constitue le deuxième levier de mon action.
Je souhaite confier une responsabilité de santé aux acteurs de proximité, pour un territoire et pour une population. Ces territoires, pour les situer, peuvent comprendre jusqu'à 40 000 habitants en zones urbaines et, bien entendu, beaucoup moins en zones rurales. Cette réalité, le territoire de proximité, largement ignorée dans la loi HPST, doit être au coeur de notre action.
Les acteurs de la proximité, élus locaux, CPAM, rectorat, responsables de la médecine du travail, de la PMI, de la santé scolaire, animés par les délégués territoriaux des agences régionales de santé, construiront les politiques de proximité avec les professionnels de santé au sein d'une commission territoriale d'accès aux soins.
Une contractualisation avec les équipes de soins de proximité viendra concrétiser la mise en oeuvre de ces politiques. Elle permettra notamment de rémunérer l'engagement des équipes sur certaines priorités comme la prévention.
La constitution de ces équipes est au coeur de mon projet. Ce travail pluriprofessionnel existe déjà dans les équipes de cancérologie ou en diagnostic anténatal, il se développe dans le monde libéral autour de la dynamique des maisons de santé, et aussi dans le monde salarié des centres de santé. Notre mission est de généraliser la présence d'équipes de santé de proximité sur tout le territoire, quelle qu'en soit la forme juridique. Il n'y a pas de solution unique. C'est le sens de l'engagement du Président de la République de constituer un pôle de santé de proximité sur chaque territoire. Le binôme médecin-infirmier constitue le noyau de ces équipes à partir duquel les relations se tisseront avec l'ensemble des autres professionnels, notamment le pharmacien. ».
Votre rapporteur trouve intéressante cette approche de terrain qui correspond à l'échelle des cantons. Elle ne peut cependant avoir d'efficacité que si elle s'accompagne d'une véritable politique de péréquation permettant de lutter contre les inégalités territoriales de santé.
B. LE RÔLE DES AGENCES SANITAIRES
Dans son rapport budgétaire sur les crédits prévus pour l'année 2012, votre rapporteur avait noté que le ministre en charge de la santé, pris entre l'importance financière prédominante de l'assurance maladie et la capacité d'initiative des agences sanitaires au détriment du ministère, pouvait subir la tentation de placer au second plan les questions de santé publique.
La ministre de la santé s'est engagée résolument à rompre avec cette tendance et à organiser une politique de santé publique impliquant au premier rang la direction générale de la santé, chargée de la coordination des agences. En l'espace d'un an, le nouveau directeur général de la santé, M. Jean-Yves Grall, a mené une action ferme pour assumer pleinement cette fonction, qui rétablit la chaine des responsabilités administratives et politiques et offre aux agences sanitaire l'appui dont elles ont besoin de la part de leur tutelle pour mener leurs actions.
1. Une action de coordination plus volontariste de la part de la Direction générale de la santé
Ainsi que l'a indiqué le directeur général de la santé lors de son audition, le concept même de système d'agences exprime à la fois l'interdépendance naturelle des agences et la volonté d'assurer le meilleur fonctionnement possible de cette interdépendance.
Il y va de l'efficacité du système dans sa contribution à la prévention et à la sécurité sanitaire.
Trois avancées en matière de coordination sont particulièrement notables.
1) L'élaboration du nouveau corpus en matière de déontologie et d'expertise prévu par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Le comité d'animation du système d'agence (Casa), que préside le directeur général de la santé, a été l'instance d'élaboration du décret du 9 mai 2012 relatif à la déclaration publique d'intérêts et à la transparence en matière de santé publique et de sécurité sanitaire 1 ( * ) et du projet de décret relatif à la charte de l'expertise sanitaire (actuellement en cours de validation).
La mise en oeuvre de ces dispositions par les différentes agences fait l'objet d'un suivi par un groupe dédié qui rend compte au Casa.
2) Au sein même de la direction générale de la santé un comité des saisines a été mis en place.
La DGS adresse chaque année plus de 200 saisines aux agences et autres organismes membres du Casa ; le comité des saisines a pour objet de coordonner et de réguler l'activité de saisine au sein de la DGS afin que les sollicitations adressées aux agences soient aussi efficaces et efficientes que possible.
3) La coordination entre les agences elles-mêmes a été renforcée.
Il existe aujourd'hui entre les agences et organismes membres du Casa une soixantaine d'accords bilatéraux ayant pour objet d'organiser la collaboration et la coordination dans les champs d'intérêt commun.
La DGS encourage et systématise ces pratiques en prescrivant l'inscription dans chaque contrat d'objectifs et de performance (COP) de mesures d'amélioration des articulations entre l'agence concernée et les autres agences du système ; les COP signés depuis lors (Inpes et agence de la biomédecine) ont décliné cet objectif. Une « cartographie » des accords bilatéraux qui permet leur suivi est élaborée par la DGS.
Par ailleurs la DGS procède à des études comparatives dans le domaine de la gestion (ainsi le remboursement des frais de déplacement) afin proposer des rapprochements des pratiques au sein des agences.
2. Préserver le fonctionnement du système d'agences
Le système actuel des agences est jugé par ses critiques inutilement complexe, peu lisible pour le citoyen et porteur de redondances. Les agences, entre elles et sous la tutelle de la DGS, ont néanmoins défini des protocoles d'actions conjoints et travaillent en étroite coopération les unes avec les autres. J'espère que le nouveau rapport Igas-Igf n'aboutira pas à défaire un système qui fonctionne.
Plus fondamentalement il convient de nous interroger dans l'optique de la future loi de santé publique sur la place des agences spécialisées comme l'Institut national du cancer (INCa). Constitue-t-il une exception dont les missions pourraient être assumées directement par le ministère de la santé ou faut-il imaginer la création d'Instituts capables de mobiliser les ressources et les énergies sur les principales thématiques de la santé publique ?
Un des apports incontestables de l'INCa a été le rapprochement de la recherche et du soin. Il a permis d'apporter aux patients les fruits des recherches les plus poussées en matière de diagnostic et de traitement. Porter les soins sur l'ensemble du territoire à leur plus haut niveau me semble conforme à la nature même de notre pacte républicain qui repose sur la solidarité et sur le progrès.
Une coopération plus étroite entre l'Inserm et le ministère de la santé semble également nécessaire à votre rapporteur. La mission de l'Inserm, qui est de coordonner la recherche biomédicale en France, se heurte à une relative atomisation des structures de recherche hospitalo-universitaires dont certaines sont financées directement par le ministère de la santé. Cette situation devrait être remise à plat.
II. AXES THÉMATIQUES
Comme l'année précédente, votre rapporteur a choisi de s'intéresser plus particulièrement à certains thèmes relavant du périmètre de la mission « Santé » afin de mettre en évidence leurs enjeux. Les thèmes retenus cette année sont la médecine du travail, l'accès aux soins par les centres de santé et les conséquences sanitaires de la crise économique.
A. LA MÉDECINE DU TRAVAIL
Deux agences sanitaires s'intéressent plus particulièrement à la question de la santé au travail, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et l'InVS.
1. La méthodologie participative de l'Anses
Le conseil d'administration de l'Anses est réparti en cinq collèges qui délibèrent notamment sur le programme pluriannuel, ainsi que sur le programme de travail annuel de l'agence. Ces collèges ont la particularité d'être très ouverts sur la société puisque les associations, les entreprises mais aussi les élus locaux sont représentés chacun au sein d'un collège. L'un des collèges est composé de représentants des organisations interprofessionnelles d'employeurs (trois personnes) et des organisations syndicales représentatives des salariés au niveau national (cinq personnes). Le dernier collège est composé de représentants de l'Etat.
Les partenaires sociaux sont donc pleinement associés à la définition des orientations de l'agence. Ils siègent également au sein du comité d'orientation « santé au travail » qui est chargé d'exprimer des besoins en termes d'évaluation des risques et de référence ou de recherche.
Ils sont ainsi en mesure de demander des études scientifiques sur les milieux de vie professionnelle, comme les eaux usées ou les parkings souterrains, ou sur les agents pathogènes, comme l'amiante, ou dont les effets sont mal connus, comme les nanomatériaux. L'Anses évalue également les dispositifs de sécurité existants, comme les équipements de protection.
Votre rapporteur entend examiner plus attentivement cette année les mécanismes d'interaction entre les partenaires sociaux et l'expertise publique en matière sanitaire. Il semble néanmoins que les méthodes de travail mises en place par l'Anses soient approuvées par les syndicats qui y voient un moyen efficace d'améliorer les connaissances pour permettre la protection de la santé des travailleurs.
2. Les alertes en santé au travail et le problème de l'attractivité de la médecine du travail
La détermination des liens entre travail et santé est l'un des axes de travail de l'InVS. A cette fin, il a mis en place les groupes d'alerte en santé travail (Gast) qui sont chargés d'organiser en région la réponse aux signalements d'événements sanitaires inhabituels en milieu professionnel. Chaque Gast regroupe les acteurs locaux de la santé au travail et s'articule avec les plateformes régionales de veille et d'urgences sanitaires placées au sein des Agences régionales de santé (ARS).
Après la région Aquitaine, pilote depuis 2008, plusieurs régions ont décidé de mettre en place ce dispositif d'alerte : Languedoc-Roussillon, Pays de la Loire, Auvergne et Midi-Pyrénées en 2011, Lorraine, Centre et Nord-Pas-de-Calais en 2012.
