Avis n° 112 (2011-2012) de Mme Virginie KLÈS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 novembre 2011
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
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INTRODUCTION
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I. LE DÉFENSEUR DES DROITS, UNE NOUVELLE
AUTORITÉ DE RANG CONSTITUTIONNEL
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II. UN FONCTIONNEMENT OBÉRÉ PAR UN
MANQUE D'ENGAGEMENT RÉEL DE L'EXÉCUTIF
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A. UN MANQUE D'ANTICIPATION PRÉJUDICIABLE
À LA MISE EN PLACE DE L'INSTITUTION
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B. UN MANQUE D'ANTICIPATION ÉGALEMENT
PRÉJUDICIABLE AU FONCTIONNEMENT DE L'INSTITUTION, POURTANT
PRÉSENTÉE COMME ISSUE D'UNE FORTE VOLONTÉ POLITIQUE
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C. LE DÉFENSEUR DES ENFANTS, UNE
VISIBILITÉ BROUILLÉE, CONSÉQUENCE DU PASSAGE EN FORCE DU
GOUVERNEMENT
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A. UN MANQUE D'ANTICIPATION PRÉJUDICIABLE
À LA MISE EN PLACE DE L'INSTITUTION
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III. LES NOMBREUX DÉFIS À RELEVER
POUR LE DÉFENSEUR DES DROITS
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I. LE DÉFENSEUR DES DROITS, UNE NOUVELLE
AUTORITÉ DE RANG CONSTITUTIONNEL
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ANNEXE 1
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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ANNEXE 2
COMPOSITION DES TROIS COLLÈGES
CHARGÉS D'ASSISTER LE DÉFENSEUR DES DROITS
N° 112
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2011 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2012 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME XVII
PROTECTION DES DROITS ET LIBERTÉS
Par Mme Virginie KLÈS,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Éliane Assassi, Esther Benbassa, MM. Yves Détraigne, Patrice Gélard, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-Pierre Michel, François Pillet, M. Bernard Saugey, Mme Catherine Tasca, vice-présidents ; Nicole Bonnefoy, Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Virginie Klès , secrétaires ; Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, Nicole Borvo Cohen-Seat, Corinne Bouchoux, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Jacqueline Gourault, Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Roger Madec, Jean Louis Masson, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Catherine Troendle, André Vallini, René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 3775, 3805 à 3812 et T.A. 754
Sénat : 106 et 107 (annexe n° 16 ) (2011-2012)
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOISLa commission des lois du Sénat, réunie le mercredi 23 novembre 2011 sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président, a examiné, sur le rapport pour avis de Mme Virginie Klès 1 ( * ) , les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2012 au programme « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Après avoir rappelé que ce programme regroupait les crédits de neuf institutions, Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis, a indiqué qu'elle avait concentré son analyse sur les crédits accordés à la CNIL et au Défenseur des droits. S'agissant de la CNIL, elle a relevé la très nette insuffisance des moyens budgétaires et humains alloués à cette institution au regard notamment de l'élargissement continu de ses missions par le législateur. Concernant le Défenseur des droits, elle a rappelé que cette autorité constitutionnelle indépendante s'était substituée en juin 2011 à quatre autorités administratives indépendantes (AAI), à savoir le Médiateur de la République, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis , a indiqué que les inquiétudes exprimées lors des débats parlementaires portant sur la création du Défenseur des droits semblaient avoir été bien prises en compte par la nouvelle institution et que le regroupement des 4 AAI devrait largement profiter aux trois plus petites , à savoir la HALDE, la CNDS et le Défenseur des enfants : non seulement l'accessibilité, la lisibilité et l'efficacité de ces institutions ne devraient pas être affectées, mais elles pourraient même se renforcer à moyen terme, à condition toutefois que la volonté manifestée par le Défenseur des droits d'agir dans ce sens ne soit pas contrecarrée par le Gouvernement. Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis , a ainsi souligné la nécessité pour ce dernier d'accompagner la dynamique positive engagée par l'institution, ce qui suppose : - qu'il s'emploie à installer très rapidement le Défenseur des droits sur un site unique ; - qu'il lui accorde des moyens en adéquation avec ses exigences de communication, l'étendue de ses pouvoirs, la hausse des saisines ainsi que sa politique salariale, fondée sur un alignement vers le haut des rémunérations et avantages sociaux du personnel. La commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Dans son allocution du 11 octobre 2011, M. Jean-Pierre Bel, président de notre assemblée, manifestait le souhait que le Sénat « s'affirme comme un contrôleur exigeant, protecteur des citoyens et des usagers. Cela s'inscrit pleinement dans sa tradition historique de défenseur des libertés publiques. ».
Cette tradition a conduit votre commission des lois à examiner les crédits accordés au programme « Défense des droits et libertés », et ce dès sa création en 2008 2 ( * ) .
A cet égard, votre rapporteur tient à rendre hommage à notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet, qui a rapporté, pendant trois ans, de 2008 à 2010, les crédits relatifs au présent programme.
Ce dernier est né de l a volonté renouvelée du Sénat de sanctuariser les crédits des autorités administratives indépendantes (AAI) en charge de la protection des droits et libertés. L'objectif était de neutraliser le principe de fongibilité asymétrique des crédits, institué par la LOLF, de nature à fragiliser ces autorités 3 ( * ) .
Le présent programme regroupe les crédits :
- du Défenseur des droits , autorité constitutionnelle indépendante qui s'est substituée en juin 2011 à quatre autorités administratives indépendantes, à savoir le Médiateur de la République, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) ;
- de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) ;
- de 7 AAI :
* la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ;
* le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) ;
* la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ;
* le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ;
* le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPG) ;
* la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) ;
* la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN).
Votre rapporteur a souhaité cette année concentrer son analyse sur les crédits accordés au Défenseur des droits , eu égard au rôle essentiel qu'est amenée à jouer cette jeune institution en matière de droits et libertés.
Elle souhaite toutefois marquer certaines interrogations concernant les attributions consultatives des autorités du présent programme. Il semble en effet que certaines d'entre elles, au premier rang desquelles la CNCDH, soient trop rarement - et en tout état de cause de moins en moins - consultées par le Gouvernement sur les projets de loi qui relèvent de leur compétence. Ce sujet sera approfondi dans le prochain avis budgétaire.
Votre rapporteur souhaite également présenter certaines observations relatives aux crédits de la CNIL et relever, en particulier, la très nette insuffisance des moyens budgétaires et humains alloués à cette institution au regard de l'élargissement continu de ses compétences.
En effet, le législateur a confié à la CNIL en 2011 deux nouveaux champs d'action :
- un contrôle général de la vidéoprotection : l'article 18 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, dite LOPPSI 2, attribue en effet à la CNIL une nouvelle mission en matière de contrôle des systèmes de vidéoprotection installés sur la voie publique . Avant l'adoption de cette loi, la CNIL était compétente uniquement sur les dispositifs de vidéoprotection installés dans les entreprises et dans l'ensemble des locaux n'accueillant pas du public. Cette évolution législative conduit la CNIL à exercer un contrôle sur un nombre de caméras 20 fois supérieur à la situation antérieure, puisque le nombre de dispositifs de vidéoprotection relevant de la CNIL est passé de 30.000 à 600.000 ! ; en 2011, la CNIL a diligenté 150 contrôles de vidéoprotection. Les objectifs pour l'année 2012, dans ce domaine, ne sont pas encore définis mais ne devraient guère dépasser 450, d'après les informations obtenues par votre rapporteur. Il est donc évident que cette activité de contrôle ne peut être considérée comme suffisante ;
- la réception des notifications des failles de sécurité : l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, prise sur le fondement de l'article 17 de la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011, rend obligatoire , pour les responsables de traitements de données à caractère personnel, l'information de la CNIL « en cas de violation » de l'intégrité ou de la confidentialité de ces données. La CNIL pourra ensuite, en cas d'atteinte portée aux données d'une ou plusieurs personnes physiques, d'une part, exiger que les responsables de traitement avertissent les intéressés et, d'autre part, diligenter des contrôles, mettre en demeure ces responsables de prendre les mesures correctrices, voire engager des procédures de sanction en cas de manquement aux obligations de sécurité qui leur incombent.
Comme l'a indiqué, au cours de son audition, M. Yann Padova, secrétaire général de la CNIL, s'il est difficile de mesurer précisément l'impact de la seconde mission (failles de sécurité), il est indéniable que la première (vidéoprotection) aura nécessairement un impact important sur le volume d'activité de l'institution en 2012 .
Or, les crédits de paiement de l'institution ne progressent que de 9 % et les effectifs de 7 % 4 ( * ) . Comment la CNIL pourrait-elle avec 11 ETPT supplémentaires fonctionner efficacement quand l'une de ses compétences est multipliée par 20 ? Ces chiffres démontrent clairement que la logique sécuritaire du Gouvernement n'est en rien entourée de garanties , les organes de protection et de contrôle étant dépourvus de moyens.
En outre, l'insuffisance des moyens alloués à la CNIL conduit à hypothéquer, une nouvelle fois, le projet de déconcentration de l'institution . Rappelons, à cet égard que, sous la présidence de M. Alex Türk, la CNIL avait exprimé le souhait d'installer neuf antennes interrégionales qui auraient été investies de missions de contrôle, de conseil, de traitement des plaintes les plus simples mais également - et ce point est important pour votre rapporteur - de missions d'information et de sensibilisation aux enjeux de la protection des données personnelles : en effet, la prévention et l'éducation sont toujours préférables et plus efficaces que le contrôle et la répression.
Votre rapporteur reconnaît toutefois qu'il est peut-être désormais trop tard pour mener à bien un tel projet car la directive du 24 octobre 1995, qui sert de cadre juridique à la protection de la vie privée en Europe 5 ( * ) , devrait être révisée à court terme. Or, cette révision pourrait conduire à redéfinir les missions des autorités de protection des données et donc à rendre peut-être moins pertinent le schéma d'antennes interrégionales évoqué plus haut.
* * *
Ces observations ponctuelles étant faites, votre rapporteur a souhaité, cette année, examiner de manière approfondie la mise en place du Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante qui s'est substituée en juin 2011 au Médiateur de la République, à la HALDE, au Défenseur des enfants et à la CNDS.
I. LE DÉFENSEUR DES DROITS, UNE NOUVELLE AUTORITÉ DE RANG CONSTITUTIONNEL
A. UN ACCOUCHEMENT DANS LA DOULEUR
1. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008
La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 a créé, en son article 41, un nouvel article 71-1 de la Constitution instituant un Défenseur des droits. Son premier alinéa précise que « le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences. ».
Cet article renvoie à une loi organique le soin de définir « les attributions et les modalités d'intervention du Défenseur des droits ».
