4. Hausse du forfait social (article 13)
L' article 13 du présent projet de loi de financement tend à porter de 4 % à 6 % la contribution à la charge des employeurs, dite « forfait social », assise sur les éléments de rémunération qui sont à la fois exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et assujettis à la contribution sociale généralisée (CSG).
a) L'instauration du forfait social s'inscrit dans le mouvement de réduction des « niches sociales » amorcé en 2008
(1) Les « exemptions d'assiette » de cotisations sociales
L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pose le principe d'un assujettissement aux cotisations sociales de l'ensemble des salaires et avantages versés au salarié en contrepartie de son activité professionnelle. Sont ainsi considérées comme rémunérations : « toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire ».
Le même article prévoit cependant un certain nombre d'exceptions pouvant être regroupées en quatre catégories :
- les dispositifs d'épargne salariale : l'actionnariat salarié (stock-options et actions gratuites) et la participation financière (plan d'épargne d'entreprise, plan d'épargne retraite, participation, intéressement) ;
- les aides directes au financement de besoins précis des salariés : titres-restaurant, chèques-vacances, chèque emploi service universel (CESU), chèques-transport ;
- les dispositifs de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire : depuis la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, seules les contributions des employeurs à des régimes présentant un caractère collectif et obligatoire sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale dans certaines conditions ;
- les indemnités versées dans certains en cas de rupture du contrat de travail, à hauteur de la fraction de ces indemnités assujettie à l'impôt sur le revenu.
(2) Une perte d'assiette évaluée à 44,8 milliards d'euros pour 2011
Selon les données du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, les « exemptions d'assiette » de cotisations sociales s'élèveraient en 2011 à 45,8 milliards d'euros. Les pertes de cotisations sociales afférentes représenteraient ainsi 9 milliards d'euros .
Montant des exemptions d'assiette en 2011
( en milliards d'euros )
Dispositifs |
Montants des exemptions d'assiette |
Pertes de recettes |
Participation financière et actionnariat salariés |
18 |
2,9 |
Aides directes consenties aux salariés |
7,2 |
2,2 |
Prévoyance complémentaire, retraite supplémentaire |
16,2 |
2,7 |
Rupture du contrat de travail |
4,4 |
1,2 |
Divers |
0,0 |
0,0 |
TOTAL |
45,8 |
9,0 |
Source : annexe 5 au présent projet de loi de financement
Dans son rapport de juin 2008, la commission des comptes de la sécurité sociale soulignait, par ailleurs, le fort dynamisme de ces dispositifs . Elle relevait, en particulier, que le taux moyen d'évolution annuelle des sommes versées au titre de la participation financière s'était élevé, entre 2000 et 2005, à 8,3 %, soit un taux nettement supérieur à celui de l'évolution annuelle moyenne de la masse salariale sur la même période (+ 3,2 %).
(3) Des mesures récentes visant à réduire les « exemptions d'assiette »
Il convient, tout d'abord, de souligner que bien qu'exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, ces rémunérations ou gains particuliers sont, pour la majorité d'entre eux, assujettis à la CSG et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).
Par ailleurs, avant l'instauration du « forfait social » par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, des prélèvements spécifiques assis sur certaines « exemptions d'assiette » avaient déjà été créés :
- l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a ainsi institué, à la charge des employeurs et au profit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), une contribution de 50 % sur les avantages de préretraites ou de cessation anticipée d'activité versés à d'anciens salariés (article L. 137-10 du code de la sécurité sociale) ;
- l'article 13 de cette même loi a créé deux contributions, l'une à la charge des employeurs, l'autre à celle des salariés, sur les stock-options et les actions gratuites, applicables aux options consenties à compter du 16 octobre 2007 (article L. 137-13 du code de la sécurité sociale). Ces deux contributions sont d'ailleurs revues à la hausse par l'article 11 du présent projet de loi de financement.
(4) Le « forfait social », une « flat tax »
L'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale pose le principe général d'un assujettissement au « forfait social » de l'ensemble des rémunérations ou gains répondant à un double critère d'assujettissement à la CSG et d'exclusion de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.
Le dispositif retenu permet ainsi de soumettre automatiquement toute nouvelle exemption d'assiette de cotisations de sécurité sociale au « forfait social ». Pour en être exonérée, celle-ci doit être explicitement définie . L'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale en énumère aujourd'hui limitativement quatre types :
- les stock-options et actions gratuites (article L. 137-13), déjà soumises à des contributions spécifiques dont les taux sont relevés par le présent projet de loi de financement ;
- les contributions des employeurs au financement de prestations complémentaires de prévoyance (2° de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 2 ° de l'article L. 741-10 du code rural), assujetties à une contribution de 8 % (article L. 137-1 du code de la sécurité sociale) ;
- la fraction des indemnités versées en cas de rupture d'un contrat de travail ou de cessation forcée d'activité, exclue de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et soumise à la CSG (12 e alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 3 e alinéa de l'article L. 740-10 du code rural) 42 ( * ) ;
- les contributions des employeurs aux chèques vacances dans les entreprises de moins de cinquante salariés (article L. 411-9 du code du tourisme) : contrairement aux autres aides directes consenties aux salariées (titres restaurant, chèques emplois service universel) qui ne sont pas assujetties à la CSG et sont donc exclues du champ de la mesure proposée, les chèques vacances sont, eux, soumis à la CSG et exonérées de cotisations de sécurité sociale et devraient dès lors entrer dans le champ du forfait social.
