B. LA RÉDUCTION DES NICHES SOCIALES
1. Le renforcement des prélèvements sur les retraites supplémentaires dites « chapeau » (article 14)
a) Un régime au statut particulier
Le régime de retraite supplémentaire dit « chapeau » défini à l'article L. 137-11 de la sécurité sociale revêt les caractéristiques suivantes. Il s'agit :
- d'un régime de retraite supplémentaire ;
- à prestations définies ; l'employeur, seul contributeur, au régime s'engage sur un montant donné de prestation ;
- conditionnant le droit à prestations à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise : il existe donc un aléa quant au versement des rentes. Si le salarié n'achève pas sa carrière dans l'entreprise, il ne perçoit pas cette retraite supplémentaire ;
- dont le financement par l'employeur n'est pas individualisable par salarié : l'employeur peut soit constituer des provisions si le régime est géré en interne, ou verser des primes à un organisme tiers qui gère le régime pour son compte, en fonction du montant des primes versées et des primes à verser dans le futur si toutes les personnes achevaient leur carrière dans l'entreprise.
En raison de cet aléa sur le versement des primes et de la non individualisation du financement de l'employeur, les contributions de ces derniers sont exonérées, sans limite, de cotisations sociales, de CSG et de CRDS . Il convient de noter que les autres régimes supplémentaires de retraite, qui relève notamment de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ne bénéficient pas d'un tel traitement de faveur : les contributions des employeurs sont exonérées de cotisations dans le respect d'un certain plafond et elles sont soumises au forfait social.
Toutefois, la loi du 21 août 2003 sur les retraites a mis en place une contribution spécifique que l'employeur peut acquitter au choix de deux manières. La contribution peut soit être assise :
- sur les rentes versées aux bénéficiaires pour la partie excédent un tiers du plafond de la sécurité sociale au taux de 8 % ;
- soit sur les primes versées à un organisme assureur, une institution de prévoyance ou une mutuelle au taux de 6 % ;
- soit sur la partie de la dotation aux provisions gérées en interne à l'entreprise, au taux de 12%.
b) L'augmentation de la contributivité de ces régimes au financement de la sécurité sociale
(1) Le doublement des taux de la contribution patronale prévue à l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale
Le I de l'article propose de modifier l'article L. 137-11 afin d'augmenter les contributions des employeurs sur les régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestation à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise.
Dans cette perspective, il procède à un doublement des trois taux de la contribution . Le taux de celle-ci serait de
- 16 % sur les rentes servies au lieu de 8 % ;
- 12 % sur les primes versées à un organisme assureur au lieu de 6 % ;
- 24 % sur les dotations aux provisions constituées en cas de gestion en interne du régime.
Le II de l'article précise que le doublement du taux sur les rentes est applicable à compter du 1 er janvier 2010, l'augmentation des taux sur les primes versées ou les provisions constituées entrant en vigueur à compter des exercices ouverts après le 31 décembre 2009.
(2) Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a complété le dispositif initialement présenté sur deux points :
- d'une part, elle a adopté un amendement du Gouvernement tendant à supprimer la possibilité pour les entreprises de gérer en interne les régimes de retraite à prestations définies de l'article L. 137-11 de la sécurité sociale.
Cette suppression , également proposé par notre collègue Yves Bur dans le cadre d'un amendement présentant une réforme plus complète du système des retraites chapeau, est bienvenue car elle permet de garantir une certaine transparence et l'application uniforme de standards européens ou internationaux concernant le provisionnement de ces dépenses pour les entreprises.
- d'autre part, elle a adopté un amendement de notre collègue Yves Bur , rapporteur demandant la remise d'un rapport au Parlement avant le 15 septembre 2010 sur la situation des régimes relevant de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.
c) La position de votre rapporteur pour avis
En 2008, selon les chiffres indiqués dans la fiche d'impact associé à l'article, 841 entreprises ont acquitté ces contributions pour un montant de 26 millions d'euros dont :
- 23,9 millions d'euros au titre de la contribution prélevée sur les versements au taux de 6 % ; ce mode d'imposition concerne 65 % des entreprises;
- 2,1 millions d'euros au titre de la contribution de 8 % prélevée sur les rentes servies.
Le rendement de cette mesure est estimé à 25 millions d'euros .
Si les montants sont loin d'être à la hauteur des enjeux financiers qui concernent la sécurité sociale, votre rapporteur pour avis tient à souligner deux points :
- d'une part, sur le plan des principes , il est primordial de mettre en oeuvre toutes les mesures qui peuvent garantir une meilleure équité du prélèvement social entre groupes de cotisants : de cette équité découle l'acceptation et la légitimité de notre système de prélèvement et de financement de la protection sociale ;
- d'autre part, compte tenu de la situation des comptes sociaux, il convient d'exploiter toutes les capacités contributives qui ne sont pas aujourd'hui pleinement sollicitées compte tenu d'un nombre important de d'exemptions d'assiette des cotisations sociales.
Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis estime que la réforme des régimes de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale peut être approfondie en soumettant aux cotisations patronales les rentes versées lorsqu'elles dépassent huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale . Cette disposition permettrait de contribuer à renforcer l'équité entre les dispositions sociales et fiscales applicables aux régimes supplémentaires de retraite. En effet, rien ne justifie un traitement aussi favorable de ces retraites qui, dans leur principe peuvent être particulièrement critiquées lorsqu'elles bénéficient aux dirigeants et mandataires sociaux puisqu'elles ne sont pas soumises à des critères de performance.
2. Le doublement du forfait social (article 15)
L' article 15 du présent projet de loi de financement tend à porter de 2 à 4 % la contribution à la charge des employeurs, dite « forfait social », assise sur les éléments de rémunération qui sont à la fois exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et assujettis à la contribution sociale généralisée (CSG).
a) L'instauration du forfait social s'inscrit dans le mouvement de réduction des « niches sociales » amorcé en 2008
(1) Les « exemptions d'assiette » de cotisations sociales
L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pose le principe d'un assujettissement aux cotisations sociales de l'ensemble des salaires et avantages versés au salarié en contrepartie de son activité professionnelle. Sont ainsi considérées comme rémunérations : « toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire ».