Ces groupes doivent permettre une détection et une action rapide face à un risque sanitaire émergeant au sein d'une entreprise en raison d'un produit, d'un processus ou de l'organisation du travail. Plus la détection est précoce, mieux le risque peut être circonscrit, ce qui limite le nombre de victimes dans et potentiellement hors de l'entreprise.
Le déploiement et le fonctionnement des Gast se heurtent pourtant à une difficulté. Les observations en matière de santé au travail dépendent du réseau de quelque mille médecins du travail qu'a constitué l'InVS afin de recueillir des informations individuelles au service de la surveillance sanitaire en santé au travail. Ce réseau a été recruté progressivement, en collaboration avec les médecins inspecteurs régionaux du travail (Mirt). Le rôle des Mirt est fondamental pour assurer la cohérence des actions, ils sont chargés de faire le lien entre les médecins du travail et l'InVS, et d'animer les réseaux, ce qui est indispensable pour les maintenir actifs. De plus, leurs connaissances en font des experts particulièrement précieux pour contribuer à l'analyse des signaux.
Or actuellement, il y a un déficit de Mirt dans quasiment toutes les régions (un seul à Marseille sur trois postes ; huit en Ile-de-France sur douze postes...). La raison semble résider dans un manque d'attractivité des postes, en particulier au regard de l'équilibre entre les salaires et les exigences et responsabilités. Dans ce contexte, les Mirt étant très mobilisés par les activités multiples qui leur sont dévolues, leur contribution à la veille sanitaire n'est pas toujours considérée comme prioritaire. L'InVS a parfois des difficultés dans certaines régions pour que leur rôle d'animation et d'impulsion de la contribution des médecins du travail s'exerce réellement.
Cette situation risque de s'aggraver car de nombreux Mirt démissionnent régulièrement pour retourner à la médecine du travail.
De plus, la situation de la médecine du travail est inquiétante au niveau des postes de coordination, mais aussi parmi les praticiens de terrain puisque 32 % des postes ouverts à l'internet ne sont pas pourvus.
Malgré la récente loi sur la santé au travail, il semble donc à votre rapporteur que le législateur devra se pencher à nouveau sur cette question.
B. L'ACCÈS AUX SOINS ET LA QUESTION DES CENTRES DE SANTÉ
La question de l'accès aux soins et celle des centres de santé sont étroitement liées.
Les centres de santé sont porteurs d'une vision de la médecine centrée non sur l'acte mais sur le soin dont a besoin la personne et sur l'exercice coordonné par les différents professionnels de santé. Ceci aux tarifs opposables de sécurité sociale et avec possibilité de tiers payant.
La baisse de la démographie médicale et la situation économique accentuent les inégalités territoriales et sociales de santé. Le dispositif de premier recours doit être refondé. Son adaptation devra mieux prendre en compte les besoins des usagers, mais aussi être d'avantage en adéquation avec les évolutions des pratiques et des aspirations des jeunes professionnels.
1. Le rôle central des centres de santé dans l'accès aux soins.
Les professionnels et les gestionnaires de centres de santé sont placés au coeur des inégalités de santé. Ils rapportent une multiplication des situations de renoncement et de report des soins, ou de rupture des parcours de santé. Elles sont largement dues au poids croissant du reste à charge pour la population (dépassements d'honoraires, déremboursements, participations forfaitaires, coût des couvertures complémentaires santé vers lesquelles une part accrue des dépenses est transférée). Associées à une inégalité d'accès à la prévention, ces situations génèrent des différences importantes en termes d'espérance de vie et de mortalité prématurée.
Cette tendance risque de s'aggraver sous l'effet de trois facteurs.
1) L'augmentation de la fréquence des maladies chroniques et de la durée de leur évolution, le vieillissement de la population et les problématiques de perte d'autonomie qui nécessitent une reconfiguration du dispositif de soins de premier recours sur les territoires. Etant donné leurs caractéristiques propres et leur culture spécifique, les centres de santé sont garants de la proximité, pour l'entrée dans le parcours de soins et le suivi ultérieur, et de la transversalité de la prise en charge, entre les systèmes sanitaire et médico-social, ainsi qu'entre la prise en charge ambulatoire et hospitalière.
2) La nécessité d'une plus grande coordination entre les différents intervenants. Le déficit actuel de coordination a un impact négatif sur la pertinence, la qualité et l'efficience des soins délivrés aux personnes. Or les centres de santé ont une mission spécifique de coordination entre professionnels de santé et avec les autres acteurs de la prise en charge.
3) Les aspirations des jeunes professionnels de santé (notamment des médecins) telles que les perçoivent les centres de santé. Ils souhaitent travailler en équipes pluriprofessionnelles qui permettent les échanges de pratiques entre professionnels, allient soins, prévention, promotion de la santé et coopérations, et abordent les individus dans une dimension globale, y compris dans leur composante sociale. Ils aspirent à un exercice salarié et à un cadre professionnel laissant place à leur vie privée. De façon synthétique, on peut avancer l'idée qu'ils rejettent le modèle entrepreneurial dominant de l'exercice libéral (la baisse des inscriptions sous forme libérale, à l'ordre des médecins, en témoigne). Ici encore, les centres de santé sont une forme d'exercice porteuse d'avenir.
2. La nécessité d'une meilleure prise en compte financière des missions des centres de santé
Le financement des centres relève à titre principal de l'assurance maladie. Ils doivent être mieux pris en compte si l'on en croit le message adressé par la ministre de la santé lors du congrès des centres de santé le 2 octobre dernier « je veux clairement affirmer ici que les centres de santé ont toute leur place dans l'organisation des soins. A la différence des gouvernements précédents, qui depuis dix ans ont tout fait pour les mettre en situation critique, je souhaite que la place des centres de santé soit pérennisée.
Je veux que cette place soit reconnue car les principes et les objectifs que vous vous donnez sont ceux que je souhaite voir portés par l'ensemble de l'organisation des soins de proximité. Il s'agit en effet de passer d'une logique de soins à une logique de prise en charge de la santé des patients.
Ceci implique que des activités soient valorisées différemment. Tout d'abord, la prévention, et je suis heureuse de constater que vous en avez fait le thème de votre congrès. La prévention est un levier important de lutte contre les inégalités de santé. D'autres activités comme le dépistage, l'éducation thérapeutique doivent être davantage mises en avant. La coordination, la coopération entre professionnels de santé et le travail en équipe, que vous pratiquez de manière avancée en centre de santé, sont nécessaires au développement de ces nouvelles activités.
La seule rémunération à l'acte ne permet pas de bien prendre en compte ces activités. Il convient donc de la faire évoluer, pour mieux valoriser ces activités d'équipe. Elles le seront dans le monde libéral. Je souhaite aussi que les centres de santé bénéficient aussi de ces évolutions. Celles-ci devront être discutées dans le cadre des négociations conventionnelles entre les représentants des centres de santé et l'Uncam prévues d'ici avril 2013. »
Votre rapporteur estime que le budget de l'Etat, et singulièrement la mission « Santé », devrait prévoir une subvention aux centres afin de participer aux frais de coordination qui ne sont pas couverts par les tarifs et qui restent à leur charge. Ces frais reposent à l'heure actuelle sur les instances qui assument la charge financière des centres : collectivités locales, mutuelles, associations, sécurité sociale des Mines, alors qu'ils correspondent à une mission essentielle de service public pour permettre la continuité des soins et l'adhésion aux traitements.
C. LES CONSÉQUENCES SANITAIRES DE LA CRISE ÉCONOMIQUE
La compensation des inégalités territoriales de santé relève de l'Etat qui doit assurer la péréquation des fonds en fonction des besoins sanitaires des territoires. La clé de répartition actuelle entre ARS semble de ce point de vue faire une part trop importante au critère démographique : une région comme le Nord-Pas-de-Calais reçoit à peine plus que la part découlant de son nombre d'habitants, alors que les indicateurs de santé y sont très dégradés par rapport à la moyenne nationale. Il convient donc que l'Etat agisse de manière déterminée en ce domaine.
Parallèlement aux inégalités territoriales, les inégalités sociales de santé demeurent voire s'accentuent avec la crise économique. Au-delà du constat immédiat, il faut cependant nous pencher sur les déterminants sociaux de santé.
1. L'impact de la crise
La crise économique a un impact sur la santé des Français, et particulièrement des plus démunis. Comme l'indique une étude publiée récemment sur cette question : « en période de crise économique, la santé est, malheureusement, l'un des postes de dépenses sur lesquels de trop nombreux patients se décident à rogner : en renonçant totalement aux soins, en optant pour des services low cost ou en s'endettant sur plusieurs années, quitte à payer, parfois des taux d'intérêts exorbitants » 2 ( * ) .
Les centres de santé de l'association Médecins du monde ont connu plus de 40 000 visites en 2011, un chiffre qui a augmenté de 22 % en trois ans. Dans près de 80 % des cas, les malades sont éligibles à des droits pour leur permettre l'accès aux soins, aide médicale d'Etat ou couverture maladie universelle, mais seuls 16 % d'entre eux ont des droits ouverts. Le système reste trop complexe pour les plus fragiles et, même si votre rapporteur ne partage pas complètement l'affirmation de Médecins du monde pour qui notre système est de moins en moins solidaire, il convient de nous attacher à ce que les dispositifs souhaités et défendus par le Parlement soient pleinement appliqués, sous peine de devenir vides de sens.
