III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : UN TEXTE INEFFICACE ET PORTEUR D'EFFETS PERVERS
Votre commission juge ce projet de loi, dans son ensemble, parfaitement inutile voire inopportun et, ce d'autant plus qu'il entre en contradiction avec les objectifs affichés par le gouvernement (notamment lors de la traduction législative du Grenelle de l'environnement). Au-delà de son manque de pertinence économique, le projet de loi constitue une mesure uniforme et autoritaire qui ne manquera pas d'engendrer des difficultés pour les élus locaux.
A. UNE MESURE CONTRE-PRODUCTIVE
Votre commission constate, en premier lieu, que le postulat de départ sur lequel est fondé l'argumentation du projet de loi est contestable. L'idée que les droits à construire seraient globalement consommés sur l'ensemble du territoire national est erronée. Le présent texte n'est donc pas une réponse convaincante à la pénurie de logements. La principale limite à l'acquisition d'un logement est, en cette période de crise économique, la faible solvabilité et la capacité financière réduite des ménages. De surcroît, le projet de loi induit des effets pervers par rapport à l'objectif poursuivi puisque :
- la majoration des droits à construire favoriserait une hausse des prix du foncier qui se répercuterait sur le prix de vente des logements ;
- la création de cette majoration inconditionnelle concurrencerait, par un effet de substitution, le dispositif existant en faveur du logement social.
Il apparaît donc peu probable que la mesure avancée par le gouvernement permette de maîtriser, pour les promoteurs, les coûts de construction des logements et, pour les particuliers, les prix des logements à la vente.
B. UN PROJET DE LOI RECENTRALISATEUR
Votre commission s'oppose au caractère général et autoritaire de la majoration prévue par le projet de loi dans la rédaction du nouvel article L. 123-1-11-1 du code de l'urbanisme. À rebours de la logique des autres mécanismes de majoration et notamment celui quasi-similaire de l'article L. 123-1-11, l'initiative d'appliquer ou non la majoration n'est pas laissée aux communes ou aux EPCI compétents en matière de PLU. La disposition introduit, au contraire, une majoration qui s'applique d'office aux autorités locales, à charge pour elle de contrer son application par l'adoption d'une délibération contraire. Cette logique heurte profondément le principe de subsidiarité, qui est une composante essentielle du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
De surcroît, le caractère indifférencié de cette mesure va à l'encontre d'une préoccupation, partagée par les acteurs du secteur, de contextualisation de l'action de planification urbaine. En effet, cette majoration part d'un postulat général de densification sans intégrer la situation particulière de certains centre-villes, d'ores et déjà hyperdenses, ou à l'inverse de communes rurales où le besoin de densification est inexistant. A cet égard, le projet de loi ne prend absolument pas en compte le fait que la saturation des droits à construire est une situation rare. De même, le projet de loi imposera à des communes rurales d'organiser une consultation du public sur ce thème alors même que la question n'apparaît absolument pas pertinente au regard de la configuration de l'habitat local.
Le présent texte relève en conséquence d'une conception centralisée de l'aménagement urbain et entre en totale contradiction avec la volonté, continûment soutenue par notre commission des lois, d'adaptation des normes aux spécificités territoriales.