3. La diversification du recrutement et la rénovation de la formation
• La diversification des modes de recrutement des éducateurs
L'administration de la protection judiciaire de la jeunesse a diversifié les modes de recrutement des éducateurs afin de privilégier la motivation pour le travail social plutôt que les connaissances théoriques de candidats surdiplômés.
Le décret n° 2004-19 du 5 janvier 2004 a ouvert le concours externe sur titre, jusque-là réservé aux titulaires d'un diplôme de niveau III, aux candidats ayant obtenu la reconnaissance de leur expérience professionnelle dans le domaine éducatif, social, sportif ou culturel, et a créé le concours dit « troisième voie » ouvert aux candidats ayant exercé pendant au moins cinq ans dans le domaine éducatif, social, sportif ou culturel 18 ( * ) .
Les résultats des concours sur titre avaient été jusqu'à présent décevants : aucune nomination pour 39 postes offerts en 2004, 23 nominations pour 23 postes offerts en 2005, 24 nominations pour 39 postes offerts en 2006, 22 nominations pour 48 postes offerts en 2007 ; toutefois, en 2008, 56 nominations sont intervenues pour 60 postes offerts . Il en a été de même des concours dits de la troisième voie : 33 nominations pour 62 postes offerts en 2004, 24 nominations pour 36 postes offerts en 2005, 30 nominations pour 53 postes offerts en 2006, 38 nominations pour 77 postes offerts en 2007, 33 nominations pour 96 postes offerts en 2008. Ces concours ont toutefois permis, entre 2004 et 2008, de recruter près de 25 % des éducateurs (hors liste d'aptitude et examen professionnel) : 301 éducateurs sur un total de 1.197 sur la même période.
La promotion interne est encouragée. Un plan d'intégration sur quatre ans des agents techniques d'éducation dans le corps des éducateurs a été initié en 2007. Compte tenu de la nature de leurs fonctions auprès des jeunes pris en charge (assurer, la nuit, la continuité de l'action éducative et la sécurité dans les hébergements), le ministère de la justice a souhaité valoriser leur situation statutaire en leur offrant la possibilité d'accéder à un corps relevant de la catégorie B par la voie de la liste d'aptitude ou par la voie de l'examen professionnel. Au mois de juin 2008, 186 agents sur un effectif réel de 330 en janvier 2007 ont pu accéder au corps des éducateurs : 113 par la voie de la liste d'aptitude et 73 par la voie de l'examen professionnel.
Les difficultés de recrutement de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse sont générales. En 2008, pour 143 postes proposés au concours externe, 126 candidats ont été nommés ; pour 87 postes offerts au concours interne, 65 candidats ont été nommés. Au total, sur les 523 postes offerts en 2008, seuls 417 candidats ont été admis et 376 nommés. Certains admis renoncent en effet au bénéfice du concours soit qu'ils aient été reçu à un autre concours soit que leur première affectation ne convienne pas à leurs aspirations.
Par ailleurs, les structures du secteur public rencontrent un certain nombre de difficultés liées à l'application des règles de la fonction publique. Ainsi, certains CER, qui travaillent par sessions, peuvent voir leur fonctionnement paralysé en raison de la défection de personnels. En outre, le travail en hébergement collectif classique étant en crise depuis de nombreuses années, les agents plus chevronnés s'en détournent, ce qui fait peser sur de jeunes éducateurs encore inexpérimentés la prise en charge des mineurs les plus difficiles. Certaines régions connaissent également des difficultés pour pourvoir leurs postes.
• Le recours massif aux contractuels
Pour répondre à ces difficultés, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse est autorisée, depuis 2003, à recruter des contractuels dans la limite de 10 % de ses effectifs budgétaires.
Leur rémunération est gagée sur des emplois vacants de titulaires. Ils peuvent bénéficier de contrats de trois ans renouvelables, et occuper les postes vacants à l'issue des mobilités et des concours. Cette souplesse permet notamment aux foyers de pallier les effets des vacances durables de postes.
