N° 642
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juin 2011 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, de finances rectificative pour 2011 ,
Par Mmes Sylvie DESMARESCAUX, Muguette DINI et Marie-Thérèse HERMANGE,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Milon , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger, Anne-Marie Payet , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Roselle Cros, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Mme Valérie Létard, M. Jean-Louis Lorrain, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, André Villiers. |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : |
3406 , 3501 , 3503 et T.A. 678 |
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Sénat : |
612 et 620 (2010-2011) |
PREMIÈRE PARTIE - ARTICLE 8 - RÉFORME DE LA CONTRIBUTION SUPPLÉMENTAIRE À L'APPRENTISSAGE
Mesdames, Messieurs,
La dégradation de l'emploi consécutive à la crise économique de 2008-2009 a entraîné une forte hausse du taux de chômage des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans, celui-ci atteignant, fin 2009, 23,1 % 1 ( * ) , son plus haut niveau depuis 1975. L'amélioration de la situation économique au cours de l'année 2010 a ramené ce taux à 21,4 % en fin d'année.
Cette population est plus sensible aux fluctuations conjoncturelles que les personnes en activité présentes depuis plus longtemps sur le marché du travail du fait notamment des formes d'emploi qu'elle occupe (intérim, CDD, temps partiel), qui jouent le rôle de variables d'ajustement au sein des entreprises. Ce phénomène de sur-réaction joue également en sens inverse : selon l'Insee, le taux de chômage a baissé plus rapidement pour les jeunes que pour l'ensemble de la population active en 2010. Il n'en reste pas moins de douze points plus élevé que celui des 15-64 ans (21,4 % contre 9,3 % fin 2010).
S'il convient de relativiser ces données de taux de chômage , c'est-à-dire le pourcentage de chômeurs dans la population active, dès lors que, parmi les jeunes, beaucoup poursuivent des études sans travailler, cette situation reste inacceptable. La comparaison de la part de chômage des jeunes, qui correspond à la proportion de chômeurs dans l'ensemble de la population étudiée, à celle des 15 - 64 ans montre qu'un écart, bien que plus réduit, persiste en leur défaveur (13 % pour les 20 - 24 ans contre 6,6 % pour la population en général).
Ce contexte explique que le développement de l'alternance soit une priorité pour les pouvoirs publics. Cette formule constitue en effet une voie d'accès efficace à un emploi durable pour des jeunes souhaitant entrer rapidement dans la vie active grâce à des études professionnalisantes. Elle permet également à des jeunes déjà détenteurs d'une formation initiale d'acquérir des compétences nouvelles, directement valorisables auprès des employeurs. Deux dispositifs mettent en oeuvre ces politiques : le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation. Ils s'adressent avant tout aux jeunes de seize à vingt-cinq ans, bien que le contrat de professionnalisation soit ouvert aux salariés de tous âges.
I. LES SOUTIENS DÉJÀ APPORTÉS AU DÉVELOPPEMENT DE L'ALTERNANCE
1. Les effets de la crise sur l'alternance et les mesures prises pour y répondre
La situation de l'alternance a connu une dégradation avec la crise : le nombre de contrats de professionnalisation est passé de 179 000 en 2008 à 148 000 en 2010 2 ( * ) , tandis que l'apprentissage stagnait. On comptait, d'après l'Insee, 565 000 jeunes en formation en alternance fin 2010 dont 415 000 apprentis, le solde correspondant à des contrats de professionnalisation. Confronté à cette situation, le Gouvernement a mis en oeuvre, dans le cadre d'un plan d'urgence pour l'emploi des jeunes, plusieurs mesures temporaires, valables entre le 24 avril 2009 et le 31 décembre 2010, destinées à soutenir l'alternance :
- un dispositif d'aide à l'embauche destiné aux entreprises de plus de onze salariés et consistant en une compensation intégrale des charges sociales pendant douze mois pour tout nouveau recrutement d'apprentis. Les contrats d'apprentissage dans ces entreprises bénéficient déjà d'une exonération partielle, notamment des cotisations patronales et salariales de sécurité sociale, des cotisations salariales de retraite complémentaire et des cotisations salariales d'assurance chômage (article L. 6243-2 du code du travail) ;
- une prime de 1 800 euros pour chaque embauche supplémentaire d'apprenti par une entreprise de moins de cinquante salariés ;
- le versement d'une prime exceptionnelle de 1 000 euros pour l'embauche d'un jeune de moins de vingt-six ans en contrat de professionnalisation.
