C. MODERNISATION DE LA FONCTION HABILLEMENT : BIENTÔT L'HEURE DES CHOIX
La fonction « habillement » du ministère de la défense est, de par son organisation et ses volumes de stocks, génératrice de surcoûts importants par rapport aux meilleures pratiques en vigueur dans le monde économique . Des études tendant à son externalisation ont donc été lancées.
Il faut rappeler que la gendarmerie et la police nationale ont déjà externalisé leur habillement.
A la défense, les enjeux sont très importants, tant du point de vue fonctionnel (l'habillement et l'équipement du combattant participent directement de la capacité opérationnelle des forces), que du point de vue de l'impact potentiel sur les ressources humaines du ministère (la fonction emploie au total plus de 1 600 personnes ) et sur le tissu industriel des fournisseurs de l'administration .
Votre commission est particulièrement attentive à l'impact potentiel en termes d'activité économique pour les territoires concernés par des établissements.
Après une phase d'évaluation préalable du projet de rationalisation de la fonction habillement conduite par l'état-major des armées entre octobre 2009 et juin 2010, le précédent ministre de la défense a décidé de lancer un processus de consultation pour l'externalisation de la fonction qui s'est concrétisé par la publication d'un avis d'appel public à la concurrence en février 2011. Il a également demandé que lui soit proposée une alternative réelle à l'externalisation en termes de service et de coûts, en continuant à opérer cette activité en régie (régie rationalisée optimisée).
Contrairement à la restauration, où les expérimentations ont été séquencées, les deux pistes (externalisation et optimisation) sont donc étudiées simultanément . Il faut noter que pendant le même temps les déflations d'emplois découlant de la RGPP s'appliquent à la fonction habillement, ce qui fait que la situation d'origine est elle-même instable.
Avec une organisation correspondant aux meilleures pratiques du secteur privé (stocks minimums, flux tendus, recours à la distribution par correspondance, systèmes d'information performants, etc....), la qualité de service devrait, à moindre coût, être maintenue voire améliorée dans certains cas.
Dans l'étude préalable ayant conduit à lancer le marché, les gains attendus de l'externalisation étaient estimés à 21 %, ceux de la rationalisation de la régie, à 13 %.
1. L'état du dialogue compétitif pour l'externalisation de l'habillement
Ce projet porte sur l'approvisionnement, le stockage et la distribution des effets non stratégiques et concerne 869 équivalents temps plein .
En effet, les effets à haute criticité opérationnelle en sont exclus. Seront également conservées en régie, dans tous les cas de figure, l'étude et la conception des effets. Seuls la réalisation, le stockage, le transport et la distribution de certains effets seraient externalisés. D'autre part, les services à la personne (écussonnage...) font partie intégrante de la fonction « habillement » au sein du ministère, ce qui est une particularité à respecter.
Périmètre du projet d'externalisation de l'habillement
Étude et conception |
Réalisation |
Stockage |
Transport distribution |
Services à la personne |
|
Effets à haute criticité opérationnelle (MF1) |
Régie |
Régie |
Régie |
Externalisé |
Sans objet |
Tenues de combat et effets métier soutien et support (MF2) |
Régie + co-activité |
Externalisé |
Externalisé |
Externalisé |
Externalisé en option |
Tenues de service courant, effets de sport (MF3) |
Régie + co-activité |
Externalisé |
Externalisé |
Externalisé |
Externalisé en option |
Six candidats ont été sélectionnés à la suite d'un appel public à la concurrence. Ces candidats sont constitués sous forme de groupements créés pour l'occasion et rassemblant les compétences nécessaires pour répondre aux demandes de l'administration (logistique, textile, systèmes informatiques, etc.). Les mandataires de ces groupements sont de grandes entreprises françaises des secteurs de l'armement, des services ou de la logistique.
