B. L'EFFORT EN FAVEUR DES PUBLICS LES PLUS EN DIFFICULTÉ MARQUE LE PAS
Ce sont les seniors qui sont les plus touchés par les mesures d'économies décidées par le Gouvernement.
1. Les mesures d'âge destinées aux seniors
L'Etat accélère la politique d'extinction des mesures d'âge, alors que la réforme des retraites de 2010 rend nécessaire le maintien de mécanismes de préretraites en faveur de salariés âgés dont l'emploi est supprimé et qui ont peu de chances de retrouver un autre poste de travail.
Les allocations spéciales du fonds national de l'emploi (ASFNE) permettent, dans le cadre d'une procédure de licenciement économique et sur la base d'une convention entre l'Etat et l'entreprise, d'assurer un revenu de remplacement à des salariés âgés dont l'emploi est supprimé et dont les perspectives de reclassement sont réduites.
Elles peuvent être versées à des salariés de plus de cinquante-sept ans (cinquante-six ans à titre dérogatoire) et permettent à leurs bénéficiaires de percevoir environ 65 % de leur salaire brut antérieur jusqu'à l'âge de leur départ en retraite.
Le financement du dispositif est assuré par une contribution :
- de l'employeur, dont le montant est négocié avec l'Etat en fonction de la taille de l'entreprise, de sa situation financière et de la qualité du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) mis en oeuvre ;
- du salarié, qui renonce à la différence entre l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité légale de licenciement ou de mise à la retraite, sans que sa contribution puisse excéder quarante fois le salaire journalier de référence ;
- de l'Unedic, qui devrait apporter près de 7,9 millions d'euros en 2012 ;
- de l'Etat, qui prend en charge la différence entre le coût de l'allocation et les autres contributions.
Les critères fixés pour autoriser la conclusion de conventions ASFNE n'ont cessé d'être durcis ces dernières années. Depuis le 1 er janvier 2008, toute demande de conventionnement portant sur un effectif d'au moins cinq bénéficiaires potentiels doit recevoir un avis favorable préalable de l'administration centrale du ministère de l'emploi pour pouvoir aboutir. En octobre 2011, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle a adressé une instruction à ses services déconcentrés leur demandant de suspendre la conclusion des conventions ASFNE.
En conséquence, le nombre de bénéficiaires de l'ASFNE diminue continûment depuis 2003. Le nombre d'entrées dans le dispositif au premier semestre 2011 a été inférieur à 300.
Evolution du nombre de bénéficiaires de l'ASFNE |
|||
Nombre de conventions signées |
Entrées |
Stock moyen |
|
2003 |
2 191 |
7 071 |
33 313 |
2004 |
1 913 |
4 855 |
27 472 |
2005 |
1 628 |
4 048 |
22 080 |
2006 |
1 452 |
3 631 |
17 545 |
2007 |
1 064 |
3 400 |
14 717 |
2008 |
666 |
1 892 |
12 358 |
2009 |
818 |
1 766 |
12 341 |
2010 |
498 |
1 070 |
7 642 |
2011 (au 30 juin) |
161 |
295 |
5 008 |
Source : ministère de l'emploi |
Le Gouvernement a donné le coup de grâce à l'ASFNE lors de l'examen du projet de budget à l'Assemblée nationale. Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, a présenté en séance un amendement qui supprime entièrement le dispositif 10 ( * ) . Cette suppression a été justifiée par les « difficultés de gestion du dispositif », qui ferait « naître des espoirs parmi les salariés, espoirs qu'il n'est pas possible de satisfaire au regard des critères d'attribution très restrictifs en vigueur ». A également été évoquée la difficulté « de respecter l'égalité de traitement des salariés licenciés pour motif économique dès lors que la mobilisation du dispositif n'est pas automatique mais soumise à des considérations d'espèce » 11 ( * ) .
Votre commission fait cependant observer que les difficultés de gestion invoquée par le Gouvernement découlent uniquement du choix qui a été fait ces dernières années de restreindre considérablement les possibilités d'entrée dans le dispositif.
Elle estime également que ce dispositif peut conserver une utilité pour accompagner les mutations économiques, notamment dans un contexte de crise et d'augmentation du chômage. Elle note qu'un léger rebond des entrées dans le dispositif s'est produit en 2009, malgré le resserrement des critères, ce qui montre qu'il peut présenter un intérêt en période de crise.
La suppression du dispositif permettrait de réduire la dotation de l'Etat, qui serait de seulement 49,6 millions en 2012, après 76,3 millions en 2011, complétée par un rattachement de fonds de concours de 19 millions d'euros (17,15 millions l'an dernier). Comme aucune nouvelle entrée ne serait plus possible, elle aurait seulement pour objet de financer le versement des allocations payées aux actuels bénéficiaires de l'ASFNE.
Le dispositif de cessation anticipée d'activité de certains travailleurs salariés (Cats) est également en voie d'extinction.
