Avis n° 111 (2011-2012) de M. Hervé MAUREY , fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, déposé le 17 novembre 2011
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INTRODUCTION
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I. LA LOI DE FINANCES NE PERMET NI INFORMATION
SATISFAISANTE NI RÉEL DÉBAT SUR LES PARTICIPATIONS
FINANCIÈRES DE L'ÉTAT
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A. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE POUR UNE
MISSION CAPITALE DE L'ÉTAT
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B. UN BILAN CONTRASTÉ ET DES
PRÉVISIONS POUR 2012 INQUIÉTANTES QUANT AUX RECETTES
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A. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE POUR UNE
MISSION CAPITALE DE L'ÉTAT
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II. UN NOUVEAU CADRE D'ACTION RÉNOVÉ
POUR L'ÉTAT ACTIONNAIRE : PREMER BILAN DE LA RÉFORME DE
L'APE
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III. DANS UN CONTEXTE FINANCIER DIFFICILE :
L'OPPORTUNITÉ D'UNE RÉFLEXION SUR UNE RÉDÉFINITION
DU PÉRIMÈTRE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE
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I. LA LOI DE FINANCES NE PERMET NI INFORMATION
SATISFAISANTE NI RÉEL DÉBAT SUR LES PARTICIPATIONS
FINANCIÈRES DE L'ÉTAT
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CONCLUSION
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ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES
AUDITIONNÉES
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ANNEXE 2
N° 111
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2011 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2012 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VIII
COMPTE D'AFFECTATION
SPÉCIALE :
PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L'ÉTAT
Par M. Hervé MAUREY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Gérard César, Gérard Cornu, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, MM. Thierry Repentin, Raymond Vall , vice-présidents ; MM. Claude Bérit-Débat, Ronan Dantec, Mme Valérie Létard, MM. Rémy Pointereau, Bruno Retailleau, Bruno Sido, Michel Teston , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Joël Billard, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Pierre Camani, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Alain Chatillon, Jacques Cornano, Roland Courteau, Philippe Darniche, Marc Daunis, Marcel Deneux, Mme Évelyne Didier, MM. Claude Dilain, Michel Doublet, Philippe Esnol, Alain Fauconnier, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Francis Grignon, Didier Guillaume, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Alain Houpert, Benoît Huré, Philippe Kaltenbach, Joël Labbé, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Alain Le Vern, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Louis Nègre, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Laurence Rossignol, Mireille Schurch, Esther Sittler, MM. Henri Tandonnet, Robert Tropeano, Yannick Vaugrenard, François Vendasi, Paul Vergès, René Vestri. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 3775, 3805 à 3812 et T.A. 754
Sénat : 106 et 107 (annexe n° 12 ) (2011-2012)
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) d'août 2001 prévoit un compte d'affectation spéciale, qui était intitulé « produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés » jusqu'en 2005, et qui s'intitule « Participations financières de l'État » depuis 2006. Ce compte vise à identifier, de manière spécifique et dédiée, les recettes de cessions des participations détenues par l'État et à ne pas les assimiler à des produits courants qui financeraient le fonctionnement de l'État. Sur ce compte sont donc versés, en dehors du budget général, tous les produits de ventes de titres et sont prélevées, le cas échéant, les dotations en capital consenties aux entreprises publiques.
Ce compte d'affectation spéciale ne concerne que les opérations de l'État liées à la gestion de ses participations financières qui ont une nature patrimoniale, ce qui exclut donc le financement sur cette ligne de dépenses courantes ou les dotations à caractère de subventions.
Dans un contexte de crise financière particulièrement alarmant , le rôle, les missions et les orientations stratégiques de l'État actionnaire sont plus que jamais au coeur des enjeux des politiques publiques françaises.
A cet égard, l'année 2011 constitue un tournant à plusieurs titres :
- la crise a eu de lourdes conséquences sur la valeur des participations de l'État, puisqu'elles sont passées de 88,2 milliards d'euros à 69,8 milliards d'euros en un an ;
- la réforme institutionnelle de l'État actionnaire a eu des retombées importantes en termes de fonctionnement et de gouvernance des entreprises appartenant au périmètre de l'Agence des participations de l'État.
C'est donc un État actionnaire rénové et modernisé qui est aujourd'hui confronté à la crise, puisqu'une nouvelle « fonction » a été créée à sa tête, celle de « commissaire aux participations de l'État », nommé le 15 septembre 2010. Le décret du 31 janvier 2011, modifiant le décret constitutif de l'APE du 9 septembre 2004, a inscrit cette réforme dans une perspective de définition d'une stratégie industrielle sur le long terme pour le pays, comme le montre par exemple le dialogue entre EDF et Areva au sein d'un partenariat stratégique consacré par le Conseil de politique nucléaire du 21 février 2011.
Dans ce contexte, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter, comme l'ont fait la quasi-totalité des rapporteurs avant lui, le caractère approximatif de ce compte d'affectation spéciale qui concentre les spécificités suivantes : les dépenses et les recettes ne sont « qu'indicatives » ; l'écart entre les prévisions et l'exécution est si important qu'il remet en cause la pertinence des informations regroupées par ce compte et la sincérité de l'information de ce budget ; aucun élément en effet ne permet d'anticiper les orientations stratégiques de l'État actionnaire.
Ainsi, le Parlement n'est pas pleinement associé à l'examen et à l'évaluation de cette mission pourtant essentielle de l'État , en particulier dans le contexte actuel de nos finances publiques. Il doit se contenter en effet d'examiner, chaque année, des données identiques et déconnectées d'une réalité changeante d'une année sur l'autre.
En dépit de ces limites récurrentes, votre rapporteur pour avis a souhaité s'interroger sur le pilotage par l'État actionnaire de ses intérêts dans le contexte actuel et esquisser un premier bilan de la réforme, initiée en 2010 , de l'Agence des participations de l'État, et, plus largement de la redéfinition des missions de la fonction d'État actionnaire.
En outre, il s'est interrogé sur l'opportunité de différents schémas de conduite et de stratégie de l'État actionnaire dans un double contexte - antinomique ? - de rigueur budgétaire et d'une promotion du rôle de l'État stratège qui permet, via ses participations, d'insuffler une dynamique et une stratégie industrielles solides et cohérentes. Il s'est enfin interrogé sur l'impact et les conséquences de la crise sur le périmètre des participations financières de l'État et sur son évolution souhaitable.