Le même article prévoit cependant un certain nombre d'exceptions pouvant être regroupées en quatre catégories :
- les dispositifs d'épargne salariale : l'actionnariat salarié (stock-options et actions gratuites) et la participation financière (plan d'épargne d'entreprise, plan d'épargne retraite, participation, intéressement) ;
- les aides directes au financement de besoins précis des salariés : titres-restaurant, chèques-vacances, chèque emploi service universel (CESU), chèques-transport ;
- les dispositifs de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire : depuis la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, seules les contributions des employeurs à des régimes présentant un caractère collectif et obligatoire sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale dans certaines conditions ;
- les indemnités versées dans certains en cas de rupture du contrat de travail, à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu.
(2) Une perte d'assiette évaluée à 44,8 milliards d'euros pour 2010
Selon les données du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, les « exemptions d'assiette » de cotisations sociales s'élèveraient en 2010 à 44,8 milliards d'euros. Les pertes de cotisations sociales afférentes représenteraient ainsi 9,1 milliards d'euros .
Montant des exemptions d'assiette en 2010
( en milliards d'euros )
Dispositifs |
Montants des exemptions d'assiette |
Pertes de recettes |
Participation financière et actionnariat salariés |
17,6 |
3,2 |
Aides directes consenties aux salariés |
5,9 |
1,8 |
Prévoyance complémentaire, retraite supplémentaire |
17,4 |
3,1 |
Rupture du contrat de travail |
3,8 |
0,9 |
Divers |
0,1 |
0,027 |
TOTAL |
44,8 |
9,1 |
Source : annexe 5 au présent projet de loi de financement
Dans son rapport de juin 2008, la commission des comptes de la sécurité sociale soulignait, par ailleurs, le fort dynamisme de ces dispositifs . Elle relevait, en particulier, que le taux moyen d'évolution annuelle des sommes versées au titre de la participation financière s'était élevé, entre 2000 et 2005, à 8,3 %, soit un taux nettement supérieur à celui de l'évolution annuelle moyenne de la masse salariale sur la même période (+ 3,2 %).
(3) Des mesures récentes visant à réduire les « exemptions d'assiette »
Il convient, tout d'abord, de souligner que bien qu'exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, ces rémunérations ou gains particuliers sont, pour la majorité d'entre eux, assujettis à la CSG et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).
Par ailleurs, avant l'instauration du « forfait social » par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, des prélèvements spécifiques assis sur certaines « exemptions d'assiette » avaient déjà été créés :
- l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a ainsi institué, à la charge des employeurs et au profit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), une contribution de 50 % sur les avantages de préretraites ou de cessation anticipée d'activité versés à d'anciens salariés (article L. 137-10 du code de la sécurité sociale) ;
- l'article 13 de cette même loi a créé deux contributions, l'une à la charge des employeurs, l'autre à celle des salariés, sur les stock-options et les actions gratuites, applicables aux options consenties à compter du 16 octobre 2007 (article L. 137-13 du code de la sécurité sociale).
C'est donc dans ce mouvement de réduction des « niches sociales » que s'est inscrit la création du « forfait social », proposée par l'article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
(4) Le « forfait social », une « flat tax »
L'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale pose le principe général d'un assujettissement au « forfait social » de l'ensemble des rémunérations ou gains qui répondent à un double critère d'assujettissement à la CSG et d'exclusion de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.
Le dispositif retenu permet ainsi de soumettre automatiquement toute nouvelle exemption d'assiette de cotisations de sécurité sociale au « forfait social ». Pour en être exonérée, celle-ci doit être explicitement définie . L'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale en énumère aujourd'hui limitativement quatre types :
- les stock-options et actions gratuites (article L. 137-13 du code de la sécurité sociale), déjà soumises à une contribution spécifique de 10 % ;
- les contributions des employeurs au financement de prestations complémentaires de prévoyance (2° de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 2 ° de l'article L. 741-10 du code rural), assujetties à une contribution de 8 % (article L. 137-1 du code de la sécurité sociale) ;
- la fraction des indemnités versées en cas de rupture d'un contrat de travail ou de cessation forcée d'activité, exclue de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et soumise à la CSG (12 e alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 3 e alinéa de l'article L. 740-10 du code rural) 53 ( * ) ;
- les contributions des employeurs aux chèques vacances dans les entreprises de moins de 50 salariés (article L. 411-9 du code du tourisme) : contrairement aux autres aides directes consenties aux salariées (titres restaurant, chèques emplois service universel) qui ne sont pas assujetties à la CSG et sont donc exclues du champ de la mesure proposée, les chèques vacances sont, eux, soumis à la CSG et exonérées de cotisations de sécurité sociale et devraient dès lors entrer dans le champ du forfait social.
Dans l'état actuel du droit et par déduction, sont ainsi aujourd'hui soumis au « forfait social » :
- les sommes versées au titre de l'intéressement (articles L. 3311-1 à L. 3315-5 du code du travail), du supplément d'intéressement (articles L. 3314-10 et L. 3324-9 du code du travail), de l'intéressement de projet (articles L. 3312-6 du code du travail) et de la prime exceptionnelle d'intéressement créée par la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail ;
- les sommes versées au titre de la participation (articles L. 3321-1 à L. 3326-2 du code du travail) et du supplément de réserve spéciale de participation (articles L. 3314-10 et L. 3324-9 du code du travail) ;
- les abondements de l'employeur aux plans d'épargne d'entreprise (PEE) (articles L. 3331-1 à L. 3333-8 du code du travail), aux plans d'épargne interentreprises (PEI) et aux plans d'épargne retraite collectif (PERCO) (articles L. 3334-1 à L. 3334-16 du code du travail) ;
- les contributions des employeurs au financement des régimes de retraite supplémentaire (articles L. 136-2, L. 137-1, L. 137-15, L. 242-1 et L. 871-1 du code de la sécurité sociale), à l'exclusion des « retraites chapeau » déjà assujetties à une contribution spécifique (article L. 137-11 du code de la sécurité sociale) ;
- les sommes versées aux sportifs professionnels, pour leur part correspondant à la commercialisation de l'image collective de l'équipe à laquelle le sportif appartient (article L. 222-2 du code du sport) ;
- les bonus exceptionnels outre-mer créés par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre mer.