La crise fragilise non seulement les plus démunis mais aussi les travailleurs pauvres, pour lesquels Médecins du Monde s'apprête à développer son action. Votre rapporteur rappelle que près de quatre millions de personnes en France, dont de nombreux salariés, n'ont pas de mutuelle.
D'après l'Observatoire des inégalités, association indépendante, un million de personnes exercent un emploi mais disposent, après avoir comptabilisé les prestations sociales ou intégré les revenus de leur conjoint, d'un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, fixé à la moitié du revenu médian. Elles sont 1,9 million si l'on prend en compte le seuil à 60 %. Le nombre de travailleurs pauvres a grossi de 104 000 personnes entre 2003 et 2009 au seuil de 50 %, de 132 000 au seuil de 60 % du revenu médian. Il est d'ailleurs possible que ces chiffres aient progressé avec l'accentuation de la crise.
2. Les déterminants sociaux de santé
Au-delà de l'approche par pathologies, il convient d'agir sur les déterminants sociaux de la santé. L'Inpes s'est engagée dans des études très intéressantes sur ce point et lance des actions en partenariat avec les collectivités locales pour cibler les populations fragiles. Le poids des facteurs autres qu'individuels dans la santé apparaît d'autant plus important que la personne appartient à une catégorie de population défavorisée.
La santé d'un individu est d'abord le résultat de conditions de vie et de travail qui interagissent avec des caractéristiques personnelles. Les inégalités sociales de santé se forment en amont du système de soins par l'exposition à des risques de dégradation de l'état de santé, à travers des facteurs socio-environnementaux (des conditions de vie, de logement ou de transport) souvent délétères.
Les politiques publiques de promotion de la santé en population générale ont eu souvent pour effet adverse de profiter aux groupes sociaux qui sont déjà les plus favorisés. Il convient donc de réduire ou tout du moins de ne pas creuser les écarts entre les groupes sociaux. En effet, il existe un écart de vie de sept ans entre les ouvriers et les cadres supérieurs indépendamment des facteurs de risque classiques comme le tabagisme, l'activité physique ou la nutrition.
Parmi les pays développés, ceux qui se caractérisent par des écarts de revenu relativement faibles ont de meilleurs indicateurs de santé et de bien-être social. En France, une étude publiée par la revue du Haut Conseil de la santé publique sur l'évolution des inégalités de santé depuis vingt ans montre l'impact bénéfique de la couverture maladie universelle pour l'accès à la médecine générale 3 ( * ) . L'accès aux soins spécialisés demeure cependant très marqué par l'origine sociale 4 ( * ) .
Les inégalités sociales de santé débutent dès la petite enfance et se renforcent tout au long de la vie ; les enfants des familles défavorisées sont davantage touchés par les risques de prématurité, les retards de croissance, les problèmes bucco-dentaires, l'asthme, le surpoids, l'obésité, les difficultés de langage. Il y a un effet cumulatif des facteurs défavorables à la santé : 44 % des personnes éprouvant des difficultés à faire face à leurs dépenses de logement déclarent devoir s'imposer des restrictions en matière de soins.
Des actions concrètes doivent être menées dans le domaine des transports, du logement, de l'alimentation afin de limiter les handicaps de santé pour les populations pauvres. Une étude québécoise 5 ( * ) sur les habitudes alimentaire des enfants a montré les effets du matraquage publicitaire et du marketing des chaines de restauration rapide dont les établissements sont situés à proximité des écoles. Une régulation des messages publicitaires et de l'installation de ces types de restaurant doit dont être envisagée.
*
* *
Réunie le mercredi 21 novembre, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DES MINISTRES
Réunie le mercredi 31 octobre 2012 sous la présidence de Mme Annie David, présidente , la commission procède à l' audition de Mmes Marisol Touraine , ministre des affaires sociales et de la santé, Michèle Delaunay , ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, Dominique Bertinotti , ministre déléguée chargée de la famille et Marie-Arlette Carlotti , ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur le projet de loi de finances pour 2013.
Mme Annie David, présidente . - Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2013, nous recevons Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, ainsi que Mmes Dominique Bertinotti, Marie-Arlette Carlotti et Michèle Delaunay, ministres déléguées.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Les crédits des missions « solidarité, insertion et égalité des chances » et « Santé » s'élèvent à 14,464 milliards d'euros - respectivement 13,2 milliards et 1,3 milliard d'euros - soit plus de 500 millions d'euros de plus que la loi de finances initiale (LFI) pour 2012. Ils ne représentent bien sûr qu'une partie des dépenses de la collectivité dans ces domaines. Les organismes de sécurité sociale et les collectivités locales, en particulier les conseils généraux, interviennent dans des proportions bien supérieures.
L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) médico-social de 2013 sera de 8,7 milliards d'euros pour le champ du handicap, en croissance de 3,3 % par rapport à 2012. L'assurance maladie prend en charge, comme l'a récemment montré la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), une proportion importante des dépenses de prévention incluses dans l'Ondam, dote le fonds national de prévention et d'éducation sanitaire (FNPES) de 490 millions d'euros et apporte son concours à la plupart des agences sanitaires financées par le programme 204.
En matière de tutelles et de curatelles, la part de l'Etat, inscrite au programme 106, représente 40 % du total des mesures prises en charge par les services mandataires, le reste étant financé en particulier par la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) et la branche vieillesse. De la même façon, le soutien à la parentalité bénéficie de concours financiers importants de la branche famille.
Dans la construction des différentes politiques publiques, tous ces leviers doivent être mobilisés. L'action sociale des organismes de sécurité sociale étant gérée par les partenaires sociaux, le dialogue pluriannuel avec eux passe par la convention d'objectifs et de gestion. L'enjeu est d'articuler des budgets différents, mais aussi des modes de gouvernance et de concertation différents.
La construction budgétaire des missions « Santé » et « Solidarité » est, cette année, sincère - certaines dépenses en loi de finances initiale pour 2012 avaient été sous-budgétisées. Ainsi des primes de Noël pour les bénéficiaires de minima sociaux, qui étaient versées chaque année sans être jamais inscrites dans le budget initial. Tout cela a été revu pour 2013, c'est l'une des explications de la hausse de 8,5 % des crédits consacrés à l'allocation pour adulte handicapé (AAH). Il n'y a pas pour autant de hausse des crédits budgétaires, car le fonds national des solidarités actives (FNSA) se verra doté de 480 millions d'euros résultant d'une hausse des prélèvements sociaux sur le capital. Le rebasage des crédits du ministère permettra quant à lui de procéder aux dépenses indispensables de rénovation et d'entretien des systèmes d'information.
Notre budget, tout en préservant les moyens d'intervention, est rigoureux. Compte tenu de l'évolution spontanée de la dépense sociale, les crédits augmentent globalement, ce qui ne signifie pas qu'il n'y aura pas d'économies, au contraire. Pour l'AAH, 8,4 milliards d'euros, de loin la principale dépense, le pilotage sera encore renforcé. Nous réduirons ainsi des différences entre départements qui ne s'expliquent pas par des spécificités locales.
Quant au financement des établissements médico-sociaux, les politiques de convergence aveugles, menées à la hache, ne seront pas poursuivies. Nous sommes attachés à un service de qualité.
La suppression du droit de timbre sur l'aide médicale d'Etat (AME) mettra fin à la dérive de soins hospitaliers coûteux, parce qu'entrepris trop tardivement, les personnes ayant renoncé aux soins.
Les dépenses de fonctionnement feront l'objet d'un effort particulier, elles baisseront de 7 %, dans l'administration centrale, les services déconcentrés et chez les opérateurs. L'objectif est de contribuer à la stabilisation des effectifs de l'Etat, compte tenu des créations de postes dans les secteurs prioritaires. Etant donné l'ampleur des réformes déjà réalisées dans notre domaine, l'effort sera cependant lissé sur la période. Le schéma d'emploi prévoit ainsi une réduction de 126 équivalents temps plein (ETP) par rapport à 2012, grâce à des actions de réorganisation, de simplification des procédures et de mutualisation. Dans les ARS et les agences sanitaires, les effectifs diminueront de 133 ETP, sur un total de 11 974. Partout la baisse sera donc de l'ordre de 1 %.
La diminution des crédits de la mission « Santé » s'explique en large partie par ces efforts sur les dotations ainsi que par une rationalisation des fonds de roulement de divers établissements publics. C'est le cas du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), dont les 350 millions d'euros de réserves seront repris par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) et par l'Etat. Il en ira de même pour le Centre national de gestion des essais des produits de santé (CeNGEPS) dont la dotation sera réduite de 7 millions d'euros.
Quant à la baisse de 35 millions des crédits du fonds d'intervention régional (FIR), elle sera compensée par une partie de la hausse de la fiscalité du tabac décidée en loi de financement, préservant ainsi les moyens de la politique de prévention. Le FIR pourrait en outre être abondé de 5 millions d'euros grâce à un amendement de Christian Paul au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, afin d'accroître les financements publics en faveur de la démocratie sanitaire.
