II. UNE RECONNAISSANCE INÉGALE DE CEUX QUI ONT SERVI LA FRANCE

La Nation a envers celles et ceux qui ont combattu pour elle ou ont été les victimes d'actes de guerre une dette imprescriptible qui se traduit par un devoir de reconnaissance et de réparation. Elle se doit d'être envers eux irréprochable et de rendre effectifs, dans les meilleurs délais, les droits attachés à la qualité d'ancien combattant et aux éventuels titres que ceux-ci peuvent détenir.

Le principal en est la carte du combattant , qui ouvre droit notamment au versement de la retraite du combattant, à la constitution d'une rente mutualiste majorée par l'Etat, à une demi-part d'impôt sur le revenu à partir de soixante-quinze ans, et à la qualité de ressortissant de l'Onac. Elle est attribuée pour quatre mois de présence à ceux ayant participé à la guerre d'Algérie, aux combats au Maroc et en Tunisie. Au titre des Opex, en application des articles L. 253 ter et R. 224 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la carte du combattant peut être délivrée aux anciens combattants qui ont soit :

- appartenu pendant trois mois à une unité combattante ;

- appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ;

- pris part à cinq actions de feu ou de combat ;

- reçu une blessure de guerre ou liée à leur service.

C'est le service historique de la défense (SHD) qui, par l'examen des journaux de marche des unités, détermine la participation ou non à des actions de combat.

Le titre de reconnaissance de la Nation (TRN) est la seconde forme de reconnaissance d'un engagement au service du pays. Il est remis à quiconque peut justifier de quatre-vingt-dix jours de participation à un conflit, ainsi qu'aux blessés (articles D. 266-1 à 5 du code des pensions).

Toutefois, alors que les principes législatifs généraux semblent prévoir une large éligibilité à ces dispositifs, conséquence logique de la reconnaissance nationale, leur application réglementaire fixe des critères qui aboutissent, dans plusieurs cas, à exclure du bénéfice de leurs droits un certain nombre d'anciens combattants. Très sensible à cette question, votre rapporteure ne peut accepter cet état de fait.

A. UN SENTIMENT DE DÉLAISSEMENT DE NOMBREUX ANCIENS COMBATTANTS

1. La réforme difficile de l'administration à leur service

La direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS) et ses services déconcentrés, les directions interdépartementales des anciens combattants (Diac), étaient historiquement, avec l'Onac, l'interlocuteur des anciens combattants et le service chargé de la pleine reconnaissance de leurs droits.

Dans l'une des premières mises en oeuvre de la RGPP, il a été décidé, en 2007, de rationaliser cette administration en faisant des services départementaux de l'Onac le correspondant local des anciens combattants. Cette réforme a conduit au transfert des missions de la DSPRS à un certain nombre d'entités, à savoir : la direction des ressources humaines du ministère de la défense et des anciens combattants (DRH-MD), l'Onac, l'institution nationale des invalides (Ini), la direction centrale du service de santé des armées (DCSSA), la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) et la DMPA.

La réforme de l'administration des anciens combattants s'achèvera par la disparition de la DSPRS le 31 décembre prochain et a été réalisée selon le calendrier suivant :

Organisme

Transferts

Emplois réservés

DRH-MD avec accueil par les services départementaux de l'Onac pour les enfants de Harkis et les antennes de l'agence de reconversion de la défense pour les militaires

2009 (septembre)

Pensions militaires d'invalidité - Contentieux

DRH-MD (l'implantation des tribunaux des pensions dépend de la carte judiciaire)

2010-2011

Pensions militaires d'invalidité - Instruction

DRH-MD (La Rochelle)

2010-2011

Soins médicaux gratuits

DRH-MD avec comme opérateur la CNMSS (Toulon)

2010

Centre d'études et de recherches sur l'appareillage des handicapés (Cerah)

Intégration à l'institution nationale des invalides, avec maintien de la localisation du Cerah à Woippy

2010 (janvier)

Appareillage

DCSSA

2010

Cartes, titres, statuts, indemnisation des orphelins

Onac

2010 (janvier)

Nécropoles et hauts-lieux en France

DMPA avec comme opérateur l'Onac

2010 (janvier)

Nécropoles et hauts-lieux à l'étranger hors Maghreb

DMPA

2011 (janvier)

Services du Maghreb

Onac

2011 (janvier)

Source : ministère de la défense et des anciens combattants

Cette réorganisation, qui se voulait simplificatrice, a entraîné près de 13 millions d'euros d'économies entre 2009 et 2011 grâce aux postes supprimés à la DSPRS. Toutefois, de l'aveu même du ministère, les économies concernant le fonctionnement sont plus difficiles à évaluer et, ce qui est peut-être plus grave, « l'importance de ces économies pourrait également être atténuée par les dépenses de fonctionnement des repreneurs des missions qui ne peuvent être précisées à ce stade » 6 ( * ) .

Qui plus est, cette réforme ne s'est pas faite en douceur et, comme en ont témoigné plusieurs représentants d'associations du monde combattant lors de leur audition par votre rapporteure, la qualité du service rendu ne s'est pas améliorée : au contraire, la transition entre les services ayant soulevé des difficultés d'adaptation, elle s'est même dégradée. Ainsi, la productivité des agents chargés de délivrer les cartes et titres a chuté de 71 % en 2010 et n'atteindra pas l'objectif prévu par la loi de finances pour 2011 . Du fait de problèmes informatiques liés à l'utilisation d'un nouveau logiciel de traitement des dossiers dénommé Kapta, pleinement opérationnel en décembre 2010 seulement, un retard très important a été pris dans la délivrance des cartes. Dans le même temps, la hausse des demandes en provenance d'Afrique du Nord a aggravé ce phénomène. Le secrétaire d'Etat ainsi que le directeur général de l'Onac se sont engagés, lors de leur audition, à ce que le stock de dossiers en instance depuis plus d'un an soit résorbé d'ici à la fin du premier semestre 2012. Votre rapporteure sera très attentive à l'évolution de cette situation qui démontre, une fois de plus, que le « meccano » administratif de la RGPP et la réorganisation permanente ne sont pas forcément source d'efficacité.

Evolution du volume de titres délivrés par l'Onac

Cartes et titres

Demandes reçues

Attributions

Rejets

En cours d'instruction en fin d'année

2008

36 717

45 836

10 413

45 188

2009

43 476

28 269

8 906

36 570

2010

37 088

3 469

105

70 084

Source : Onac


* 6 Réponse au questionnaire budgétaire envoyé par votre rapporteure.

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