2. Au plan local, des perspectives de mutualisation quasi-nulles
Votre rapporteur s'est interrogé, au cours des deux précédents avis budgétaires, sur l'opportunité, pour les autorités administratives indépendantes, de renforcer l'efficacité de leur action par la mise en place de correspondants locaux , sur le modèle des délégués du Médiateur de la République. Il s'agissait d'évaluer le rapport efficacité/coût des réseaux existants et, par voie de conséquence, d'évaluer l'intérêt de les développer ou d'en créer de nouveaux.
Votre rapporteur avait ainsi, au cours des deux dernières années, rencontré les représentants locaux des trois principaux réseaux (Médiateur-HALDE-Défenseur des enfants). Parallèlement, pour compléter son information, il avait adressé un questionnaire à toutes les autorités administratives indépendantes rattachées au programme ainsi qu'au Défenseur des enfants.
Votre rapporteur avait conclu de ce travail que le développement des réseaux de correspondants locaux devait être salué comme une évolution positive pour la protection des droits, les correspondants apportant une réponse de proximité , de qualité et pesant relativement peu sur le budget des institutions.
Or, on rappellera que cette appréciation positive ne semblait pas partagée par le Gouvernement qui considérait que le développement des réseaux délocalisés était des « sources de dépenses supplémentaires évidentes » alors même que la proximité avec les usagers pouvait être apportée depuis un lieu unique grâce « aux moyens modernes de communication ».
Telle n'est pas la position de votre rapporteur qui avait préconisé une déconcentration de l'action du futur Défenseur des droits. La décision reviendra toutefois à ce dernier puisque l'article 28 du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits prévoit que le Défenseur des droits « peut désigner des délégués sur l'ensemble du territoire de la République qui peuvent, dans leur ressort géographique, instruire des réclamations et participer au règlement des difficultés signalées. »
Il appartiendra à votre commission d'évaluer l'an prochain les choix du Défenseur des droits quant à son organisation territoriale .
D'ores et déjà, votre rapporteur :
- rappelle que trois des quatre AAI fusionnées (dans le texte adopté par le Sénat) fonctionnent en réseaux avec des délégués territoriaux (délégués du Médiateur et de la HALDE, correspondants du Défenseur des enfants) ;
- confirme son souhait de voir le Défenseur des droits reprendre ces délégués et même en augmenter le nombre ;
- considère que, sauf exception, un même délégué ne pourra exercer, à lui seul, les compétences en matière de relations avec l'administration, de lutte contre les discriminations et de défense des enfants. Autrement dit, votre rapporteur est hostile à une fusion des délégués au plan local, qu'il juge irréaliste . Il serait pour le moins paradoxal qu'au plan national on estime que le Défenseur des droits a besoin d'adjoints spécialisés et qu'au plan local on fasse le pari de délégués omniscients compétents dans des domaines très différents ! Il convient de rappeler que les correspondants sont des bénévoles, souvent retraités, qui exercent à temps partiel (1 à 2 jours par semaine). Une fusion des délégués locaux reviendrait à créer des relais locaux du Défenseur des droits, qui seraient des professionnels à temps plein , ce que les délégués actuels ne souhaitent pas. Si cette voie était retenue par le Défenseur des droits, il lui faudrait probablement renoncer au bénévolat et verser un véritable salaire à ces délégués, ce qui budgétairement, pourrait peser très lourd sur le fonctionnement de l'institution : avec un salaire mensuel de 2.000 euros mensuels et compte tenu des charges sociales, le coût total des délégués pourrait s'élever à 10 millions d'euros, soit le tiers du budget annuel du Défenseur des droits ! En conséquence, il semble que la seule solution raisonnable sera de maintenir les délégués spécialisés et qu'ainsi les perspectives de mutualisation au plan local sont quasi-nulles.
Tout au plus peut-on espérer une meilleure organisation du travail entre les différents délégués des anciennes AAI regroupées (bureaux et matériels communs, transmission plus simple et plus rapide des dossiers...).
En tout état de cause, votre rapporteur souligne que le succès d'une organisation en réseau repose sur des échanges fréquents entre les délégués et le siège de l'institution ainsi qu'entre les délégués eux-mêmes : en effet, l'action des délégués est parfois obérée par leur isolement, ce qui peut conduire à un traitement des dossiers éloigné du corps de doctrine de l'institution. C'est d'ailleurs cette inquiétude que Mme Michèle Alliot-Marie, alors garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, a exprimé, le 4 mai 2010, lors de son audition par votre commission sur les projets de loi relatifs au Défenseur des droits 8 ( * ) :
« Sur les délégués territoriaux, je précise que nous recherchons une unification des décisions au plan national, pour en finir avec les contradictions ».
C'est pourquoi votre rapporteur ne peut qu'encourager le futur Défenseur des droits à engager toutes actions tendant à éviter l'isolement des correspondants (formations au siège, réunions de travail entre délégués, présentation sur un extranet de cas rencontrés...).
* 8 Compte rendu disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/bulletin/20100503/lois.html#toc2