Dans l'état actuel du droit et par déduction, sont ainsi aujourd'hui soumis au « forfait social » :
- les sommes versées au titre de l'intéressement (articles L. 3311-1 à L. 3315-5 du code du travail), du supplément d'intéressement (articles L. 3314-10 et L. 3324-9 du code du travail), de l'intéressement de projet (articles L. 3312-6 du code du travail) et de la prime exceptionnelle d'intéressement créée par la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail ;
- les sommes versées au titre de la participation (articles L. 3321-1 à L. 3326-2 du code du travail) et du supplément de réserve spéciale de participation (articles L. 3314-10 et L. 3324-9 du code du travail) ;
- les abondements de l'employeur aux plans d'épargne d'entreprise (PEE) (articles L. 3331-1 à L. 3333-8 du code du travail), aux plans d'épargne interentreprises (PEI) et aux plans d'épargne retraite collectif (PERCO) (articles L. 3334-1 à L. 3334-16 du code du travail) ;
- les contributions des employeurs au financement des régimes de retraite supplémentaire (articles L. 136-2, L. 137-1, L. 137-15, L. 242-1 et L. 871-1 du code de la sécurité sociale), à l'exclusion des « retraites chapeau » déjà assujetties à une contribution spécifique (article L. 137-11 du code de la sécurité sociale) ;
- les bonus exceptionnels outre-mer créés par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre mer.
Le taux de la contribution est aujourd'hui fixé à 4 % . Son produit, évalué à 700 millions d'euros pour 2010, est intégralement affecté à la CNAMTS.
b) L'augmentation du taux du « forfait social » ne devrait pas constituer un frein au développement de l'épargne salariale
(1) Une augmentation de deux points du taux du forfait social
Le 2° de l'article 13 du présent projet de loi de financement propose de porter de 4 % à 6 % le taux de la contribution, sans en modifier l'assiette. Cette mesure devrait permettre un gain supplémentaire de 350 millions d'euros ce qui porterait le rendement total du forfait social à 1 050 millions d'euros.
(2) Un aménagement qui ne devrait par remettre en cause le développement de l'épargne salariale
Votre rapporteur pour avis est favorable à la présente mesure qui s'inscrit dans le cadre de nombreux travaux menés sur la question des « niches sociales », notamment par la Cour des comptes 43 ( * ) et par notre collègue député, Yves Bur, rapporteur de la mission d'information commune sur les exonérations de cotisations sociales 44 ( * ) .
S'agissant plus particulièrement des abondements réalisés par les employeurs aux plans d'épargne entreprise, notamment le PERCO, ainsi qu'aux régimes de retraites supplémentaires - dispositifs auquel votre rapporteur pour avis est attaché -, leur assujettissement au « forfait social » ne semble pas de nature à en freiner le développement. Le taux de la contribution, même relevé à 6%, est encore faible par rapport aux taux appliqués aux rémunérations salariales ordinaires. Ainsi l'annexe relative aux fiches d'évaluation préalable des articles du présent projet de loi de financement indique-t-elle par exemple que pour une rémunération comprise entre 1,6 SMIC (2 139 euros bruts) et le plafond de la sécurité sociale (2 859 euros bruts), 30,4 points de cotisations sociales sont en moyenne supportés par l'employeur.
Par ailleurs, selon les données transmises à votre rapporteur pour avis, la part de l'épargne salariale dans la rémunération totale des salariés a augmenté depuis 1999, passant de 6,1 % à 8,1 % en 2010. Ainsi, compte tenu du fait que l'épargne salariale supporte moins de prélèvements sociaux que les salaires, la part des prélèvements sociaux rapportée à la totalité des rémunérations versées (salaire et épargne salariale) a diminué mécaniquement, passant de 28,4 % en 1999 à 28,1 % en 2009. Le relèvement du forfait social de deux points en 2010 ne devrait pas être de nature à remettre en cause cette tendance.
Enfin, votre rapporteur pour avis rappelle que, dans la mesure où il s'agit de revenus différés pour le salarié, leur imposition, en l'occurrence au forfait social, évite un effet de substitution aux salaires.
(3) L'assujettissement des redevances des artistes du spectacle
Le 1° de l'article 13 apporte une clarification quant à l'assujettissement au forfait social de certaines des rémunérations des artistes du spectacle et des mannequins.
En application de l'article L. 7121-8 du code du travail, les redevances (royalties) versées à un artiste interprète, qui sont fixées en fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement, ne sont pas considérées comme des salaires dès lors que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement. N'entrant pas dans l'assiette des cotisations, ces rémunérations sont versées, selon les cas, soit par l'employeur, soit par un tiers utilisateur.
Or, le forfait social, recouvré par les URSSAF, est par définition à la charge des employeurs. Il est donc nécessaire de prendre en compte la spécificité de ces rémunérations et d'inclure les utilisateurs dans le champ des redevables du forfait social. S'agissant d'un prélèvement social finançant le régime général, il ne revient pas à l'artiste du spectacle de s'acquitter du prélèvement, mais à son employeur ou à l'utilisateur de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation.
L'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale serait donc complété, afin de préciser explicitement que la contribution au titre des rémunérations dues à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur est acquittée par l'employeur ou par l'utilisateur au titre des sommes qu'il verse à l'artiste.
A l'initiative de sa commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a étendu ce dispositif aux rémunérations perçues dans les mêmes conditions par les mannequins. En effet, le régime applicable à cette profession, fixé par l'article L. 7123-6 du code du travail, apparaît similaire à celui des artistes du spectacle.
* 42 Au 1 er janvier 2009, il s'agissait des indemnités de licenciement, des indemnités versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), des indemnités versées dans le cadre d'une rupture conventionnelle, des indemnités de mise à la retraite, des indemnités versées à l'occasion de la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux, des dirigeants et des personnes mentionnées à l'article 80 ter du code général des impôts.
* 43 Rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2007.
* 44 Rapport d'information n° 1001 (Assemblée nationale - XIII ème législature).