Le taux de la contribution est aujourd'hui fixé à 2 % . Son produit, évalué à 360 millions d'euros pour 2009 - contre une estimation initiale de 400 millions d'euros -, est intégralement affecté à la CNAMTS.
Produit du « forfait social » en 2009
( en millions d'euros )
Participation |
140 |
Intéressement |
125 |
PEE |
30 |
Retraites supplémentaires |
62 |
PERCO |
4 |
Droit à l'image collective |
2 |
Total |
363 |
Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat
b) L'augmentation du taux du « forfait social » ne devrait pas constituer un frein au développement de l'épargne salariale
(1) Le doublement du taux mais une assiette inchangée
Le I de l' article 15 du présent projet de loi de financement propose de porter de 2 % à 4 % le taux de la contribution, sans en modifier l'assiette. Cette mesure devrait permettre un gain supplémentaire de 380 millions d'euros ce qui porterait le rendement total du forfait social à 760 millions d'euros.
Assiette du « forfait social »
( en milliards d'euros )
2009 |
2010 |
|
Participation |
6,9 |
7,4 |
Intéressement |
6,2 |
6,6 |
PEE |
1,5 |
1,5 |
Retraite supplémentaire |
3,1 |
3,2 |
PERCO |
0,2 |
0,2 |
Droit à l'image des sportifs |
0,1 |
0,1 |
Total |
18,0 |
19,0 |
Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat
Le II de l' article 15 du présent projet de loi de financement précise que ce nouveau taux s'applique aux sommes versées à compter du 1 er janvier 2010.
L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général au nom de la commission des affaires sociales, deux amendements tendant à inclure dans l'assiette du « forfait social » :
- d'une part, les jetons de présence et les sommes perçues au titre de l'exercice de leur mandat par les administrateurs et membres des conseils de surveillance des sociétés anonymes ;
- d'autre part, les sommes versées, au titre de l'intéressement, aux chefs d'entreprises , présidents, directeurs généraux, gérants, membres du directoire et conjoints collaborateurs d'une entreprise de moins de 150 salariés.
(2) Un aménagement qui ne devrait par remettre en cause le développement de l'épargne salariale
Votre rapporteur pour avis est favorable à la présente mesure qui s'inscrit dans le cadre de nombreux travaux menés sur la question des « niches sociales », notamment par la Cour des comptes 54 ( * ) et par notre collègue député, Yves Bur, rapporteur de la mission d'information commune sur les exonérations de cotisations sociales 55 ( * ) .
S'agissant plus particulièrement des abondements réalisés par les employeurs aux plans d'épargne entreprise, notamment le PERCO, ainsi qu'aux régimes de retraites supplémentaires - dispositifs auquel votre rapporteur pour avis est attaché -, leur assujettissement au « forfait social » ne semble pas de nature à en freiner le développement. Le taux de la contribution, même doublé, est encore faible par rapport aux taux appliqués aux rémunérations salariales ordinaires. Ainsi l'annexe relative aux fiches d'évaluation préalable des articles du présent projet de loi de financement indique-t-elle par exemple que pour une rémunération comprise entre 1,6 SMIC (2.139 euros bruts) et le plafond de la sécurité sociale (2.859 euros bruts), 30,4 points de cotisations sociales sont en moyenne supportés par l'employeur.
Par ailleurs, selon les données transmises à votre rapporteur pour avis, la part de l'épargne salariale dans la rémunération totale des salariés a augmenté depuis 1999, passant de 6,1 % à 8,1 % en 2010. Ainsi, compte tenu du fait que l'épargne salariale supporte moins de prélèvements sociaux que les salaires, la part des prélèvements sociaux rapportée à la totalité des rémunérations versées (salaire et épargne salariale) a diminué mécaniquement, passant de 28,4 % en 1999 à 28,1 % en 2009. Le relèvement du forfait social de deux points en 2010 ne devrait pas être de nature à remettre en cause cette tendance : il devrait porter la part des prélèvements sociaux dans la totalité des rémunérations versées aux salariés à 28,2 % .
Enfin, votre rapporteur pour avis rappelle que, dans la mesure où il s'agit de revenus différés pour le salarié, leur imposition, en l'occurrence au forfait social, évite un effet de substitution aux salaires.
3. Les modalités d'assujettissement des plus-values de cession mobilières et droits sociaux aux prélèvements sociaux (article 16)
a) Régime actuel d'imposition des plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux
Les plus-values réalisées par les particuliers à l'occasion de la cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux sont en principe soumises au même régime, quelle que soit la nature des titres cédés.
(1) Le seuil d'imposition
Aux termes des articles 150-0A à 150-OE du code général des impôts, ces plus-values sont soumises à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux lorsque le montant annuel des cessions excède un seuil fixé à 25.730 euros pour les cessions réalisées en 2009 et que l'opération ne bénéficie d'aucune exonération.
Lorsque le montant annuel est supérieur au seuil d'imposition, qui est révisé chaque année, la totalité des plus-values réalisée est taxée et pas seulement la part supérieure au seuil.
Le taux global d'imposition est de 30,1 %, soit 18 % au titre de l'impôt sur le revenu, et 12,1 % au titre des prélèvements sociaux.