Le dialogue compétitif engagé porte sur une externalisation de 8 ans. Il a véritablement débuté en octobre 2011, avec une première phase d'audition de six groupements concurrents. A l'issue de cette étape, un groupement n'a pas souhaité prolonger le dialogue, un autre a été écarté compte tenu de sa proposition trop éloignée du besoin défini. Les deux dernières phases du dialogue compétitif ont ainsi été conduites avec quatre opérateurs organisés de façon à couvrir le large périmètre du projet qui va de l'acquisition de la plupart des effets, jusqu'à leur distribution aux bénéficiaires.
La dernière phase de dialogue s'est achevée et les offres définitives sont en cours d'analyse pour la fin novembre.
La décision définitive d'engager l'exécution de l'opération d'externalisation sera soumise au ministre de la défense à l'issue de cette procédure contractuelle, sur la base d'un bilan économique et social intégrant les offres des soumissionnaires, le montant du remboursement des dépenses afférentes aux rémunérations et cotisations sociales des personnels mis à disposition, et après présentation de ce bilan aux organisations syndicales.
2. L'optimisation de la régie (RRO)
Le ministère de la défense mène parallèlement son étude de régie optimisée. Les conclusions de l'étude RRO sont attendues au même moment que le bilan du dialogue compétitif.
Les leviers d'optimisation envisagés pour l'externalisation et la régie rationalisée sont similaires : réduction des stocks (déjà ramenés pour l'habillement de 1 080 millions d'euros en 2008 à 800 millions d'euros en début d'année 2012, pour un objectif de 600 millions d'euros en octobre de la même année), concentration du stockage, de la maintenance et de la distribution , mise en place d'un système d'information logistique uniforme et performant . Ils se traduisent notamment, dans le cadre de la régie rationalisée, par un schéma directeur logistique et un schéma directeur de maintenance impliquant des hypothèses de restructuration de certains établissements logistiques du service du commissariat des armées (SCA).
3. La question cruciale de l'effet sur l'emploi et les PME doit jouer dans la décision du ministre de recourir ou non à l'externalisation
Beaucoup d'approximations ont été avancées sur les impacts pour l'emploi de ce projet de modernisation de l'habillement.
Vos rapporteurs souhaitent rappeler quelques faits :
- dès aujourd'hui, malheureusement, la confection textile des effets militaires n'est plus assurée sur le territoire national , à l'exception de quelques « niches ». Même les fournisseurs français ne réalisent en fait bien souvent que l'assemblage. Déjà, aujourd'hui, les survêtements, les treillis... ne sont pas tissés en France. Il n'empêche que la préservation de ces emplois, dans un secteur particulièrement sinistré, est vitale ;
- même en l'absence d'externalisation, la fonction « habillement » n'échappera pas à un redimensionnement en termes de nombre de personnels qui y sont affectés, non plus qu'à un rétrécissement du nombre des entrepôts de stockage, car l'organisation actuelle n'est pas assez efficiente ;
- a contrario, des emplois seront maintenus même en cas d'externalisation de la fonction, pour le pilotage, la conception et le contrôle tant de la qualité des effets que de la gestion des droits des personnels ; auxquels s'ajouterait le volant d'emplois ouverts à la mise à disposition par les candidats du marché, qui pourrait s'élever à plusieurs centaines. Au total il n'est pas exclu que cela représente de l'ordre de 5 à 600 emplois.
- Enfin, le cahier des charges de la consultation prévoit, en option, à la disposition du ministère, des dispositions relatives à la situation particulière des maîtres tailleurs de la marine, maîtres ouvriers de l'armée de terre et de l'armée de l'air.
Pour autant, il est clair que la question du maintien de l'emploi sur le territoire est cruciale et devra entrer en jeu dans une décision qui doit, naturellement, tendre principalement à atteindre un meilleur équilibre économique pour la défense dans un contexte de très forte contrainte budgétaire.
Votre commission attirera l'attention du ministre sur trois points en particulier qui devraient faire la décision en faveur ou non de l'externalisation :
- l'impact éventuel sur les PME ;
- le volant d'emplois ouverts pour les personnels de la défense chez les prestataires, notamment par le biais de la mise à disposition ;
- le traitement de la situation particulière des maîtres tailleurs.