Enfin, ce budget triennal sera marqué par des réformes d'ampleur. Les objectifs de redressement sont ambitieux. Ils visent à préserver nos moyens d'intervention dans la durée car il reste beaucoup à faire, comme ne manquera pas de le montrer la conférence sur la pauvreté des 10 et 11 décembre. Il faut continuer à améliorer l'efficacité de l'action publique. En matière de handicap, le chantier de la décentralisation, engagé lors des états généraux de la démocratie territoriale, aura des effets sur l'organisation de nos politiques. Dans le champ sanitaire, il conviendra d'élaborer une nouvelle stratégie nationale de santé, la loi de santé publique de 2004 n'ayant fait l'objet d'aucune actualisation depuis lors. Il s'agira de mieux articuler les priorités nationales et de mobiliser des moyens correspondants. En conséquence, la répartition des crédits telle qu'elle apparaît pour 2013 sera sans doute modifiée dans le courant des trois prochaines années.
C'est dans le cadre de cette nouvelle stratégie que s'inscrit la réorganisation des agences sanitaires, lancée dès cet automne. Il ne s'agit pas d'une énième étape de la révision générale des politiques publiques mais d'évaluer les missions exercées par ces vingt-trois agences ou opérateurs. Notre but est de restaurer la cohérence de l'action publique, gommer les doublons, réduire les coûts de coordination excessifs. C'est le sens de la mission que j'ai confiée conjointement à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale des finances (IGF).
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis de la mission « Santé » . - Je vous poserai dix questions.
Comment les inégalités territoriales de santé sont-elles prises en compte dans les dotations aux ARS ?
Quel est l'impact sur la santé publique des taxes dites comportementales ?
Selon les centres de santé, l'accord sur les dépassements d'honoraires autorise des tarifs deux fois supérieurs au tarif opposable. Leur communiqué du 26 octobre considère que l'accord « condamne à mort les consultations des spécialistes en centres de santé ». Qu'en pensez-vous ? Comment envisagez-vous la prise en charge des frais liés au tiers payant et à la coordination médicale dans ces centres ?
Vous avez annoncé un moratoire sur l'application du décret faisant disparaître le régime spécifique de sécurité sociale minière. Celui-ci n'est donc pas abrogé. Pensez-vous qu'il est possible de préserver la cohérence de cette offre de soins, aujourd'hui largement ouverte à toute la population, sans maintien de son équilibre financier, aujourd'hui apporté par le régime spécifique minier ?
La baisse des crédits des agences sanitaires imposera une réorganisation de leurs priorités. Quelle part prendrez-vous dans la définition de celles-ci ?
Cette baisse entraîne l'externalisation de certaines fonctions. Or, plusieurs agences semblent rencontrer des difficultés pour trouver une expertise extérieure. Comment faire ?
Que doit apporter la nouvelle vague de contrôle IGF-Igas sur le périmètre des agences sanitaires, alors qu'il existe déjà de nombreux rapports sur la question ? Les agences estiment que leurs missions respectives sont désormais bien définies, la coordination entre elles, bien établie.
Concernant les victimes de l'amiante, avez-vous des contacts avec la ministre de la justice pour accélérer les procédures en cours, afin que les employeurs coupables de fautes graves soient sanctionnés pénalement ?
Envisagez-vous la fusion de l'aide médicale d'Etat et de la couverture maladie universelle (CMU) comme le préconisent certaines associations, dont Médecins du monde ?
Que pensez-vous des difficultés d'accès aux soins rencontrées par les travailleurs pauvres sous statut précaire ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Vous connaissez mieux que quiconque la question des inégalités régionales en matière de santé : votre région est directement touchée. La réduction des inégalités territoriales comme sociales sera un élément clé des plans régionaux de santé (PRS) mis en oeuvre par les ARS. Les crédits sont regroupés dans le FIR et leur allocation se fonde sur un ensemble de critères démographiques et sociaux. Ainsi la région Nord-Pas-de-Calais reçoit une dotation supplémentaire de 360 000 euros. D'autres régions, symétriquement, reçoivent moins...
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis de la mission « Santé » . - A combien s'élève l'enveloppe totale ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - A 9,4 millions d'euros, la dotation supplémentaire représentant ainsi une majoration de 3,8 %.
A propos des centres de santé, l'analyse faite sur les dépassements d'honoraires est erronée. Par définition, dans ces centres, les dépassements d'honoraires sont rares... Si des médecins de secteur II ont des consultations dans ces centres de santé, ils y pratiquent des tarifs opposables. L'accord n'incite pas tous les médecins à pratiquer jusqu'à deux fois le tarif de la sécurité sociale ! Il précise que, si des dépassements jusqu'à deux fois le plafond de la sécurité sociale sont acceptables, les médecins ne peuvent cependant augmenter le niveau de leur dépassement. Le risque évoqué par le communiqué des centres de santé n'existe donc pas.
Le régime minier devrait, selon la commission des comptes de la sécurité sociale, connaître une aggravation de son déficit, qui atteindra environ 90 millions d'euros en 2013 contre 72 millions en 2012. Les besoins de trésorerie devraient avoisiner les 800 millions d'euros, ce qui nous conduit à proposer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale une mesure exceptionnelle, autorisant l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à accorder un concours supplémentaire maximal de 250 millions d'euros. J'ai souhaité que le décret d'août 2011 fasse l'objet d'un moratoire, afin que le dialogue avec les syndicats et les élus fasse émerger des solutions. J'ai chargé M. Jean Bessière, l'ancien directeur général adjoint de la direction du travail, d'une mission sur cette question.
Les agences contribuent à l'effort global d'économies. Mais elles conservent une trésorerie et travailleront sur leur fonds de roulement. J'attends les résultats de la mission des deux inspections d'ici deux à trois mois. Néanmoins, il est clair que les agences doivent encore faire des efforts de coordination et que certaines de leurs missions ne sont pas clairement identifiées. N'y voyez pas une approche de type RGPP. Il est simplement nécessaire de mieux définir les missions et l'articulation avec l'administration centrale. Des rapports de l'IGF ou du Conseil d'Etat ont indiqué que des progrès restaient à accomplir dans le pilotage. Il y a lieu de s'interroger sur la politique de ces dernières années consistant à déléguer à des opérateurs extérieurs des pans entiers de la politique de santé. Est-ce la meilleure solution, du point de vue juridique, opérationnel, financier ?
Je suis très attentive à la situation des victimes de l'amiante. A la suite de la décision de la cour d'appel de Douai, j'ai tenu très vite à leur garantir que les sommes n'auront pas à être remboursées, afin qu'elles ne soient pas victimes une deuxième fois ! De plus, j'ai demandé que l'instruction des dossiers soit accélérée.
Je connais les arguments en faveur d'une éventuelle fusion de l'aide médicale d'Etat (AME) et de la couverture maladie universelle (CMU), sujet qui sera abordé lors de la conférence sur la lutte contre la pauvreté. Je suis réservée sur cette idée. Le premier dispositif s'adresse aux étrangers en situation irrégulière, le second, aux Français et aux étrangers en situation régulière. La CMU de base n'est pas attribuée selon un pur critère de revenu mais selon la situation de la personne - même si, bien sûr, ces deux éléments se recoupent souvent. La fusion comporterait des difficultés. Le panier de soins n'est pas le même. L'un des dispositifs relève uniquement de l'Etat quand l'autre est assimilable à une assurance sociale et doit continuer à l'être. Il convient de garantir les droits de tous, or la fusion n'est pas en elle-même porteuse de nouveaux droits.
Je suis extrêmement sensible au cas des travailleurs pauvres en situation précaire. C'est l'une des raisons pour laquelle, dans l'accord sur les dépassements d'honoraires, j'ai fait en sorte que des garanties nouvelles soient apportées aux personnes en grande difficulté. Des bénéficiaires de la CMU se voient en effet imposer des dépassements d'honoraires, ce qui est contraire à la loi ! L'accord prévoit l'extension de la consultation au tarif de la sécurité sociale à cinq millions de personnes supplémentaires, les bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS). Cela concerne directement les travailleurs pauvres.
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis de la mission « Santé » . - S'agissant de l'amiante, avez-vous des contacts avec la ministre de la justice ? L'instruction est bien lente et des associations de victimes demandent une accélération des procédures pénales. Elles voient l'exemple de l'Italie où les résultats ont été intéressants.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Ma compétence porte sur l'accélération des instructions des dossiers devant le Fiva. La garde des Sceaux est soucieuse de l'état des procédures pénales... dans lesquelles nous ne pouvons toutefois pas interférer. Votre question renvoie plus généralement au problème de la longueur des procédures en matière sanitaire, problème sur lequel nous devrons réfléchir.
Mme Catherine Génisson . - Je me réjouis de constater, madame la ministre, votre volonté de prendre en compte les inégalités territoriales. Le projet de loi de financement nous donnera peut-être l'occasion d'envisager un système de péréquation car celui mis en place entre 1997 et 2002 avait été positif.
M. Jean-François Husson . - C'était la belle époque !
Mme Catherine Génisson . - Le problème des compétences des différentes agences s'est posé dès leur création et il demeure. Certains sujets sont négligés par toutes, d'autres sont traités par plusieurs. La mission conjointe sur les agences se contentera-t-elle d'une approche quantitative ou abordera-t-elle aussi des aspects plus qualitatifs ? Au travers de ces agences, ne sommes-nous pas dépossédés, au profit de la seule approche technique, de questions éminemment politiques ?
Mme Patricia Schillinger . - Quid de la prévention du diabète, du cancer du sein ou de l'obésité dans le budget et dans la politique de lutte contre les inégalités territoriales ?
M. Jacky Le Menn . - Que recouvre plus précisément cette démocratie sanitaire pour laquelle le FIR sera abondé de 5 millions d'euros ? Nous sommes souvent interrogés sur ce sujet.