I. LA LOI DE FINANCES NE PERMET NI INFORMATION SATISFAISANTE NI RÉEL DÉBAT SUR LES PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT
A. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE POUR UNE MISSION CAPITALE DE L'ÉTAT
1. Les spécificités de l'État actionnaire
Les spécificités de l'État, lorsqu'il exerce sa fonction d'actionnaire, sont nombreuses.
En premier lieu, l'exigence de performance de la gestion publique, consacrée par la loi organique relative aux finances publiques (LOLF) du 1 er août 2001, s'impose à lui pour ce qui est de la gestion de son patrimoine industriel.
L'article 21 de la LOLF fonde le principe d'un compte d'affectation spéciale dédié aux participations financières de l'État , retraçant des opérations en les distinguant du budget général en raison de leur nature industrielle ou commerciale. Il stipule notamment que :
« Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. Ces recettes peuvent être complétées par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte.
Les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale. Les versements du budget général au profit de ce compte ne sont pas soumis à la limite prévue au premier alinéa » .
D'après les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances, qui constituent d'ailleurs pour le Parlement les principaux instruments d'information et de contrôle de la gestion des participations de l'État, ce compte d'affectation spéciale retrace :
En recettes :
- tout produit des cessions par l'État de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient directement ;
- les produits des cessions de titres, parts ou droits de sociétés détenus indirectement par l'État qui lui sont reversés ;
- les reversements de dotations en capital, produits de réduction de capital ou de liquidation ;
- les remboursements des avances d'actionnaires et créances assimilées ;
- les remboursements de créances résultant d'autres interventions financières de nature patrimoniale de l'État ;
- les versements du budget général.
En dépenses :
- les dotations à la Caisse de la dette publique et celles contribuant au désendettement d'établissements publics de l'État ;
- les dotations au Fonds de réserve pour les retraites (F2R) ;
- les augmentations de capital, les avances d'actionnaires et prêts assimilés, ainsi que les autres investissements financiers de nature patrimoniale de l'État ;
- les achats et souscriptions de titres, parts ou droits de sociétés ;
- les commissions bancaires, frais juridiques et autres frais qui sont directement liés aux opérations mentionnées ci-dessus.
Ainsi, le compte d'affectation spéciale présente clairement les recettes de cessions des participations de l'État et ne retrace que les opérations de l'État actionnaire intervenant comme investisseur.
Il est à noter qu'un certain nombre d'éléments stratégiques sont difficilement prévisibles et assez sensibles pour ne pas être rendus publics. C'est le cas par exemple des prévisions de cessions de participation, qui sont de ce fait difficiles à appréhender sur le plan des perspectives de long terme.
Le compte se décompose en deux programmes distincts : le programme 731 et le programme 732.
a) Le programme 731 consacré aux opérations en capital intéressant les participations financières de l'État
Ce programme a pour but de contribuer à la meilleure valorisation possible des participations financières de l'État.
Les emplois des produits de cessions de participations qui y sont décrits relèvent directement de l'État actionnaire via plusieurs opérations :
- l'augmentation ou le rétablissement de manière durable de capitaux propres des entités entrant dans son champ d'intervention ;
- à titre plus exceptionnel, via des prises de participation.
Les moyens de fonctionnement de l'Agence des participations de l'État, qui veille à la bonne gouvernance des entreprises publiques et assure un suivi de la stratégie de l'État, sont retracés dans le programme « Stratégie économique et fiscale » de la mission « Economie » du budget.
Quatre actions structurent ce programme, la principale étant l'action 1, qui correspond aux augmentations de capital, aux dotations en fonds propres, avances d'actionnaire ou prêts assimilés, qui représente en volume 62 % du programme 1 ( * ) .
b) Le programme 732 relatif au désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État
Ce programme a été créé en 2007 pour retracer la contribution de la valorisation des participations financières de l'État au désendettement. Comme le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances l'indique : « Au moyen d'apports financiers, l'État réduit les dettes qu'il a directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'entités publiques qu'il détient, envers des tiers ; ces opérations contribuent alors directement à l'amélioration du bilan de l'État et d'administrations publiques au sens de la comptabilité nationale » .
c) Le périmètre de combinaison de l'État actionnaire
Le périmètre de combinaison de l'État actionnaire comprend toujours, comme en 2009, 57 entités au titre de l'exercice 2010.
Si aucune sortie du périmètre n'est intervenue cette année, deux opérations en capital ont marqué l'exercice :
- l'augmentation de capital d'Areva de 900 millions d'euros souscrite par l'État et la Kuweit Investment Authority (KIA) le 28 décembre 2010 ;
- la transformation de La Poste en société anonyme : l'augmentation du capital de La Poste de 1 milliard d'euros est intervenue les 6 et 7 avril 2011 ; un nouveau collège des administrateurs a également été nommé, à la suite de l'entrée de la Caisse des dépôts et consignations au sein du capital.
Source : Rapport de l'État actionnaire 2011
2. Le caractère approximatif des prévisions contenues dans le CAS ne permet pas une appréhension complète du budget de l'État actionnaire par le Parlement
a) Une information du Parlement insuffisante
Pour la énième année consécutive, les dépenses et les recettes retracées dans le compte d'affectation spéciale ne permettent pas de donner une vision globale cohérente et très éclairée de la stratégie de l'État actionnaire, malgré des efforts non négligeables, comme par exemple la description des dépenses d'opérations financières dans le projet annuel de performances annexé.
Il est vrai que la stratégie de cession dépend très largement de la situation des marchés, des projets stratégiques des entreprises intéressées, de l'évolution de leurs alliances ainsi que des orientations industrielles retenues par le Gouvernement. On comprend bien que certaines données doivent être tenues secrètes pour ne pas mettre en péril des opérations importantes par l'impact qu'une trop grande publicité pourrait avoir sur les cours de la bourse.
Néanmoins, votre rapporteur pour avis regrette ce caractère approximatif alors même que la discussion du projet de loi de finances initiale est le seul moment, excepté les grandes lois de nationalisation ou de privatisation, où le Parlement est amené à débattre de l'État actionnaire , de son rôle, de sa politique, de sa stratégie et de l'étendue de ses missions.