2. Une impulsion nouvelle donnée à l'alternance et une pérennisation des aides à l'embauche accordées aux employeurs
a) Les aides financières
Dans son discours de Bobigny du 1 er mars 2011, le Président de la République a défini les priorités de la politique du Gouvernement en matière d'alternance, fixant l'objectif d'atteindre 800 000 contrats en alternance en stock d'ici à 2015. L'article 8 du projet de loi de finances rectificative s'inscrit dans cette orientation.
Plusieurs mesures réglementaires ont d'ores et déjà été prises, et plusieurs autres sont annoncées :
- le décret n° 2011-523 du 16 mai 2011 instaure, pour toute embauche d'un jeune en alternance par une entreprise de moins de deux cent cinquante salariés entre le 1 er mars et le 31 décembre 2011, une compensation des charges patronales pour une durée d'un an. Il s'agit du renouvellement de la mesure temporaire prise en 2009 et qui s'est éteinte fin 2010, assortie de quelques modifications du montant de l'aide, variable selon le salaire et le type de contrat ;
- le décret n° 2011-524, pris à la même date du 16 mai 2011, crée quant à lui une aide supplémentaire versée aux entreprises procédant à l'embauche de demandeurs d'emploi de quarante-cinq ans et plus en contrat de professionnalisation, d'un montant de 2 000 euros. Valable depuis le 1 er mars 2011, cette mesure n'est pas limitée dans le temps ;
- un avant-projet de décret prévoit de modifier la répartition du produit de la taxe d'apprentissage entre le « quota », la part affectée directement au financement de l'apprentissage et des centres de formation d'apprentis (CFA), et le « hors quota », destiné plus largement aux écoles et établissements d'enseignement supérieur. Actuellement, le montant de la taxe d'apprentissage leur est respectivement réparti à 52 % et 48 %. Le quota devrait être porté progressivement à 57 % en 2014, ce qui, selon les estimations du Gouvernement, fournirait 400 millions d'euros supplémentaires par an pour l'apprentissage ;
- enfin, par un autre décret en cours d'élaboration, le Gouvernement compte modifier les conditions pour devenir maître d'apprentissage en abaissant l'ancienneté exigée de cinq à trois ans.
b) La modernisation des structures
Par ailleurs, un effort financier important va être engagé pour améliorer les conditions d'exercice de l'apprentissage et les conditions de vie des apprentis et alternants. Dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (ex-grand emprunt), 500 millions d'euros devront être consacrés, d'ici à 2014, par la Caisse des dépôts, opérateur du programme, à deux actions :
- la modernisation de l'appareil de formation en alternance ;
- le développement de solutions d'hébergement adaptées pour les jeunes engagés dans une formation en alternance.
Les quatre premiers projets retenus ont été présentés le 23 mai dernier : ils concernent aussi bien la construction de nouveaux CFA que la réhabilitation ou l'aménagement de nouveaux logements destinés aux jeunes suivant une formation en alternance.
La traduction législative de cette nouvelle orientation politique sera opérée par la proposition de loi, en cours d'adoption, sur le développement de l'alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée 3 ( * ) . Au-delà des mesures réglementaires, il est en effet nécessaire que le législateur intervienne pour apporter des réponses aux blocages auxquels le développement de l'alternance reste aujourd'hui confronté. Cette proposition de loi cherche notamment à revaloriser le statut de l'apprenti et à assouplir les modalités de conclusion d'un contrat en alternance.
* 1 Source : Dares Analyses n° 39, mai 2011.
* 2 Dares Analyses n° 28, avril 2011.
* 3 Proposition de loi n° 3369 déposée à l'Assemblée nationale par Gérard Cherpion, Bernard Perrut et Jean-Charles Taugourdeau ; rapport AN n° 3519 de Gérard Cherpion au nom de la commission des affaires sociales, 8 juin 2011.