Indépendamment de l'exonération qui peut résulter du fait que le contribuable n'a pas dépassé le seuil d'imposition, certaines plus-values mobilières échappent à l'imposition compte tenu des exonérations prévues par la loi.
(2) Les modalités d'imposition
Les moins-values subies au cours d'une année sont imputables exclusivement sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou des dix années suivantes. Aucune imputation sur le revenu global n'est possible. Les plus-values et moins values de même nature susceptibles de se compenser comprennent l'ensemble des plus-values réalisées à l'occasion de la cession de droits sociaux et de valeurs mobilières.
Si la compensation des gains été pertes réalisés au cours de l'année dégage une perte, cette dernière est imputable sur les gains réalisées au cours des années suivantes à la condition que cette perte résulte d'opérations imposables, c'est à dire qui ne bénéficient d'exonération et dont le montant de cessions est supérieur au seuil d'imposition.
b) La neutralisation proposée du seuil de cession pour l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières aux prélèvements sociaux
Afin de renforcer la logique d'universalité de l'assiette des prélèvements sociaux , le présent article propose de supprimer le seuil annuel d'imposition s'agissant de l'assujettissement des plus-values aux prélèvements sociaux. La dissociation du régime fiscal et du régime social nécessite de procéder à de nombreuses modifications législatives.
(1) La suppression du seuil d'imposition en matière sociale
(a) Le principe
Le I du présent article modifie l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine en précisant que sont également soumis à la contribution sociale généralisée :
1) les gains nets exonérés en application du 1 du I de l'article 150-0A du CGI, c'est-à-dire les sommes inférieures au seuil d'imposition annuel fixé dans ce paragraphe ;
2) les gains nets exonérés en application des dispositions relatives aux abattements pour durée de détention qui permettent une exonération totale lorsque les titres sont détenus au delà de 8 ans ;
3) les gains nets exonérés en application des dispositions concernant la cession des titres de jeunes entreprises innovantes ;
4) les plus-values à long terme exonérées en application de l'article 151 septies A du CGI relatif aux exonérations des plus-values réalisées à l'occasion de la cession à titre onéreux d'une entreprise individuelle ou de l'intégralité des droits ou parts d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de personnes dans laquelle l'associé exerce son activité professionnelle.
(b) Une mesure de conséquence : l'aménagement du régime d'imputation des moins-values en matière sociale
Compte tenu de la suppression proposée du seuil d'imposition, le dernier alinéa du 1° du I du présent article précise dans un nouvel alinéa de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale les modalités d'imputation des moins-values dans le cadre de l'assujettissement aux prélèvements sociaux. La perte résultant de la compensation des plus-values et moins values réalisées au cours d'une année pourra être reportée, quelque soit le montant annuel des cessions de l'année considérée, sur les gains des années futures. Logiquement, l'article tire les conséquences de la suppression du seuil d'imposition s'agissant des prélèvements sociaux.
(c) Une mesure de conséquence : l'inclusion dans le bouclier fiscal de l'élargissement de l'assiette de la CSG
Le 4° du IV du présent article modifie l'article 1649-0 A du CGI relatif à la définition des revenus pris en compte dans l'établissement du droit à restitution des impositions en fonction du revenu (« bouclier fiscal »). Il précise ainsi que les gains retirés des cessions de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés qui n'excèdent pas le seuil d'imposition en matière fiscal doivent être pris en compte pour leur part soumise à la CSG en application de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale.
Le second alinéa du V de l'article précise que l'inclusion dans le bouclier fiscal de l'élargissement de l'assiette de la CSG concernant les plus-values sur les valeurs mobilières et les droits sociaux s'appliquerait aux cessions réalisées à compter du 1 er janvier 2010.
(2) La simplification de la codification de la CRDS
Actuellement, toute modification de la CRDS suppose de modifier au moins deux textes , à savoir l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et le code général des impôts dont les articles 1600-0 G à 1600-0 M précisent le régime de la CRDS en dupliquant les dispositions de l'ordonnance de 1996.
Le IV du présent article propose de mettre fin à la technique du code suiveur, qui pose régulièrement des problèmes de coordination . Pour ce faire, il ne conserve que quatre articles sur les sept actuellement en vigueur (3° du IV de l'article), et réécrit la rédaction de ces quatre articles en prévoyant un renvoi de principe aux articles 15, 16, 17 et 19 de l'ordonnance précitée :
- les trois premiers articles, à savoir les articles 1600-0 G, 1600-0H et 1600-0 I indiquent que la CRDS assise respectivement sur les revenus du patrimoine, les produits de placement et les ventes de métaux précieux, bijoux, objet d'art, de collection et d'antiquité, est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux articles 15,16 et 17 de l'ordonnance de 1996,
- l'article 1600-0 J précise que les taux de la contribution mentionnée aux trois articles précédents est fixé par l'article 19 ;
- les articles 1600-0 K à 1600-0 M sont abrogés.
Le renvoi direct à l'ordonnance permettra notamment en cas d'augmentation de la CRDS de ne modifier qu'un seul texte.
c) La position de votre rapporteur pour avis
Votre rapporteur pour avis est favorable au présent article dans la mesure où il vise à sécuriser l'assiette des prélèvements sociaux au titre des plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières et droits sociaux.
En effet, l'augmentation régulière et sensible du seuil d'imposition a conduit à une contraction progressive de l'assiette des prélèvements sociaux sans que cet effet dépréciateur sur les recettes de la sécurité sociale soit pris en compte . Ainsi le seuil d'imposition, qui était de 7.650 euros en 2002 a été porté à 15.000 euros en 2003, à 20.000 euros en 2007 et à 25.000 en 2008, date à laquelle un formule d'augmentation mécanique a été décidée par le législateur 56 ( * ) . Parallèlement, il convient de noter que la perte de recettes fiscales résultant de la hausse du seuil d'imposition a elle été compensée en partie par l'augmentation, en 2008, du taux du prélèvement forfaitaire obligatoire.
