B. UN INVESTISSEMENT INSUFFISANT DANS LE SUIVI DES MESURES JUDICIAIRES DE PROTECTION

1. Une activité civile des juges des enfants toujours soutenue

L'article 375 du code civil prévoit que « si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public ».

Le nombre de nouveaux mineurs en danger dont ont été saisis les juges des enfants en 2010 a augmenté de 4,3 %, stoppant la tendance à la baisse constatée les années précédentes. Cette hausse est principalement due à la hausse des requêtes du parquet dans les saisines du juge des enfants en assistance éducative (+4,7 %) : 67 347 saisines sur 101 041 (soit les deux tiers des saisines).

Parmi les nouveaux mineurs suivis en assistance éducative, 30,3 % ont moins de sept ans, 62,2 % ont moins de treize ans. Cette répartition est quasiment stable depuis 2003.

La situation de danger pour un mineur exigeant des mesures de protection ordonnées dans la durée par le juge des enfants, l'accompagnement éducatif ainsi mis en place peut durer plusieurs années. Ainsi le nombre total de mineurs en danger suivis ( 214 898 à la fin de l'année 2010 ) est-il nettement supérieur au nombre de nouveaux mineurs suivis dans l'année.

Avec environ 327 362 mesures prononcées en 2010 , l'activité civile des juges des enfants a légèrement augmenté par rapport à 2009 (+0,8 %).

Les mesures de protection judiciaire constituent la part prépondérante de l'ensemble des mesures de protection de l'enfance décidées en France.

Comme l'indique le rapport précité de la Cour des comptes, « le dispositif français de protection de l'enfance reste caractérisé par la prépondérance des mesures judiciaires. Les données de l'ONED le montrent clairement : au 31 décembre 2006, 82 % des enfants pris en charge le sont sur le fondement d'une mesure judiciaire. Le taux est de 89 % pour le placement et 76 % pour le milieu ouvert. La prépondérance des mesures judiciaires est une réalité ancienne mais qui s'est accentuée au cours de la période récente : entre 1992 et 2004, la part des mesures administratives dans l'ensemble des mesures de protection a diminué, du moins en ce qui concerne les placements.

« Le recours trop systématique au juge est préjudiciable aux services judiciaires comme aux départements. Ces derniers sont responsables de la définition d'une politique globale de prise en charge des enfants, mais se trouvent en position de simples exécutants de décisions prises par les juges et qui s'imposent à eux [...].

« Il reste cependant très difficile d'interpréter le taux de mesures judiciaires et son évolution. Ce taux peut en effet refléter un contexte social dans lequel les familles ont plus de difficultés à coopérer. Il peut, à l'inverse, traduire une propension des magistrats à se saisir de situations dans lesquelles une intervention judiciaire n'est pas justifiée. Cette attitude peut être imputable au parquet qui n'exerce pas, à l'égard des signalements qui lui sont transmis, son rôle de « filtre », ou au juge des enfants qui prononce le renouvellement de mesures judiciaires alors même que la famille accepte désormais de coopérer. Enfin, un taux élevé de mesures judiciaires peut découler de services de l'ASE qui tendent à saisir de manière trop systématique l'autorité judiciaire. S'il est difficile d'apprécier la fréquence de tels comportements, il peut arriver que les services cherchent à « se couvrir » en sollicitant l'intervention du juge avant même d'avoir constaté le refus de coopération de la famille ou l'inefficacité des mesures administratives.

« Le taux de mesures judiciaires comme son évolution doivent donc être interprétés avec une grande prudence, sous peine d'alimenter de faux débats. Dès lors, il conviendrait que l'État et les départements se dotent d'un outil de suivi et d'analyse de l'équilibre entre mesures judiciaires et mesures administratives » 31 ( * ) .


* 31 Rapport précité, pages 24-27.

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