B. LES MODALITÉS DE RÉDUCTION DES EFFECTIFS
Dans la loi de programmation, pour mener à bien la diminution du plafond d'emplois de la mission Défense, le ministère de la défense avait prévu d'utiliser trois leviers principaux :
- la régulation des recrutements et des renouvellements de contrats (4 000 militaires et 1 250 civils par an);
- la mobilité au sein de la fonction publique (1 100 militaires et 350 civils par an) ;
- les incitations financières au départ (1 200 militaires et 500 civils, dont 350 ouvriers d'État, par an.
En 2009, sur le périmètre du ministère, la déflation a été mise en oeuvre par ces trois types de leviers dans les proportions suivantes :
- 70 % la régulation par les flux,
- 10 % le reclassement et mobilité au sein de la fonction publique,
- 20 % les départs incités financièrement.
Il était initialement prévu un ratio de 60/20/20. Si les départs aidés sont conformes aux objectifs, les reclassements dans la fonction publique pour le personnel militaire n'ont pas été à la hauteur des objectifs, ce qui a contraint les armées à utiliser le premier levier au-delà de ce qui était prévu.
1. Un flux de recrutement à préserver
Le principal levier de la déflation des effectifs est la régulation des flux : non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux pour les civils et gel des recrutements des ouvriers d'État, non-recrutement et non-renouvellement de contrat pour les militaires.
Pour ces derniers, la régulation des flux porte principalement sur les personnels sous contrat qui forment l'essentiel de la composante opérationnelle. Il s'agit donc d'un exercice délicat, qui risque d'affecter la moyenne d'âge des militaires si l'équilibre entrées/sorties n'est pas correctement assuré.
En 2009, les recrutements externes de militaires se sont élevés à 19 102 contre 21 541 en 2008 soit une diminution de 11 %.
Globalement, le ministère de la Défense estime que le bilan des recrutements des militaires sous contrat est satisfaisant et les objectifs atteints. Il relève cependant des difficultés récurrentes, notamment pour le recrutement de militaires du rang, dans certains domaines de spécialité bien identifiés au sein des armées.
Pour ce qui concerne l'armée de terre, les objectifs de recrutement pour 2009 ont été atteints à 100 %. Pour autant, il est à noter que les tensions persistent dans certains métiers tant pour les sous-officiers que pour les militaires du rang (informaticiens, métiers de bouche et du bâtiment, maintenanciers).
Depuis 2006, la Marine constate une baisse du nombre de candidatures de militaires du rang dans toutes les filières (taux de sélection passé de 3,3 en 2006 à 1,8 en 2007 et 1, 9 en 2008).
Pour pallier ces difficultés, la marine a mis en place, en 2008, la valorisation du recrutement et de l'emploi du personnel équipage de la flotte (VAREQ) dont l'un des principaux objectifs est d'offrir plus de souplesse aux candidats à l'engagement grâce à une offre générique de métiers. Les effets positifs de cette réforme ont été constatés dès 2008 et devraient être plus importants encore en 2009.
Par ailleurs, la marine a lancé en mars 2009 une campagne de communication nationale à travers différents médias (télévision et internet). Les effets positifs de cette communication se font actuellement ressentir puisque le nombre de candidatures est en augmentation d'environ 10 % par rapport à 2008.
Pour l'armée de l'air, la qualité du recrutement des militaires sous contrat est globalement satisfaisante. Quelques difficultés sont à noter pour le recrutement de certaines spécialités de militaires du rang (pompier, fusilier-commando, conducteur de chien et mécanicien aéronautique) ou dans certains bassins d'emploi (Metz). De même, l'armée de l'air connaît une certaine tension sur le marché du travail pour recruter certains profils (sécurité incendie, systèmes de télécommunication, sécurité des systèmes d'informations et renseignement).
Pour le service de santé des armées, l'entrée en vigueur des nouveaux statuts améliore l'attractivité de ces professions dans le contexte très concurrentiel du monde de la santé. Le recrutement reste toutefois difficile. Concernant les médecins, il est nécessaire de poursuivre un recrutement significatif en écoles afin de répondre au contrat opérationnel et de maintenir un recrutement complémentaire de médecins contractuels.
Plus encore que le recrutement, la fidélisation de personnels formés est à considérer avec attention . Le taux d'attrition est le rapport du nombre de départs subis sur l'effectif de la population totale.