La Cour des comptes, dans un rapport de 2008 sur l'Agence des participations de l'État, avait déjà pointé l'insuffisance de cette information budgétaire.
L'État actionnaire : apports et limites de l'Agence des participations de l'État « En fait, la visibilité du Parlement sur ce poste important de dépenses et de recettes demeure limitée. En tout état de cause, la performance de l'État actionnaire ne peut être valablement appréciée à travers les seuls programmes budgétaires correspondant à ce compte d'affectation spéciale, exclusivement centré sur les cessions et le désendettement. Ce compte se caractérise, en outre, par un écart très important entre les prévisions de la loi de finances initiale et l'exécution budgétaire. Un tel décalage est présenté comme consubstantiel à la mécanique des opérations en capital, dont la mise en oeuvre est conditionnée par de nombreux éléments exogènes, mais il traduit aussi parfois le fait que des décisions ont été prises au dernier moment, pour des raisons de circonstances, notamment budgétaires, sans s'inscrire dans une stratégie prédéfinie. » Source : Rapport public annuel de la Cour des comptes (février 2008), chapitre 1. |
b) Un compte peu fiable : un écart important entre les prévisions de la loi de finances initiale et l'exécution budgétaire correspondante
Le projet de loi de finances ne permet pas du tout d'anticiper ni d'établir des prévisions de recettes. Quant aux dépenses présentées, elles ne sont que purement indicatives et sont généralement bien loin de l'exécution effective.
Ainsi, les recettes prévues pour 2010 par la loi de finances initiale pour le compte d'affectation spéciale s'élevaient, comme celles prévues pour 2011 ou encore pour 2012, à 5 milliards d'euros. Or, l'exécution du budget en 2010 a donné lieu à l'encaissement de seulement 2,983 milliards d'euros, soit un écart de plus de 2 milliards d'euros.
De même, l'écart entre les recettes prévues pour 2010 provenant de cessions, par l'État, de titres, parts ou droits de sociétés détenus directement et les produits réellement encaissés est de l'ordre de 4,9 milliards d'euros. Une fois encore, le rapport annuel de performance explique cet écart « par une situation économique fortement dégradée ne permettant pas de cession significative d'actifs » . Il est précisé : « à titre d'illustration, la valeur du portefeuille des sociétés cotées de l'État a diminué de 16,6 % en 2010, soit une perte de 17,8 milliards d'euros » .
Au vu de la récurrence de tels écarts entre les prévisions et l'exécution effective d'un programme si stratégique, votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'utilité d'un tel compte d'affectation spéciale s'il ne retrace pas d'éléments fiables mais se contente de livrer, exercice budgétaire après exercice budgétaire, les mêmes informations qui, de fait, ne correspondent à rien.
Selon le rapport annuel de performance pour 2010, qui récapitule les crédits effectivement consommés (y compris les fonds de concours et les attributions de produits) en 2010 en les analysant par programme, action, titre et catégorie, l'écart entre les crédits qui avaient été effectivement prévus en loi de finances initiale et les crédits réellement consommés en 2010 est très important. La même observation peut être faite en ce qui concerne les prévisions de recettes.
Pour les recettes :
Source : Rapport annuel de performance - 2010
Pour les dépenses :
- équilibre du compte prévu en LFI :
Source : Rapport annuel de performance - 2010
- équilibre du compte constaté en exécution :
Source : Rapport annuel de performance - 2010
B. UN BILAN CONTRASTÉ ET DES PRÉVISIONS POUR 2012 INQUIÉTANTES QUANT AUX RECETTES
Le budget 2012 s'annonce difficile quant à la garantie de l'équilibre entre les dépenses et les recettes du compte d'affectation spéciale.
D'après les informations transmises à votre rapporteur pour avis, 860 millions d'euros de dépenses sont prévues tandis que peu de recettes semblent effectivement envisagées au vu de la situation des marchés dont les conditions sont particulièrement instables. Seule la monétisation de certains titres semble être possible, mais dans un contexte particulièrement délicat sur les marchés.
1. Un bilan en demi-teinte
Selon le projet annuel de performance annexé au PLF 2012, le résultat groupe combiné des entreprises dont l'État est actionnaire s'est établi à 7,9 milliards d'euros en 2010, « en légère augmentation par rapport à celui constaté en 2009 » (7,4 milliards d'euros). « Toutefois, cette apparente stabilité masque de fortes évolutions » , poursuit le rapport en pointant :
- une diminution du résultat opérationnel de 1,6 milliard d'euros pour passer de 12,8 milliards d'euros en 2009 à 11,2 milliard d'euros en 2010 ;
- une diminution du résultat financier de 1,7 milliard d'euros (-5 milliards d'euros en 2009 pour -6,7 milliards d'euros en 2010).
En outre, le résultat net des entités comptabilisées par intégration globale (c'est-à-dire où l'État est le seul pilote), c'est-à-dire EDF, Areva ou SNCF, etc, baisse de 30 %. Cette baisse est toutefois compensée par une augmentation substantielle des résultats des sociétés mises en équivalence de l'ordre de 2,5 milliards d'euros.
L'exécution 2010 avait donné lieu à 2,983 milliards d'euros de recettes provenant pour l'essentiel (plus de 80 %) de dotations versées à partir du budget général (et donc non prévues dans le projet de loi de finances initiale). Le montant total des dépenses réalisées en 2010 sur le compte s'élevait à 6,710 milliards d'euros sur le programme 731 seulement. Le solde du compte a fait l'objet d'un report de crédits de 2010 sur 2011 par arrêté du 4 mars 2011.
L'exécution pour 2011 laisse apparaître une fois encore une tension entre des recettes trop faibles et des dépenses difficilement évitables.
Au 29 juillet 2011, le montant des recettes s'établissait à 180 millions d'euros selon la décomposition suivante :
- réduction du capital de la Société de gestion de garanties et de participations (SGPP) à hauteur de 74 millions d'euros ;
- remboursement, par l'entreprise minière et chimique (EMC), de l'avance d'actionnaire consentie par l'État, pour 70 millions d'euros ;
- 13 millions d'euros de produits de cession concernant l'Agence pour la diffusion de l'information technologique (ADIT) ;
- 10 millions d'euros de remontée de trésorerie de l'Entreprise de recherches et d'activités pétrolières (ERAP) ;
- diverses distributions par fonds de capital pour 9 millions d'euros ;
- la cession de la totalité de la participation de l'État au capital des Thermes nationaux d'Aix-les-Bains (TNAB) à la société Compagnie européenne des bains pour 3 millions d'euros.
