VII. LES MESURES RELATIVES AU CONTRÔLE ET À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE
La section 7 du projet de loi de financement ne comportait initialement qu'un article 60 visant à créer une sanction financière pour les personnes qui exercent une activité non autorisée et rémunérée pendant leur arrêt maladie. Un amendement adopté à l'Assemblée nationale en première lecture a précisé le champ de cette activité non autorisée en prévoyant qu'elle ne doit donner lieu ni à rémunération, ni à gains, ni à revenus professionnels, afin de viser également la catégorie des travailleurs indépendants.
A. LES APPORTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La section a été considérablement enrichie en première lecture à l'Assemblée nationale, puisque onze nouveaux articles viennent désormais compléter l'article 60.
• L'
article 61
vise à
compléter le dispositif prévu par l'article L. 114-19 du code de
la sécurité sociale : dans le cadre des actions de lutte
contre la fraude, les organismes de sécurité sociale peuvent
faire usage du droit de communication auprès d'un certain nombre
d'organismes ou d'entreprises (établissements bancaires, fournisseurs
d'énergie, opérateurs de téléphonie, fournisseurs
d'accès à internet...). Ce droit permet aux organismes de
sécurité sociale de disposer de prérogatives comparables
à celles dévolues aux services fiscaux.
L'article élargit le droit de communication aux informations sur des tiers soupçonnés de bénéficier indûment de prestations versées afin d'en améliorer la mise en recouvrement. Il s'agit par exemple de pouvoir identifier les mandataires des comptes bancaires de prestataires décédés continuant à percevoir frauduleusement des pensions.
• L'
article 62
vise à assurer
la pleine effectivité du droit de communication ouvert aux agents de
contrôle des organismes de sécurité sociale en
prévoyant une sanction du refus de communication (pour le moment
inexistante), sous la forme d'une amende délictuelle de 7 500
euros. Le texte prévoit l'application de la procédure
simplifiée de l'ordonnance pénale. Il répond ainsi
à une demande forte des agents de contrôle des CAF, des CPAM, de
la CNAV et de Pôle Emploi, qui rencontrent des difficultés,
notamment avec les banques.
• L'
article 63
instaure une
obligation, pour tout auto entrepreneur, de déclarer ses revenus aux
organismes de recouvrement, même en l'absence de chiffre d'affaires pour
la période concernée. Il s'agit d'éviter certaines
dérives liées à la possibilité, découlant du
statut d'auto entrepreneur, de n'effectuer aucune déclaration à
l'URSSAF quand aucun revenu n'a été perçu (travailleurs
indépendants utilisant le statut d'auto entrepreneur pour ne pas
déclarer leur activité, employeurs inscrivant leur salarié
au régime de l'auto entrepreneur pour ne pas avoir à les
déclarer) et de faciliter les contrôles par les URSSAF.
• L'
article 64
vise à
sécuriser les agents des organismes de sécurité sociale
chargés des contrôles en indiquant expressément dans le
code de la sécurité sociale qu'ils peuvent demander la production
du passeport pour apprécier le respect de la condition de
résidence, et celle du titre de séjour pour apprécier le
respect de la condition de régularité sur le territoire
national.
L'article tire les conséquences de deux récentes affaires, dans lesquelles la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) avait pris des positions inquiétant les agents chargés des contrôles.
• L'
article 65
prévoit
l'arrêt de la prise en charge des cotisations de sécurité
sociale des professionnels de santé conventionnés par l'assurance
maladie lorsqu'ils ne remplissent pas effectivement leurs obligations de
contribution à la protection sociale, jusqu'au paiement complet de leur
dette. Il est toutefois prévu un délai spécifique pour ne
pas léser les professionnels qui connaîtraient des
problèmes de trésorerie.
• L'
article 66
substitue à la
notion de manquement celle de manquement délibéré, qui
traduit une volonté de ne pas se soumettre aux règles de codages
et de facturations, au détriment de l'assurance maladie, dans la
définition des faits passibles de sanctions pour les
établissements de santé.
Afin que ne soient sanctionnés que les établissements dont la mauvaise foi est établie, l'article assortit la sanction de l'erreur de codage d'un mécanisme visant à alerter les établissements de leur erreur.
• L'
article 67
étend la
procédure d'opposition à tiers détenteur à
l'ensemble des débiteurs des URSSAF dans un souci d'équité
et d'amélioration des procédures de recouvrement.
L'article L. 652-3 prévoit la possibilité pour les organismes de sécurité sociale de recourir à la procédure d'opposition à tiers détenteur, qui permet d'améliorer le recouvrement des sommes dues au titre des cotisations et contribution sociales en permettant à l'organisme de saisir des sommes détenues par des tiers. Si les URSSAF disposent de cette procédure pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, elles n'en disposent vis-à-vis des employeurs que dans le cadre du recouvrement de redressements assurés suite à contrôle dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé.
• L'
article 68
tire les
conséquences du fait que les entreprises ayant recours au travail
dissimulé ne sont pas soumises au même traitement sur le plan des
sanctions civiles selon qu'elles sont
in bonis
ou dans le cadre d'une
procédure collective de sauvegarde, de redressement ou de liquidation
judiciaire.
En effet, certaines entreprises disparaissent lorsqu'elles sont convaincues d'avoir eu recours au travail dissimulé. Il est alors impossible de recouvrer les sommes dues puisque, après une liquidation judiciaire, le passif est amputé de toute majoration, pénalité ou frais de justice.
L'article comble ce vide juridique dans le code de la sécurité sociale en excluant les cas de travail dissimulé du bénéfice de la remise de pénalités ou de majorations. Les fonctions de contrôle sont facturées en proportion des gains réalisés au moyen des redressements et constituent donc un apport de recettes pour le régime général.
• L'
article 69
précise que le
contrôle des contributions destinées au financement du
régime social des travailleurs indépendants est également
confié aux URSSAF, dans le respect des dispositions relatives à
l'interlocuteur social unique.
• L'
article 70
complète
l'article L. 243-14 du code de la sécurité sociale qui
prévoit, pour les grandes entreprises, une obligation de paiement par
virement ou par voie dématérialisée et de
déclaration par voie dématérialisée pour les
entreprises, au-delà d'un certain seuil de cotisations. Or,
actuellement, le non-respect de la déclaration
dématérialisée ne donne lieu à aucune sanction. Il
est donc proposé de l'instaurer, sous forme d'une majoration de 0,2 % du
montant des sommes concernées. Cette obligation ne pèsera que sur
les entreprises redevables de cotisations, contributions et taxes d'un montant
supérieur à 800 000 euros au titre d'une année civile.
• L'
article 71
étend aux
anciennes allocations composant le minimum vieillesse la définition de
la notion de résidence en France adoptée pour l'allocation de
solidarité aux personnes âgées (ASPA), ainsi que la
possibilité de supprimer ces allocations lorsqu'il est constaté
que l'une des conditions exigées pour son service n'est pas remplie.
L'absence de cadrage de la notion de résidence en France pour ces prestations est en effet source d'abus et ne facilite pas les contrôles.