M. Claude Jeannerot . - Les structures intervenant dans le domaine de la gérontologie se multiplient. Nous avions créé les centres locaux d'information et de coordination (Clic) qui devaient être des guichets uniques au service des familles touchées. Depuis lors ont été créés les réseaux gérontologiques animés par les ARS. Il y a aussi les maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (Maia). La répartition des rôles entre les ARS et le conseil général devient opaque et il faut remettre de l'ordre dans tout cela. La prochaine loi sur la décentralisation en donnera peut-être l'occasion ?
M. Alain Milon . - Vous n'avez pas mentionné les différents plans : Alzheimer, cancer, boulimie, addictions. Je suppose qu'ils sont abondés ? Allez-vous mener une campagne en faveur de la vaccination ? Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à la refuser. Et certains s'emploient à attiser les craintes...
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - L'idée de péréquation méritera d'être réétudiée. Mais lorsque nous donnons plus à certaines régions et moins à d'autres, c'est déjà une forme de péréquation. Nous devons sans doute mieux identifier les objectifs, dont la réduction des inégalités, à côté d'objectifs strictement sanitaires.
J'en viens aux agences. L'approche doit être à la fois quantitative et qualitative. Les actuels chevauchements de compétences ne favorisent pas l'identification des missions. La pharmacovigilance relève de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la toxicovigilance est assurée par l'Institut de veille sanitaire (InVS). Les citoyens doivent pouvoir comprendre le système, la décision devant demeurer politique, éclairée par l'expertise technique.
Comment faire vivre concrètement la démocratie sanitaire ? La loi de 2002 a ouvert aux associations de patients le droit, par exemple, de siéger dans un certain nombre d'organismes. Il faut à présent débloquer des moyens afin qu'elles puissent exercer ces nouveaux droits sans être soutenues par l'industrie pharmaceutique. La démocratie a un coût ! Un amendement au projet de loi de financement traite de cette question. La loi de 2002 a mis en avant des droits individuels, il convient à présent d'en venir aux droits collectifs.
La loi de santé publique qui vous sera soumise en 2013 actualisera celle de 2004, proposera de nouvelles avancées sur ces questions et fixera nos priorités. Je précise à M. Milon que les grands plans sont financés dans le budget 2013... Je partage sa préoccupation sur la vaccination, d'autant que l'on observe la recrudescence de certaines maladies. Il pourrait par exemple y avoir davantage de vaccination rougeole-oreillons-rubéole (ROR). Pour ma part, j'ai invité le personnel soignant à se vacciner contre la grippe ; non seulement pour l'exemple, mais parce que ces agents sont au contact de personnes fragiles. Faut-il une campagne de communication ? Nous devons au moins rappeler les enjeux de la vaccination.
Je précise à M. Jeannerot qu'en plus de la loi sur la décentralisation, un travail spécifique sera engagé entre l'Etat et les départements, sur ensemble des allocations universelles. La multiplicité des structures aboutit à un manque de lisibilité. Pour autant, les ARS doivent avoir une vision globale et travailler à un projet transversal, à la fois sanitaire et social, pour les personnes âgées. Elles se sont, jusqu'à aujourd'hui, concentrées sur la mise en place de schémas d'organisation. Il faut engager cette seconde étape. Je souhaite davantage de coopération entre ces agences et les élus, en particulier départementaux. C'est l'articulation des responsabilités qui nous fera avancer. Sans doute faut-il simplifier, en particulier le financement des Ephad, mais il faut surtout que soient mieux identifiés les objectifs communs.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Il n'y a pas superposition des structures mais il convient, en effet, de les coordonner, et d'en simplifier le financement. Il faut articuler les Maia avec les CLIC, qui, sur le terrain, présentent une grande variété. Certains CLIC sont très performants, d'autres se résument à un numéro de téléphone... Les Maia que j'ai visitées sont celles qui ont été les premières créées sur le territoire, elles sont déjà bien en symbiose avec les centres locaux. Les réseaux gérontologiques sont eux aussi très hétérogènes.
Le dispositif Maia va être réévalué dans le cadre du plan Alzheimer. Le comité de suivi est convenu de pérenniser ce qui est intéressant et de mettre un terme à ce qui ne marche pas. J'ai la conviction que le dispositif Maia fonctionne, mais on ne peut dire aujourd'hui s'il doit être généralisé. Il faudra aussi une coordination, ainsi que l'a souligné Marisol Touraine, entre le sanitaire et le médico-social - je songe aux parcours Paerpa, pour les personnes âgées en risque de perte d'autonomie. Vous savez que nous travaillons à un projet de réforme de la prise en charge de l'avancée en âge. Tous les acteurs nous conjurent de nous garder d'ajouter une strate supplémentaire mais aussi, ce qui peut paraître contradictoire, de tenir compte des initiatives locales, très disparates. Il s'agit pour nous, je le répète, de rendre les choses plus lisibles et de coordonner pour assurer l'égalité républicaine.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Mme Schillinger m'a interrogée sur la place de la prévention. C'est dans le cadre du projet de loi de finances que l'enjeu est sensible, puisque c'est là que figurera l'essentiel du financement. Nous avons néanmoins souhaité autoriser les financements croisés, car il serait paradoxal d'écarter totalement la sécurité sociale. Comment tout à la fois considérer que la prise en charge médicale doit rémunérer une part de prévention, mettre en place des parcours de soins et considérer que la sécurité sociale n'a pas à intervenir ? D'où ces possibilités de financement dual.
Mme Annie David, présidente . - J'en viens à la mission « Solidarité, insertion et égalités des chances », sur laquelle je vous poserai quelques questions, au nom de la rapporteure pour avis des crédits de la mission, Mme Archimbaud, qui ne pouvait être parmi nous.
La première série de questions porte sur le programme 157, relatif au handicap. L'AAH a été revalorisée de 25 % au cours du précédent quinquennat, mais dans le même temps a été introduite, par voie réglementaire, la notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi », qui a eu pour effet d'exclure du bénéfice de l'AAH des personnes handicapées jusqu'alors éligibles. Comptez-vous revenir sur cette réforme ?
La loi du 28 juillet 2011 prévoyait que des conventions d'objectifs et de moyens seraient signées avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) afin de leur garantir une certaine stabilité financière. Mais les décrets d'application n'ont pas été pris. Comptez-vous y remédier ?
L'acte III de la décentralisation, enfin, remettra-t-il en cause le statut de groupements d'intérêt public (GIP) des MDPH ? Certaines associations comme l'association des paralysés de France (APF) n'ont pas été conviées à la concertation annoncée. Envisagez-vous de les y associer, comme cela est leur souhait ?
La deuxième série de questions porte sur le programme 304, relatif à la lutte contre la pauvreté. La contribution de l'Etat au fonds national de solidarité active (FNSA) diminue, en 2013, de 30 %. Ce recul s'explique, pour bonne part, par la diminution de la prévision de dépenses au titre du RSA jeunes : la condition du nombre d'heures travaillées posée par le précédent gouvernement, en décalage avec les réalités, a conduit à l'échec. Pourquoi, dès lors, n'avoir pas remis à plat le dispositif ?
Il est prévu, enfin, que le FNSA prenne en charge la prime de Noël. Est-ce bien là le rôle du fonds, dont les ressources sont de surcroît en diminution ?
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - La notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi », qui a été ajoutée au guide des barèmes, concerne les handicapés dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 %. Cet outil est utile pour servir l'objectif du Gouvernement d'aider les allocataires de l'AAH à définir un parcours d'autonomie, et de les accompagner. Il permet d'homogénéiser les pratiques, très disparates, pour assurer l'équité territoriale, mais aussi, grâce à un contrôle ramené à deux ans au lieu de cinq, de mieux adapter l'accompagnement. Je puis vous affirmer que nous ne l'utiliserons pas comme outil comptable, mais bien pour accompagner les handicapés dans leur parcours de vie.
Les conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens (Cpom) étaient prévues par la loi de juillet 2011, que nous devons à l'initiative de votre collègue Paul Blanc, pour améliorer le fonctionnement des MDPH, qui furent un apport de la loi de 2005 mais sont désormais embouteillées ; leurs statuts hybrides peuvent aussi être source de disparités territoriales. Les décrets n'ont jamais été pris. Ils le seront pour la plupart, et au plus vite ; nous y travaillons. Nous attendrons, en revanche, pour ce qui concerne les Cpom, car le troisième train de la décentralisation est en route : n'anticipons pas sur une réflexion à laquelle vous serez largement associés. D'autant que nous avons rempli nos engagements à l'égard des MDPH : les 62,8 millions d'euros destinés à leur fonctionnement seront versés, alors que leur situation était bloquée depuis huit ans.
Le statut de GIP ? Le Président de la République a déclaré qu'il entendait confier la politique du handicap et de la dépendance aux départements, ce qui a suscité bien des remous parmi les associations. Qu'elles sachent que nous entendons travailler avec tous les acteurs, mais que l'Etat, comme les collectivités, ne peut se satisfaire d'être aussi peu présent dans les instances décisionnelles, alors même qu'il est le payeur. Les associations n'ont pas manqué d'interpeller chacun pour dire leurs inquiétudes : elles craignent que leur rôle cesse d'être décisionnel pour n'être plus que consultatif. Il faut leur faire comprendre que nous sommes décidés à avancer ensemble, pour peu que le pouvoir soit partagé au sein des MDPH.