Afin de préserver les recettes de la sécurité sociale et dans une logique d'universalité de l'assiette des prélèvements sociaux que votre rapporteur pour avis défend, le présent article supprime le seuil d'imposition en matière sociale : à compter de cessions réalisées en 2010, ces plus-values seront soumises aux prélèvements sociaux dès le premier euro et ce quel que soit le montant annuel des cessions.
Selon la fiche d'impact associée à l'article, cette mesure permettrait d'augmenter les recettes de la sécurité sociale à hauteur de 113 millions d'euros à compter de 2011, dont 63 % bénéficierait au régime général. Le nombre d'épargnant susceptibles d'être impactés par la mesure est estimé à 2,3 millions de personnes sachant que deux catégories de personnes ne seront pas soumises à cet élargissement de l'assiette : d'une part, les personnes dont les revenus globaux du patrimoine sont inférieurs à 500 euros et donc sont en dessous du seuil de recouvrement, d'autre part, les contribuables qui bénéficient du « bouclier fiscal ».
Si votre rapporteur pour avis soutient cette initiative, il remarque néanmoins que cette mesure renforce la déconnexion des assiettes fiscale et sociale, ce qui ne contribue pas à la lisibilité des prélèvements obligatoires. Ainsi :
- à partir des cessions réalisées à compter du 1 er janvier 2010, les prélèvements sociaux seront plus importants que les prélèvements fiscaux dans la mesure où ils porteront sur une assiette plus large compte tenu de la suppression du seuil d'imposition en matière sociale ;
- à partir de 2014, cet écart s'intensifiera en raison de la possibilité de bénéficier d'une exonération totale en matière fiscale compte tenu des premiers effets des dispositions relative aux abattements en fonction de la durée de détention des titres.
4. L'aménagement du régime des contrats d'assurance-vie au regard des contributions sociales en cas de décès (article 17)
Le présent article tend à supprimer l'exonération des prélèvements sociaux dont bénéficient les contrats d'assurance vie comprenant des unités de compte en cas de décès de l'assuré.
a) Le droit existant : des modalités d'application des contributions sociales sur les produits des contrats d'assurance-vie différenciées selon le support ou le dénouement.
(1) Les dispositions actuellement en vigueur : une différence de traitement entre contrats monosupports et contrats multi-supports face aux prélèvements sociaux
Il existe deux types de contrats d'assurance-vie s'agissant du support d'investissement dont ils font l'objet.
Le contrat d'assurance-vie monosupport ou « assurance-vie en euros » est garanti par l'assureur du contrat. L'épargne accumulée est disponible à tout moment, sans risque de perte de capital et avec un rendement minimum garanti.
Dans le cadre d'un contrat multi-supports, les sommes versées sur un contrat assurance vie peuvent être investies dans des actifs financiers de tous types. Le contrat comporte plusieurs supports en euros et/ou en unités de compte (UC) (principalement des OPCVM, Sicav ou fonds commun de placement), entre lesquels sont réparties les cotisations versées. Le souscripteur peut à tout moment modifier la répartition de son épargne entre les supports en procédant à un arbitrage. Le capital n'est pas garanti, l'évolution de l'épargne dépendant du choix des supports et de la performance des actifs qui le composent
Répartition des contrats d'assurance-vie Selon l'encours (1.155 milliards d'euros à fin 2008 ) : - 44,78 % de contrats monosupport euros, soit 515 milliards d'euros - 55,22 % de contrats multi-supports euros et UC, soit 640 milliards d'euros : - dont 190 milliards d'euros en UC - et 450 milliards d'euros sur le compartiment euro Selon le flux (85 milliards d'euros de cotisations perçues en 2008) - 17 % de contrats euros mono-support - 83 % de contrats multi-supports euros et UC dont 64 % de versement sur le compartiment euro, soit 54 milliards d'euros et 19 % de versements sur des supports UC, soit 16 milliards d'euros. Source : FFSA - Données Clés 2008 |
Outre l'imposition sous forme d'impôt sur le revenu ou de prélèvement libératoire, les produits de ces contrats d'assurance-vie font également l'objet du prélèvement de cinq contributions sociales à hauteur de 12,1 % 57 ( * ) :
- la contribution sociale généralisée (CSG) de 8,2 % ;
- la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) de 0,5% ;
- le prélèvement social de 2 % ;
- deux contributions additionnelles : une première de 0,3 % et une seconde de 1,1 % destinée à financer le revenu de solidarité active (RSA).
Cependant, les modalités de prélèvement diffèrent, selon qu'il s'agit d'un contrat monosupport ou multi-supports.
Les contrats monosupport (en euros) donnent lieu aux prélèvements sociaux sur une base annuelle, au 31 décembre . En effet, le montant des intérêts est calculé annuellement et crédité au compte de l'assuré. Aux termes de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, le fait générateur du prélèvement est l'inscription en compte pour les contrats en euros.
En revanche, dans le cadre d'un contrat multi-supports comprenant des unités de compte, le prélèvement ne peut être opéré qu'au dénouement du contrat.
Article L. 136-7 du code de la sécurité sociale [...] II. - Sont également assujettis à la contribution selon les modalités prévues au premier alinéa du I, pour la part acquise à compter du 1er janvier 1997 et, le cas échéant, constatée à compter de cette même date en ce qui concerne les placements visés du 3° au 9° ; [...]
3° Les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation ainsi qu'aux placements de même nature mentionnés à l'article 125-0A du code général des impôts quelle que soit leur date de souscription, lors de leur inscription au contrat ou lors du dénouement pour les bons et contrats en unités de compte visés au deuxième alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances, à l'exception des produits attachés aux contrats visés à l'article 199 septies du code général des impôts ; [...]
L'application des produits au dénouement du contrat d'assurance-vie comprenant des unités de compte est fondée sur deux raisons techniques.
