B. TROIS TYPES DE RÈGLES ET D'OBJECTIFS
1. Un objectif constitutionnel : l'équilibre des comptes publics
Depuis la révision de 2008, l'article 34 de la Constitution, à l'alinéa relatif aux lois de programmation des finances publiques, mentionne « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».
Ce nouveau principe constitutionnel n'a pas encore démontré sa portée pratique, puisque les comptes des administrations publiques se sont plutôt dégradés depuis 2008, en raison notamment de la crise.
2. Des règles européennes à respecter sous peine de sanctions : les ratios de solde et d'endettement publics rapportés au PIB
Le pacte de stabilité et de croissance fixe aux Etats membres deux seuils à ne pas dépasser :
- dans le cas du déficit public, celui de 3 points de PIB, au-delà duquel les Etats font normalement l'objet d'une procédure de déficit excessif ;
- dans le cas de la dette publique, celui de 60 points de PIB, actuellement dénué de valeur contraignante.
Les volets préventifs et répressifs du pacte sont en cours de réforme, les propositions de la Commission européenne devant être définitivement adoptées par le Conseil européen le 24 juin 2010.
La Commission européenne a rendu publiques le 29 septembre 2010 cinq propositions de règlements et une proposition de directive, qu'elle présente comme « le plus important renforcement de la gouvernance économique de l'UE et de la zone euro depuis le lancement de l'union économique et monétaire ».
a) Les propositions de la Commission européenne
La réforme du pacte de stabilité serait réalisée par trois règlements, qui reviendraient à instaurer un véritable fédéralisme en matière de politique budgétaire, pour les Etats de la zone euro. En effet, s'appuyant sur l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui permet aux Etats de la zone euro de « renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire », ils prévoient notamment l'obligation de constituer un dépôt égal à 0,2 % du PIB, selon une procédure dite de « vote inversé » : le dépôt deviendrait exigible sur proposition de la Commission, à moins que le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, ne décide du contraire dans les dix jours. La Commission n'aurait elle-même pas compétence liée, mais disposerait d'une importante faculté d'appréciation.
Cette procédure de dépôt et de vote inversé s'appliquerait non seulement pour le volet répressif, mais aussi pour le volet préventif. D'autres sanctions seraient également possibles. En particulier, le dépôt pourrait être transformé en amende.
Le principal renforcement des règles serait la réforme du volet répressif. En effet, le seuil de déficit de 3 points de PIB ne serait plus le seul à faire l'objet de sanctions, mais tel serait également le cas du seuil de dette de 60 points de PIB. Selon les termes retenus par le Conseil le 15 mars 2011, « le ratio de la dette au PIB, lorsqu'il est excessif, serait ainsi considéré comme diminuant à un rythme satisfaisant si son écart par rapport à la valeur de référence de 60 % du PIB s'est réduit d'un vingtième par an au cours des trois années précédentes ». On peut naturellement s'interroger sur le réalisme d'un tel dispositif, qui rendrait encore plus difficiles et douloureux les ajustements des Etats qui ont le plus besoin de reconstituer leurs marges de manoeuvre.
b) Le rôle du couple franco-allemand
La France et l'Allemagne ont pesé pour que les propositions initiales de la commission évoluent.
Ainsi, la déclaration franco-allemande publiée le 18 octobre 2010 à l'occasion de la rencontre tripartite Allemagne-France-Russie était nettement en retrait par rapport aux propositions de la Commission. Certes, contrairement à la Commission européenne, la France et l'Allemagne proposaient, de manière très volontariste (et peut-être peu réaliste), une révision du traité avant 2013, afin, « dans le cas d'une violation grave des principes de base de l'Union Économique et Monétaire », de permettre « la suspension des droits de vote de l'État concerné ». Cependant, il n'était plus question de majorité inversée.
c) La position du Conseil européen : l'adoption de sanctions par vote inversé impliquerait l'adoption préalable d'une recommandation à la majorité qualifiée
Le Conseil européen d'octobre 2010 a « fait sien le rapport du groupe de travail sur la gouvernance économique » présidé par Herman Van Rompuy. Ce rapport reprend les grandes lignes des propositions de la Commission, et en particulier chacun des éléments indiqués ci-avant.
Cependant, ce rapport propose de manière plus ou moins explicite diverses modifications qui reviendraient à faire perdre à la règle de « majorité inversée » une grande partie de son impact.
Interrogé par le rapporteur général sur les principales différences, s'agissant de la surveillance budgétaire des Etats membres, entre les propositions initiales de la Commission européenne et les positions du Conseil européen, le Gouvernement a fait parvenir la réponse suivante :
« L'orientation générale du Conseil (et donc les conclusions du groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy) s'écarte toutefois légèrement des propositions législatives que la Commission a adoptées le 29 septembre dernier. Concernant la procédure de surveillance budgétaire, les différences essentielles concernent (i) l'étape de la procédure à laquelle les sanctions seront imposées (la Commission proposait que les sanctions soient imposées immédiatement, dès l'ouverture de la phase de procédure correspondante, par le biais d'un vote à la majorité qualifiée inversée ; l'orientation générale prévoit de conserver l'adoption par vote à la majorité qualifiée inversée, mais prévoit que la sanction financière sera infligée quand le Conseil constatera que les recommandations qu'il a précédemment émises n'ont pas été suivies d'effet). Par ailleurs, (ii) dans le cadre du volet préventif du Pacte, les propositions de la Commission prévoyaient la possibilité de déclencher une procédure en cas de manquement aux principes d'une politique budgétaire « prudente », fondée sur le niveau de dépenses publiques nettes des recettes discrétionnaires. Le rapport du groupe de travail présidé par Herman van Rompuy rajoute un deuxième critère, le solde structurel, qui était déjà présent dans le volet préventif issu de la réforme de 2005 ».
Par ailleurs, cette réforme ne serait pas rétroactive. Elle pourrait concerner les seuls déficits excessifs constatés à compter de 2013 - année fixée par le Conseil pour la fin des déficits excessifs dans tous les Etats de la zone euro (Grèce et Irlande exceptées).
3. Des règles de gouvernance nationales, en dépenses comme en recettes
Dans son rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, votre commission des finances avait dressé un bilan des règles dont la France s'est dotée pour améliorer la gouvernance de ses finances publiques :
- norme d'évolution des dépenses de l'Etat au sens large, en incluant les prélèvements sur recettes (« zéro volume » ou « zéro valeur hors pensions et charge de la dette ») ;
- programmation triennale des plafonds de dépenses ;
- programmation pluriannuelle des dépenses sociales ;
- objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et procédure d'alerte en cas de risque de dérapage ;
- règle de « gage » des niches fiscales issue de la loi de programmation des finances publiques 2009-2012 ;
- règle de gage global de l'ensemble des mesures nouvelles en matière de prélèvements fiscaux ou sociaux, issue de la même loi de programmation des finances publiques 2009-2012.
Son sentiment, au terme de l'analyse des différents dispositifs, était celui d' « intentions louables » mais d'un « bilan peu flatteur » conduisant à la nécessité d'ouvrir un « chantier institutionnel » devant conduire à une révision de la Constitution.