Le groupe socialiste du Sénat s'était à l'époque opposé à la création de cette nouvelle autorité, au motif que son périmètre d'action apparaissait particulièrement flou . Ainsi, lors de l'audition par votre commission de Mme Rachida Dati, alors garde des sceaux, ministre de la justice, nos anciens collègues MM. Bernard Frimat et Robert Badinter s'étaient étonnés que le Gouvernement puisse proposer au pouvoir constituant de créer une institution aussi fondamentale sans en préciser clairement les contours.
Mme Rachida Dati avait, pour toute réponse, indiqué qu'il appartiendrait au législateur organique de préciser son périmètre d'action selon une « approche pragmatique et progressive » 6 ( * ) .
2. La loi organique du 29 mars 2011
Le législateur organique a finalement opté pour un large périmètre de compétence du Défenseur des droits .
Il a en effet souhaité, comme indiqué précédemment, que ce dernier se substitue à quatre AAI : le Médiateur de la République, la CNDS, le Défenseur des enfants et la HALDE.
Votre rapporteur souligne que la fusion de ces quatre autorités ne s'est pas faite sans mal, tant s'en faut.
Elle souligne tout d'abord qu'elle n'est intervenue que le 29 mars 2011, soit près de trois ans après la révision constitutionnelle susmentionnée.
Elle rappelle ensuite qu'au cours des débats, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, de nombreux parlementaires, dont certains étaient issus de la majorité présidentielle, ont craint que la dilution du Défenseur des enfants, de la HALDE et de la CNDS au sein d'une institution aux compétences élargies n'entraine une régression pour la protection des droits et libertés .
D'ailleurs, en première lecture, le Sénat avait, dans un premier temps, maintenu l'autonomie du Défenseur des enfants , c'est-à-dire exclu cette institution du champ de compétence du Défenseur des droits, avant d'adopter une position contraire en seconde délibération.
Votre rapporteur a toutefois acquis la conviction 7 ( * ) , à l'issue de l'audition du Défenseur des droits et de son équipe, que ces inquiétudes ont bien été prises en compte par la nouvelle institution et que le regroupement des 4 AAI devrait largement profiter aux trois plus petites, à savoir la HALDE, la CNDS et le Défenseur des enfants : non seulement l'accessibilité, la lisibilité et l'efficacité de ces institutions ne devraient pas être affectées, mais elles pourraient même se renforcer à moyen terme, à condition toutefois que la volonté manifestée par le Défenseur des droits d'agir dans ce sens ne soit pas contrecarrée par le Gouvernement (cf. supra ).
B. UN RATTACHEMENT BUDGÉTAIRE CONTESTABLE
Le Gouvernement a fait le choix de rattacher le Défenseur des droits au programme « Défense des droits et libertés ».
Pourtant, l'article 10 de la loi ordinaire n° 2011-334 relative au Défenseur des droits prévoit, à l'initiative de votre commission, que « l'autonomie budgétaire du Défenseur des droits est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances. »
Cette disposition est identique à celle qui a été introduite, également à l'initiative de votre commission, par l'article 9 de la loi organique relative à l'application de l'article 65 de la Constitution pour le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) 8 ( * ) . L'objectif poursuivi était semblable : assurer au Défenseur des droits ou au CSM un budget sanctuarisé dans un programme budgétaire spécifique .
Le Conseil constitutionnel l'a clairement reconnu puisqu'à l'occasion de l'examen de la loi organique relative à l'application de l'article 65 de la Constitution, il a considéré « qu'en conférant au Conseil supérieur de la magistrature « l'autonomie budgétaire », le législateur organique a, sans méconnaître la Constitution, entendu confier à la loi de finances le soin de créer un programme permettant de regrouper de manière cohérente les crédits de ce conseil » 9 ( * ) .
En effet, aux termes du sixième alinéa du paragraphe I de l'article 7 de la LOLF (loi organique du 1 er août 2001), « un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation ».
En conséquence, en conférant au Défenseur des droits et au CSM « l'autonomie budgétaire », le législateur organique a entendu confier à la loi de finances le soin de créer un programme budgétaire spécifique permettant d'isoler les crédits du Défenseur des droits comme ceux du CSM.
Votre rapporteur ne peut que regretter la résistance du Gouvernement à respecter la volonté du législateur organique, confortée par l'interprétation du Conseil constitutionnel.
En effet, comme le souligne l'avis de notre collègue Mme Catherine Tasca, les crédits du CSM pour l'année 2011 figuraient toujours, au sein de la mission « Justice », sous la forme d'une action du programme « Justice judiciaire ». La disposition introduite dans la loi organique à l'initiative du Sénat était ainsi au mieux restée une déclaration de principe sans réelle portée en termes d'indépendance budgétaire. Ça n'est qu'à la faveur d'une démarche conjointe de votre commission et de celle des finances que le Gouvernement a accepté de modifier la maquette budgétaire , avec la création, pour le projet de loi de finances pour 2012, d'un programme propre au Conseil supérieur de la magistrature.
Votre rapporteur estime que ce même raisonnement aurait dû conduire le Gouvernement à inscrire les crédits du Défenseur des droits au sein d'un programme spécifique .
Lors de son audition, M. Serge Lasvignes, secrétaire général du Gouvernement, a fait valoir que dans la mesure où les anciennes AAI regroupées au sein du Défenseur des droits étaient rattachées au programme « Défense des droits et libertés », l'inscription dans ce même programme de la nouvelle institution, d'ailleurs créée en cours de gestion, répondait à un souci de continuité .
Toutefois, la création du Défenseur des droits marque la volonté d'un changement institutionnel qui doit se traduire dans la nomenclature budgétaire. La volonté du législateur organique doit donc être respectée et se concrétiser par la création d'un programme spécifique au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Une telle solution présenterait l'avantage de dissocier le Défenseur des droits , autorité de rang constitutionnel, et les AAI, à valeur législative. Il permettrait également de sanctuariser les crédits du Défenseur des droits car la LOLF a institué le principe de fongibilité des crédits au sein d'un même programme. Ainsi, en l'état actuel de la maquette budgétaire proposée par le Gouvernement et validée par l'Assemblée nationale, les crédits du Défenseur des droits pourraient, au cours de l'exercice 2012, être réduits pour abonder les crédits d'une AAI.
II. UN FONCTIONNEMENT OBÉRÉ PAR UN MANQUE D'ENGAGEMENT RÉEL DE L'EXÉCUTIF
A. UN MANQUE D'ANTICIPATION PRÉJUDICIABLE À LA MISE EN PLACE DE L'INSTITUTION
1. Des nominations tardives
Alors que la loi organique et la loi ordinaire relatives au Défenseur des droits ont été promulguées le 29 mars 2011, il a fallu attendre près de trois mois pour qu'intervienne la nomination du titulaire du poste. En effet, M. Dominique BAUDIS n'a été nommé Défenseur des droits que le 23 juin 2011 , par décret du Président de la République.
Comment la transition a-t-elle été gérée par le Gouvernement qui avait pourtant déjà disposé de trois ans pour y réfléchir ?
Signalons ici que l'article 44 de la loi organique prévoyait que le Défenseur des droits succèderait :
- au Médiateur de la République le lendemain de sa publication . Le Médiateur a donc disparu le 31 mars 2011 ;
- au Défenseur des enfants, à la HALDE et à la CNDS, le premier jour du deuxième mois suivant la date de promulgation de la loi organique : ces institutions ont donc été absorbées au sein du Défenseur des droits le 1 er mai 2011 .
Dans l'attente de la désignation du Défenseur des droits, les autorités regroupées au sein de la nouvelle institution ont dû poursuivre leurs activités de façon autonome, sans qu'aucun cap ne leur soit donné.
Interrogé par votre rapporteur sur les modalités de la transition, le Défenseur des droits a répondu que le Secrétaire général du Gouvernement (SGG) avait alors précisé, dans un courrier adressé aux anciens responsables administratifs des quatre autorités, les dispositions à prendre avant qu'intervienne la désignation du Défenseur des droits.
Le SGG a estimé qu'il appartenait « aux responsables administratifs des autorités auxquelles le Défenseur se substitue d'assurer, par intérim, la continuité du service à la fois en ce qui concerne les mesures de gestion des personnels et des moyens transférés au Défenseur des droits en vertu de la loi organique et en ce qui concerne les procédures dont ces autorités avaient la charge. Chacun des responsables administratifs concernés (secrétaire général, directeur général ou délégué général) dispose à cette fin des pouvoirs dévolus, conformément aux principes du droit public, à l'intérimaire. Ces responsables sont habilités à prendre toutes les mesures de gestion nécessaires à la continuité du service ainsi que les décisions commandées par l'urgence ».
Le Défenseur des droits a indiqué à votre rapporteur que pendant la période transitoire le traitement des réclamations s'était poursuivi dans de bonnes conditions, les courriers étant signés par les responsables administratifs des anciennes autorités .
Une page Internet commune a également été mise en ligne pour présenter la nouvelle Institution tout en permettant le renvoi, selon la mission concernée, vers les sites des anciennes autorités.
Page www.defenseurdesdroits.fr d'avril à juillet 2011
Le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle indépendante qui veille au respect des droits et libertés par toute personne, publique ou privée. De quoi est-il chargé ? - de défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les services publics, - de défendre et de promouvoir l'intérêt supérieur et les droits de l'enfant, - de lutter contre les discriminations prohibées par la loi et de promouvoir l'égalité, - de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité. Conformément à la loi organique n°2011-333 et la loi ordinaire n°2011-334 du 29 mars 2011, le Défenseur des droits succède au Médiateur de la République, au Défenseur des enfants, à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) et à la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) à compter du 1er mai 2011. Qui peut le saisir ? Comment ? Toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'une administration ou d'un service public : Mission Médiation avec les services publics - 7 rue Saint Florentin, 75008 Paris Un enfant qui invoque la protection de ses droits ou une situation mettant en cause son intérêt, ou son représentant légal, un membre de sa famille, un service médical ou social, ou une association de défense des droits de l'enfant : Mission Défense des droits de l'enfant - 104 boulevard Auguste Blanqui, 75013 Paris Toute personne s'estimant victime d'une discrimination, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou un engagement international, que l'auteur présumé de cette discrimination soit une personne privée ou publique : Toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu'ils constituent un manquement à la déontologie par des personnes exerçant une activité de sécurité (police nationale, gendarmerie, police municipale, administration pénitentiaire, douanes, service de sécurité privée, service de surveillance des transports en commun, etc.) : Mission Déontologie de la sécurité - 62 boulevard de la Tour-Maubourg, 75007 Paris Le Défenseur des droits peut en outre se saisir d'office ou être saisi par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés sont en cause. Dans l'attente d'une adresse postale unique du Défenseur des droits, veuillez adresser votre dossier à l'adresse de l'ancienne institution concernée par votre réclamation, par le biais de l'un des formulaires de saisine en ligne ou bien en contactant les délégués territoriaux dont la liste figure sur les sites internet. |
Votre rapporteur souligne que la nomination tardive du Défenseur des droits par le Président de la République a été préjudiciable au bon fonctionnement des AAI concernées et donc à leur mission de protection des droits et libertés. En effet, nos concitoyens n'ont pu qu'être déroutés par l'annonce de la disparition du Médiateur de la République, de la HALDE, de la CNDS et du Défenseur des enfants, alors que la nouvelle institution n'avait, elle, personne à sa tête.