D'une part, la provision mathématique, ou l'ensemble des primes nettes de frais encaissées par l'assureur majorées des intérêts, avant le dénouement du contrat, n'appartient pas au souscripteur mais à l'assureur. L'assuré ne détient qu'un droit de créance éventuel, en raison de l'aléa du contrat, sur la valeur de rachat, et non de retrait, telle que définie dans la garantie en cas de vie.
D'autre part, la provision mathématique est constituée du nombre de parts d'unités de comptes et non de la valeur de l'unité de comptes. La plus-value qui pourrait servir de base à un prélèvement social annuel n'est que latente. Prélever les cotisations sociales annuellement conduirait d'une part, à les imputer sur une plus-value fictive et d'autre part à les rembourser l'année suivante en cas de moins-value fictive, si la valeur de l'UC a diminué. C'est pourquoi, les prélèvements sociaux sont appliqués lors de chaque sortie (rachat partiel ou total) sur le montant total des produits.
(2) Une exonération des prélèvements sociaux des contrats multisupports comprenant des unités de compte en cas de décès des assurés.
Cette différence de traitement entre contrats mono-support et multi-supports se double d'une autre distinction entre contrats multi-supports en cas de décès du souscripteur.
La plupart des contrats d'assurance sur la vie dispose d'une « contre-assurance décès » prévoyant le versement d'un capital décès ou une rente au bénéficiaire désigné.
Si lors du dénouement du contrat multi-supports par rachat total ou partiel, l'acquittement des prélèvements sociaux se fait selon les modalités prévues à l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, il n'en va pas de même en cas de décès de l'assuré.
Cet événement donne lieu au versement de capitaux décès, pouvant être différents de la valeur de rachat du contrat. Ils échappent aujourd'hui aux contributions sociales. Cette exonération ne résulte pas explicitement du texte de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, mais de l'interprétation de la nature des prestations versées au bénéficiaire. Ces dernières ne constituent pas des produits de la capitalisation des sommes versées au titre de la garantie en cas de vie, mais une prestation prévue par la garantie en cas de décès.
b) Le dispositif proposé
Le présent article vise, en premier lieu, à assurer l'égalité de traitement entre les souscripteurs de contrats d'assurance-vie multisupports au regard des prélèvements sociaux . Les produits capitalisés des contrats multi-supports comprenant des unités de compte sont soumis aux contributions sociales en cas de rachat total ou partiel alors qu'ils en sont exonérés en cas de décès du souscripteur.
En second lieu, cet article aura un effet positif sur les recettes de la sécurité sociale . Il doit générer 270 millions de recettes . 20 % des contrats d'assurance-vie se dénouent par décès.
Le 1° du I du présent article modifie donc le 3° du II de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, afin de soumettre à la CSG les produits des contrats d'assurance-vie en cas de décès de l'assuré, à l'exception des produits attachés aux contrats mentionnés à l'article 199 septies du CGI 58 ( * ) car concernant des bénéficiaires au statut particulier (enfants, infirmes, ...)
Le 2° du I procède à une modification de coordination. L'article 81 C du CGI est devenu l'article 155 B.
Le II modifie l'article 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 s'agissant de la CRDS. Le 1° A (nouveau) rectifie une erreur en précisant que les termes « ci-après » font en fait référence à l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale.
Le 1° du II prévoit que sont soumis à la CRDS les produits de placement mentionnés au II de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale pour la partie acquise à compter du 1 er février 1996, et le cas échéant, constatée à compter de la même date en ce qui concerne les placements visés aux 3° et 9° du même II.
Le 2° du II supprime le III de l'article 16 par coordination.
L'Assemblée nationale a adopté en première lecture le présent article modifié par un amendement de notre collègue député Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général au nom de la commission des affaires sociales, visant à rectifier une erreur.
c) La position de votre rapporteur pour avis
(1) Un dispositif nécessaire mais dont la rédaction est ambiguë quant à l'assiette des prélèvements
Votre rapporteur pour avis se déclare favorable à la suppression de l'inégalité de traitement entre les souscripteurs de contrats en euros et ceux en unités de compte, face aux prélèvements sociaux.
L'inégalité réside, en cas de décès, dans l'application des prélèvements sociaux annuellement sur le montant des intérêts des contrats en euros, contrairement aux contrats multi-supports, qui ne font l'objet d'aucun prélèvement puisque le contrat n'a pas été dénoué par rachat, mode de dénouement en cas de vie.
Or, le décès de l'assuré est un motif de dénouement du contrat.
De surcroît, votre rapporteur pour avis se félicite que cette mesure puisse procurer 273 millions d'euros en 2010. 20 % des contrats d'assurance-vie se dénouent, en effet, par le décès de l'assuré.
Cependant, votre rapporteur pour avis émet des réserves à la rédaction de l'article qui, pour ne pas appliquer les prélèvements sociaux au capital décès a recours à une fiction juridique, celle de stopper le temps une seconde avant le décès de l'assuré afin de constater les produits générés pendant la vie du contrat.
Il rappelle que, au moment du décès, la prestation due, au titre du contrat, subit une double transformation, quant à sa nature et à son destinataire. Tout d'abord, qu'elle soit versée sous forme de capital ou de rente, elle ne constitue pas la rémunération de l'épargne valorisée du souscripteur. Ensuite, elle n'est pas due au souscripteur, mais au bénéficiaire, tiers au contrat.
Il convient donc par cette fiction de se placer une seconde avant le décès car dès la survenance de ce dernier, la garantie en cas de vie au bénéfice de l'assuré fondée sur la valorisation de l'épargne laisse place à la garantie en cas de décès au profit du bénéficiaire sur la base de prestations décès, dont le montant peut être différent de la valeur de rachat.
(2) Une rédaction perfectible
C'est pourquoi votre rapporteur pour avis vous propose de clairement distinguer l'assujettissement aux contributions sociales, du calcul et de l'exigibilité de ces contributions.
