D. DES DÉLAIS DE JUGEMENT ET D'EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE TOUJOURS TROP IMPORTANTS
L'exigence d'une réponse pénale rapide aux infractions commises par les mineurs doit être un objectif prioritaire de la justice pénale des mineurs, particulièrement s'agissant d'adolescents dont le rapport au temps diffère de celui des adultes, au risque de faire perdre à la mesure ou à la sanction toute portée éducative et pédagogique.
Or, en dépit de progrès réalisés au cours des dernières années, les délais séparant la commission de l'infraction de la prise en charge sont encore trop importants.
Ces délais doivent être décomposés en deux temps :
- d'une part, le temps de la réponse pénale, qui sépare la commission des faits de la date du jugement ;
- d'autre part, le temps de la prise en charge, qui sépare la date de la décision judiciaire de celle de la prise en charge par le service de la PJJ.
1. Une réponse pénale toujours tardive
Le délai de réponse pénale traduit le temps écoulé entre la commission de l'infraction et le jugement.
En 2009, ce délai est de 16,8 mois en moyenne nationale. Il oscille entre 11,4 mois pour le ressort de la cour d'appel de Saint Denis de la Réunion et 21,2 mois pour le ressort de la cour d'appel de Basse Terre. Il est plus long devant le tribunal pour enfants (18,8 mois) que devant le juge des enfants (14,2 mois).
Ces délais sont notablement plus longs que ceux constatés devant les tribunaux correctionnels, où le délai moyen entre l'infraction et le jugement atteint 11,3 mois 13 ( * ) .
En matière criminelle (toutes juridictions confondues), le délai moyen imputable à l'institution judiciaire est estimé à 33,9 mois (24,9 mois pour le déroulement de l'instruction, 9 mois pour le délai d'audiencement), mais, s'agissant des cours d'assises pour mineurs, il approche de cinq ans 14 ( * ) .
Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Mme Catherine Sultan, présidente de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), a insisté sur le manque de greffiers dans les juridictions, qui fragilise les procédures et retarde inévitablement l'exécution des décisions judiciaires.
2. Une amélioration globale des délais de prise en charge à nuancer
La réduction des délais d'exécution des mesures judiciaires constitue également un objectif essentiel permettant d'asseoir la crédibilité de l'autorité judiciaire et des décisions prononcées.
En 2010, l'amélioration constatée depuis 2006 s'est poursuivie. Le délai global de prise en charge du mineur par les services de la PJJ est ainsi passé de 28,4 jours en 2002 à 20,6 jours en 2010.
Cette amélioration globale dissimule néanmoins des disparités importantes selon le type de mesure prononcée :
- un placement doit pouvoir être réalisé dans des délais très brefs : ce délai, qui était de presque cinq jours en 2002, a été ramené à près de deux jours en 2010 ;
- en revanche, une mesure à exécuter en milieu ouvert, comme un travail d'intérêt général ou une réparation pénale, par exemple, nécessite un temps de préparation (définition du TIG ou de la réparation à faire réaliser par le mineur, identification de la personne publique ou de l'association où sera exécutée la mesure, etc.) : alors que le délai d'exécution de ces mesures était de 55 jours en 2002, il a été ramené à 36,7 jours en 2010.
La création de bureaux d'exécution des mesures et des peines pour les mineurs (BEX), en permettant de lier le prononcé de la condamnation à sa mise à exécution, contribue à la prise en charge des mineurs dans de plus brefs délais. Dans le cadre du BEX, les professionnels de la PJJ expliquent au mineur et aux titulaires de l'autorité parentale la décision judiciaire prise ainsi que les risques encourus en cas de non respect de celle-ci. Ils leur présentent également le service ainsi que les modalités de la prise en charge.
Au 1 er mars 2011, 121 des 154 tribunaux pour enfants étaient couverts soit par un BEX (40 %), soit par une mission BEX (60 %) 15 ( * ) . Dans les juridictions qui en sont dotées, les délais de convocation auprès du service éducatif désigné par les juridictions pour mineurs ont été réduits. Six projets de création de BEX sont actuellement en cours d'examen.
S'il y a lieu de saluer et d'encourager cette diminution globale des délais de prise en charge, votre rapporteur pour avis appelle toutefois à interpréter ces données avec précaution.
S'agissant des décisions de placement, il convient en effet de relever qu'un juge des enfants rend rarement une ordonnance de placement avant d'avoir effectivement trouvé une place dans un établissement, ce qui explique le très court délai de prise en charge des mineurs faisant l'objet d'une telle mesure.
En outre, les données de la PJJ incluent les renouvellements de mesures, pour lesquels il n'y a pas d'attente, ce qui tend à faire diminuer mécaniquement la moyenne.
Enfin, s'agissant des mesures réalisées par les services de milieu ouvert (investigation et mesures de milieu ouvert), les données transmises par la PJJ ne constituent que des moyennes : or, sur certains territoires à « forte densité pénale », on constate parfois de très longs délais d'exécution, et il n'y est pas rare qu'un mineur réitère alors même qu'une première mesure prise à son encontre n'a pas encore été exécutée.
Ces difficultés persistantes ne sont pas nécessairement imputables à la PJJ. Par exemple, les mesures de travail d'intérêt général (2 848 mesures prononcées en 2009, soit trois fois plus qu'en 2003) ont un délai d'exécution très long : 18 mois en moyenne , d'après les informations communiquées par le ministère de la Justice, un tiers des peines de TIG étant exécutées plus d'un an après leur prononcé.
Ces délais tout à fait excessifs sont liés à une insuffisante mobilisation des organismes publics et associatifs susceptibles d'accueillir le mineur. La DPJJ indique à cet égard rencontrer les plus grandes difficultés à trouver des collectivités territoriales, des services publics ou des associations partenaires pour l'exécution de ces mesures. Les organismes d'accueil privilégient en effet souvent les majeurs au détriment des mineurs, car certains postes de TIG ne sont pas adaptés. En outre, la présence de mineurs nécessite de la part des organismes d'accueil un encadrement constant, qui n'est en revanche pas nécessaire pour les majeurs. La DPJJ indique ainsi que certaines peines de TIG n'ont jamais pu être mises à exécution faute pour l'autorité judicaire d'avoir trouvé un lieu d'affectation .
Afin de pallier ces difficultés, la DPJJ a initié des accords cadres avec des organismes tels que la SNCF, la Croix Rouge, la Fédération française des clubs alpins et de montagne, les Haras nationaux, et, plus récemment, avec le groupe La Poste.
De façon plus générale, afin d'améliorer les délais de prise en charge dans les territoires connaissant les retards les plus importants (régions de Lille, Paris, Lyon et Marseille), M. Jean-Louis Daumas, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, a indiqué qu'en 2012, 50 nouveaux emplois seraient spécifiquement affectés à la prise en charge des mineurs en milieu ouvert (voir infra ).
* 13 Il convient toutefois de relever qu'un tel délai moyen tient compte à la fois des affaires très longues jugées après une instruction et des affaires jugées rapidement en comparution immédiate.
* 14 Voir à ce sujet le rapport n°619 (2009-2010), fait au nom de la commission des lois, de notre collègue Marie-Hélène des Esgaulx sur la proposition de loi relative au régime de publicité applicable devant les juridictions pour mineurs. http://www.senat.fr/rap/l09-619/l09-619.html
* 15 Il s'agit d'un aménagement du dispositif dans lequel les services de la PJJ assurent la mission BEX sans que le bureau soit mis en place au sein de la juridiction.