Le départ de salariés en cessation d'activité n'est possible que si un accord de branche le prévoit et si l'entreprise a signé un accord de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences. En 2011, un seul accord de branche (autoroutes) autorise encore des adhésions au dispositif, les autres accords étant arrivés à leur terme. En 2012, aucune adhésion ne sera plus possible, ce dernier accord cessant de produire ses effets.
Le nombre de bénéficiaires diminue (moins de 2 500 l'an prochain), ce qui autorise une diminution sensible des crédits : alors que 36,85 millions d'euros avaient été prévus dans la loi de finances initiale pour 2011, la dotation demandée pour 2012 s'élève seulement à 25,35 millions.
Les conventions de préretraites progressives (PRP), conclues entre l'Etat et un employeur, permettaient à des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans de transformer leur emploi à temps plein en emploi à temps partiel. Depuis le 1 er janvier 2005, il n'est plus possible de signer de nouvelles conventions de préretraites progressives.
La dotation budgétaire consacrée à la PRP couvre donc les dépenses engagées au titre des personnes entrées dans le dispositif avant cette date. Ces dépenses sont en forte baisse car le nombre de bénéficiaires diminue très rapidement. On n'en comptait plus que 1 350 en 2010. La dotation inscrite dans le projet de loi de finances s'élève à 4,5 millions et est de moitié inférieure à celle votée en loi de finances initiale pour 2011.
Evolution du nombre de bénéficiaires des préretraites progressives |
|||
Nombre de conventions signées |
Entrées |
Stock moyen |
|
2003 |
2 689 |
15 940 |
48 657 |
2004 |
2 085 |
7 725 |
44 742 |
2005 |
0 |
5 096 |
36 604 |
2006 |
0 |
0 |
26 753 |
2007 |
0 |
0 |
15 949 |
2008 |
0 |
0 |
8 114 |
2009 |
0 |
0 |
3 525 |
2010 |
0 |
0 |
1 350 |
2011 (au 30 juin) |
0 |
0 |
600 |
Source : ministère du travail, de l'emploi et de la santé |
2. Les dispositifs pour l'emploi des jeunes
? Depuis 2005, les missions locales et les PAIO disposent d'un outil d'accompagnement renforcé, le contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis), destiné à des jeunes de seize à vingt-cinq ans en difficulté et confrontés à un risque d'exclusion professionnelle. Les bénéficiaires du Civis peuvent percevoir, s'ils n'ont pas de revenu, une allocation destinée à conforter leur parcours d'insertion.
En 2010, la dotation prévue en loi de finances initiale, d'un montant de 55 millions d'euros, avait été complétée de 35 millions d'euros en cours d'année pour permettre la mise en oeuvre du plan « Agir pour la jeunesse ». En 2011, l'enveloppe consacrée au financement du Civis s'est élevée à 55 millions d'euros, ce qui a permis aux missions locales et aux PAIO de suivre 150 000 jeunes.
Pour 2012, le Gouvernement semble avoir revu ses ambitions à la baisse, puisque la dotation envisagée dans le projet de loi de finances atteint seulement 50 millions d'euros, équivalent au suivi de 135 000 jeunes. Rien ne permet pourtant d'envisager, à court terme, une amélioration des perspectives d'insertion professionnelle des jeunes. Les besoins en matière d'accompagnement restent donc entiers.
? Le nombre de contrats d'autonomie , dispositif créé en 2008 dans le cadre du plan « Espoir Banlieues », devrait en revanche augmenter l'an prochain : alors que 7 000 entrées dans le dispositif devraient être enregistrées en 2011, le nombre de nouveaux contrats passerait à 8 000 en 2012. Une dotation de 46 millions d'euros en crédits de paiement est prévue pour les financer.
Ce choix est contestable dans la mesure où le rapport coût-efficacité de ce contrat est décevant . Le coût unitaire moyen d'un contrat d'autonomie est en effet estimé à 8 500 euros. A titre de comparaison, le coût moyen d'un Civis est de seulement 370 euros !
Lors de son audition par la commission, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, Xavier Bertrand, a indiqué que le taux de sortie positive des jeunes passés par ce contrat est de 42 %, ce qui est non négligeable, et que ce taux augmente régulièrement, malgré la crise. Il a précisé que le dispositif serait recentré sur les douze départements qui enregistrent les meilleurs résultats 12 ( * ) et sur les quartiers où le chômage des jeunes est le plus élevé.
Votre commission note cependant que cet indicateur de taux de sortie positive englobe des sorties vers l'emploi mais aussi des entrées en formation, dont il n'est pas assuré qu'elles débouchent in fine sur une insertion professionnelle durable.
Les indicateurs de résultats qui figurent dans le projet annuel de performance (Pap) ne permettent pas de comparer le taux de sortie positive du contrat d'autonomie avec celui du Civis, ce qui est regrettable. Ils permettent, en revanche, de rapprocher les résultats obtenus en matière d'insertion dans l'emploi durable : ce taux est évalué à 35%, en 2011, pour le Civis, contre seulement 25% pour le contrat d'autonomie.