Côté dépenses, elles ont avoisiné les 600 millions d'euros avec la libération de la première tranche de l'augmentation de capital de La Poste qui s'est élevée à 467 millions d'euros, celle de la cinquième tranche de l'augmentation de capital de la Société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF) à 90 millions d'euros, la contribution française aux augmentations de capital des banques multilatérales de développement s'est élevée à 26 millions d'euros, tandis que la réponse aux appels de fonds s'est élevée à 5 millions d'euros pour le Fonds de fonds technologique 3. Enfin, 2,4 millions d'euros ont été consacrés à la régularisation de l'opération « échange salaire contre actions » de Air France et 2 millions d'euros à l'augmentation de capital de la société anonyme European Financial Stability Facility.
Par ailleurs, au vu du contexte économique largement dégradé, le compte d'affectation spéciale n'a pas contribué au désendettement de l'État en 2010, ce qui devrait être également le cas pour l'exercice 2011.
2. Un budget 2012 inquiétant du point de vue de l'équilibre recettes / dépenses
a) Les dépenses prévues
Les orientations budgétaires pour 2012 prévoient d'affecter un milliard d'euros pour le programme 731 et 4 milliards d'euros pour le programme 732.
Source : Projet annuel de performances pour 2012
Cet affichage notionnel ne reflète évidemment pas la réalité des opérations prévues sur le compte, d'autant qu'il y a de fortes chances pour que, comme en 2010 et en 2011, l'exercice 2012 soit caractérisé par une absence de crédits destinés au désendettement de l'État et des administrations publiques alors même que les documents budgétaires en font, une nouvelle fois, une priorité du compte. Votre rapporteur pour avis s'interroge ainsi une fois de plus sur la sincérité des informations stratégiques fournies au Parlement en la matière : dans le cas précis du désendettement, plus que d'informations lacunaires, c'est d'informations erronées qu'il s'agit.
Or, d'après les informations réunies par votre rapporteur pour avis, 860 millions d'euros de dépenses seraient prévues pour 2012 sur le compte d'affectation spéciale.
Ces dépenses prévues pour 2012 se structurent autour de quelques priorités :
- la libération de la 2 ème tranche d'augmentation du capital de La Poste : une augmentation de 2,7 milliards d'euros, dont 1,5 milliard d'euros par la Caisse des dépôts et consignations et 1,2 milliards d'euros pour l'État a été prévue ; cette tranche d'augmentation de capital libérée en 2012 s'élèvera à 466 millions d'euros ;
- en vue du financement du démantèlement des installations nucléaires, le Commissariat à l'énergie atomique pourrait céder à l'État une partie de sa participation dans Areva, pour 270 millions d'euros ;
- la libération éventuelle d'une nouvelle tranche de l'augmentation de capital du Fonds stratégique d'investissement (FSI) : votre rapporteur pour avis regrette que le montant de cette libération éventuelle ne soit pas précisé ;
- la poursuite de la recapitalisation des banques multilatérales de développement conformément aux décisions prises dans le cadre du G20 à hauteur de 56 millions d'euros : il s'agit de la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement), la BAfD (Banque africaine de développement), la BAsD (Banque asiatique de développement), la BID (Banque interaméricaine de développement), la BOAD (Banque ouest-africaine de développement) et la BDEAC (Banque de développement des États de l'Afrique centrale).
Sur ce dernier élément de dépenses, il est à noter que ces crédits étaient auparavant imputés au programme 110 « Aide économique et financière du développement » et qu'ils ont été mis à la charge du compte d'affectation spéciale depuis l'exercice 2011.
Votre rapporteur pour avis s'interroge sur la pertinence de ce choix : il ne paraît pas forcément évident que ce soit l'APE qui ait la charge de cette recapitalisation alors même que ces banques échappent à son contrôle.
L'exercice 2012 devrait également être caractérisé par une dotation à l'AFP de 8 millions d'euros destinée à un nouveau programme informatique, ainsi qu'une de 60 millions d'euros à la SOVAFIM, correspondant à une dotation du budget général décaissée en 2012.
b) Un point d'interrogation pour les recettes
Pour la énième année consécutive, le budget 2012 prévoit 5 milliards d'euros de recettes, sans versement du budget général.
Source : projet annuel de performance pour 2012
En réalité, au-delà de ce chiffre purement indicatif, face à ces dépenses inévitables, du côté des recettes, peu de rentrées sont prévues si ce n'est la monétisation de certains titres dans des conditions de marché particulièrement instables.
Votre rapporteur pour avis s'inquiète d'une alternative qui demeure aujourd'hui largement incertaine :
- soit les conditions de marché permettront de financer les dépenses du compte d'affectation spéciale par une ou plusieurs actions de cession avec le risque de réaliser des moins-values ;
- soit les dépenses devront être équilibrées par une dotation budgétaire alors même que la situation de nos finances publiques est très tendue .
Le risque de déficit du compte d'affectation spéciale conduit à s'interroger sur les priorités définies par l'État actionnaire.
Dans la mesure où les conditions de marché risquent fortement de ne pas permettre d'équilibrer le compte, se pose la question d'utiliser la dotation budgétaire de 1,780 milliard d'euros initialement destinée à la dotation en capital du Fonds stratégique d'investissement (FSI).
II. UN NOUVEAU CADRE D'ACTION RÉNOVÉ POUR L'ÉTAT ACTIONNAIRE : PREMER BILAN DE LA RÉFORME DE L'APE
A. UN CADRE INSTITUTIONNEL RÉNOVÉ : PREMIER BILAN D'UNE RÉORIENTATION
1. Le nouveau commissaire aux participations de l'État, symbole d'une redéfinition du rôle de l'État actionnaire
Par la nomination le 15 septembre 2010, d'un commissaire aux participations de l'État, une fonction nouvelle est née dans le cadre de la fonction d'actionnaire de l'État, symbolisant un élargissement de ses priorités.
En effet, le décret du 31 janvier 2011 a élargi les missions de l'Agence des participations de l'État dans le sens d'une véritable stratégie industrielle globale de l'État en modifiant le décret constitutif de l'Agence des participations de l'État du 9 septembre 2004.