2. Les décrets d'application attendus jusqu'à fin juillet 2011
Le retard de nomination du Défenseur des droits a lui-même entrainé un retard dans l'adoption des mesures réglementaires.
En effet, les deux décrets d'application, pris après consultation de M. Dominique Baudis, n'ont été adoptés que fin juillet 2011 .
En premier lieu, le décret n° 2001-904 du 29 juillet 2011 précise la procédure applicable devant le Défenseur des droits (modalités de saisine du Défenseur des droits, conditions dans lesquelles celui-ci peut adresser une mise en demeure à une personne mise en cause, conditions dans lesquelles est exercé le pouvoir de vérification sur place...).
En second lieu, le décret n° 2001-905 du 29 juillet 2011 porte sur l'organisation et le fonctionnement du Défenseur des droits . Il précise ainsi les prérogatives des principaux collaborateurs du Défenseur et de ses adjoints, fixe les grandes lignes du fonctionnement des collèges, comporte des dispositions générales relatives au personnel (catégories d'agents susceptibles d'être employés)...
3. L'installation des collèges du Défenseur des droits en septembre 2011
La loi organique a prévu que trois collèges seraient chargés d'assister le Défenseur des droits pour l'exercice de certaines attributions. Elle en a fixé la composition .
Le schéma ci-après présente le schéma d'organisation du Défenseur des droits , tel que voulu par le législateur organique.
L'ORGANISATION DU DÉFENSEUR DES
DROITS
Défenseur des droits
Le Défenseur des droits bénéficie du concours d'un « délégué général à la Médiation avec les services publics » |
Protection des droits et libertés des usagers des services publics
- 18 -
Collège consultatif
- Défenseur des droits, président
-
adjoint spécialisé
du
Défenseur des droits,
vice-président
- 8 personnalités qualifiées :
* trois désignées par le Président du Sénat ;
* trois désignées par le Président de l'Assemblée nationale ;
* une désignée par le vice-président du Conseil d'Etat ;
* une désignée par le premier président de la Cour de cassation.
Collège consultatif
- Défenseur des droits, président
-
Défenseur des
enfants,
vice-président
- 6 personnalités qualifiées :
* deux désignées par le Président du Sénat ;
* deux désignées par le Président de l'Assemblée nationale ;
* une désignée par le président du Conseil économique, social et environnemental ;
* un membre ou ancien membre de la Cour de cassation.
Collège consultatif
- Défenseur des droits, président
-
adjoint spécialisé
du
Défenseur des droits,
vice-président
- 8 personnalités qualifiées :
* trois désignées par le Président du Sénat ;
* trois désignées par le Président de l'Assemblée nationale ;
* un membre ou ancien membre du Conseil d'Etat ;
* un membre ou ancien membre de la Cour de cassation.
Respect de la déontologie de la sécurité
Lutte contre
Défense et promotion
|
Les membres des trois collèges qui entourent le Défenseur des droits ont été désignés par les différentes autorités de nomination au cours de l'été 2011 . Ils ont été installés les 12, 13 et 14 septembre 2011 10 ( * ) .
Le Défenseur des droits a désigné trois adjointes :
- Mme Marie Derain, chargée de la défense des enfants ;
- Mme Maryvonne Lyazid, compétente en matière de lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité ;
- Mme Françoise Mothes, spécialisée dans le domaine de la déontologie dans le domaine de la sécurité.
Par ailleurs, M. Bernard Dreyfus a été nommé, par décision du Défenseur des droits en date du 3 août 2011, Délégué général à la Médiation avec les services publics . Il occupait jusque là les fonctions de délégué général du Médiateur de la République.
Votre rapporteur s'est interrogé sur ce poste de « délégué général à la Médiation avec les services publics » , non prévu par la loi organique.
Le Défenseur des droits a indiqué que la création de cette fonction répondait au souci d' « identifier expressément l'ensemble des compétences du Défenseur des droits. »
Notons que ce délégué général n'est pas pour autant un quatrième adjoint du Défenseur des droits.
A cet égard, il convient de rappeler qu'afin de ne pas limiter le nombre d'adjoints, l'article 11 de la loi organique relative au Défenseur des droits prévoit que :
« Sur proposition du Défenseur des droits, le Premier ministre nomme les adjoints du Défenseur des droits, dont :
« - un Défenseur des enfants (...) ;
« - un adjoint, vice-président du collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité (...) ;
« - un adjoint, vice-président du collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité (...). »
Le terme « dont » a été introduit lors des débats parlementaires pour permettre au Défenseur des droits de désigner d'autres adjoints , non seulement dans l'optique de leur confier des missions spécifiques pour renforcer l'organisation interne de l'institution, mais également, précisément, pour assister le Défenseur des droits dans sa compétence de médiation avec les services publics.
Lors de son audition par la Commission des lois de l'Assemblée nationale (1 ère lecture), M. Michel Mercier, Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, affirmait d'ailleurs que le Défenseur des droits serait « assisté par des adjoints et des collèges, qui lui apporteront leurs compétences dans chacun de ses domaines d'intervention ».
Toutefois, le Défenseur des droits n'a pas jugé opportun de créer un adjoint en charge des relations avec l'administration et préféré mettre en place un « délégué général », comme indiqué précédemment.
Interrogé par votre rapporteur, il a présenté deux arguments à l'appui de ce choix : en premier lieu, il a fait valoir qu'un adjoint supplémentaire aurait « une légitimité moindre que les trois créés par la loi, d'autant qu'il n'aurait pas de collège ». En second lieu, il a redouté d'ouvrir la « Boite de Pandore » : « Il est également à craindre qu'une fois franchie la borne posée par la loi, il n'y ait plus de limite ; or une multiplication d'adjoints diluerait l'autorité de ceux que le législateur a créés ».
Votre rapporteur ne souhaite pas porter d'appréciation , à ce stade, sur les choix d'organisation interne retenus par le Défenseur des droits. Elle considère en revanche que le Défenseur des droits devra évaluer précisément la pertinence du poste de « délégué général » après un temps de fonctionnement suffisant et ne pas exclure a priori l'installation d'un adjoint en charge des relations avec les administrations , quand bien même il serait, en l'état actuel de la loi organique, dépourvu de collège.
B. UN MANQUE D'ANTICIPATION ÉGALEMENT PRÉJUDICIABLE AU FONCTIONNEMENT DE L'INSTITUTION, POURTANT PRÉSENTÉE COMME ISSUE D'UNE FORTE VOLONTÉ POLITIQUE
Alors que le Gouvernement n'a eu de cesse de présenter la création du Défenseur des droits comme une étape essentielle vers la « démocratie irréprochable » que les Français attendent, l'absence d'anticipation de la mise en place effective de la nouvelle institution laisse votre rapporteur perplexe.
Déjà, dans son rapport budgétaire de l'an passé, votre commission des lois s'était étonnée que ni l'étude d'impact du projet de loi organique sur le Défenseur des droits ni les documents budgétaires du Gouvernement n'aient analysé les besoins financiers et les possibilités de localisation de cette nouvelle autorité. Là encore, pourtant, le délai écoulé entre la décision de création de cette autorité de rang constitutionnel et les décrets d'application permettaient largement d'envisager des solutions pratiques et concrètes.
En premier lieu, l'étude d'impact du projet de loi organique sur le Défenseur des droits s'était révélée particulièrement pauvre sur les aspects budgétaires et organisationnels : l'étude se bornait à indiquer, sans s'appuyer sur aucune donnée chiffrée ni aucune projection concrète , que la réunion des compétences de différentes AAI devait favoriser une « meilleure allocation des moyens ».
En second lieu, les documents budgétaires relatifs au projet de loi de finances pour 2011 étaient quasi-muets sur la mise en place attendue du Défenseur des droits : le projet annuel de performances pour 2011 appelait simplement à « conserver à l'esprit la création prochaine du Défenseur des droits » et les services du Premier ministre n'avaient pas été en mesure d'apporter des réponses précises au questionnaire budgétaire adressé par notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet, alors rapporteur budgétaire du présent programme.
Votre commission considérait qu'il eût été opportun, voire naturel, que les services du Premier ministre engagent, dès le vote des textes au Sénat en première lecture, soit dès le mois de juin 2010 , une réflexion avec les AAI concernées pour préparer au mieux la transition - sur un plan humain et budgétaire - quitte à prévoir différents scénarii en fonction de la position des députés.
Or, non seulement aucune réunion de concertation n'est intervenue sous l'égide de Matignon, mais encore aucun mandat n'a été donné aux AAI concernées pour anticiper la mise en place de la nouvelle autorité alors qu'il aurait pu être utilement décidé de désigner une mission de préfiguration , chargée de conduire un travail exploratoire sur au moins deux points essentiels :
- d'une part, les perspectives réelles à court, moyen et long termes de mutualisation et de dépenses du Défenseur des droits en 2011, perspectives qui conditionnent le budget de ce dernier ;
- d'autre part, la question de la localisation du futur Défenseur des droits.
Votre rapporteur déplore que le message adressé l'an passé par votre commission au Gouvernement n'ait pas été entendu par ce dernier .
A lui seul, le défaut d'anticipation du Gouvernement fait clairement apparaître que la création du Défenseur des droits répondait davantage à un souci d'affichage politique qu'à une volonté de faire progresser notre démocratie.
1. La question essentielle de la localisation
Si elle peut paraître anodine, la question de localisation du Défenseur des droits est absolument essentielle dans l'optique de créer, au sein du personnel, une « culture commune » et un sentiment d'appartenance à une même institution . Cette question conditionne également le respect de l'objectif d' économies budgétaires , objectif poursuivi par le Gouvernement au travers du regroupement de quatre AAI.
C'est pourquoi, dans son rapport budgétaire de l'an passé, votre commission avait jugé indispensable d'installer le Défenseur des droits, dès sa création, sur un site unique .
Elle s'était étonnée que le Gouvernement se résigne à ce qu'une autorité constitutionnelle de défense des droits et libertés soit éclatée sur plusieurs sites, dans l'attente d'une localisation unique, avenue de Ségur à Paris, en 2015-2016.
Certes, votre commission avait relevé, l'an passé, que les perspectives de regroupement se heurtaient aux conditions juridiques des baux pris par les AAI auxquelles succède le Défenseur des droits. En effet, la HALDE (rue Saint-Georges, Paris 9) et le Médiateur de la République (rue Saint-Florentin, Paris 8) ont conclu des baux jusqu'en 2014, terme non résiliable.