Il s'agit, dans un premier temps, de faire naître la créance de l'Etat pendant la vie du contrat , afin de ne pas avoir à appliquer les prélèvements sociaux sur la prestation versée en cas de décès ou sur les produits du contrat par le biais d'une fiction « temporelle ».
Quelle que soit la nature du contrat d'assurance-vie, les contributions seraient dues sur une base annuelle.
En revanche, le présent amendement tend à répondre aux arguments techniques et juridiques évoqués ci-dessus.
C'est pourquoi, il est procédé, dans un second temps, au calcul des prélèvements sociaux appliqués sur les produits calculés, non seulement, en cas de sortie totale ou partielle du contrat mais également au moment du décès.
Cet amendement ne modifie aucunement les modalités de prélèvement sur les produits des contrats monosupport et multi-supports en cas de rachat. Il vise à surmonter l'obstacle juridique de la transformation de l'épargne en prestation-décès ainsi que celle technique, qui empêche d'appliquer les contributions sociales sur une plus-value latente.
5. La suppression du droit à l'image collectif du sportif professionnel (article 17 quater)
a) Les dispositions actuellement en vigueur
Le droit à l'image collective (DIC) a été créé par l'article 1 er de la loi n° 2004-1366 du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel, issue d'une proposition de loi de nos anciens collègues députés Edouard Landrain et Jean-Marie Geveaux. Il est codifié à l'article L. 222-2 du code du sport.
Proposition majeure d'un rapport 59 ( * ) d'une mission sur le sport professionnel en France que M. Jean-François Lamour, alors ministre de la jeunesse et des sports, avait confiée à M. Jean-Pierre Denis, alors inspecteur des finances, le DIC permet aux sportifs, dans certaines conditions, de bénéficier d'une exonération de charges sociales sur une fraction de 30 % de leur rémunération versée par leur club . Cette part de la rémunération n'est pas considérée comme un salaire et est censée correspondre à l'apport du joueur à la construction de l'image de son club, dont celui-ci peut tirer bénéfice.
Aux termes du II de l'article L. 222-2 du code du sport, il revient à des conventions collectives conclues, pour chaque discipline sportive, entre les organisations représentatives des sportifs professionnels et les organisations représentatives des sociétés employant des sportifs professionnels, de déterminer :
- la part de rémunération relevant du DIC, « laquelle ne peut excéder 30 % de la rémunération brute totale versée par la société au sportif professionnel ». En pratique, cette part a toujours été fixée à 30 % ;
- les modalités de fixation de cette part de rémunération ;
- le seuil au-delà duquel le DIC s'applique, qui ne peut être inférieur au double du plafond de la sécurité sociale 60 ( * ) .
Même s'il est prévu qu'en l'absence de convention collective, un décret puisse fixer l'ensemble de ces modalités, le DIC a été un élément de structuration de plusieurs disciplines et a facilité la conclusions de conventions collectives, notamment pour ce qui concerne le rugby et le basket-ball.
b) La réforme de la loi de finances pour 2009, théoriquement applicable au 1er juillet 2010
Le DIC a été réformé par l'article 185 de la loi de finances initiale pour 2009 (loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008).
Cette réforme a consisté à établir une différenciation par discipline pour la détermination du plancher au-delà duquel le DIC s'applique aux rémunérations des sportifs professionnels . Ce plancher resterait défini par la convention collective des disciplines concernées. Cependant, le minimum pourra être modulé par décret selon les disciplines (au vu du niveau moyen de rémunération pratiqué dans la discipline) dans une fourchette allant de deux fois le montant du plafond de la sécurité sociale à huit fois ce montant 61 ( * ) .
Il est précisé que « les stipulations des conventions collectives en vigueur prévoyant un seuil inférieur au montant fixé par le décret [précité] cessent de produire leurs effets à compter du 1 er juillet 2010 », ce qui revient à faire entrer ces dispositions en vigueur à cette même date.
En outre, à l'initiative de notre collègue Michel Sergent, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », ce dispositif a été borné dans le temps, avec une extinction prévue au 1 er juillet 2012 .
c) Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés Yves Bur, rapporteur, Marc Le Fur et Marisol Touraine, vise, après un sous-amendement du Gouvernement, à avancer au 1 er janvier 2010 la date d'extinction du DIC .
A cette fin, il propose de modifier le IV de l'article L. 222-2 du code du sport de sorte que le DIC ne s'applique plus qu'aux rémunérations versées jusqu'au 31 décembre 2009, au lieu du 30 juin 2012 actuellement.
d) La position de votre rapporteur pour avis
(1) un dispositif coûteux pour le programme « sport », dont l'efficacité doit être relativisée...
Notre collègue Michel Sergent, rapporteur spécial de la mission « Sport jeunesse et vie associative » a conduit, début 2008, un contrôle budgétaire sur le DIC 62 ( * ) , puisqu'il revient au programme « Sport » de rembourser à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) les cotisations non perçues.
Les conclusions du rapport d'information, reprises dans son commentaire de l'article 78 du projet de loi de finances pour 2009 63 ( * ) (devenu l'article 185 de la loi) qui en est issu méritent d'être rappelées.
Tout d'abord, cette dépense n'est pas maîtrisable par l'Etat payeur, car elle dépend exclusivement de l'évolution de la masse salariale des sportifs bénéficiaires . Or, cette assiette peut s'élargir de deux façons : soit par l'entrée de nouvelles disciplines dans le champ du DIC 64 ( * ) , soit par l'augmentation de la rémunération des sportifs, que permet la hausse des droits de retransmission télévisée, par exemple du football et du rugby.