Cette modification de statut de l'APE s'est concrètement traduite par :
- le rattachement direct au ministre en charge de l'économie : à l'article 1 er du décret, les mots « placé auprès du directeur général du Trésor » ont été remplacés par les mots « rattaché directement au ministre chargé de l'économie » ;
- une séparation stricte, pour la première fois, entre l'APE et la Direction générale du Trésor, alors qu'auparavant, il existait un directeur de l'Agence des participations de l'État qui fonctionnait dans l'orbite du Trésor ;
- un changement de profil à la tête de cette agence avec la nomination d'un « commissaire aux participations de l'État » , ayant vocation à remplacer l'ancien directeur de l'APE, qui est chargé « d'animer la politique actionnariale de l'État, sous ses aspects économiques, industriels et sociaux » .
Article 1 du décret n°2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale « Agence des participations de l'État » modifié par le décret n°2011-130 du 31 janvier 2011 I. - Il est créé, sous le nom d'Agence des participations de l'État, un service à compétence nationale rattaché directement au ministre chargé de l'économie . II. - L'agence exerce, en veillant aux intérêts patrimoniaux de l'État, la mission de l'État actionnaire dans les entreprises et organismes contrôlés ou détenus, majoritairement ou non, directement ou indirectement, par l'État qui figurent sur la liste annexée au présent décret. Elle exerce cette mission en liaison avec l'ensemble des ministères chargés de définir et de mettre en oeuvre les autres responsabilités de l'État. III. - Le commissaire aux participations de l'État, sous l'autorité du ministre chargé de l'économie, anime la politique actionnariale de l'État, sous ses aspects économiques, industriels et sociaux. A ce titre, il assure la direction générale de l'Agence des participations de l'État. IV. - Un directeur général adjoint peut être désigné, par arrêté du ministre chargé de l'économie, sur proposition du commissaire aux participations de l'État. |
C'est donc bien de la rénovation de la fonction actionnariale de l'État qu'il s'agit.
Dans sa communication relative à la politique de l'État actionnaire lors du Conseil des ministres du 27 avril 2011, la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Mme Christine Lagarde, avait en effet souligné l'évolution majeure de cette politique qui avait fait suite à la nomination d'un Commissaire aux participations de l'État. Cette évolution consistait, avait-elle précisé, à « mettre au premier plan la vision industrielle dans le pilotage des participations de l'État et à soutenir ainsi les entreprises concernées dans une stratégie de développement industriel et économique de long terme » .
Le décret du 31 janvier 2011 a également modifié l'article 5 du décret constitutif de l'APE, afin de prévoir que « les modalités de l'unité de gestion des moyens et des personnels de l'Agence des participations de l'État avec ceux de la Direction générale du Trésor sont fixées par une convention conclue entre le directeur général de l'agence et le directeur général du Trésor » . Dans ce cadre, une convention de gestion a été passée entre l'APE et la Direction générale du Trésor le 16 février 2011.
Cette réforme de la gouvernance de l'Agence des participations de l'État a marqué la volonté d'une vision plus anticipatrice et plus globale qui accorde une place essentielle à l'intérêt stratégique des entreprises. L'importance de « dialoguer » sur un pied d'égalité avec les entreprises publiques constitue désormais une priorité pour comprendre leurs enjeux stratégiques.
2. Les nouvelles modalités pratiques de travail
Au-delà de la symbolique, le bilan de cette réforme, un an plus tard, montre de réelles améliorations dans la pratique de la conduite de l'État actionnaire.
Dans sa communication du 27 avril 2011, la ministre en charge de l'économie avait également mis en avant une modernisation de la gouvernance des participations : « Cela passe d'abord par une meilleure gouvernance des participations. Un dialogue stratégique régulier et à haut niveau est assuré entre les ministres et les chefs d'entreprise. La représentation de l'État au sein des conseils d'administration inclut dorénavant de manière systématique un représentant compétent en matière industrielle, aux côtés du représentant issu de l'Agence des participations de l'État. La représentation équilibrée entre hommes et femmes au sein des conseils d'administration est une priorité » .
Cette volonté d'affirmer un objectif de stratégie industrielle à la politique actionnariale de l'État a conduit en pratique à un certain nombre de modifications pragmatiques qui ont modernisé la démarche de l'État dans son rôle d'actionnaire :
- pour chaque entreprise où l'État est actionnaire, des réunions régulières sont organisées entre le ministre de l'Economie, les autres ministres intéressés (Défense, Transports, Industrie, Energie ou encore Communication) et les dirigeants de l'entreprise dans le but de faire des points stratégiques ; comme le Commissaire aux participations de l'État, M. Jean-Dominique Comolli, l'a indiqué à votre rapporteur pour avis, ces réunions sont semestrielles et permettent un véritable dialogue de fond entre le ministre et les chefs d'entreprise ;
- un administrateur représentant l'État disposant de compétences industrielles est systématiquement nommé à côté de l'administrateur représentant le ministère de l'Economie au titre des intérêts patrimoniaux, ce qui marque bien cette double priorité que l'État actionnaire souhaite désormais mettre en avant ;
- l'organe compétent du conseil d'administration est chargé de préparer les processus de nomination, de renouvellement et de succession des dirigeants plus en amont ;
- une évaluation précise de la contribution de chaque entreprise au développement industriel de la France est menée via des revues régulières sur la répartition par pays ou grandes zones des investissements, de l'emploi, de la valeur ajoutée et des achats/sous-traitances ;
- un compte-rendu périodique sur la politique de gestion des personnels est établi.
Autre exemple de cette mise en avant de l'objectif de stratégie industrielle, l'Agence des participations de l'État a désormais recours à la pratique d'études sectorielles pour mieux anticiper les intérêts stratégiques des prises de participation de l'État. Ainsi, par exemple, une étude a été menée sur le secteur particulièrement émietté de la défense 2 ( * ) afin de délimiter les contours d'un périmètre qui puisse épouser ceux d'une véritable politique industrielle en matière de défense. Le rapprochement entre Thalès et Safran résulte de cette initiative.
Le rapport « l'État actionnaire » de 2011 de l'Agence des participations de l'État note ainsi : « Avec un tel plan d'action, l'État joue davantage son rôle d'actionnaire industriel pour amener ces entreprises à converger vers trois priorités qui sont les siennes : contribuer à la compétitivité de long terme de notre industrie et de l'économie, créer de la valeur et fournir aux 1,7 million de salariés concernés des perspectives d'emploi et de développement de leur projet professionnel » .