Lors de son audition, le Défenseur des droits a indiqué à votre rapporteur que beaucoup de temps et d'énergie avaient été mobilisés pour étudier les solutions préconisées par France Domaine.
Deux options sont actuellement à l'étude :
- agrandir les locaux de l'ex-HALDE et de l'ex-Médiateur. Ce projet, qui permettrait de regrouper le personnel du Défenseur des droits sur deux sites, suppose, d'une part, de résilier les baux de la CNDS (Boulevard de la Tour Maubourg, Paris) et ceux du Défenseur des enfants (Boulevard Auguste Blanqui, Paris), d'autre part, de louer des surfaces supplémentaires au rez-de-chaussée des adresses de l'ex-HALDE et de l'ex-Médiateur, avec une fin de bail concordant avec la fin des baux des immeubles principaux (solution comprenant des négociations sur les montants des loyers, très élevés actuellement) ;
- louer de nouveaux locaux, rue de Richelieu, à Paris et résilier les baux de la CNDS et du Défenseur des enfants. Ce projet conduirait le Défenseur des droits à être présent sur trois sites .
Votre rapporteur salue les efforts du Défenseur des droits pour trouver une solution acceptable et opérationnelle afin de suppléer la défaillance du Gouvernement .
Il faut en effet rappeler avec force que l'Etat a juridiquement la possibilité de reloger certains services administratifs de l'Etat dans les locaux actuels de la HALDE et du Médiateur de la République, jusqu'en 2014, terme des baux des deux anciennes institutions.
Cette absence de volonté politique conduit à une situation préjudiciable au bon fonctionnement du Défenseur des droits ; en outre, elle rend difficile la réalisation d' économies budgétaires espérées et annoncées par le Gouvernement au travers de la réforme.
Votre rapporteur ne peut que condamner une telle situation et relève qu'elle se trouve en contradiction flagrante avec les objectifs qui ont présidé à la création du Défenseur des droits.
Lors de son audition, M. Serge Lasvignes, Secrétaire général du Gouvernement, a confirmé l'intention du Gouvernement d'installer à terme le Défenseur des droits dans un bâtiment situé avenue de Ségur à Paris. La livraison du bâtiment est attendue, a-t-il précisé, au second semestre 2015, avec une installation progressive des services début 2016.
M. Serge Lasvignes a également indiqué que l'efficacité d'une institution n'impliquait pas nécessairement un regroupement de l'ensemble de ses services sur un même site.
Votre rapporteur n'est guère convaincue par ces arguments.
En premier lieu, il est probable - sinon certain - que le calendrier espéré par le Gouvernement pour le projet « Ségur » ne sera pas tenu , eu égard aux retards quasi-systématiques que connaissent les opérations de rénovation de grande ampleur. En outre, la période d'austérité budgétaire que connaît la France générera inéluctablement des recherches d'économies qui allongeront les délais de réalisation des travaux.
En second lieu, il est étonnant de déclarer que l'efficacité du Défenseur des droits n'est en rien affectée par son éclatement géographique et, dans le même temps, de louer le mérite d'un vaste programme de regroupement avenue de Ségur, étant précisé que ce projet concerne tant le Défenseur des droits que les services du Premier ministre. Sauf exceptions, ces derniers ont en effet vocation à rejoindre le bâtiment Ségur alors même que ce sont des structures beaucoup plus hétérogènes que les différents services d'une même institution... Il n'y en effet pas grand-chose de commun entre, par exemple, la MIVILUDES, la MILDT, le SGG, le SIG 11 ( * ) ...
Enfin, votre rapporteur souligne que la période qui s'étale de la fin des baux de l'ex-Médiateur et de l'ex-Halde, c'est-à-dire en 2014, à l'installation prévisionnelle avenue de Ségur, en 2016-2017, va être particulièrement difficile à gérer pour le Défenseur des droits. En effet, ce dernier devra, en 2014, se rapprocher des propriétaires des locaux situés rue Saint-Florentin et rue Saint-Georges afin de renouveler les baux, par avenants, dans l'attente du déménagement de l'institution avenue de Ségur. Or, l'impossibilité où il sera d'envisager toute solution de déménagement provisoire et de fixer une date certaine de déménagement le mettra en position de faiblesse dans les négociations avec les bailleurs : votre rapporteur ne peut donc que redouter des augmentations conséquentes des loyers - déjà exorbitants - pendant cette période transitoire qui pourrait durer plusieurs années compte tenu des retards - très probables, on l'a dit - du « projet Ségur ».
Sur cette question, la réponse apportée par le SGG n'est guère satisfaisante : « La période entre la fin des baux (2014) et l'installation sur le site de Ségur (2016) pourra être gérée par le Défenseur des droits en relation avec les services de l'Etat (France Domaine, DSAF) qui disposent non seulement des compétences pour les discussions avec les propriétaires, mais encore des moyens de comparaison des coûts de maintien sur les sites des rues Saint-Florentin et Saint-Georges avec ceux des autres solutions envisageables (déménagement, travaux d'adaptation des locaux, autres loyers). »
Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur pense qu'il serait plus cohérent - et plus conforme à l'objectif affiché de la réforme - d'installer très rapidement l'ensemble des services du Défenseur des droits sur un site unique . Même difficile à régler, ce point ne peut souffrir de délai.
En 1970, Henry Kissinger demandait « l'Europe, quel numéro de téléphone ? ». Quarante ans plus tard, on peut s'interroger, de la même façon : « le Défenseur des droits, quelle adresse ? »...
2. Un budget 2011 déjà insuffisant pour permettre au Défenseur des droits d'exercer pleinement sa mission
Dans son rapport de l'an passé, votre commission avait relevé que 2011 serait une année budgétairement difficile pour le Défenseur des droits.
En effet, le Gouvernement a estimé que le Défenseur des droits pourrait fonctionner en 2011 avec les seuls crédits cumulés des AAI qui ont rejoint le Défenseur des droits.
Pourtant votre commission avait souligné que les dépenses de l'institution, en particulier celles de communication , devraient nécessairement être supérieures à l'addition de celles des quatre AAI concernées.
En réponse au questionnaire budgétaire, le Défenseur des droits a d'ailleurs reconnu que « le premier impératif qui s'impose au Défenseur des droits est de faire connaître la nouvelle Institution » .
En effet, il est essentiel de s'assurer de la bonne perception par le grand public des compétences du Défenseur des droits dont le titre - très large - pourrait laisser accroire qu'il détient une compétence générale alors qu'il ne défend, en réalité, que les droits déjà défendus par chacune des AAI intégrées. La politique de communication du Défenseur des droits doit donc favoriser l'identification par les Français des différentes missions qui lui sont confiées . A cet égard, le Défenseur des droits a indiqué qu' « un travail de communication axé sur la pédagogie est en cours d'élaboration afin de présenter clairement à nos concitoyens qui est le Défenseur des droits, dans quels cas il peut intervenir, quelles sont les réclamations qui ne relèvent pas de sa compétence, et de quels moyens d'action il est doté. »
Un telle politique de communication a nécessairement un impact financier . On rappellera d'ailleurs, à titre d'exemple, que la HALDE avait engagé, dès sa création, d'importantes dépenses de communication.
Évolution des dépenses de communication
de la HALDE entre 2006 et 2009
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
|
Montant
|
2,99 |
1,85 |
1,27 |
0,83 |
Part dans les dépenses
|
29 % |
15 % |
11 % |
7 % |
Cette institution avait cherché les premières années de son existence à promouvoir son rôle et son action auprès du grand public : elle a donc mené de grandes - et coûteuses - campagnes d'information dont l'ampleur et le montant se sont réduits au fil des ans.
Ces campagnes étaient nécessaires : la protection des droits n'a en effet de sens que si les autorités qui sont chargées de l'assurer sont connues du plus grand nombre .
Or, le budget alloué au Défenseur des droits en 2011, comme d'ailleurs celui qui lui est accordé pour 2012 ( cf. infra ), ne lui permet pas de promouvoir son rôle ni son action dans des conditions satisfaisantes . Le Défenseur des droits le reconnaît implicitement puisqu'il a indiqué à votre rapporteur que « du fait d'importantes contraintes budgétaires », il souhaitait « définir une stratégie de communication limitée aux actions les plus essentielles. ».
Ainsi a-t-il identifié certaines priorités : la création d'un logo et d'une charte graphique reflétant les valeurs de l'Institution, la mise en place d'un site Internet unique 12 ( * ) , l'élaboration d'une plaquette de présentation à l'attention du grand public et la diffusion d'une lettre d'information mensuelle, papier mais surtout numérique, à destination des publics institutionnels.
Signalons tout de même que le Secrétariat général du Gouvernement (SGG) a accepté de financer le site Internet du Défenseur des droits afin de desserrer les contraintes budgétaires qui pèsent sur l'institution. Cette dernière avait fait valoir que la réalisation du site Internet relevait d'une véritable urgence , non seulement pour faire connaître l'Institution auprès de nos concitoyens mais également pour permettre la saisine en ligne du Défenseur.
L'appui du SGG, précise le Défenseur des droits, a permis la mise en oeuvre rapide de ce projet, en particulier grâce à son inscription dans les marchés déjà conclus par le Service d'information du Gouvernement (SIG). Le Défenseur des droits a ainsi pu bénéficier de l'expertise de ce service dans des délais compatibles avec la mise en place, en 2011, de la nouvelle Institution.
Le Défenseur des droits a indiqué à votre rapporteur que l'apport technique du SIG n'avait en aucun cas affecté l'indépendance de l'institution pour laquelle ce service a joué, en relation avec l'agence de communication travaillant pour le Défenseur des droits, un rôle de prestataire extérieur.
C. LE DÉFENSEUR DES ENFANTS, UNE VISIBILITÉ BROUILLÉE, CONSÉQUENCE DU PASSAGE EN FORCE DU GOUVERNEMENT
Comme indiqué précédemment, le législateur organique a intégré le Défenseur des enfants au sein du Défenseur des droits. Afin de répondre aux nombreuses inquiétudes exprimées lors des débats parlementaires quant à la disparition du Défenseur des enfants, il a été décidé de qualifier expressément de « Défenseur des enfants » l'adjoint du Défenseur des droits en charge de la protection de l'enfance.
Il en résulte une organisation souffrant d'un manque de lisibilité puisque le Défenseur des droits est entouré de trois adjoints :
- un adjoint en charge des questions de déontologie de la sécurité ;
- un adjoint compétent en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité ;
- un adjoint spécialisé dans la protection de l'enfance.
Tandis que les deux premiers adjoints n'ont pas de titre particulier, le troisième est identifié par la loi organique comme le « Défenseur des enfants », que le législateur organique a eu grand peine à intégrer au Défenseur des droits.