Le programme 304 s'adresse aux plus précaires et aux plus démunis. Nous en avons maintenu les moyens. Nous entendons travailler à une politique cohérente, juste, dynamique de lutte contre la pauvreté, conforme à l'engagement du Président de la République tel que l'a rappelé le Premier ministre dans son discours de politique générale. On ne saurait se résigner à voir augmenter la pauvreté dans notre pays. Un plan quinquennal abordera l'ensemble des problèmes : les minima sociaux seront remis à plat, avec l'objectif d'assurer un meilleur accès aux droits, une meilleure adéquation entre les besoins et l'existant. L'échec du RSA jeunes est emblématique. Alors qu'il devait toucher 130 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans, seuls 8 000 y ont accès. Notre ambition est bien d'améliorer l'accès aux droits, notamment celui de la jeunesse, qui nous est une priorité. Lors de la conférence des 10 et 11 décembre, nous fixerons des objectifs et des échéances.
La prime de Noël est chaque année promise, mais pour la première fois elle est inscrite au budget, et financée, à hauteur de 465 millions, grâce à une hausse de 0,35 point des prélèvements sociaux sur le capital, qui ira au FNSA. C'est un choix politique. Celui de conforter notre modèle de solidarité ; cette prime, qui sera étendue aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation équivalent retraite et de l'allocation transitoire de solidarité, en est une composante.
M. Jean Desessard . - Vous avez usé, en évoquant les MDPH, de deux termes qui m'ont surpris : embouteillés, avez-vous dit, et statut hybride. Mais lors de notre débat sur la proposition de loi relative aux MDPH, tout le monde s'est déclaré plutôt satisfait de ces structures, hors le problème du transfert des personnels. Et la proposition de loi a été adoptée, si je ne me trompe, à l'unanimité. Je suis donc surpris, à quelques mois de cela, de vos propos.
Mme Annie David, présidente . - La proposition de loi de 2011 faisait suite au constat des départements que les MDPH, institutions très attendues...
M. Jean Desessard . - ...manquaient de moyens.
Mme Annie David, présidente . - ...mais présentaient aussi des problèmes de structure, conduisant notamment à un traitement trop lent des dossiers.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - C'est bien à l'embouteillage des dossiers, en effet, que je faisais allusion. Il est hors de question, monsieur le sénateur, de mettre en cause les MDPH. Nous voulons tout au contraire les renforcer, les crédits pour 2013 en témoignent. C'est pourquoi nous les incluons dans le paquet décentralisation qui sera discuté avec les présidents de conseils généraux. Ce qui ne va pas, c'est que l'Etat et le département passent à la caisse, tandis que les associations ont tous les pouvoirs. Elles s'inquiètent de la décentralisation, il faut les rassurer, il n'est pas question de revenir en arrière ni de leur retirer des pouvoirs.
Nous voulons résorber les inéquités territoriales, aussi, car tous les départements n'ont pas les mêmes moyens. Dans le cadre du débat sur la décentralisation, les associations auront leur mot à dire.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille . - Les CAF avancent les prestations. Or l'instruction des demandes débouche parfois sur une réponse négative. La Cour des comptes reproche aux caisses le montant des indus, alors que l'embouteillage des dossiers en est largement responsable. Il faut donc perfectionner les choses.
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis de la mission « Santé » . - Mais la révision à deux ans au lieu de cinq est-elle bien faite pour désembouteiller ? Elle donnera plus de travail aux MDPH, et coûtera plus cher. Quel intérêt quand on sait, de surcroît, que le handicap n'est pas souvent réversible ?
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - C'est un outil utile pour un meilleur accompagnement, et c'est pourquoi, encore une fois, loin de toute intention d'en faire un outil comptable, nous le conservons.
Mme Annie David, présidente . - Nous vous remercions.
II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mercredi 21 novembre 2012 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente , la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique Watrin sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Santé ») .
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis . - Le budget de la mission « Santé » s'élève à 1,29 milliard d'euros pour 2013, en baisse de 0,1 milliard. Les changements de périmètre sur le programme 204, qui constituaient l'essentiel des modifications budgétaires de l'année dernière avec la budgétisation de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) devenue Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), sont cette année très réduits : la mission intègre désormais dans son périmètre l'agence de santé de Wallis-et-Futuna qui dépendait auparavant du budget de l'Outre-mer.
L'essentiel du poids des réductions de crédits est supporté par les agences sanitaires, qui représentent 75 % du budget. Leurs fonds de roulement sont réduits en moyenne de 2,5 %, ce choix étant néanmoins censé préserver leurs crédits de fonctionnement.
Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) voit ainsi ses crédits baisser de 50 millions sur la dotation Etat (auxquels il faut ajouter une baisse de 200 millions de la dotation de la branche AT-MP dans le PLFSS). Cette baisse de 50 millions, qui réduit à néant la dotation de l'Etat, doit être reconduite au cours des deux années suivantes, soit une réduction totale de 150 millions d'euros.
L'existence d'un fonds de roulement du Fiva correspondant à près d'une année de dépenses pose question sur la manière dont il est géré. La Cour des comptes se penche actuellement sur ce problème et ses conclusions nous seront communiquées en début d'année.
Plus largement, je m'interroge sur la rigueur peut-être trop grande des contrôles exercés par le Fiva qui est particulièrement mal perçue par les victimes et leurs associations.
Enfin est-ce qu'en programmant la suppression de 150 millions d'euros de crédits pour le Fiva, on ne se prive pas des moyens nécessaires pour répondre aux évolutions souhaitées par les victimes de l'amiante ? Chacun s'accorde à dire que le personnel du Fiva subit une surcharge de travail. Cet argent aurait pu être utilisé pour améliorer les conditions de travail du personnel et accélérer les procédures d'indemnisation.
S'agissant du programme 183, la dotation de l'Etat pour le financement de la CMU-c est supprimée et remplacée par l'affectation du produit des taxes sur les boissons à sucre ajouté et contenant des édulcorants, les crédits de l'aide médicale d'Etat restent stables.
Les crédits du fonds d'intervention régional (FIR) créé en 2012 pour financer les actions de prévention des ARS baissent également (- 32,4 millions). Cette baisse devrait être compensée par une augmentation de la dotation de l'assurance maladie au FIR financée par les taxes comportementales (bière et tabac). Ce choix n'est pas sans conséquence car il contribue à brouiller la répartition des compétences entre l'Etat et l'assurance maladie. Il ajoute par ailleurs à la complexité des tuyauteries financières entre l'Etat et l'assurance maladie. Il signifie enfin que des taxes affectées à l'assurance maladie ne servent pas à financer la protection sociale mais à compenser la baisse des engagements de l'Etat.
Je rappelle ici que madame la ministre s'est engagée, au cours du débat sur le PLFSS, à fournir un tableau récapitulatif des dotations budgétaires par ARS. Il sera en effet très utile de comparer les données et de vérifier dans quelle mesure les territoires qui cumulent des retards sanitaires bénéficient d'une correction en termes de dotation. S'agissant du FIR, on peut d'ores et déjà constater que les critères qui président actuellement à la répartition de ce fonds entre les régions ne permettent pas d'assurer une véritable péréquation. Par exemple, le Nord-Pas-de-Calais reçoit à peine plus que son poids démographique.
L'Etat joue-t-il bien ici tout son rôle ?
En effet, la mission « Santé » est composée pour l'essentiel de crédits d'intervention. Toute diminution de son budget signifie donc à court ou moyen terme une réduction des actions de l'Etat. L'application de normes de limitation au budget des opérateurs pose donc problème au moment où les agences sanitaires voient leurs missions de contrôle accrues.
La mission « Santé » ne comporte pas les frais de personnel des opérateurs des programmes (ministère de la santé, agences et ARS) qui sont inclus dans la mission « Solidarité ». Il y a de ce point de vue un problème de lisibilité des crédits présentés par le programme annuel de performance (le bleu budgétaire). Certes, le programme présente, pour information, une vision des emplois des agences, mais il ne récapitule ni les emplois du ministère au sein de ses différentes directions générales, ni ceux des ARS.
On sait que les opérateurs et, au premier rang d'entre eux, les agences sanitaires auront moins de crédits pour effectuer leurs missions et moins de personnel pour les mettre en oeuvre. Mais il nous est impossible, en dehors d'une étude au cas pas cas lors des auditions, de mesurer l'interaction entre ces deux dimensions. Ainsi l'Institut de veille sanitaire (InVS) voit son plafond d'emploi réduit de sept postes en 2013, ce qui signifie le non-renouvellement de contrats à durée déterminée et des redéploiements de personnel, au détriment de ses antennes chargées de la collecte des données épidémiologiques au niveau régional. L'InVS devra également renoncer au développement du suivi de l'habitat insalubre faute de moyens humains.
Il s'agit évidemment d'un budget de crise, tourné vers le redressement des finances publiques. Nous le savons, pour être efficace et juste la diminution des crédits doit s'accompagner d'une vision claire des objectifs en matière de santé.
C'est dans cette voie que s'est engagée la ministre, afin de redéfinir les priorités qui n'ont pas été revues depuis la loi de santé publique de 2004. Deux axes semblent privilégiés, la définition de thématiques larges (les maladies infectieuses, la santé des jeunes) et la prise en charge de proximité afin d'assurer la prévention des risques liés à la santé. Les ARS sont ainsi désormais chargées de définir des territoires d'intervention correspondant à des « bassins de santé » dont la taille sera inférieure à celle des « territoires de santé » actuellement prévus. Elle tournerait autour de 40 000 habitants en zone urbaine et moins en zone rurale.