Votre rapporteur pour avis s'étonne cependant que la présentation stratégique du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012 indique que la finalité du programme 731 est de « contribuer à la meilleure valorisation possible des participations financières de l'État » et résume la stratégie de l'État actionnaire à deux objectifs seulement : « veiller à l'augmentation de la valeur des participations financières et assurer le succès des opérations de cession des participations financières » .
Il serait en effet souhaitable que la réforme de l'Agence des participations de l'État, et d'une manière générale de la gouvernance de l'État dans sa fonction d'actionnaire, puisse avoir des répercussions sur la gestion du compte d'affectation spéciale et sur les documents budgétaires élaborés et transmis au Parlement. En outre, une plus grande transparence et une plus grande exhaustivité des informations communiquées permettraient une meilleure anticipation du comportement de l'État actionnaire et de l'utilisation des crédits des programmes concernés.
De la même manière, comme M. François Patriat, rapporteur pour avis du compte d'affectation spéciale au nom de la commission de l'économie pour le projet de loi de finances pour 2011, l'avait relevé, pour l'APE chargée de mettre en oeuvre le programme 731 « les indicateurs permettant de mesurer l'atteinte ou non de l'objectif d'augmentation des participations de l'État sont ainsi naturellement des indices de rentabilité financière : la rentabilité opérationnelle des capitaux employés, la rentabilité financière des capitaux propres, la marge opérationnelle, la soutenabilité de l'endettement et la distribution de dividendes » 3 ( * ) .
Votre rapporteur pour avis regrette que pour l'exercice 2012, les indicateurs de performance n'aient pas évolué et n'aient pas pris en compte la réforme institutionnelle de l'APE et les orientations de bonne gouvernance mises en oeuvre en 2011, passant ainsi sous silence l'objectif de stratégie industrielle pourtant mis en avant par la nouvelle organisation de l'APE.
3. L'Agence des participations de l'État et le Fonds stratégique d'investissement : des missions à clarifier
La multiplicité des acteurs en charge du pilotage de l'État actionnaire rend peu lisible la stratégie globale arrêtée par l'État en matière de participations.
L'Agence des participations de l'État (APE) constitue un service à compétence nationale qui poursuit donc aujourd'hui le triple objectif d'un renforcement de la compétitivité de long terme de notre industrie et de notre économie, d'une création de valeur et d'un soutien aux perspectives d'emploi et de développement du projet professionnel des 1,7 million de salariés des entreprises suivies.
Ce travail de suivi approfondi des participations passe par une implication dans les travaux des organes sociaux (conseils d'administration et leurs comités spécialisés) et, dans ce cadre, par :
- le contrôle attentif de la qualité et de la sincérité des comptes et de l'information comptable ;
- l'analyse de la pertinence, sur le plan industriel et stratégique, et l'optimisation, sur le plan patrimonial, des investissements importants, des opérations de croissance externe et de cession ;
- la discussion et la validation des budgets annuels, des plans à moyen terme, et des grandes orientations stratégiques.
C'est à ce titre que le Commissaire aux participations de l'État siège en tant que représentant de l'État aux conseil d'administration, comité d'audit et comité des rémunérations du Fonds stratégique d'investissement. Il est également membre du comité d'investissement de ce dernier.
La Caisse des dépôts et consignations , investisseur institutionnel public, est présente au capital de plusieurs sociétés du CAC 40 et échappe au champ de compétence de l'APE. Elle détient d'ailleurs parfois des participations dans les mêmes entreprises que l'APE.
Le Fonds stratégique d'investissement (FSI) , lui, a été créé par l'État et la Caisse des dépôts en décembre 2008 pour répondre aux besoins spécifiques à chaque phase du cycle de vie d'une entreprise, par apport de nouveaux fonds propres ou par rachats d'actions, directement ou à travers les fonds d'investissements auxquels il souscrit à travers le programme FSI France Investissement. Il intervient dans des situations bien définies : soit pour apporter une réponse au déficit structurel de fonds propres des entreprises, soit pour accélérer le développement d'une entreprise dans le cadre d'un apport de fonds propres, soit pour accompagner la mutation d'une entreprise qui doit se transformer, ou encore pour renforcer l'actionnariat d'une entreprise importante pour le tissu industriel français.
C'est dans ce cadre que le FSI investit puis gère les fonds publics qui lui ont été confiés par l'État et la Caisse des dépôts, avec pour objectif de contribuer au renforcement de la compétitivité du pays.
Le Président de la République a récemment annoncé la création d'un nouveau dispositif FSI-Régions, en partenariat avec Oséo, afin que le FSI soit plus présent sur le terrain en soutenant directement les PME dans les régions. Ce fonds, dont le rôle sera d'accompagner les PME dans leurs recherches de financement mais aussi parfois de financer directement leurs projets, sera doté d'une enveloppe de 350 millions d'euros pour ses investissements.
Certaines sociétés sont néanmoins détenues à la fois par l'État et par le FSI : c'est le cas notamment pour Aéroports de Paris (avec 8 % du capital détenu par le FSI et 52,1 % par l'État) et pour France Télécom (avec 13,5 % du capital détenu par le FSI et 13,23 % par l'État).
Cette double détention peut être source de confusion quant à l'incarnation et au pilotage de la fonction actionnariale de l'État.
Comme le relève le rapport d'information 4 ( * ) de M. Jean-Pierre Fourcade au nom de la commission des finances du Sénat, « au regard de la stratégie globale de l'État actionnaire, la justification des participations conjointement détenues par l'État et le FSI n'est pas claire » . Il ajoute même : « Ce co-actionnariat contribue à brouiller la nécessaire distinction des rôles entre l'APE et le FSI et à mêler des logiques patrimoniales et stratégiques ».
Votre rapporteur pour avis rejoint ce sentiment sans toutefois considérer que les logiques patrimoniales et stratégiques doivent forcément s'opposer, surtout depuis la réforme de l'Agence des participations de l'État et le changement de cap et de vision qui semblent en avoir découlé.