Dans ce contexte, votre rapporteur a souhaité savoir si le Défenseur des droits estimait, au vu des travaux préparatoires, que la nouvelle institution devait se consacrer davantage à la Défense des enfants qu'à ses autres missions.
Le Défenseur des droits a répondu qu'il ne favoriserait a priori aucune de ses missions au détriment des autres.
Il a simplement rappelé :
- que la protection des droits de l'enfant bénéficiait des prérogatives très largement renforcées du Défenseur des droits par rapport à l'institution à laquelle il succède : pouvoirs d'investigation et de mise en demeure, pouvoir de visite sur place, pouvoir d'injonction, pouvoir d'accompagner le réclamant devant le juge 13 ( * ) ... ;
- que la loi organique avait prévu la publication annuelle d'un rapport thématique consacré spécifiquement aux droits de l'enfant, et ce à l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant, le 20 novembre.
A cet égard, le rapport thématique porte cette année sur le placement de l'enfant . Réalisé sous l'égide de Marie Derain, Défenseure des enfants, il examine le cadre juridique qui régit les différents placements, les contextes psychiques de la séparation, la place accordée à l'enfant et l'exercice de leurs droits (recueil de leur parole, intimité, scolarité et santé, protection contre les violences, maintien des liens familiaux, préparation à la fin du placement).
III. LES NOMBREUX DÉFIS À RELEVER POUR LE DÉFENSEUR DES DROITS
Comme indiqué précédemment, le Défenseur des droits hérite d'une situation délicate, qui résulte pour une très large part de l'absence de volonté politique réelle du Gouvernement qui n'a pas su donner à la nouvelle institution toutes les chances de succès.
Cette situation rend malaisé le bon accomplissement des missions de la nouvelle institution, même si votre rapporteur a pu constater, lors de l'audition du Défenseur des droits et de son équipe, que la nouvelle autorité semble s'être approprié la réforme et entend porter haut la défense des droits et libertés, en dépit du contexte difficile.
A. FAIRE CONNAITRE L'INSTITUTION AU PLUS GRAND NOMBRE
1. Les contraintes budgétaires pour 2012
La nouvelle institution devra engager d'importantes dépenses de communication pour asseoir son existence dans le paysage institutionnel français.
Or, votre rapporteur a déjà relevé l'insuffisance du budget accordé à l'institution en 2011 compte tenu de l'absence d'anticipation, par le Gouvernement, de la création du Défenseur des droits.
La situation ne s'annonce pas meilleure en 2012 puisque le budget du Défenseur des droits accordé par le Gouvernement, qui s'élève à environ 30 millions d'euros, ne sera supérieur que de 0,7 % à celui qui résulte de l'addition des 4 AAI intégrées. Cette très faible progression en valeur marque en fait un recul du budget en volume puisque l'inflation devrait s'établir à 1,75 % en 2012.
Cette situation ne devrait guère permettre au Défenseur des droits de lancer les nécessaires campagnes d'information .
De même, lors de son audition au Sénat le 14 juin, M. Dominique Baudis a annoncé qu'il organiserait de nombreux déplacements : « Le Défenseur des droits ne doit pas non plus rester enfermé entre quatre murs ! Si vous me faites confiance, je prends l'engagement de me rendre dans chaque région d'ici la fin de l'année et d'aller régulièrement sur le terrain, y compris outre-mer et à l'étranger, rencontrer les élus, les associations, les acteurs de la société civile et les individus qui font appel au Défenseur ».
Si votre rapporteur ne peut qu'approuver ces déplacements, indispensables à une bonne connaissance par le public des missions du Défenseur des droits, il n'en demeure pas moins qu'ils ont inévitablement un coût et se heurtent aux contraintes budgétaires évoquées précédemment.
De la même façon, le rapport consacré aux droits de l'enfant, précédemment évoqué, sera principalement diffusé sous forme numérique. Le Défenseur des droits a indiqué que ce choix tenait notamment à des « raisons d'ordre budgétaire ». Votre rapporteur relève que ces contraintes limitent nécessairement l'impact de ce rapport.
Enfin, la situation budgétaire du Défenseur des droits ne devrait guère lui permettre de développer sa présence sur Internet . Cette présence passe en effet par des actions assurant, d'une part, une bonne visibilité dans le cadre de l'Internet participatif dit 2.0 , d'autre part, un bon référencement par les moteurs de recherche.
Sur le premier point, le Défenseur des droits pourra s'appuyer sur le lancement par le Médiateur de la République, en février 2010, d'une plateforme participative intitulé « Le Médiateur et vous » qui vise à « canaliser et à utiliser au mieux les propositions de réformes émanant des citoyens » ; cette plateforme doit permettre l'accès le plus large possible à la connaissance et à la réflexion sur les problématiques liées à la défense des droits, qu'il s'agisse de problèmes concrets ou de débats de société au sens large. D'une manière générale, notre collègue Jean-Claude Peyronnet avait opportunément encouragé les AAI à s'impliquer dans le cadre de l'Internet participatif, citant l'exemple de la CNIL, qui est, depuis 2010, présente sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter afin de dispenser des conseils pratiques permettant aux citoyens d'utiliser ces réseaux tout en préservant leur image et leur vie privée. La CNIL est aussi présente sur Dailymotion avec des contenus vidéo. C'est pourquoi votre rapporteur ne peut que se réjouir que le Défenseur des droits, ait, d'ores et déjà, créé un compte « Facebook », conscient de l'importance et de l'impact actuel de ce réseau.
Sur le second point, à savoir le référencement du site Internet du Défenseur des droits, notre collègue Jean-Claude Peyronnet avait constaté, l'an passé, que les AAI étaient mal référencées par les moteurs de recherche d'Internet. Le Défenseur des droits semble avoir pris la mesure de l'importance de cette question puisqu'il a indiqué, en réponse au questionnaire budgétaire : « S'agissant des recommandations faites par Monsieur Peyronnet dans le rapport qu'il a présenté au nom de la Commission des Lois concernant le PLF 2011, il est, en effet, regrettable que les autorités administratives indépendantes soient mal référencées par les moteurs de recherche d'Internet. Compte-tenu de l'utilité du référencement, le Défenseur des droits veillera à l'engagement de dépenses en la matière pour son futur site Internet, ce qui améliorera la notoriété de l'Institution à moindre coût. »
A titre d'exemples, il est impératif que les requêtes sur Google : « violence policière » ou « protection de l'enfance » fassent apparaître, en première page de résultats, le site du Défenseur des droits, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
A cette fin, le Défenseur des droits devra engager des dépenses de référencement de son site Internet sur les moteurs de recherche. Ces dépenses, qui peuvent être élevées selon les prestataires et le cahier des charges, sont particulièrement utiles et présentent un ratio efficacité/coût très intéressant, sans doute supérieur à celui de l'envoi en nombre de supports de communication (rapports d'activité, plaquettes...).
2. Des possibilités de communication à faible impact budgétaire
Faire connaître une nouvelle institution au plus grand nombre implique des frais de communication qui peuvent être importants.
Votre rapporteur insiste toutefois sur le fait que le Défenseur des droits pourrait aussi, compte tenu de son aura constitutionnelle, bénéficier - gratuitement - d'une très belle exposition médiatique .
Cela supposerait cependant que M. Dominique Baudis réagisse à l'actualité, se fasse inviter sur les plateaux de télévision ou dans les émissions de radio...
Lors de son audition le 14 juin 2011, notre collègue Jean-Pierre Sueur, devenu depuis président de notre commission des lois, avait interrogé M. Dominique Baudis sur ses intentions en la matière : « Votre position ne sera pas facile. Allez-vous vous contenter d'être le plus petit commun dénominateur de ces quatre institutions, ou défendre, avec le punch que l'on vous connaît, le droit, l'indépendance, la justice, la lutte contre les discriminations, bref, devenir un quasi-opposant, jouant un rôle essentiel dans la démocratie ? Après un discours comme celui, intolérable pour moi, de Grenoble, qui accusait les Roms, pourra-t-on s'attendre à une déclaration du Défenseur des droits ? Les propos du ministre de l'Intérieur sur les réfugiés tunisiens ou sur l'échec scolaire des immigrés susciteraient-ils une réaction, une dénégation de sa part ? Je le souhaite, mais cela modifierait en profondeur l'équilibre des institutions ! Comment vous situez-vous dans cette perspective ? ».
M. Dominique Baudis avait alors adopté une position très prudente , indiquant vouloir éviter « l'écueil de la surexposition médiatique qui banalise la parole de l'institution et l'entraîne sur le terrain polémique ». « Pas question de jouer l'imprécateur public sur les plateaux de télévision » avait-il ajouté, avant de conclure, « Le discours de Grenoble ? Je ne crois pas que le rôle du Défenseur des droits soit d'interpeller publiquement les autorités de la République. Au-delà des discours, il y a les actes. Le Défenseur des enfants a produit des rapports sur les enfants Roms : le Défenseur des droits pourra aller au-delà. L'évacuation des camps, par exemple, peut concerner la déontologie de la sécurité... Ce n'est pas dans la polémique mais dans l'exercice scrupuleux et rigoureux des prérogatives de l'institution que l'on peut, sur le terrain, essayer de réparer les injustices, les discriminations et les abus de droit. »
Sans porter d'appréciation, à ce stade, sur cette position - confirmée par le Défenseur des droits lors de son audition - votre rapporteur indique qu'elle évaluera, au fil des ans, si le Défenseur des droits met bien en oeuvre les actions auxquelles il s'est engagé 14 ( * ) .
Par ailleurs, elle considère que le Défenseur des droits pourrait, sans tomber dans le risque de l' « imprécation publique », faire oeuvre, dès à présent, de pédagogie en présentant l'institution à l'occasion de grands événements 15 ( * ) ou en concluant des partenariats avec l'audiovisuel public.
L'an passé, notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet avait salué le partenariat conclu il y a quelques années par la CNIL avec France Info : cette radio diffuse chaque semaine une chronique sur la protection des données personnelles.
Il avait appelé les autorités indépendantes, et en particulier le futur Défenseur des droits, à se rapprocher des chaînes parlementaires , ainsi que de France Télévision et/ou de Radio France pour ouvrir des temps d'antenne à la nouvelle institution.
Le Défenseur des droits a indiqué approuver cette recommandation et souligné qu'un contact avait, d'ores et déjà, été pris avec LCP-AN et Public Sénat.
3. La nécessaire mise en place d'études de notoriété
L'an passé, notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet avait mis en avant la nécessité pour le futur Défenseur des droits de mesurer régulièrement la notoriété réelle de la nouvelle institution et la connaissance par les Français de ses attributions .
Il avait ainsi appelé la nouvelle institution à bien évaluer non seulement la notoriété du nom « Défenseur des droits » mais également celle de son secteur d'intervention.
