B. LA TRADUCTION BUDGÉTAIRE ATTENDUE DE L'AUTONOMIE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
1. Une mise en conformité de la présentation du budget avec l'autonomie nécessaire du CSM
L'élévation du budget du Conseil supérieur de la magistrature au rang de programme constitue la seule modification de périmètre des budgets examinés dans le présent avis.
Jusqu'à cette année, les crédits du Conseil supérieur de la magistrature faisaient l'objet d'une action incluse dans le programme 166 « Justice judiciaire ». Notre collègue Yves Détraigne avait dénoncé cet état de fait, à plusieurs reprises, dans son rapport pour avis au nom de la commission des lois sur le budget de la justice 8 ( * ) , et il avait déposé un amendement en ce sens à l'occasion de l'examen de la précédente loi de finances initiale. Un tel rattachement apparaissait à la fois non conforme au droit en vigueur, et contraire, dans son esprit, à l'indépendance du CSM.
En effet, la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65 de la Constitution a modifié la rédaction de l'article 12 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, afin d'en renforcer l'indépendance effective en prévoyant que « l'autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances ».
Appelé à se prononcer sur cette disposition, le Conseil constitutionnel a considéré « qu'en conférant au Conseil supérieur de la magistrature « l'autonomie budgétaire », le législateur organique a, sans méconnaître la Constitution, entendu confier à la loi de finances le soin de créer un programme permettant de regrouper de manière cohérente les crédits de ce conseil » 9 ( * ) .
Nécessaire en droit, la création d'un programme dédié aux moyens du Conseil supérieur, l'était aussi en fait. Le rattachement des crédits du CSM à une simple action du programme 166, l'exposait aux risques de la fongibilité des crédits au sein d'un même programme, à la hausse comme à la baisse.
Surtout, il apparaissait inapproprié que la même personne, à savoir le directeur des services judiciaires, responsable du programme « Justice judiciaire », fixe les crédits du CSM et qu'elle établisse les propositions de nomination soumises à l'avis du CSM - ce qui représentait près de 96 % de l'activité de nomination du Conseil supérieur en 2008. Ainsi, la même autorité pourvoyait aux moyens du CSM et sollicitait son avis sur les propositions qu'elle lui transmettait.
L'élévation du budget du Conseil supérieur au rang de programme, au sein de la mission « Justice » remédie aux difficultés évoquées. L'autonomie de gestion du CSM se trouve consacrée, sous la responsabilité du président de la formation plénière du CSM, le premier président de la Cour de cassation. Ses moyens échappent au risque de la fongibilité à la baisse de ses crédits, les virements ou transferts de crédits d'un programme à un autre ne pouvant intervenir que par décret. Et le Conseil supérieur n'est plus financièrement sous la tutelle de fait du service dont il examine les propositions.
À cet égard, le premier président de la Cour de cassation et responsable du programme « Conseil supérieur de la magistrature », M. Vincent Lamanda a attiré l'attention de votre rapporteur sur le fait que l'autonomie budgétaire acquise en droit pouvait être partiellement contrariée par la nouvelle dépendance comptable que crée l'insertion dans le dispositif de gestion comptable CHORUS.
En effet, le ministère de la justice a fait le choix de rattacher le Conseil supérieur, comme la Cour de cassation, au pôle CHORUS de la direction des services judiciaires, au motif que ces institutions n'émettaient pas un volume suffisant de factures pour justifier la constitution d'un pôle autonome.
Il en a résulté une complexification du circuit d'exécution de la dépense engagée par le Conseil supérieur ou la Cour de cassation, qui entraîne d'importants retards dans le traitement des factures de chacune des deux institutions. Ces retards s'accumulant, le Conseil et la Cour risquent de ne pas être en mesure d'avoir consommé l'intégralité de leur dotation budgétaire annuelle. Leurs crédits pourraient être annulés et les charges à payer grever leur prochain budget, ce qui équivaudrait à une diminution de fait de leurs moyens financiers.
S'il est nécessaire de faire la part entre les retards dus à la montée en puissance de l'application CHORUS et ceux inhérents au dispositif de gestion retenu, votre rapporteur juge important qu'il soit remédié au plus vite aux dysfonctionnements constatés.
À cet égard, la création d'un pôle CHORUS dédié exclusivement à la Cour de cassation et au Conseil supérieur de la magistrature pourrait constituer une solution adéquate , les deux institutions mettant en commun leur volume de factures pour atteindre la taille critique requise. Une telle opération serait d'ailleurs facilitée par le fait que le premier président de la Cour de cassation est l'autorité gestionnaire des crédits de chacune des deux institutions.
Interrogé sur ce point lors de son audition par la commission, par votre rapporteur, M. Michel Mercier, ministre de la justice et des libertés, a indiqué qu'il soutenait une telle solution et que ses services réfléchissaient aux conditions de sa mise en oeuvre.
* 8 Cf. rapport pour avis n° 116 (2010-2011) de MM. Yves Détraigne et Simon Sutour, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2011 : Justice et accès au droit, p. 16, http://www.senat.fr/rap/a10-116-4/a10-116-4.html , ainsi que le rapport pour avis de l'année précédente, n° 106 (2009-2010), p. 16, http://www.senat.fr/rap/a09-106-4/a09-106-4.html .
* 9 CC, n° 2010-611 DC, 19 juillet 2010, cons. 13.