Ensuite, cette dépense est coûteuse : 26 millions d'euros inscrits à ce titre sur les 227,2 millions d'euros de crédits de paiement du programme « Sport » dans le projet de loi de finances pour 2010). Le niveau de ce remboursement et son dynamisme, au moins les premières années, à contraint le gestionnaire du programme à faire des choix parmi les autres actions à financer, c'est-à-dire, notamment, les subventions aux fédérations, la pratique du sport pour tous ou la lutte contre le dopage.
De plus, notre collègue Michel Sergent a montré que l'efficacité du droit à l'image collective doit être relativisée . Son rapport d'information précité montre ainsi que l'avantage tiré par les clubs sportifs de cette mesure est de l'ordre de 3 % de leur budget. Cela n'est pas à la hauteur des écarts de richesse entre clubs français et clubs étrangers, notamment en football 65 ( * ) , et le DIC n'a pas la puissance nécessaire pour arrêter le transfert des meilleurs joueurs du championnat de France vers l'étranger.
(2) ... mais qui fait partie de l'équilibre économique et social des clubs
L'analyse de notre collègue était donc sévère. Toutefois, ni dans son rapport d'information, ni dans le riche débat sur le DIC tenu lors de l'examen au Sénat de l'article 185 de la loi de finances pour 2009 précité 66 ( * ) il n'a défendu la suppression immédiate du dispositif. Il en a fourni deux raisons :
- la première est que le dispositif ne concerne pas que le football , certes très emblématique, mais également d'autres disciplines (rugby, basket-ball, handball) dont les clubs présentent une structure financière moins solide ;
- la seconde est que, bon ou mauvais, le DIC fait partie intégrante de l'équilibre économique et social des sociétés sportives . Economique, car les clubs ont construit leur budget et conclu leurs contrats (au moins jusqu'en 2012) sur la base de l'existence du DIC. Et social car, comme le vise explicitement l'article L. 222-2 du code du sport précité, plusieurs conventions collectives s'appuient sur le DIC. Lors du débat budgétaire de l'année dernière, le décalage au 1 er juillet 2010 de l'entrée en vigueur de la réforme a ainsi été expliqué par le Gouvernement du fait de la nécessité d'adapter en conséquence lesdites conventions collectives.
C'est pourquoi votre rapporteur pour avis, bien que partisan de la suppression à terme du DIC, s'étonne du délai extrêmement court figurant dans le présent article . De surcroît, s'agissant des clubs sportifs, le 1 er janvier ne correspond à rien, les exercices étant calés sur les saisons et s'étalant donc du 1 er juillet au 30 juin . Il estime que la suppression d'une aide prévue jusqu'en 2012, « sans préavis » et en plein milieu d'exercice n'est pas une démarche raisonnable pour quelque employeur que ce soit, fussent-ils des clubs sportifs.
Il propose donc d'amender le présent article et de supprimer progressivement et « en douceur » le DIC, en faisant passer successivement la fraction de rémunération bénéficiant de l'exonération de 30 % actuellement à 20 % au 1er juillet 2010, puis 10 % au 1er juillet 2011 et enfin 0 % au 1er juillet 2012. Le cap serait enfin fixé de la manière la plus claire tout en laissant le temps aux disciplines concernées de mettre sur pied un plan d'amélioration de leur compétitivité à moyen terme.
* 53 Au 1 er janvier 2009, il s'agissait des indemnités de licenciement, des indemnités versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), des indemnités versées dans le cadre d'une rupture conventionnelle, des indemnités de mise à la retraite, des indemnités versées à l'occasion de la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux, des dirigeants et des personnes mentionnées à l'article 80 ter du code général des impôts.
* 54 Rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2007.
* 55 Rapport d'information n° 1001 (XIII ème législature).
* 56 Ce seuil est désormais indexé sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu de l'année précédente.
* 57 Depuis le 1 er janvier 2009, contre 11 % précédemment .
* 58 Article 199 septies du CGI : « [...] 1° Les primes afférentes à des contrats d'assurance en cas de décès, lorsque ces contrats garantissent le versement d'un capital ou d'une rente viagère à un enfant ou à tout autre parent en ligne directe ou collatérale jusqu'au troisième degré de l'assuré, ou à une personne réputée à charge de celui-ci en application de l'article 196 A bis, et lorsque ces bénéficiaires sont atteints d'une infirmité qui les empêche soit de se livrer, dans des conditions normales de rentabilité, à une activité professionnelle, soit, s'ils sont âgés de moins de dix-huit ans, d'acquérir une instruction ou une formation professionnelle d'un niveau normal ;
2° Les primes afférentes aux contrats d'assurance d'une durée effective au moins égale à six ans dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine lorsque les contrats sont destinés à garantir le versement d'un capital en cas de vie ou d'une rente viagère avec jouissance effectivement différée d'au moins six ans, quelle que soit la date de la souscription, à l'assuré atteint, lors de leur conclusion, d'une infirmité qui l'empêche de se livrer, dans des conditions normales de rentabilité, à une activité professionnelle ; [...] ».
* 59 Rapport IGF 2003-M-066-01 sur certains aspects du sport professionnel en France par M. Jean-Pierre Denis, novembre 2003.
* 60 A ce jour, le rugby et le basket-ball ont fixé ce plancher au double du plafond de la sécurité sociale, et le football au triple de ce même plafond.
* 61 Pour 2009, le plafond de la sécurité sociale s'élève à 2.859 euros bruts par mois.
* 62 Rapport d'information n° 255 (2007-2008).
* 63 Rapport général n° 99 (2008-2009), Tome III, annexe 30.
* 64 Ainsi, le handball est entré dans le champ du dispositif à partir de cette saison 2008-2009.
* 65 A titre d'exemple, selon l'étude Deloitte Money League 2008 sur la richesse des clubs de football européens, le budget du plus grand club français, l'Olympique lyonnais, s'est élevé à 140,6 millions d'euros en 2006-2007, contre 351 millions d'euros pour le Real Madrid.
* 66 Voir le compte-rendu des débat du Sénat, séance du 6 décembre 2008.