B. DES DIFFICULTÉS SUSCITÉES PAR L'APPLICATION DE LA MAJORATION AUTOMATIQUE DES DROITS À CONSTRUIRE
1. Une opposition quasi-unanime à la majoration automatique des droits à construire
Lors de la discussion en séance publique du projet de loi qui allait devenir la loi du 20 mars 2012, votre rapporteur adressait une mise en garde ferme au gouvernement de l'époque : « ce texte porte en germe une contradiction assez frontale, susceptible de démanteler les cohérences territoriales des plans locaux d'urbanisme ou des programmes locaux de l'habitat » 2 ( * ) . Cette menace pour les collectivités locales n'a pas manqué de produire l'effet repoussoir annoncé.
Pour forger sa conviction, votre rapporteur a souhaité connaître la réalité sur l'usage qui était fait de ces majorations, à commencer par celle introduite par la loi du 20 mars 2012. Certes, le recul pour en juger est encore limité mais les premières indications laissent entrevoir une opposition forte des autorités locales à ce dispositif . Conformément à ce qui s'esquissait lors du débat parlementaire, les communes ou leurs EPCI se sont soit opposés d'ores et déjà à cette majoration par l'adoption, au terme de la consultation du public, d'une délibération contraire, soit, ont engagé ou sont en voie d'engager la procédure de consultation avec l'intention d'adopter, à son terme, une délibération contraire.
Actuellement, selon les données parcellaires en la possession du gouvernement, soit un échantillon d'une trentaine de départements, seule une commune aurait permis l'application de la majoration en s'abstenant de prendre une délibération contraire. Il n'a été porté à la connaissance du rapporteur aucun cas d'application de cette majoration dans les communautés urbaines dont on aurait pu légitimement penser qu'elles étaient les plus concernées par ce dispositif. Ce constat démontre la nette opposition des autorités locales à ce dispositif, d'ailleurs exprimée par l'association des maires de France (AMF) et l'association des communautés de France (ADCF) lors des auditions menées le 22 février 2012 à l'occasion de l'examen du projet de loi du précédent gouvernement.
Votre rapporteur rappelle que cette position est, en tout point, conforme à la position exprimée par les différents interlocuteurs entendus par votre rapporteur et notre ancien collègue, M. Thierry Repentin, alors rapporteur au nom de la commission de l'économie, avant l'examen du projet de loi en février dernier. Ce refus opposé à l'application d'une majoration dont il a été dit qu'elle contrarierait les projets urbanistiques à l'oeuvre dans les territoires tient, pour votre rapporteur, autant à la disposition même qu'à la méthode choisie pour l'adopter.
Proposée sans analyse préalable des besoins des collectivités locales et sans concertation préalable, cette mesure a été accueillie, contrairement aux attentes du précédent gouvernement, sans enthousiasme voire dans une indifférence généralisée. C'est là le signe d'une inadéquation évidente du mécanisme avec l'objectif d'accroissement du nombre de logements pourtant affiché par le gouvernement de l'époque.
2. Un usage très limité des autres majorations
Votre rapporteur a également pu constater que les autres majorations n'étaient pas particulièrement plébiscitées par les autorités locales en charge de l'urbanisme. Elles sont utilisées ponctuellement pour résoudre des difficultés circonscrites à une zone à densifier ou lorsqu'elles s'inscrivent dans une démarche plus globale de construction d'un parc locatif social ou du développement de bâtiments « verts ».
Selon les données transmises par le gouvernement, ont été recensées :
- une trentaine de communes ou d'EPCI ayant eu recours à la majoration de l'article L. 123-1-11 alinéa 6 du code de l'urbanisme (sur une enquête intégrant 71 départements) ;
- environ 140 communes ou EPCI ayant appliqué la majoration de l'article L. 127-1 du code de l'urbanisme relative au logement social ;
- près de 160 communes ou EPCI ayant choisi la majoration de l'article L. 128-1 du code de l'urbanisme pour des bâtiments à performance énergétique.
Il ressort de la pratique constatée parmi les communautés urbaines que le recours à une majoration se justifie lorsqu'elle s'inscrit dans une politique plus globale . Ainsi, la communauté urbaine de Lille a opté, sur son territoire, pour une majoration de 20% pour la réalisation de logements sociaux et une majoration de 20% pour la construction de logements écologiquement performants, ce qui permet, dans le respect du plafond global des majorations, d'obtenir une majoration de 40% pour un logement social écologiquement performant. Ces majorations accompagnent un programme d'actions global dans le cadre de la politique de l'habitat de l'agglomération.
Des communautés urbaines ont recours à ces majorations plus ponctuellement pour lever des difficultés comme celle de Toulouse, à la suite d'une annulation contentieuse, celle de Nancy pour permettre un projet dans le cadre du plan de rénovation urbaine ou encore celle de Cherbourg dans une zone disposant d'un coefficient d'occupation des sols peu élevé à l'origine.
L'ensemble de ces exemples démontre la prudence avec laquelle les collectivités locales ont recours à ces majorations. Cette situation n'est pas surprenante dans la mesure où elle dénote la qualité du travail des collectivités locales qui apprécient avec justesse, lors de l'élaboration ou de la révision de leurs documents d'urbanisme, les besoins en potentiel constructible d'un territoire. Elles s'épargnent ainsi de devoir recourir postérieurement à des majorations, dérogatoires aux règles fixées par leurs règlements d'urbanisme, pour permettre la construction ou l'agrandissement de logements dans un secteur.
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Compte-rendu
intégral de la séance du 29 février 2012 consultable
à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/seances/s201202/s20120229/s20120229_mono.html
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