En 2008, le plafond d'emplois de contractuels pour la protection judiciaire de la jeunesse a été porté à 1.300 puis relevé à 1.367 ETPT.
Les nouvelles conditions d'accès au concours interne d'éducateurs (trois ans de services effectifs au lieu de cinq) leur permettent d'être candidats. En 2008, 62 ont été admis au concours d'éducateur et 2 à celui de directeur.
• La refonte du statut des directeurs
Le nouveau statut des directeurs de la PJJ (mai 2005) a étendu à ce corps la possibilité de recrutements dits de « troisième voie » 19 ( * ) . Les premiers concours organisés selon ces modalités se sont déroulés en décembre 2005 et tous les postes offerts ont été pourvus en 2006 (2) et 2007 (3) ; en revanche aucun des 5 postes offerts en 2008 n'a pu être pourvu. Le concours interne, jusqu'alors réservé aux seuls agents de la PJJ, est désormais ouvert aux agents des trois fonctions publiques.
La réforme du statut de la filière de direction a été mise en oeuvre avec la publication de deux décrets, le 24 mai 2005, portant statut particulier du corps des directeurs des services de la protection judiciaire de la jeunesse et relatif aux statuts d'emploi des directeurs territoriaux et des directeurs fonctionnels de la protection judiciaire de la jeunesse. Elle prévoit un allongement de la durée de formation (deux ans au lieu d'un an), afin de tenir compte des nouveaux impératifs de rigueur assignés à la protection judiciaire de la jeunesse.
Deux nouveaux projets de réforme sont à l'étude, en lien avec les regroupements des directions régionales et départementales, afin de simplifier la classification actuelle des statuts d'emploi 20 ( * ) et de tirer la conséquence de l'extension des missions des cadres de la protection judiciaire de la jeunesse.
• La délocalisation de l'école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse et la réforme du contenu des formations
La diversification des recrutements doit permettre de trouver une meilleure adéquation entre les profils recrutés et les prises en charge de publics multiples et difficiles. Elle suppose une individualisation plus poussée des parcours de formation, notamment pour les personnes recrutées par la troisième voie ou après reconnaissance des acquis de l'expérience, qui nécessitent avant tout une formation d'adaptation. Tel est le défi auquel l'école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse, désormais installée à Roubaix, est confrontée. Votre rapporteur s'y est rendu le 6 novembre dernier accompagné de nos collègues M. Jean-René Lecerf et Mme Alima Boumediene-Thiery.
L'école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse Prise en 1994, la décision de délocaliser l'école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse de Vaucresson à Roubaix n'a été mise en oeuvre qu'en 2008, alors que l'école nationale de l'administration pénitentiaire a pris ses quartiers à Agen dès 2000. Depuis le mois de septembre, l'école est installée dans une ancienne filature. D'une superficie de 6.000 m², ses locaux peuvent accueillir 600 stagiaires ; ils comprennent notamment un amphithéâtre et une bibliothèque équipés des technologies les plus récentes. Le coût des travaux s'est élevé à 23,9 millions d'euros. Le site de Vaucresson, propriété de l'Etat, devrait prochainement être cédé pour y accueillir des logements sociaux, pour un prix évalué par France Domaine à 7,7 millions d'euros. 32 % des agents qui travaillaient à Vaucresson ont accepté de venir à Roubaix, moyennant une prime de 13.700 euros, alors que le taux habituellement observé lors de la délocalisation d'un service de l'Etat est plus proche de 16 %. Financée par la mairie, la construction d'une résidence hôtelière pour héberger les stagiaires ne devrait s'achever qu'au cours de l'année 2009, les travaux ayant pris du retard en raison de longues discussions sur le montant du loyer. Depuis la rentrée, l'école se trouve donc contrainte de louer des chambres d'hôtel au groupe Accord, pour un coût annuel estimé à 600.000 euros. La durée de la formation dispensée aux directeurs et éducateurs stagiaires reçus aux concours externe et interne est actuellement de deux ans. Son organisation repose sur l'alternance, par période de quatre mois, d'enseignements théoriques et de stages. La durée de