Ce point mérite que l'on s'y arrête. En effet, ça n'est pas parce que la population connaît le nom de « Défenseur des droits » qu'elle connait son domaine de compétence et, en conséquence, qu'elle sait dans quelles conditions elle peut s'adresser à lui.
Ceci est d'autant plus vrai que le Défenseur des droits résulte du regroupement de 4 AAI et qu'il est probable que la grande majorité de nos concitoyens l'ignore. Nombre d'entre eux pensent sans doute que les AAI concernées, notamment le Défenseur des enfants, ont purement et simplement disparu, sans que leurs missions n'aient été reprises par un autre organe.
L'étude de notoriété constitue, pour le Défenseur des droits comme pour les autres autorités indépendantes, un indicateur précieux de nature à leur permettre de conforter - ou, le cas échéant, d'infléchir - la politique de communication de l'institution. Les indicateurs traditionnels (nombre de saisines, de citations dans la presse, fréquentation du site Internet...) sont certes importants mais ne paraissent pas suffisants .
Le Défenseur des droits a indiqué à votre rapporteur qu'une étude de notoriété avait d'ores et déjà été lancée en juillet dernier et que ses résultats avaient été « plutôt positifs ».
Les questions ont porté sur différents sujets :
- la notoriété des anciennes autorités regroupées au sein du Défenseur des droits et celle de ce dernier ;
- les conséquences de la création du Défenseur des droits (efficacité de la défense des droits et des libertés, simplicité des procédures pour les réclamants, amélioration de la qualité du service rendu, compréhension du fonctionnement de la justice en France, importance du Défenseur des droits dans différents domaines d'action).
La prochaine étude de notoriété devrait être réalisée au cours du second semestre 2012 , une fois que la mise en place de l'institution sera stabilisée.
B. RÉPONDRE AUX NOUVELLES DEMANDES
1. Réduire le nombre de demandes irrecevables
Dans son dernier rapport d'activité, le Médiateur de la République soulignait qu'environ la moitié des dossiers adressés à la Médiature ne relevait pas de son champ de compétence (conflits privés, simples demandes d'information ou d'orientation...).
Le Défenseur des droits risque de recevoir en proportion encore plus de réclamations irrecevables . En effet, son intitulé très large peut laisser croire qu'il détient une compétence générale, s'étendant, par exemple, aux conflits de voisinage, alors qu'il ne défend, en réalité, que les droits déjà défendus par chacune des AAI intégrées.
Votre rapporteur n'a pu obtenir de statistiques en la matière, la jeunesse de l'institution en étant la cause principale. En effet, le Défenseur des droits a indiqué avoir engagé une refonte de l'ensemble de ses indicateurs et qu'en conséquence il lui était impossible, pour l'instant, de « communiquer le nombre précis de réclamations irrecevables dont le Défenseur des droits a été saisi ».
Cette question nous ramène aux recommandations formulées plus haut au sujet de la politique de communication du Défenseur des droits . Cette politique devra autant s'attacher à faire connaître le nom « Défenseur des droits » que ses compétences - et donc, en creux, ses incompétences.
En effet, si les Français apprennent progressivement l'existence du Défenseur des droits, sans savoir quelles sont précisément ses attributions, ils risquent de s'adresser à lui chaque fois qu'ils estiment devoir être rétablis dans leurs droits, quel que le soit le droit en cause.
Interrogé sur ce point par notre collègue Jean-Claude Peyronnet lors de son audition du 14 juin 2011, M. Dominique Baudis avait indiqué être conscient de ces difficultés : « En effet, Monsieur Peyronnet, on risque d'être submergé par la masse de demandes. Il faudra expliquer ce que le Défenseur des droits peut et ne peut faire, si l'on ne veut pas entraîner de désillusions. ».
Pour que le Défenseur des droits ne se transforme pas « en machine à créer des déceptions », il faudra donc qu'une politique efficace de communication soit engagée favorisant l'identification par les Français des différentes missions qui lui sont confiées. Il faudra en tout état de cause que le Défenseur des droits s'attache à répondre aux demandes irrecevables , comme le faisait avant lui le Médiateur de la République.
La loi organique lui impose d'ailleurs expressément de motiver ses décisions d'irrecevabilité (article 24). Cette obligation de justification répond à une exigence de transparence et de « bonne administration ». Les usagers sont souvent perdus dans les dédales de l'administration, le Défenseur des droits devra contribuer à les informer et à les orienter même lorsque les demandes ne relèvent pas de son champ de compétence.
2. Répondre à l'augmentation probable des demandes recevables
Le Défenseur des droits devra non seulement répondre aux demandes irrecevables, mais également - et surtout - aux réclamations qui ressortissent à sa compétence.
Celles-ci devraient être fort nombreuses . En effet, l'activité globale du Défenseur des droits pourrait être supérieure, voire nettement supérieure à celle cumulée des AAI qu'il remplace, ne serait-ce que pour une raison essentielle : la nouvelle autorité peut être saisie directement, sans filtre parlementaire . Si le Médiateur avait, au fil des ans, assoupli les conditions de présentation d'une demande 16 ( * ) , la CNDS, elle, avait toujours appliqué strictement la règle du filtre parlementaire obligatoire, ce qui explique le faible nombre de saisines annuelles, qui s'est élevée à environ 180 en 2010.
La saisine directe devrait donc conduire à une progression de l'activité dans le domaine des manquements à la déontologie de la sécurité, et, dans une moindre mesure, dans celle des dysfonctionnements administratifs.
Le projet annuel de performances relatif au présent programme budgétaire indique d'ailleurs que « le Défenseur des droits enregistre dès à présent une très forte hausse des réclamations qui lui sont adressées, notamment du fait de la possibilité désormais ouverte au citoyen de saisine directe en matière de déontologie de la sécurité ».
S'il ne dispose pas encore de statistiques précises, le Défenseur des droits a indiqué à votre rapporteur que les réclamations enregistrées par les services du Défenseur des droits avaient globalement augmenté ces derniers mois, notant :
- une stabilité dans le domaine des discriminations et des relations avec les services publics ;
- une progression des saisines d'environ 30 % dans le domaine de la déontologie de la sécurité ;
- une hausse des saisines d'environ 8 % dans le domaine de la défense des droits de l'enfant.
Ces premières tendances - portant sur une très courte période - doivent toutefois être analysées avec prudence et devront être confirmées dans les années à venir.
Par ailleurs, s'agissant du traitement des réclamations, le Défenseur des droits a prévu, à l'instar du processus qui avait été mis en place par la HALDE, de procéder à la numérisation systématique de tous les courriers entrants, quelle que soit la mission dont ils relèvent et l'adresse postale à laquelle ils ont été adressés 17 ( * ) .
Les courriers de réclamation adressés au Défenseur des droits seront, dès leur numérisation, et sous leur forme dématérialisée, transmis à un secteur de recevabilité et d'orientation chargé de les analyser , de les rattacher le cas échéant à un dossier existant, de déterminer le service susceptible de traiter la demande ou, enfin, de répondre et de réorienter les personnes ayant saisi le Défenseur des droits d'un sujet n'entrant pas dans le champ de ses interventions.
Le courrier, sous sa forme papier, pourra circuler parallèlement et sera ainsi ménagée, au quotidien, pour le Défenseur et ses adjointes, une possibilité de consultation du courrier.
Ce dispositif, qui nécessitera la mise en oeuvre, en 2012, d'une application informatique de gestion du courrier, vise à garantir la traçabilité et le suivi optimisé des réclamations adressées au Défenseur des droits ainsi qu'une recherche simplifiée des précédents parmi les dossiers traités antérieurement par les quatre anciennes autorités.
C. UTILISER A BON ESCIENT LES NOUVEAUX POUVOIRS
En réponse au questionnaire budgétaire, le Défenseur des droits a souligné que l' « alignement par le haut » des compétences dévolues au Défenseur des droits, par rapport à celles dont disposaient les AAI intégrées, renforçait considérablement le poids de ses interventions et lui offrait une plus grande marge de manoeuvre .
1. L'effectivité des avis et recommandations du Défenseur des droits
On peut ainsi espérer que les recommandations et avis du Défenseur des droits seront davantage suivis d'effets que ceux émis par les AAI qu'il remplace. Cette préoccupation avait d'ailleurs été exprimée, lors de l'audition de M. Dominique Baudis le 14 juin 2011, par nos collègues Mme Nicole Borvo Cohen-Seat (« La CNDS constate des manquements à la déontologie de la police, mais voit rarement ses recommandations concrétisées, car la hiérarchie policière s'y est toujours refusée. Comment assurer l'effectivité de ses recommandations ? ») et M. Jean-René Lecerf (« Comment faire pour que ces recommandations et avis soient effectifs ? »).
Pour garantir l'efficacité de l'action du Défenseur des droits, le Parlement a doté le Défenseur des droits d'un véritable « droit de suite ». Il peut, en effet, mettre en demeure la personne saisie de lui répondre dans un délai qu'il fixe (article 21 de la loi organique). A défaut de réponse, le Défenseur des droits peut mettre en oeuvre un pouvoir d' injonction dont aucune des anciennes autorités ne disposaient jusqu'alors. Si son injonction reste sans effet, le Défenseur établit un rapport spécial et le rend public (article 25).
Le Défenseur des droits peut également saisir l'autorité disciplinaire compétente lorsque des faits lui paraissent justifier une sanction comme pouvait le faire le Médiateur de la République, même si ce pouvoir n'a jamais été mis en oeuvre. L'intervention du Défenseur des droits se trouve renforcée par la loi organique qui prévoit la possibilité de fixer un délai de réponse à l'autorité saisie et son obligation de motiver la décision de ne pas engager des poursuites. A défaut, le Défenseur des droits pourra, à nouveau, établir un rapport spécial et le rendre public (article 29).
Dans le prolongement de ce pouvoir, lorsqu'il est constaté une discrimination dans l'activité professionnelle d'une personne physique ou morale soumise à agrément ou autorisation d'une personne publique, le Défenseur des droits peut saisir celle-ci en lui recommandant de mettre en oeuvre ses pouvoirs de suspension ou sanction (article 30).
Votre rapporteur souhaite que le Défenseur des droits fasse un usage actif de ces nouvelles prérogatives qui garantissent l'effectivité de ses avis et recommandations.
2. De nouveaux modes d'intervention
Votre rapporteur a par ailleurs souhaité savoir si les pouvoirs suivants avaient déjà été exercés par le Défenseur des droits ou s'ils pourraient l'être dans un proche avenir :
• consultation du Conseil d'Etat ;
• saisine d'office ;
• présentation d'observations devant les
juridictions.