L'approche territoriale constituera le levier de l'action publique. Elle reposera sur la contractualisation entre équipes de soins de proximité et les « acteurs de la proximité » que sont les élus locaux, CPAM, rectorats, responsables de la médecine du travail, de la PMI, de la santé scolaire, animés par les délégués territoriaux des agences régionales de santé.
En complément de cette action de terrain, plusieurs mesures de rationalisation sont également envisagées dont l'unification du système de vigilance en matière sanitaire. D'autres porteront notamment sur les actions de prévention. Elles auront un impact financier car elles doivent aboutir à éliminer les actions concurrentes et à faire financer celles qui demeurent par un seul des trois financeurs : les collectivités, l'assurance maladie ou l'Etat. Néanmoins, l'ampleur des marges de manoeuvres budgétaires potentiellement dégagées n'est pas évaluée.
Ainsi les projets de loi envisagés pour le premier semestre 2013 sur la santé publique et sur l'accès aux soins poseront le cadre de la politique sanitaire dans lequel s'inscriront les prochains budgets.
Notre rapport budgétaire de l'année dernière avait noté que le ministre en charge de la santé, pris entre l'importance financière prédominante de l'assurance maladie et la capacité d'initiative des agences sanitaires au détriment du ministère, pouvait subir la tentation de placer au second plan les questions de santé publique.
La ministre de la santé s'est engagée résolument à rompre avec cette tendance et à organiser une politique de santé publique impliquant au premier rang la direction générale de la santé, chargée de la coordination des agences. J'ai pu noter qu'en l'espace d'un an, le nouveau DGS, M. Jean-Yves Grall, a mené une action ferme pour assumer pleinement cette fonction, qui rétablit la chaine des responsabilités administratives et politiques et offre aux agences sanitaires l'appui dont elles ont besoin de la part de leur tutelle pour mener leurs actions.
Plusieurs rapports des corps de contrôle, Cour des comptes en 2011, Igas, Inspection générale des finances (IGF) et Conseil d'Etat en 2012, critiquent le système actuel inutilement complexe, peu lisible pour le citoyen et porteur de redondances. Les agences, entre elles et sous la tutelle de la DGS, ont néanmoins défini des protocoles d'action conjoints et travaillent en étroite coopération les unes avec les autres. J'espère que le nouveau rapport Igas-IGF, qui examinera notamment le périmètre des agences face aux administrations centrales, n'aboutira pas à défaire un système qui fonctionne.
Plus fondamentalement, il convient de nous interroger, dans l'optique de la future loi de santé publique, sur la place des agences spécialisées comme l'Institut national du cancer (INCa). Constitue-t-il une exception dont les missions pourraient être assumées directement par le ministère de la santé ou faut-il imaginer la création d'instituts capables de mobiliser les ressources et les énergies sur les principales thématiques de la santé publique ?
Un des apports incontestables de l'INCa a été le rapprochement de la recherche et du soin. Il a permis d'apporter aux patients les fruits des recherches les plus poussées en matière de diagnostic et de traitement. Porter les soins sur l'ensemble du territoire à leur plus haut niveau me semble conforme à la nature même de notre pacte républicain qui repose sur la solidarité et sur le progrès.
Une coopération plus étroite entre l'Inserm et le ministère de la santé me semble également nécessaire. La mission de l'Inserm, qui est de coordonner la recherche biomédicale en France, se heurte à une relative atomisation des structures de recherche hospitalo-universitaires dont certaines sont financées directement par le ministère de la santé. Cette situation devrait être remise à plat.
J'ai choisi de traiter cette année trois sujets plus précisément. Le premier concerne la santé au travail. La détermination des liens entre travail et santé est l'un des axes de travail de l'InVS. A cette fin, il a mis en place les groupes d'alerte en santé travail (Gast) qui sont chargés d'organiser en région la réponse aux signalements d'événements sanitaires inhabituels en milieu professionnel. Chaque Gast regroupe les acteurs locaux de la santé au travail et s'articule avec les plateformes régionales de veille et d'urgences sanitaires placées au sein des ARS. Après la région Aquitaine, pilote depuis 2008, plusieurs régions ont décidé de mettre en place ce dispositif d'alerte : Languedoc-Roussillon, Pays de la Loire, Auvergne et Midi-Pyrénées en 2011, Lorraine, Centre et Nord Pas-de-Calais en 2012.
Ces groupes doivent permettre une détection et une action rapides face à un risque sanitaire émergeant au sein d'une entreprise en raison d'un produit, d'un processus ou de l'organisation du travail. Plus la détection est précoce, mieux le risque peut être circonscrit, ce qui limite le nombre de victimes dans et potentiellement hors de l'entreprise.
Le déploiement et le fonctionnement des Gast se heurtent pourtant à une difficulté. Les observations en matière de santé au travail dépendent du réseau de quelque mille médecins du travail qu'a constitué l'InVS afin de recueillir des informations individuelles au service de la surveillance sanitaire en santé travail. Ce réseau a été recruté progressivement en collaboration avec les médecins inspecteurs régionaux du travail (Mirt). Le rôle des Mirt est fondamental pour assurer la cohérence des actions, ils sont chargés de faire le lien entre les médecins du travail et l'InVS et d'animer les réseaux, ce qui est indispensable pour les maintenir actifs. De plus, leurs connaissances en font des experts particulièrement précieux pour contribuer à l'analyse des signaux.
Or, actuellement, il y a un déficit de Mirt dans quasiment toutes les régions (un seul à Marseille sur trois postes ; huit en Ile-de-France sur douze postes...). La raison semble résider dans un manque d'attractivité des postes, en particulier au regard de l'équilibre entre les salaires et les exigences et responsabilités. Dans ce contexte, les Mirt étant très mobilisés par les activités multiples qui leur sont dévolues, leur contribution à la veille sanitaire n'est pas toujours considérée comme prioritaire. L'InVS a parfois des difficultés dans certaines régions pour que leur rôle d'animation et d'impulsion de la contribution des médecins du travail s'exerce réellement. Cette situation risque de s'aggraver car de nombreux Mirt démissionnent régulièrement pour retourner à la médecine du travail.
De plus, la situation de la médecine du travail est inquiétante au niveau des postes de coordination, mais aussi parmi les praticiens de terrain puisque 32 % des postes ouverts à l'internat ne sont pas pourvus. Cela pose aussi la question de la reconnaissance des médecins du travail et de leur apport dans l'entreprise.
Malgré la récente loi sur la santé au travail, il me semble donc que nous aurons à nouveau à nous pencher sur cette question.
Le deuxième sujet que je souhaite aborder est celui de l'accès aux soins, au travers de la question des centres de santé. Ceux-ci sont porteurs d'une vision de la médecine centrée non sur l'acte, mais sur le soin dont a besoin la personne, et sur l'exercice coordonné par les différents professionnels de santé. Ceci aux tarifs opposables de sécurité sociale et avec possibilité de tiers payant.
Il est donc impératif qu'ils soient mieux pris en compte. Lors de leur congrès en octobre dernier la ministre a déclaré : « Je veux clairement affirmer ici que les centres de santé ont toute leur place dans l'organisation des soins. A la différence des gouvernements précédents qui, depuis dix ans, ont tout fait pour les mettre en situation critique, je souhaite que la place des centres de santé soit pérennisée. »
J'estime que le budget de l'Etat, et singulièrement la mission « Santé », devrait prévoir une subvention aux centres afin de participer aux frais de coordination qui ne sont pas couverts par les tarifs et qui restent à leur charge. Ces frais reposent à l'heure actuelle sur les instances qui assument la charge financière des centres : collectivités locales, mutuelles, associations, régime de sécurité sociale minier alors qu'ils correspondent à une mission essentielle de service public pour permettre la continuité des soins et l'adhésion aux traitements.
Ceci m'amène au dernier point que je souhaite aborder, celui de l'impact de la crise économique sur la santé des Français et particulièrement des plus démunis. Comme chaque année j'ai reçu l'association Médecins du monde dont les centres de santé ont connu plus de 40 000 visites en 2011, un chiffre qui a augmenté de 22 % en trois ans. Dans près de 80 % des cas, les malades sont éligibles à des droits pour leur permettre l'accès aux soins, aide médicale d'Etat ou couverture maladie universelle, mais seuls 16 % d'entre eux ont des droits ouverts. Le système reste trop complexe pour les plus fragiles et, je renvoie ici aux propositions de Médecins du monde.
J'attire l'attention de la commission sur une expérimentation intéressante menée par cette organisation qui doit nous aider à mieux cerner les difficultés d'accès aux soins des travailleurs pauvres. Rappelons que près de quatre millions de Français, dont de nombreux salariés, ne disposent pas d'une mutuelle.
J'aborde enfin la question des déterminants sociaux de la santé. L'Inpes s'est engagée dans des études très intéressantes sur ce point et lance des actions en partenariat avec les collectivités locales pour cibler les populations fragiles. Le poids des facteurs autres qu'individuels dans la santé apparaît d'autant plus important que la personne appartient à une catégorie de population défavorisée. C'est donc là qu'il faut agir. Nous avons les instruments pour le faire. Il faut nous en donner les moyens.