Peut-être cette médiocre performance s'explique-t-elle par le fait que les bénéficiaires du contrat d'autonomie sont particulièrement éloignés de l'emploi, et donc plus difficiles à réinsérer que les titulaires du Civis ? Les premiers travaux d'évaluation réalisés par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) tendent plutôt à infirmer cette hypothèse : la Dares indique en effet qu'« au cours des premiers mois de sa mise en oeuvre, le contrat d'autonomie semble avoir bénéficié plutôt à un public déjà connu du service public de l'emploi et moins éloigné de l'emploi qu'anticipé » 13 ( * ) . Le contrat d'autonomie ne serait donc pas parvenu à toucher le public très éloigné de l'emploi qu'il visait initialement.
Au vu de ces résultats, il semble surtout que la volonté du Gouvernement de maintenir le contrat d'autonomie s'explique par des raisons politiques : le remettre en cause reviendrait à acter l'échec de l'une des mesures-phares du plan « Espoirs Banlieues », plan qui s'était lui-même révélé très décevant au regard des attentes immenses qu'il avait imprudemment fait naître.
? Les écoles de la deuxième chance et l'établissement public d'insertion de la défense (Epide) poursuivent un objectif commun : aider des jeunes en difficulté et sans qualification à prendre un nouveau départ.
Concernant les écoles de la deuxième chance, le projet de loi de finances prévoit simplement de reconduire la dotation votée en 2011, dont le montant est de 24 millions d'euros. La dotation de l'Etat pour l'Epide serait quant à elle légèrement réduite (46,67 millions après 48,33 millions l'an dernier).
3. L'insertion par l'activité économique
Les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) ont pour mission d'employer et d'accompagner vers l'emploi durable des personnes qui, en raison de leurs difficultés sociales, ne seraient pas en mesure d'être embauchées dans les conditions ordinaires du marché du travail.
En 2012, les crédits affectés à l'IAE devraient être identiques à ceux votés en 2011 et en 2010 :
- 140 millions sont prévus pour les entreprises d'insertion (EI) et les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) ;
- 23,5 millions pour les ateliers et chantiers d'insertion (ACI) ;
- 12,7 millions pour les associations intermédiaires (AI).
? Cette reconduction des crédits ne permet pas d'envisager une augmentation du nombre de bénéficiaires de ces dispositifs .
A titre d'indication, 12 554 salariés en insertion travaillaient dans une EI à la date du 31 décembre 2010. Les ETTI ont mis à disposition 10 493 salariés, en moyenne, chaque mois au cours de l'année 2010. Plus de 82 500 CUI-CAE ont été prescrits, la même année, dans les ACI. Enfin, on estime que 130 000 personnes, en moyenne annuelle, sont mises à disposition par les AI.
En 2011, la mise en oeuvre du plan de modernisation du secteur de l'IAE s'est poursuivie :
- depuis le 1 er janvier 2009, le conventionnement des structures est précédé d'une négociation avec l'Etat pour définir un projet d'insertion formalisé et des objectifs de retour à l'emploi tenant compte du contexte local ; les conventions ont été renouvelées en 2011 après une analyse des résultats obtenus en 2010 ;
- dans le prolongement des expérimentations locales menées, en 2010, concernant les modalités de financement des structures, les représentants du secteur ont souhaité qu'une réflexion soit engagée, dans le cadre du conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), sur les modèles économiques des SIAE ; puis de nouvelles expérimentations ont été engagées au cours du second semestre : elles permettront, en concertation avec les financeurs, de subventionner, via le fonds départemental d'insertion, des structures qui mettent en oeuvre des actions visant à améliorer les taux de sortie vers l'emploi et la formation qualifiante (prospection des entreprises et recherche de niches d'activité, construction de parcours d'insertion et de formation) ;
- pour renforcer l'accès à la formation des salariés en insertion et des permanents des SIAE, un guide de la formation dans l'IAE a été envoyé à toutes les structures et un accord national a été signé entre l'Etat, les réseaux de l'IAE et des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) volontaires pour assurer une couverture effective des besoins en formation.
* 10 Cet amendement est devenu l'article 62 bis du projet de loi de finances, rattaché aux crédits de la mission.
* 11 Cf. le compte rendu intégral des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du vendredi 4 novembre 2011.
* 12 A l'Assemblée nationale, Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, a donné la liste de ces départements : Seine-Saint-Denis, Nord, Rhône, Essonne, Bouches-du-Rhône, Val d'Oise, Yvelines, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, Isère, Eure-et-Loir et Réunion.
* 13 Cf. Dares Analyses n° 13, «Le contrat d'autonomie : mise en oeuvre par les opérateurs et profils des bénéficiaires » février 2011.