Rapport d'information de M. Jean-Pierre Fourcade sur les participations transférées au Fonds stratégique d'investissement - 8 juin 2011 (Extrait) « S'il appartient à l'État actionnaire de mettre en oeuvre une politique industrielle active, la question doit donc être posée du partage des rôles entre ce dernier et le FSI, dont la vocation est très similaire. (...) Par conséquent, et sauf à ne plus savoir exactement qui fait quoi en matière de politique industrielle, votre rapporteur spécial juge indispensable de préciser très clairement les rôles respectifs du FSI et de l'APE. Selon l'agence, la feuille de route confiée au Commissaire aux participations de l'État par le Conseil des ministres du 3 août 2010 concerne avant tout la question de la logique de développement industriel des participations de l'État et de « l'empreinte » de ces participations, qui sont souvent des grands donneurs d'ordre ou des acteurs de premier rang à l'aval des filières. C'est dans le cadre de ce pilotage de ces entreprises que l'APE doit mettre au premier plan la vision industrielle. Le FSI, pour sa part, a vocation à participer à la structuration des acteurs de l'amont des filières » . |
Votre rapporteur pour avis partage cette recommandation de clarification des rôles pour une plus grande lisibilité du pilotage de l'État actionnaire, considérant en outre que le FSI doit désormais définir une nouvelle doctrine d'investissement, en accord avec la nouvelle orientation stratégique de l'État actionnaire. En effet, en juillet 2011, le montant total de ses investissements s'élevait seulement à 4 milliards d'euros environ, dont 2,8 milliards d'euros en direct dans 54 entreprises, 646 millions d'euros d'investissements des fonds créés par le FSI dans 125 sociétés et 577 millions d'euros dans les fonds partenaires FSI-France Investissement.
B. DES EFFORTS EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE DES ENTREPRISES PUBLIQUES
La réforme de l'État actionnaire s'est également traduite par une meilleure gouvernance des entreprises publiques, sous de nombreux aspects.
1. Des administrateurs de l'État mieux formés
La qualité de la gouvernance des entreprises publiques est tout d'abord passée par une « professionnalisation » des administrateurs représentant l'État.
Un programme de formation a ainsi été mis en place pour eux, en lien avec l'Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), l'Institut français des administrateurs (IFA) et le groupe HEC.
C'est une formation désormais obligatoire pour tout nouvel agent intégrant l'APE. En 2011, plus de 110 stagiaires ont suivi cette formation.
En outre, la participation des représentants de l'État aux organes sociaux de son périmètre a été mise en avant. L'État a en effet participé à 278 réunions de conseils d'administration ou de surveillance en 2010 et 176 réunions de ce type au premier semestre 2011.
2. Des progrès en termes de parité dans les entreprises publiques
Votre rapporteur pour avis se réjouit des avancées en matière de féminisation des conseils d'administration des entreprises à participation publique.
En effet, la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 a instauré une obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et des conseils de surveillance des grandes entreprises, cotées ou non cotées, publiques ou privées. La plupart des entreprises dans lesquelles l'État est actionnaire sont donc concernées par cette obligation de respecter un quota minimum de 20 % en 2014 puis de 40 % en 2017. La loi a en outre précisé que les conseils d'administration ou de surveillance ne comptant aucune femme doivent impérativement en nommer une dans les six mois à compter de la promulgation de la loi sous peine de sanctions.
En 2011, on dénombre 120 femmes sur un total de 823 administrateurs au sein des conseils d'administration ou de surveillance des entreprises du périmètre de l'Agence des participations de l'État, soit 14,6 %, contre 12,7 % en 2010, ce qui constitue une hausse de +15 % de femmes en un an.
Source : Rapport de l'État actionnaire - 2011
3. Une gouvernance reposant sur une Charte des relations avec les entreprises publiques
Depuis la création de l'APE en 2004, les administrateurs issus de l'APE et représentant l'État au conseil d'administration ou de surveillance de près de 50 entités dont l'État est actionnaire sont interrogés sur l'application par ces entreprises de la Charte des relations avec les entreprises publiques, qui s'articule autour de quatre grandes priorités :
- les compétences et le fonctionnement du conseil d'administration ou de surveillance ;
- les compétences et le fonctionnement du comité d'audit ;
- les compétences et le fonctionnement du comité de la stratégie ;
- les relations avec l'Agence des participations de l'État (fréquence des réunions...).
La performance globale pour 2011 est de 81 % du score cible , ce dont votre rapporteur pour avis se réjouit.
III. DANS UN CONTEXTE FINANCIER DIFFICILE : L'OPPORTUNITÉ D'UNE RÉFLEXION SUR UNE RÉDÉFINITION DU PÉRIMÈTRE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE
A. L'IMPACT DE LA CRISE SUR LE PÉRIMÈTRE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE
Votre rapporteur pour avis souligne que le chiffre d'affaires pour 2010 des entreprises du périmètre de l'Agence des participations de l'Etat s'établit à 134,2 milliards d'euros (contre 121,3 milliards en 2009, soit une augmentation de 10,7 %) et que dans le même temps, la dette s'est réduite de 9,2 milliards d'euros sur l'exercice 2010 grâce à des opérations de cessions (le ratio de soutenabilité de l'endettement est passé de 4,8 en 2009 à 4 en 2010).
Néanmoins, si les entreprises du périmètre de l'Agence des participations de l'État ont plutôt bien résisté à la crise, leur valorisation boursière s'est, elle, beaucoup détériorée.
Depuis fin 2010 en effet, on assiste à une véritable chute des participations cotées de l'État : de 88,2 milliards d'euros au 31 décembre 2010 à 69,8 milliards d'euros au 19 octobre 2011 (-18,5 milliards d'euros). Cette situation s'explique principalement par le recul des actions EDF et GDF Suez et par le décrochage de près de 60 % du titre Air France.
Si la crise n'a pas eu pour effet de modifier le périmètre des participations de l'État, la situation de nos finances publiques et les différentes recapitalisations bancaires justifient que l'on se penche sur le rôle stratégique que l'État peut assumer par le biais de ses participations.
B. LA CRISE IMPLIQUE-T-ELLE UNE NOUVELLE DOCTRINE EN TERMES DE PARTICIPATIONS ?
La mission de l'État actionnaire se doit, aujourd'hui encore davantage depuis la réforme de l'Agence des participations de l'État, de concilier plusieurs exigences :
- la meilleure valorisation possible des participations financières de l'État ;
- le succès des opérations de cession des participations financières ;
- une contribution au désendettement de l'État et d'administrations publiques.
