D. LES MESURES DE RECETTES DANS LE SECTEUR MÉDICAL
1. Les cotisations maladie dues par les professionnels médicaux et paramédicaux (article 12 quater)
L'Assemblée nationale a adopté un amendement portant article additionnel après l'article 12, à l'initiative de Dominique Tian et sous-amendé par le Gouvernement, tendant à assouplir le dispositif de cotisation des professionnels médicaux et paramédicaux dont le régime est adossé au régime général.
2. Le « taux K » de la clause de sauvegarde, rabaissé à 0,5 % (article 19)
a) Une confirmation du retour aux variations erratiques du « taux K »
L' article 19 du présent projet de loi de financement fixe le « taux K » pour le calcul des contributions au titre de la clause de sauvegarde en 2011 à 0,5 % .
On rappellera que la clause de sauvegarde, instituée par l'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, consiste dans le versement, à l'assurance maladie, d'une contribution des laboratoires pharmaceutiques lorsque leur chiffre d'affaires global hors taxes réalisé en France au titre des spécialités remboursables - et de la « liste en sus » depuis 2009 - a crû plus vite qu'un taux de progression défini en loi de financement de la sécurité sociale.
Ce taux - qui déclenche le mécanisme de la clause de sauvegarde - est appelé « taux K ». Selon les termes de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, il correspond au taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), tel qu'il résulte du rapprochement des lois de financement de la sécurité sociale de l'année en cours et des années précédentes.
Les entreprises peuvent être exonérées du paiement de cette contribution si elles choisissent de contracter une convention avec le comité économique des produits de santé (CEPS). Elles s'acquittent alors en contrepartie de remises conventionnelles.
Le taux de contribution (50 %, 60 %, 70 %) varie en fonction du dépassement du « taux K » et s'applique successivement à une tranche déterminée de supplément de chiffre d'affaires constaté par rapport à celui qui aurait résulté d'une stricte application du « taux K ».
Exemple de calcul de la clause de sauvegarde On considère un marché dont le chiffre d'affaires hors taxes en année n atteint 18 milliards d'euros. Son taux de croissance t entre n et n+1 s'établit à 3,5 % pour un « taux K » de 1 %. Le chiffre d'affaires hors taxes (CAHT) s'élève donc à 18,63 milliards d'euros en n+1 contre 18,18 milliards d'euros si le « taux K » avait été respecté. Le dépassement atteint ainsi 450 millions d'euros. Cette somme va faire l'objet de la taxation selon le barème suivant, conformément à l'article L. 138-10, alinéa 1, du code de la sécurité sociale : * 1 ère tranche : pour t compris entre k et k+0,5 , taux de contribution = 50 % ; * 2 e tranche : pour t compris entre k+0,5 et k+1 , taux de contribution = 60 % ; * 3 e tranche : pour t supérieur à k+1 , taux de contribution = 70 %. Le calcul de la taxe est le suivant : * 1 ère tranche : CAHT n × (k+0,5 - k) × 50 % = 18.000 × (1,5-1) × 50 % = 45 millions d'euros ; * 2 e tranche : CAHT n × (k+1 - k+0,5) × 60 % = 18.000 × (2-1,5) × 60 % = 54 millions d'euros ; * 3 e tranche : CAHT n × (t - k+1) × 70 % = 18.000 × (3,5-2) × 70 % = 189 millions d'euros. NB : 18.000 × (1,5-1) + 18.000 × (2-1,5) + 18.000 × (3,5-2) = 18.000 × (t- k) = 450 millions d'euros. Le montant de la clause de sauvegarde atteint donc, dans cet exemple, 288 millions d'euros. Source : commission des comptes de la sécurité sociale, rapport de septembre 2007 |
Le montant global ainsi calculé est ensuite réparti entre les entreprises redevables selon trois critères :
- le niveau brut du chiffre d'affaires, pour 30 % ;
- la progression du chiffre d'affaires, pour 40 % ;
- les frais de publicité, pour 30 %.
En outre, en application de l'article L. 138-12 du code de la sécurité sociale, le montant de la contribution ne peut excéder, pour chaque entreprise assujettie, 10 % du chiffre d'affaires hors taxes.
Il convient de rappeler que la clause de sauvegarde constitue en réalité une « contribution théorique » , dans la mesure où la totalité des entreprises ont choisi l'alternative qui leur est proposée de conclure des conventions avec le CEPS plutôt que de se voir appliquer la clause de sauvegarde. Le rendement fiscal de la clause de sauvegarde est ainsi nul depuis 2005.
Dans son rapport sur la taxation de l'industrie du médicament 45 ( * ) , votre rapporteur pour avis avait relevé la variation erratique du « taux K » au cours des années passées. Ainsi, au titre de l'année 2000, l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a fixé un seuil de déclenchement de la contribution à 2 %, déconnecté de tout lien avec l'ONDAM. L'article 49 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a, quant à lui, substitué au taux de progression de l'ONDAM, pour le seuil de déclenchement de la contribution, un taux de progression fixé à 3 %. De même, l'article 23 de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a arrêté un « taux K » spécifique de 3 % pour 2002. Celui-ci a ensuite été fixé à 4 % 46 ( * ) en 2003 et à 3 % 47 ( * ) en 2004. Quant aux années 2005, 2006 et 2007, les seuils de déclenchement de la clause de sauvegarde ont été définis par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie 48 ( * ). La valeur choisie - 1 % - s'est avérée très en deçà du taux de croissance des dépenses de santé sur cette période.