A la fin de ce panorama, je ne peux donc que regretter que le budget de la mission « Santé » soit en baisse. On peut y voir une étape de transition vers de nouveaux objectifs de santé publique.
Malgré les réserves personnelles que j'ai pu émettre dans ce rapport, je vous propose néanmoins de donner un avis favorable dans l'attente des réponses qui pourront être apportées par le Gouvernement en séance publique et pour permettre la poursuite des débats.
M. Marc Laménie . - Je souhaite revenir sur la question des ARS. Il y a en ce domaine un réel manque de clarté. Comment faire pour avoir une vision plus précise des crédits qui leur sont alloués ? Leur rattachement à la mission « Santé » paraît relever du bon sens.
Mme Catherine Procaccia . - J'ai plusieurs questions et remarques. Tout d'abord, vous indiquez que les fonds de roulement des agences vont être réduits. Ce n'est pas en soi un problème si elles ont accumulé des sommes les années précédentes sans les dépenser. Mais avez-vous des informations sur les incidences éventuelles de cette décision ? Par ailleurs, vous notez que la baisse des crédits du fonds d'intervention régional (FIR) va être compensée par des taxes comportementales. N'arriverons-nous pas bientôt aux limites de ce mode de taxation, une fois que nous aurons imposé tout ce qui peut se manger ou se boire, d'autant qu'il vise à décourager la consommation sur les produits concernés ?
S'agissant de la baisse du nombre d'emplois à l'InVS, s'agit-il également des personnels mis à disposition ?
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette notion nouvelle de bassins de santé qui conduirait, compte tenu des chiffres que vous indiquez, à subdiviser les villes les plus importantes ?
Enfin, sur quoi se fonde la ministre pour affirmer que la majorité précédente a tenté d'entraver l'action des centres de santé ?
La conclusion du rapporteur tend à me laisser penser que s'il n'était pas dans la position qui est la sienne, il n'adopterait pas les crédits de cette mission.
M. Jean-Pierre Godefroy . - Je souhaite marquer mon soutien au rapporteur s'agissant de son analyse de la situation du Fiva. L'absence de dotation de l'Etat pour les trois années à venir pose un réel problème. Je rappelle que notre mission d'information sur l'amiante avait préconisé une participation de l'Etat à hauteur de 30 % des fonds. Nous en sommes loin !
S'agissant des contrôles exercés par le Fiva, je rappelle que nous avions déposé un amendement tendant à les alléger dans le cadre du PLFSS. Il convient de mieux articuler le travail des CPAM et celui du Fiva pour éviter que celui-ci ne devienne un organisme de contrôle, ce qui n'est pas sa vocation.
Vous évoquez des problèmes de personnel, il me semble qu'il s'agit plutôt d'un dysfonctionnement au sein du conseil d'administration.
Mme Catherine Génisson . - Le rapporteur pose plusieurs problèmes importants. Sur la réduction du budget des agences, sur quoi devront-elles faire des économies ? Je partage le sentiment que les taxes comportementales ne peuvent assumer un financement pérenne de la politique de santé. Il me semble par ailleurs que les élus locaux - en particulier les élus régionaux - devraient être plus associés à la direction des ARS comme ils l'étaient à celle des agences régionales de l'hospitalisation (ARH).
Il m'apparaît essentiel de préserver le fonctionnement de l'INCa dont les réalisations ont été très importantes et je partage l'avis du rapporteur sur la nécessité d'un rapprochement entre le ministère de la santé et l'Inserm.
Nous avons un vrai problème de recrutement des médecins du travail et il faut nous pencher sur cette question.
Je suis d'accord sur la place centrale qu'ont les centres de santé en matière d'accès aux soins, de même qu'il me semble important de nous pencher sur les déterminants sociaux de santé.
M. René-Paul Savary . - Vous évoquez une nouvelle loi de santé publique. Est-ce bien opportun alors que les ARS n'ont pas encore trouvé vraiment leur place sur le terrain et qu'il n'y a pas de nouveau financement de prévu ?
S'agissant des centres de santé, les économistes de la santé nous disent que le système à l'acte produit trop alors que le système salarié ne produit pas assez. Il me semble qu'il faut trouver un système mixte et ne pas bouleverser le système actuel.
Mme Catherine Deroche . - Le désengagement de l'Etat du financement du Fiva est préoccupant. Le niveau de la dotation de la branche AT-MP devra nécessairement être relevé en 2014. L'important fonds de roulement qui a été constitué nous a été présenté comme lié à des difficultés de ressources humaines.
S'agissant du financement de la politique de santé publique par des taxes, il me semble qu'une augmentation générale de la TVA serait préférable.
M. Alain Milon . - Nous ne pouvons que noter la chute du financement en matière de santé alors que nous nous sommes toujours opposés à la baisse de ce budget. La mise en place des réformes est renvoyée à l'adoption de plusieurs lois dont on sait qu'elles ne pourront être mises en oeuvre avant fin 2013 au plus tôt. C'est donc là une perte de temps au détriment de l'action en matière de santé publique et l'UMP ne peut qu'être opposée à l'adoption des crédits de cette mission.
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis . - S'agissant des ARS, un amendement déposé sur le PLFSS demandait un rapport annuel présentant au Parlement l'ensemble de leurs crédits. C'est une piste à approfondir. Comme Catherine Génisson, j'estime que les élus locaux doivent être mieux associés à la direction des ARS. Mon expérience personnelle me montre que même en présidant une commission en lien avec l'ARS on ne dispose que d'une vision partielle des problèmes existant à l'échelle d'un territoire.
Les agences voient le nombre de postes en équivalents temps plein (ETP) dont elles disposent, réduits dans des proportions importantes. L'InVS perd sept ETP, l'Inpes cinq. Quant à l'INCa, son budget se réduit de 5 millions d'euros. Ceci aboutit concrètement à ce que les équipes arrivent à saturation. Effectivement, les agences ont pu puiser les années précédentes dans leurs fonds de roulement. Mais les marges de manoeuvre ont quasiment disparu et on peut craindre que les actions elles-mêmes en pâtissent.
Je souhaite également un financement pérenne des actions de prévention, car les taxes comportementales ont par nature vocation à détruire la base sur laquelle elles s'appliquent.
S'agissant des bassins de santé, nous ne disposons pas d'autres informations que celles fournies par la ministre. J'attire votre attention sur le fait que la rationalisation des politiques de prévention ne doit pas aboutir à un transfert vers les collectivités locales de nouvelles charges financières.
Les centres de santé ont été considérablement fragilisés ces dernières années par la question du financement, par exemple dans les Bouches-du-Rhône ou pour les centres dépendants de la sécurité sociale des Mines. Il y a aujourd'hui urgence à traiter ces problèmes si on ne veut pas voir les centres disparaître. Il n'est pas question de se substituer à la médecine libérale, mais de s'inscrire en complément dans l'offre de soins. Par nature, les centres produisent moins d'actes car ils ont aussi des missions en matière de prévention et d'éducation à la santé qui doivent être valorisées.
Enfin, sur l'Inserm, la précarisation des chercheurs est un élément inquiétant d'autant que le budget public américain est trente fois supérieur au nôtre. La position de la recherche française dans la concurrence internationale se trouve donc fragilisée.
M. Jacky Le Menn . - Je signale que lors de la dernière réunion du bureau de la commission, nous avons envisagé que la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) se penche sur la question des ARS. Le rapport que nous venons d'entendre milite, me semble-t-il, pour que nous traitions rapidement ce sujet.
Suivant son rapporteur, la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé » .
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS
Médecins du Monde : Dr Jean-François Corty , directeur de la Mission France, Marielle Chappuis, responsable de l'Observatoire de l'accès aux soins, Anne-Lise Denoeud , juriste, et Maria Melquior
Docteur Richard Lopez , directeur du service santé de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS)
Than Le Luong , directrice générale, Jocelyne Boudot et Pierre Bachelot, de l' Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes ) ,
Françoise Weber , directrice générale de l' Institut de veille sanitaire (InVS)
Marc Mortureux , directeur général, Martial Mettendorff , directeur général adjoint, et Alima Marie , directrice information, communication et dialogue avec la société, de l' Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)
Agnès Buzyn , présidente, et Anne Burstin , directrice générale, de l' Institut national du cancer (INCa)
Emmanuelle Prada-Bordenave , directrice générale de l' Agence de la biomédecine
Jean-Yves Grall , directeur général, Christian Poiret et Caroline Foedit, à la Direction générale de la santé (DGS),
Bernard Jegou , président du conseil scientifique de l' Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), directeur de l'Institut de recherche sur la santé, l'environnement et le travail
Dominique Maraninchi , directeur général de l' Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM)
* 1 Décret n° 2012-745.
* 2 Pamela Pianezza, « La santé à crédit : les stratégies des patients face à la crise », in Sève, Les Tribunes de la santé, automne 2012, Dossier La crise économique et la santé.
* 3 Actualité et dossier en santé publique, 20 ans de santé publique, septembre 2012.
* 4 Drees, Etudes et résultats, « Les disparités territoriales des consommations de soins de spécialistes et de dentistes : le poids des dépassements », n°812, septembre 2012.
* 5 Association pour la santé publique du Québec, Bulletin de santé publique, printemps 2011, « Frites ou salade ? Avons-nous vraiment le choix ? », Corinne Voyer, Pascale Morin, Marion Saucet.