Pour l'armée de terre, le taux d'attrition des officiers et des sous-officiers est en légère augmentation par rapport à 2008 du fait des restructurations en cours ou à venir et l'effet d'entraînement lié à la mise en oeuvre d'une politique d'aide aux départs. En revanche, le taux de départs subis des militaires du rang est de 10,7 %, soit une baisse de 0,87 % par rapport à 2008, liée à des départs en fin de contrat attendus en 2009 moins importants.
Pour la marine nationale, les taux d'attrition par filière constatés six mois après la signature du contrat pour l'année 2008 sont conformes aux prévisions (7 % pour les officiers mariniers et 15 % pour les militaires du rang ; concernant les élèves officiers pilotes de l'aéronautique navale (EOPAN), le taux d'attribution, de près de 50 %, peut s'expliquer par les spécificités de cette spécialité ; en outre, il convient de relever le taux de contrat signé par rapport à l'objectif est de 120 %, ce qui démontre que cette filière est toujours très attractive).
Pour l'armée de l'air, le taux d'attrition en cours de contrat des militaires du rang, passé de 6,9 % en 2006 à 4,7 % en 2007, s'élève en 2008 à 4,5 %. Cette variation est liée à la diminution du recrutement qui résulte d'un meilleur ciblage des candidats et à la situation économique actuelle. Pour autant, ce taux portant sur la totalité des contrats ne doit pas dissimuler une forte évaporation au cours de la période probatoire (25,5 % en moyenne toutes spécialités confondues).
Pour le service de santé des armées, les résultats sont en légère amélioration même si des difficultés persistent sur des spécialités sensibles ou concurrentielles, ainsi que pour les infirmiers en soins généraux du fait de la concurrence du secteur civil.
2. Une mobilité au sein de la fonction publique encore trop réduite
Les objectifs de reconversion dans la fonction publique sont particulièrement ambitieux dans la mesure où ils sont additionnels par rapport aux flux existants et supposeraient de les doubler : en 2007, 1 041 militaires se sont reconvertis dans la fonction publique 1 ( * ) . Il s'agit de faire monter en puissance des outils tombés en désuétude comme le dispositif des emplois réservés récemment modernisé, ou relativement élitistes comme le détachement intégration.
En 2009, le bilan est mitigé. De l'ordre de 1 300 reclassements sont espérés alors que l'objectif était de 2 100. Ce résultat en demi-teinte a de multiples causes : la faiblesse des flux interministériels, la mise en route délicate du dispositif de reclassement militaires/civils, l'impact des restructurations et mobilité des personnels.
Votre rapporteur ne peut que constater que, dans un contexte où toutes les administrations sont soumises à des objectifs de réduction des effectifs, les gains espérés de la mobilité au sein de la fonction publique doivent être revus à la baisse.
3. Des filières de reconversion à dynamiser
La LPM a prévu un ensemble de mesures d'incitation à la reconversion de personnels civils et militaires, sous forme d'indemnités de départ ou de pécules, accompagnant notamment des projets personnels.
Les mesures d'accompagnement prévues représentent un rythme moyen annuel de 150 millions d'euros.
Pour ce qui concerne les personnels civils, l'indemnité de départ volontaire est accordée dès lors que les conditions d'éligibilité sont remplies. A la différence de l'indemnité de départ, le nombre de pécules de départ attribuable au personnel militaire est contingenté, si bien que tous les demandeurs ne pourront bénéficier du pécule. Les décisions d'attribution sont prises en fonction des besoins et de l'intérêt des armées .
Les premiers enseignements de l'année 2009 montrent que ces dispositifs fonctionnent puisque 6 000 dossiers ont été déposés au titre des pécules militaires pour un objectif de 1 100 par an et que 800 dossiers ont été déposés pour les IDV civiles pour un objectif de 500 par an.
L'enveloppe allouée au programme 212 « Soutien de la politique de la défense » au profit de l'ensemble des personnels civils du ministère devrait permettre de financer environ 400 indemnités de départ volontaires (IDV) destinées aux ouvriers de l'État et 100 IDV pour les fonctionnaires, dont une part sera attribuée au personnel du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».
Enfin, l'enveloppe allouée au programme 178 « Préparation et emploi des forces » au profit de l'ensemble des militaires du ministère devrait permettre de financer environ 1 250 pécules destinés aux officiers et sous-officiers, dont une part sera attribuée au personnel relevant d'autres programmes.