A l'initiative de votre rapporteur pour avis, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 avait stabilisé le dispositif en maintenant le « taux K » à 1,4 %, soit le niveau retenu pour 2008, et en fixant ce taux dans une perspective pluriannuelle, 2009, 2010 et 2011 .
Contre l'avis de votre rapporteur, l'article 11 de la loi de financement pour 2010 est revenu sur ce dispositif en fixant, à titre exceptionnel pour 2010, le « taux K » qui déclenche la procédure de clause de sauvegarde à 1 %, par dérogation à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
L' article 19 du présent projet de loi confirme, de nouveau, le retour aux variations erratiques du « taux K », en proposant, à titre dérogatoire que celui-ci soit abaissé à 0,5 % pour 2011.
Evolution du « taux K »
(en %)
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
|
Taux « K » |
2 |
3 |
3 |
4 |
3 |
1 |
1 |
1 |
1,4 |
1,4 |
1,0 |
0,5 |
Source : lois de financement de la sécurité sociale
b) La nécessité de donner une perspective pluriannuelle à la fiscalité du médicament
Si votre rapporteur pour avis comprend la nécessité, compte tenu de la dégradation des comptes sociaux, de rechercher des ressources nouvelles et de veiller à faire peser ces efforts sur tous les acteurs de notre système de protection sociale, il regrette néanmoins qu'une fois de plus, et en dépit de ses initiatives passées, la fiscalité du médicament soit encore utilisée comme variable d'ajustement du présent projet de loi de financement .
Dans son rapport précité sur la taxation du médicament, il avait en effet souligné combien il était nécessaire d'assurer une plus grande stabilité des règles fiscales applicables à l'industrie du médicament et donc d'éviter de recourir à des dispositifs de taxation « exceptionnels ». Votre rapporteur pour avis avait notamment montré que les fluctuations incessantes de la législation fiscale étaient contreproductives en termes d'image et déstabilisantes pour l'industrie, sans pour autant être efficaces sur le long terme du point de vue du redressement des comptes publics.
A l'encontre des arguments souvent avancés par le Gouvernement pour justifier l'abaissement du « taux K », il souhaite formuler les remarques suivantes :
- premièrement - et comme cela a été démontré précédemment -, l'évolution du « taux K » a été, depuis sa mise en place, erratique et sans lien avec l'ONDAM ;
- deuxièmement, l'outil fiscal n'est pas le seul instrument de maîtrise des dépenses utilisées dans le secteur du médicament . La fixation des prix par le CEPS, ainsi que l'action croissante de l'assurance maladie en matière de maîtrise des dépenses et de développement des génériques, ont également un impact significatif sur les industriels.
L'impact financier de cette mesure devrait s'élever à 50 millions d'euros . Celui-ci ne doit pas s'analyser en termes de recettes supplémentaires pour la branche maladie - le rendement fiscal de la clause de sauvegarde devant de nouveau être nul en 2011 -, mais en termes de moindres dépenses remboursables, par son effet sur les remises conventionnelles. Le montant des remises conventionnelles devrait être majoré de 50 millions d'euros en 2011, compte tenu de l'abaissement du « taux K » à 0,5 %.
Les remises conventionnelles Les remises conventionnelles sont au nombre de trois. On distingue : * Les remises par agrégats Chaque année, le CEPS détermine des groupes homogènes de classes pharmaco- thérapeutiques et fixe pour chacun un taux d'évolution en fonction du « taux K ». Au delà de ce taux, des remises seront dues si le « taux K » est dépassé. Ces remises sont proportionnelles au dépassement. * Les remises sur chiffre d'affaires Lorsque le chiffre d'affaires d'une entreprise dépasse un certain seuil - fixé actuellement par convention entre le CEPS et le LEEM à 10 % -, et que le « taux K » est dépassé, l'entreprise doit s'acquitter d'une remise. L'entreprise en est exonérée lorsque le montant des remises par agrégats dépasse ce qu'elle aurait dû payer en cas d'application de la clause de sauvegarde. * Les remises par produits Ces remises sont définies au sein de clauses particulières des conventions. Leur montant est indépendant de l'évolution du marché global, mais est fonction du respect des engagements de l'entreprise (engagement sur les volumes, sur le respect des posologies par exemple). Elles sont déduites du chiffre d'affaires servant de référence au calcul des remises par agrégats. Source : d'après le rapport de septembre 2007 de la commission des comptes de la sécurité sociale |
* 45 Rapport d'information n°427 (2007-2008).
* 46 Article 17 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
* 47 Article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
* 48 Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.