la formation des éducateurs stagiaires recrutés sur titre, sur liste d'aptitude et par la troisième voie est réduite à un an. Ces personnels sont pré-affectés au moment de leur formation. La réforme du contenu des formations ne devrait être achevée qu'en 2009. Depuis la rentrée 2008, les éducateurs et les directeurs des services suivent en commun des enseignements tels que le droit ou les sciences humaines. Il en va de même pour la formation initiale à la gestion administrative et financière des directeurs des services et des attachés. Les cours sont dispensés par 78 enseignants : 35 professeurs permanents et 43 vacataires. M. Jean-Louis Daumas, directeur de l'école, a souligné la nécessité d'éviter les mouvements de balancier : jusqu'à la fin des années 1970, la formation dispensée aux éducateurs avait pour objet principal de leur permettre de prendre en charge un groupe ; au cours des années 1980 et 1990, l'accent a été porté sur la prise en charge individuelle du mineur, l'organisation des activités culturelles ou sportives ainsi que des actions de formation étant confiées à des intervenants extérieurs ; il importe aujourd'hui de trouver un équilibre entre ces deux approches, d'apprendre aux éducateurs, d'une part, à écouter et entrer en communication avec les jeunes, d'autre part, à organiser des activités de groupes et à y participer. |
• La mise en oeuvre de formations d'adaptation dans le secteur associatif habilité
Il appartient également à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse d'intervenir dans la formation d'adaptation des personnels associatifs en établissant des cahiers des charges.
Le rapport du Conseil économique et social sur le recrutement, la formation et la professionnalisation des salariés du secteur sanitaire et social publié en juillet 2004 a mis en évidence la pénurie de travailleurs sociaux et la forte proportion des « faisant fonction » notamment dans le champ de l'éducation spécialisée. Une formation d'adaptation est donc nécessaire.
Le rapport d'évaluation des CEF notait ainsi que les personnels des centres associatifs étaient majoritairement des hommes, contrairement à ceux travaillant dans les internats socio-éducatifs, et provenaient d'horizons très différents, les critères de sélection étant largement fondés sur le parcours professionnel et personnel des candidats et non sur le diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé. Il estimait que leur expérience -douze ans en moyenne, dont la moitié auprès de jeunes- leur permettait « d'exercer une autorité naturelle et bienveillante sans crainte des rapports de force ». Une formation d'adaptation de deux semaines est désormais prévue avant toute nouvelle ouverture de CEF associatif.
Une expérimentation de formation qualifiante à l'intérieur des CER est mise en oeuvre depuis septembre 2004 pour une durée de deux ans, plus de 75 % des intervenants éducatifs en CER étant dépourvus de diplômes spécialisés dans le champ éducatif. Financée par les associations, elle s'appuie sur un cahier des charges rédigé par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Cette expérimentation s'effectue en partenariat avec l'Union nationale de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (UNASEA), la direction générale de l'action sociale (DGAS) et l'organisme de mutualisation des fonds de la formation de la branche sociale et médico-sociale (UNIFAF). Plus de 40 CER ont été inscrits dans ce dispositif et plus de 400 intervenants éducatifs ont pu bénéficier de cette professionnalisation. Sur les 400 stagiaires concernés, une centaine a construit un projet de qualification, 77 % d'entre eux visant, par ailleurs, le diplôme d'éducateur spécialisé.
* 18 La durée du stage (habituellement de deux ans) est réduite à un an pour les stagiaires de ces deux concours.
* 19 A condition de justifier avoir exercé pendant au moins cinq ans au cours des dix années précédant des activités d'encadrement ou de responsabilité dans le domaine de l'action éducative, sociale ou socio-médicale.
* 20 L'idée est de substituer à la classification actuelle une classification simplifiée autour de deux catégories d'emplois, l'emploi de directeur interrégional et l'emploi de directeur fonctionnel de la protection judiciaire de la jeunesse.