IV. UN PILOTAGE INSUFFISANT DE LA JUSTICE CIVILE DES MINEURS
Sur la période 2008-2011, la PJJ s'est progressivement désengagée de l'exécution des mesures de protection ordonnées par les juges des enfants statuant au civil - tant s'agissant des mineurs protégés que des jeunes majeurs. Ce choix politique, formalisé dans le cadre du projet stratégique 2008-2011 de la PJJ, s'est traduit dans le projet de loi de finances pour 2011 par une extinction des crédits alloués à la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs et par la suppression corrélative, dans la maquette budgétaire, de l'action n°2, qui retraçait les crédits consacrés à ces prises en charge. Les seules mesures que la PJJ continue à financer en totalité sont les mesures d'investigation, car elles constituent le support indispensable à la décision du juge.
Parallèlement, la DPJJ s'est vu reconnaître une compétence générale de pilotage de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs et de la concertation entre les institutions intervenant à ce titre, que ce soit en matière civile ou pénale (décret du 9 juillet 2008).
A l'heure actuelle et en dépit des remarques formulées par la Cour des comptes dans un rapport thématique daté d'octobre 2009, ce pilotage apparaît insuffisant.
Se pose par ailleurs la question de la prise en charge des mineurs étrangers isolés.
A. LE DÉSENGAGEMENT DE L'ETAT DE L'EXÉCUTION DES MESURES JUDICIAIRES DE PROTECTION : LA CONSÉQUENCE D'UNE INTERPRÉTATION EXTENSIVE DES LOIS DE DÉCENTRALISATION
1. Un désengagement qui découle des lois de décentralisation
Le principe de la compétence du département en matière d'aide sociale à l'enfance a été affirmé par les lois de décentralisation de 1982-1983. La loi n°2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a réaffirmé le rôle du conseil général en matière de protection de l'enfance en danger.
Malgré cela, PJJ et conseils généraux ont pendant longtemps continué à exercer une compétence concurrente en matière de mise en oeuvre des mesures judiciaires de protection. La part des mesures civiles prises en charge par la PJJ était cependant très minoritaire. Selon l'Observatoire national de l'enfance en danger 25 ( * ) , au 31 décembre 2006, la PJJ assurait l'exécution de 438 des 114 708 mesures judiciaires de placement (moins de 0,4 %) et 8 045 des 112 271 mesures d'action éducative en milieu ouvert (environ 7 %).
Le niveau d'intervention de la PJJ au civil était néanmoins variable selon les départements et ne semblait pas dépendre d'un critère préétabli. Dans le Loiret et à Paris, elle n'intervenait presque pas ; dans d'autres départements, les juges continuaient de la solliciter. Généralement, la PJJ constituait un recours pour des mesures concernant les adolescents difficiles ou déjà connus de ses services au titre d'une affaire pénale.
L'expérimentation conduite sur le fondement de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales visait à supprimer toute intervention de la PJJ au civil et à confier au département l'intégralité des mesures civiles, hors investigation. Une convention avait été conclue en ce sens avec les trois départements de l'Aisne, de la Haute-Corse et du Loiret.
Toutefois, prenant appui sur les orientations définies par le troisième Conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008, la DPJJ a décidé de généraliser cette évolution avant que le bilan de l'expérimentation puisse être tiré. Celle-ci a été traduite dans le projet stratégique 2008-2011 de la PJJ, dont le second axe assigne à cette dernière le renforcement de son intervention en direction des jeunes confiés au pénal.
* 25 Chiffres cités par la Cour des comptes dans le rapport précité, page 48.