Malgré les mesures de reconversion, la diminution des effectifs se traduit mécaniquement par une augmentation des dépenses d'allocation chômage.
L'année 2008 s'était, en effet, caractérisée par un accroissement des départs de 8,5 % par rapport à 2007 et à une légère augmentation du nombre de bénéficiaires de l'allocation d'aide au retour à l'emploi de 6,5 % et du coût des allocations du chômage (+ 4,38 %) par rapport à 2007. Le montant mensuel individuel moyen des indemnités de chômage de 2008 s'élève à 870 euros et progresse de 3,96 % par rapport à 2007.
La hausse du coût des allocations chômage s'explique par l'augmentation des départs chez les militaires les plus anciens en années de service, qui bénéficient de facto de droits supérieurs en termes d'allocation de retour à l'emploi. Ainsi, le nombre de départs de militaires de plus de quatre ans de service a augmenté de 7,75 % en 2008. De plus, les militaires ayant plus de quatre ans de service représentaient environ 70 % des chômeurs en 2008 contre environ 65 % en 2006.
Les prévisions 2009 sont fondées sur une extrapolation du bilan du premier semestre 2009, étendue à l'année 2010 avec l'hypothèse d'une stabilisation de la situation socio-économique. Elles laissent entrevoir une augmentation significative du nombre d'anciens militaires au chômage et du coût des indemnités rapportée aux résultats de l'année 2008, qui tiennent à deux raisons.
Il s'agit tout d'abord de l'augmentation des départs, du fait des restructurations et des mesures d'incitation au départ et d'accompagnement social, dans un contexte socio-économique moins dynamique, qui entraîne mécaniquement l'augmentation du nombre d'anciens militaires en recherche d'emploi indemnisés par le ministère de la défense.
Il s'agit ensuite des conséquences de l'application de la nouvelle convention d'assurance chômage du 19 février 2009. L'élargissement des droits à l'assurance chômage pour les anciens militaires qui en découle génère des coûts imputés au ministère de la défense.
Coût annuel de la convention chômage par armée
(Coût en M€) |
2007 |
2008 |
Prévisions 2009 |
Prévisions 2010 |
|
Terre |
Nombre moyen mensuel |
4 454 |
4 534 |
5 310 |
5 629 |
Coût total annuel |
47,55 |
49,81 |
64,38 |
68,24 |
|
Marine |
Nombre moyen mensuel |
1 361 |
1 290 |
1 347 |
1 428 |
Coût total annuel |
13,36 |
13,12 |
14,20 |
15,05 |
|
Air |
Nombre moyen mensuel |
1 172 |
1 138 |
1 406 |
1 490 |
Coût total annuel |
11,83 |
12,50 |
15,57 |
16,50 |
|
Gend |
Nombre moyen mensuel |
1 183 |
1 241 |
1 321 |
1 400 |
Coût total annuel |
9,32 |
10,22 |
12,10 |
12,82 |
Les mécanismes de reconversion existants doivent être dynamisés et les résultats obtenus en matière de reclassement, améliorés.
Les dispositifs de reconversion sont mis en oeuvre par la nouvelle agence de reconversion de la défense (ARD), service à compétence nationale, placé sous la responsabilité du directeur des ressources humaines du ministère de la défense. Il comprend un échelon central, des pôles intermédiaires et des antennes locales réparties sur l'ensemble du territoire.
Cette nouvelle structure accompagnera :
- le personnel des armées, des services communs, de la délégation générale pour l'armement, ainsi que la gendarmerie ;
- le personnel civil de la défense des organismes restructurés en situation de reclassement vers le secteur privé ;
- les conjoints du personnel militaire et civil de la défense et de la gendarmerie.
La reconversion des militaires dans la fonction publique offre encore des débouchés trop limités. L'objectif annuel sur la période 2009-2011 est un flux de départs additionnels de l'ordre de 1 100 militaires et 350 civils par an vers la fonction publique. Il nécessitera une mobilisation plus forte de l'ensemble des dispositifs existants.
Votre rapporteur souhaite, en outre, que ce service interarmées de reconversion s'inspire des bonnes pratiques et des enseignements tirés des dispositifs existants afin que cette mutualisation se traduise effectivement par un effet de levier au service de la reconversion des personnels.
* 1 263 au titre de l'article 4139-2 dans la fonction publique de l'État, 275 dans la fonction publique territoriale, 503 au titre des emplois réservés.