Le Défenseur des droits a précisé, s'agissant du pouvoir de consulter le Conseil d'Etat sur l'interprétation ou la portée d'une disposition législative ou réglementaire dans le cadre d'une réclamation non soumise à une autorité juridictionnelle, qu'un certain nombre de dossiers avaient d'ores et déjà été identifiés comme pouvant nécessiter la mise en oeuvre de cette prérogative, notamment pour la Mission médiation avec les services publics. Ce pouvoir avait d'ailleurs été souhaité par le Médiateur de la République afin d'appuyer son interprétation juridique auprès des administrations en cause, notamment en matière fiscale. Cette faculté totalement nouvelle, au regard des possibilités qui s'offraient à chacune des quatre institutions précédentes, sera donc utilisée, a assuré le Défenseur des droits.
Par ailleurs, concernant la saisine d'office de l'institution, qui n'existait formellement que pour deux des anciennes AAI intégrées (le Médiateur de la République et la HALDE), elle permettra, selon le Défenseur des droits, de connaître toute situation qu'il estime porter atteinte aux droits et libertés dont il assure la protection. Le Défenseur des droits a indiqué que la voie de l'auto-saisine était couramment empruntée dans le cadre de la Mission lutte contre les discriminations.
21 septembre 2011 Le Défenseur des droits, Dominique Baudis s'est saisi de l'incident des voyageurs sourds empêchés d'embarquer à bord d'un vol Air Méditerranée. Dix-huit personnes sourdes, une personne entendante et trois personnes mal-entendantes se sont vu refuser l'embarquement d'un vol Air Méditerranée à destination de la Turquie à cause de leur handicap. Le Défenseur des droits va dès à présent instruire le dossier et procéder le cas échéant à des auditions |
Extrait du site Internet du Défenseur des droits
On peut également noter que le 25 octobre 2011, le Défenseur des droits s'est saisi d'office , au titre de sa mission de protection de l'enfance, à la suite de la blessure causée, par un tir de flash-ball, à un jeune garçon mahorais.
Il s'agissait d'une première, l'ex-Défenseur des enfants n'ayant pas la possibilité de se saisir d'office.
Enfin, s'agissant des observations devant les juridictions (d'office, à la demande des parties ou du juge), votre rapporteur rappelle que cette faculté n'existe aujourd'hui que pour la CNIL et la HALDE. Le Défenseur pourra donc demain faire un usage de cette faculté dans des domaines nouveaux : la déontologie de la sécurité, la défense des droits de l'enfant ou encore les relations entre les usagers et l'administration.
Quelle est la doctrine d'emploi de cette compétence par le Défenseur des droits ?
Ce dernier n'hésitera pas « à mettre en oeuvre la nouvelle prérogative lorsque le litige en cause le justifiera. ». Toutefois, précise le Défenseur des droits, « la parcimonie dictera certainement l'utilisation de cette prérogative, au regard du risque d'instrumentalisation qu'elle implique. En effet, la demande de présentation d'observations devant les juridictions pourrait être utilisée à des fins dilatoires, notamment pour allonger ou remettre en question des procédures en cours. ».
En tout état de cause, votre rapporteur insiste sur le fait que l'exercice de cette nouvelle compétence implique un budget spécifique pour couvrir en particulier les frais d'avocat ou des frais de formation du personnel .
En effet, le Défenseur des droits pourra se faire représenter, non seulement par un avocat, selon les règles du droit commun, mais également par toute personne placée sous son autorité (adjoint, agents ou délégués).
D. RÉUSSIR LA MISE EN PLACE DE L'INSTITUTION DANS LE RESPECT DU DIALOGUE SOCIAL
L'an passé, notre collègue Jean-Claude Peyronnet avait révélé l'existence de régimes statutaires et de rémunération hétérogènes au sein des 4 AAI 18 ( * ) . Il avait noté que la fusion des quatre AAI pourrait ainsi créer quelques tensions parmi les personnels.
En réponse au questionnaire budgétaire qui lui avait été adressé, le Défenseur des droits a confirmé l'existence « de fortes différences statutaires, salariales et sociales entre les quatre anciennes institutions intégrées au sein du Défenseur des droits ». Il a ajouté que le rapprochement devrait « s'opérer sans brutalité, dans le dialogue social, en suivant une feuille de route » .
Pour aboutir à ce rapprochement - qui devrait se faire, sauf exceptions, par un alignement progressif vers le haut - l'institution doit préalablement établir un organigramme et définir un cadre de gestion unique .
Cette démarche peut s'appuyer sur la bonne volonté du personnel qui, dès la période transitoire d'avril-juin 2011, ont cherché spontanément à se réorganiser pour tenir compte de la réforme.
Le Défenseur des droits a indiqué à votre rapporteur avoir rassemblé l'ensemble des personnels le 20 septembre 2011 et précisé que les travaux pour l'élaboration d'un cadre de gestion unique avaient débuté par la mise en place d'un groupe de travail dont le rôle est de formuler des propositions de rapprochement , en étroite concertation avec les anciennes instances représentatives du personnel dans l'attente de la désignation des instances représentatives propres au Défenseur des droits. Cette désignation est intervenue le 17 novembre.
Ce processus, qui a été conduit par le Directeur général de l'institution 19 ( * ) , doit conduire à arrêter la nouvelle organisation courant décembre 2011.
Cette méthode, indique le Défenseur des droits, a été particulièrement bien acceptée et les agents se sont fortement mobilisés. Ceci ne présuppose en rien que les décisions de réorganisation seront faciles à prendre mais, d'ores et déjà, l'intensité et la qualité des échanges entre services, qui ne se connaissaient pas, constituent un capital positif pour investir dans le changement .
La création du Défenseur des droits devrait logiquement aboutir à des opérations de mutualisation .
En effet, la nouvelle institution comprend 220 équivalents temps plein travaillés (ETPT) 20 ( * ) : 82 fonctionnaires titulaires et 138 contractuels, comme l'illustre le tableau ci-dessous.
ETPT (2012) du Défenseur des droits
Intitulé |
Catégories d'emplois |
||||||
Nombre d'ETPT |
A+ |
A |
B |
C |
Total titulaires |
contractuels |
|
Défenseur des droits |
220 |
10 |
41 |
9 |
22 |
82 |
138 |
Parmi ces 220 ETPT, un certain nombre de postes sont mutualisables : sont principalement concernées les personnes qui exercent une fonction « support » 21 ( * ) . Toutefois, la mutualisation peut également concerner celles qui exercent une fonction opérationnelle , tels que les chargés de missions ou d'études. En effet, des synergies peuvent être trouvées, par exemple si sont créés des pôles transversaux correspondant aux différents modes d'intervention du Défenseur des droits (mises en demeure, propositions de réforme, observations devant les juridictions, délégués territoriaux...). En effet, on peut considérer que l'exercice d'une compétence déterminée de l'institution constitue en soi un métier spécifique. Ainsi pourrait être créé un pôle « proposition de réformes aux pouvoirs publics » qui regrouperait les quatre missions du Défenseur des droits (relations avec l'administration, protection de l'enfance, déontologie de la sécurité et discriminations).
Votre rapporteur estime ainsi qu'il est raisonnable d'attendre de la création du Défenseur des droits certaines mutualisations .
Toutefois, si ces mutualisations vont conduire à dégager certaines marges de manoeuvre budgétaires 22 ( * ) , elles ne seront pas suffisantes pour permettre à l'institution, à budget de personnel constant, de faire face à d'inévitables nouvelles dépenses .
En effet, d'une part, la nouvelle institution devra faire plus et mieux que les anciennes AAI. Cet objectif, à l'origine de la création de cette autorité, suppose des effectifs étoffés ; les besoins sont immenses : créer un pôle communication solide et réactif, faire face dans des délais raisonnables à la progression des demandes, recevables comme irrecevables, reçues par l'institution, exercer les nouvelles compétences accordées par la loi organique, former les délégués territoriaux aux nouvelles compétences de l'autorité...
D'autre part, comme indiqué précédemment, les rémunérations devront progressivement être alignées sur celles qui étaient les plus élevées : il est en effet anormal qu'à niveau de responsabilité égal certaines personnes soient moins bien loties que d'autres au sein d'une même institution ;
En conséquence, votre rapporteur souligne la nécessité d'augmenter, dans les prochaines années, les dépenses de personnel du Défenseur des droits . Au minimum, ces dépenses devront être gelées jusqu'en 2014 . Tel est en tout cas le souhait - légitime et raisonnable - exprimé par le Défenseur des droits lors de son audition.
Entendu par votre rapporteur, M. Serges Lasvignes n'a pris aucun engagement en la matière : il a simplement estimé que la baisse des dépenses de personnel n'était pas « à l'ordre du jour dans l'immédiat ».
E. RÉUSSIR LA RÉFORME AU PLAN LOCAL
L'an passé, notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet avait préconisé une déconcentration de l'action du futur Défenseur des droits, considérant que le développement des réseaux de correspondants locaux au sein des différentes AAI devait être salué comme une évolution positive pour la protection des droits , ces correspondants apportant une réponse de proximité , de qualité et pesant relativement peu sur le budget des institutions.
Rappelons que trois des quatre AAI fusionnées fonctionnaient en réseaux avec des délégués territoriaux (délégués du Médiateur et de la HALDE, correspondants du Défenseur des enfants).
L'an passé, notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet avait considéré que, sauf exception, un même délégué ne pouvait exercer, à lui seul, les compétences en matière de relations avec l'administration, de lutte contre les discriminations et de défense des enfants. Autrement dit, il était hostile à une fusion des délégués au plan local, qu'il jugeait irréaliste .
Votre rapporteur partage ce point de vue : il serait en effet pour le moins paradoxal qu'au plan national on estime que le Défenseur des droits a besoin d'adjoints spécialisés et qu'au plan local on fasse le pari de délégués omniscients compétents dans des domaines très différents ! Il convient de rappeler que les correspondants sont des bénévoles, souvent retraités, qui exercent à temps partiel (1 à 2 jours par semaine). Une fusion des délégués locaux reviendrait à créer des relais locaux du Défenseur des droits, qui seraient des professionnels à temps plein , ce que les délégués actuels ne souhaitent pas.
Votre rapporteur a cherché à savoir quelle était la position du Défenseur des droits en la matière , étant rappelé que le Parlement a fait le choix de laisser au Défenseur des droits toute latitude quant à son organisation territoriale. En effet, l'article 37 de la loi organique prévoit qu' « il peut désigner, sur l'ensemble du territoire ainsi que pour les Français de l'étranger, des délégués, placés sous son autorité, qui peuvent, dans leur ressort géographique, instruire des réclamations et participer au règlement des difficultés signalées ».
Le Défenseur des droits a précisé qu'il souhaitait conserver les réseaux des délégués territoriaux, et même les étoffer . Le Défenseur des droits dispose, aujourd'hui, d'un réseau de près de 450 délégués qui assurent l'accueil des réclamants dans plus de 650 lieux de permanences.