À ces trois exigences s'ajoute aujourd'hui un quatrième objectif : celui de la meilleure orientation possible d'une politique industrielle stratégique pour le pays.
La crise que nous traversons aujourd'hui fait prendre à ces quatre objectifs un relief particulier et ne manque pas de soulever des questions sur l'opportunité des choix de l'État actionnaire.
Le montant total des participations cotées de l'État (ce qui exclut donc les entreprises non cotées comme par exemple la RATP, la SNCF ou encore Radio France) atteint un peu moins de 60 milliards d'euros au 22 novembre 2011.
Plus que jamais se pose la question de la pertinence de la redéfinition du périmètre de l'État actionnaire. Celle-ci doit conduire à s'interroger sur l'utilité de ces participations en termes d'efficacité et de stratégie.
L'accent mis sur l'objectif de développement industriel et économique de long terme selon une vision stratégique du pilotage des participations de l'État pose la question d'entreprises peu stratégiques, au sein desquelles l'État détient des participations. Cette question peut, à titre d'exemple, se poser pour Aéroports de Paris (ADP), dont l'État possède 52 % du capital, alors que nos voisins européens sont en passe de privatiser leurs structures aéroportuaires, comme les deux grands aéroports de Madrid et de Barcelone en Espagne, dont la privatisation pourrait rapporter 5 milliards d'euros.
Autrement dit, toutes les participations de l'État se justifient-elles d'un point de vue de la cohérence de la stratégie industrielle ? Ne serait-il pas optimal d'adopter une gestion plus dynamique pouvant conduire à des cessions de certains actifs permettant de nouvelles prises de participations dans des entreprises stratégiques et/ou un désendettement ? Cette question mérite d'être posée.
Aéroports de Paris Aéroports de Paris (Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget) a été transformé en société anonyme en juillet 2005 par la loi n°2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports puis introduit en bourse en juin 2006 : depuis cette date, son capital social s'élève à 296 881 806 euros. Au 31 décembre 2010, le capital de la société est réparti comme suit : - État : 52,1% - Public : 29,7% - Fonds stratégique d'investissement : 8% - Schiphol Group : 8% - Salariés : 2,2% Le chiffre d'affaires en 2010 s'élève à 2,74 milliards d'euros (contre 2,6 milliards d'euros en 2009). |
Aussi votre rapporteur pour avis estime qu'il serait souhaitable que la représentation nationale ait un débat approfondi sur ce sujet et notamment sur les entreprises à participation publique peu stratégiques ou au sein desquelles l'État détient des participations de manière très minoritaire (moins de 20 % par exemple).
A cet égard, on se doit de s'interroger sur l'influence de l'État sur une entreprise comme Renault, dont il possède moins de 20 % du capital.
Le rapport public de la Cour des comptes de 2008 soulevait déjà cette question : « Lorsque sa participation est comprise entre 30 et 40 %, son influence demeure déterminante (...) Lorsque la part de l'État au capital passe en dessous de 30 %, il perd la maîtrise des décisions du conseil d'administration. En tant qu'actionnaire de référence, il devrait néanmoins constituer un interlocuteur incontournable pour toute opération de restructuration du capital des entreprises considérées. Il ne lui est cependant pas toujours possible de tirer parti de cette position, ses marges de manoeuvre étant, par certains aspects, plus limitées que celles des actionnaires privés » .
CONCLUSION
Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » retrace donc des opérations stratégiques et dépasse le simple objectif d'une valorisation patrimoniale des actifs de l'État actionnaire. Plus largement, il reflète la politique et la stratégie industrielle de l'État.
Pourtant, année après année, les informations contenues dans le compte demeurent quasi-invariablement identiques : les mêmes tendances, les mêmes prévisions de recettes, les mêmes indications de dépenses, les mêmes explications, les mêmes indicateurs de performance, année après année, les mêmes écarts importants entre prévisions et réalisations.
Votre rapporteur pour avis regrette, tout en comprenant le caractère confidentiel de certaines données, que le Parlement ne soit pas en mesure de se saisir pleinement de ce sujet pourtant essentiel au moment de la discussion de la loi de finances.
Au-delà de l'activité même du compte, votre rapporteur pour avis constate que la réforme de la gestion des participations avec notamment la nomination d'un « commissaire aux participations de l'État » directement rattaché au ministre chargé de l'économie, a permis une meilleure prise en compte des impératifs de stratégie industrielle par l'Etat actionnaire.
Cependant, cette nouvelle orientation gagnerait à être clarifiée notamment par rapport à la mission du Fonds stratégique d'investissement.
Par ailleurs, le contexte difficile dans lequel se trouvent nos finances publiques plaide plus que jamais en faveur d'un véritable débat au Parlement sur le périmètre, le volume et le mode de gestion des participations de l'Etat.
Lors d'une réunion tenue le 23 novembre 2011, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, contre la proposition de son rapporteur pour avis qui s'est abstenu, a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » dans le projet de loi de finances pour 2012. |
ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Devant la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire
- M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.
Devant le rapporteur
- M. Jean-Dominique Comolli, commissaire aux participations de l'État et M. Elie Beauroy, secrétaire général de l'Agence des participations de l'État.
ANNEXE 2
* 1 Le programme 731 comporte 4 actions : l'action 1 « Augmentations de capital, dotations en fonds propres, avances d'actionnaire et prêts assimilés », l'action 3 « Achats ou souscriptions de titres, parts ou droits de société », l'action 4 « Autres investissements financiers de nature patrimoniale », l'action 5 « Prestations de services : commissions bancaires, frais juridiques et frais liés aux opérations de gestion des participations financières de l'Etat ».
* 2 Le secteur des industries de défense dans lesquelles l'État détient des participations se compose de : DCI, DCNS, EADS, Giat Industries Nexter, Safran, SNPE, Thales.
* 3 Avis n° 115 - Tome VIII Loi de finances pour 2011, Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'Etat présenté par François Patriat au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (18 novembre 2010).
* 4 Rapport d'information n° 588 (2010-2011) de M. Jean-Pierre Fourcade au nom de la commission des finances sur les participations transférées au Fonds stratégique d'investissement (FSI) déposé le 8 juin 2011.