Il a également indiqué à votre rapporteur qu'il ne lui apparaissait pas souhaitable de créer un réseau de délégués constitué de professionnels , tant pour des « raisons de coût » 23 ( * ) que pour des « raisons d'opportunité ». Il a ainsi partagé la position de votre rapporteur, hostile, on l'a dit, à une fusion des délégués au plan local.
Le Défenseur des droits a toutefois indiqué être favorable à la mise en place d'un « guichet unique » assuré par des délégués, à même d'analyser la recevabilité de la demande afin de l'orienter vers le délégué compétent.
Autrement dit, les dossiers continueraient à être traités au fond selon les spécialités des délégués mais ceux-ci pourraient être saisis indistinctement au titre de chacune des quatre missions de l'institution et devraient apporter au réclamant une écoute, une information et une orientation au plus vite et au plus près de sa demande.
Cette polyvalence des délégués supposera de mettre en place des programmes de formation pluridisciplinaire et d'élaborer des grilles d'analyse permettant d'étudier les critères de recevabilité des demandes au regard de la loi organique relative au Défenseur des droits.
Votre rapporteur se réjouit qu'une telle organisation territoriale, fondée sur un accueil unifié, soit envisagée. Elle permettra aux missions « défense des enfants » et « discriminations » de bénéficier du réseau ancien et étoffé du Médiateur de la République 24 ( * ) . En effet, le réseau de l'ex-Médiateur comprend près de 300 délégués, contre à peine 60 pour celui de l'ex-Défenseur des enfants. Le système envisagé par le Défenseur des droits conduira donc à renforcer les missions « défense des enfants » et « discriminations ». On retrouve là l'idée que la création du Défenseur des droits semble se faire au bénéfice des petites AAI, ce qui répond aux craintes qui avaient été exprimées lors des débats parlementaires.
Votre rapporteur insiste toutefois sur le fait que l'usager « ne devra pousser la porte du Défenseur des droits qu'une seule fois ». Autrement dit, même si le délégué auquel il s'adresse n'est pas compétent pour traiter au fond sa réclamation, il ne devra pas l'inviter à contacter un autre délégué . C'est, à l'inverse, le délégué spécialisé qui devra recontacter le réclamant, si cela s'avère nécessaire pour le traitement du dossier.
Au total, il ressort que les inquiétudes exprimées lors des débats parlementaires portant sur la création du Défenseur des droits ont été bien prises en compte par la nouvelle institution et que le regroupement des 4 AAI devrait largement profiter aux trois plus petites, à savoir la HALDE, la CNDS et le Défenseur des enfants : non seulement l'accessibilité, la lisibilité et l'efficacité des missions exercées autrefois par ces autorités ne devraient pas être affectées, mais elles pourraient même se renforcer à moyen terme.
Cette évolution positive suppose toutefois que la dynamique de la nouvelle institution constitutionnelle ne soit pas contrariée par le Gouvernement. Ce dernier doit non seulement s'employer à installer très rapidement le Défenseur des droits sur un site unique mais il doit également accorder davantage de moyens à l'institution, s'il ne veut pas qu'elle s'apparente à un « colosse aux pieds d'argile ».
Ces moyens doivent être en adéquation avec les exigences de communication de l'institution, l'étendue de ses pouvoirs, la hausse de ses saisines ainsi que sa politique salariale, fondée sur un alignement vers le haut des rémunérations et avantages sociaux du personnel.
La RGPP ne saurait conduire à un affaiblissement de la protection des droits. La démocratie a sans doute un coût, mais elle n'a pas de prix.
*
* *
La commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Protection des droits et libertés » dans le projet de loi de finances pour 2012 .
ANNEXE
1
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
_______
Défenseur des droits
M. Dominique Baudis, Défenseur des droits
M. Antoine Grezaud, directeur de cabinet
M. Luc Machard, directeur général des services
M. Richard Senghor, secrétaire général
Mme Audrey Keysers , chargée des relations avec les élus
CNIL
M. Yann Padova, secrétaire général
Mme Isabelle Pheulpin, directrice des ressources humaines, financières, informatiques et logistiques
M. Geoffroy Sigrist, attaché parlementaire
Secrétariat général du Gouvernement (SGG)
M. Serge Lasvignes , secrétaire général du Gouvernement
M. Olivier Schmit , chef de la mission d'organisation des services du Premier ministre
M. Patrick Mille , directeur des services administratifs et financiers des services du Premier ministre
ANNEXE 2
COMPOSITION DES TROIS COLLÈGES
CHARGÉS D'ASSISTER LE DÉFENSEUR DES DROITS
_______
Le collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l'enfant est ainsi composé :
- Marie Derain, Défenseure des enfants, adjointe du Défenseur des droits ;
- Christian Charruault, président de la première chambre civile de la Cour de cassation ;
- Véronique Cote-Millard, maire des Clayes-Sous-Bois ;
- Françoise Dubreuil, magistrate honoraire ;
- Guy Gilbert, prêtre et éducateur spécialisé ;
- Gilbert Meyer, maire de Colmar ;
- Eric Legros, directeur d'établissement médico-social.
Le collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité comprend, quant à lui :
- Maryvonne Lyazid, adjointe du Défenseur des droits ;
- Marie-Eve Aubin, présidente honoraire de la section sociale du Conseil d'Etat ;
- Suzanne Blanc, conseillère municipale de Montigny-les-Bretonneux, ancienne conseillère régionale d'Ile-de-France, présidente de la commission des lycées au CRIF ;
- Yves Doutriaux, conseiller d'Etat ;
- Claire Favre, présidente de la chambre commerciale de la Cour de cassation ;
- Françoise Laroudie, secrétaire générale de l'Arche en France ;
- Yves Michel, secrétaire général honoraire de l'Assemblée nationale ;
- Georges Othily, ancien sénateur et ancien président du conseil régional de la Guyane ;
- Mansour Zoberi, ancien membre de la HALDE.
Enfin, le collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité se compose de :
- Françoise Mothes, adjointe du Défenseur des droits ;
- René André, conseiller-maître à la Cour des comptes ;
- Martine Anzani, magistrat honoraire à la Cour de cassation ;
- Dominique Gaux, procureur de la République ;
- Jean-Pierre Hoss, conseiller d'Etat ;
- Valérie Maintrieu-Frantz, avocate, ancien premier secrétaire de la conférence du Stage des avocats au Barreau de Paris ;
- Yves Métaireau, président de l'Association des maires de Loire-Atlantique, maire de la Baule ;
- Cécile Petit, premier avocat général à la Cour de cassation ;
- Jerry Sainte-Rose, conseiller d'Etat.
* 1 Le compte rendu de la réunion de commission est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20111121/lois.html.
* 2 On rappellera que la commission des lois de l'Assemblée nationale ne se saisit pas pour avis du programme budgétaire « Défense des droits et libertés ».
* 3 Voir sur ce point le rapport d'information n° 404 (2005-2006) de M. Patrice Gélard « Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié », au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation ; rapport disponible sur Internet : http://www.senat.fr/rap/r05-404-1/r05-404-1.html .
* 4 En 2012, la CNIL aura un budget d'environ 17 millions d'euros et comptera 165 ETPT.
* 5 Cette directive a été transposée en France par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 modifiant la loi « informatique et libertés ».
* 6 Audition du mardi 3 juin 2008 sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, disponible sur Internet à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20080602/lois.html#toc4 .
* 7 La liste des personnes entendues par votre rapporteur figure en annexe. Compte tenu du calendrier contraint, il n'a pas été possible, cette année, d'entendre les trois adjointes du Défenseur des droits.
* 8 Loi n° 2010-830 du 22 juillet 2010.
* 9 Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010, considérant 13.
* 10 La composition des trois collèges figure en annexe.
* 11 Ces instances relèvent toutes du programme « Coordination du travail gouvernemental » ; voir l'avis budgétaire de M. Alain Anziani dans le cadre du PLF 2012.
* 12 Le site Internet de l'institution est en ligne depuis le 20 novembre 2011.
* 13 Nous verrons toutefois plus loin que l'exercice de ces nouvelles missions suppose un net renforcement de ses moyens humains et budgétaires.
* 14 Nous verrons plus loin que le Défenseur des droits s'est déjà saisi d'office de plusieurs dossiers, ce qui semble confirmer sa volonté affichée d'utiliser effectivement ses droits et prérogatives.
* 15 Ainsi le Défenseur des droits a-t-il opportunément participé à la Convention nationale des avocats qui s'est tenue à Nantes du 19 au 22 octobre 2011. De même, il est intervenu à l'occasion du congrès des maires le 22 novembre 2011.
* 16 Cf . avis de M. Jean-Claude Peyronnet sur le PLF 2011.
* 17 En effet, les courriers adressés au Défenseur des droits sont reçus aux sièges des 4 anciennes AAI intégrées, généralement parce que les réclamants continuent à s'adresser à l'ancienne AAI qu'ils pensent concernée par leur demande.
* 18 Cf avis budgétaire, pages 23 et 24.
* 19 Le décret n° 2011-905 du 29 juillet 2011 relatif à l'organisation et au fonctionnement des services du Défenseur des droits définit les compétences du Directeur général de l'institution ; son article 13 prévoit, en effet, que : « Sous l'autorité du Défenseur des droits, le Directeur général des services est chargé d'assurer la direction et le fonctionnement des services, dont il assure la gestion administrative et financière. Il peut recevoir délégation du Défenseur des droits aux fins de signer tous actes ayant pour objet le recrutement, la gestion et la rémunération du personnel des services, ainsi que tous marchés et conventions nécessaires à leur fonctionnement. »
* 20 Ce qui correspond à l'addition des effectifs des 4 AAI intégrées.
* 21 Les fonctions « support » renvoient à des postes de nature administrative : ils relèvent, par exemple, de la gestion financière, de la gestion des ressources humaines, de l'accueil, du secrétariat... Ces emplois n'impliquent généralement pas une spécialisation particulière propre à telle ou telle AAI et sont donc en principe facilement « mutualisables ».
* 22 Ces mutualisations devraient également conduire à une plus grande spécialisation du personnel. A titre d'exemple, le service de gestion administrative et financière pourrait comprendre un responsable « marchés publics », un autre « comptabilité », un troisième « ressources humaines »... alors que ces fonctions étaient exercées, au sein des quatre anciennes AAI, par la même personne. On constate ainsi que, de ce point de vue, la réforme va surtout profiter aux petites AAI qui disposaient de faibles effectifs, très peu spécialisés par conséquent.
* 23 Rappelons à cet égard, que la loi ordinaire a posé le principe du bénévolat des délégués territoriaux. Ces derniers ne reçoivent qu'une indemnité, de l'ordre de 300 euros par mois.
* 24 Cf avis de M. Jean-Claude Peyronnet sur le présent programme budgétaire dans le cadre du PLF 2010.