ANNEXE II - Audition du Général Roland Gilles, Directeur général de la gendarmerie nationale
Lors de sa séance du 12 novembre 2008, la commission a procédé à l'audition du général d'armée Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale, sur les crédits de la gendarmerie dans le projet de loi de finances pour 2009.
Accueillant le général Roland Gilles, M. Josselin de Rohan, président, a souhaité connaître l'état d'esprit au sein de la gendarmerie à la veille de son rattachement au ministère de l'intérieur avant d'évoquer les principales caractéristiques du projet de budget de la gendarmerie pour 2009.
Le général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale, a indiqué que l'année 2009 serait marquée par de profondes mutations pour la gendarmerie.
Si le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale est adopté par le Parlement, la gendarmerie sera placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur en 2009, conformément au souhait du Président de la République.
Ce projet de loi vise à un préserver un équilibre entre, d'une part, le respect de l'identité de l'arme et son attachement à la communauté militaire, et, d'autre part, son rattachement au ministère de l'intérieur, qui permettra de renforcer ses liens avec la police nationale. Le ministère de la défense conservera la tutelle des gendarmeries spécialisées, comme la gendarmerie maritime, la gendarmerie de l'air, la gendarmerie de l'armement et la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires et il continuera d'assurer certaines prestations de soutien à la gendarmerie.
Le placement de la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur permettra de renforcer la cohérence de la mission sécurité et de développer des synergies. L'intégration d'une force armée dans un ministère civil nécessite cependant de veiller à un équilibre. La spécificité de la gendarmerie doit être suffisamment prise en compte pour que son caractère militaire, sa culture propre et ce qui fait son efficacité opérationnelle soient préservés.
A cet égard, si les personnels de la gendarmerie ont été rassurés par les propos tenus par le Président de la République lors de son intervention du 29 novembre 2007, la principale attente des personnels porte aujourd'hui sur la parité globale de traitement et de carrière entre gendarmes et policiers et l'octroi d'une grille indiciaire spécifique.
Le général Roland Gilles a également tenu à rappeler les bons résultats obtenus par la gendarmerie nationale en matière de lutte contre la délinquance et l'insécurité routière.
La baisse du niveau de la délinquance générale s'est en effet accentuée en 2007, avec un recul de 2,2 % des faits délictueux, le taux d'élucidation de la gendarmerie nationale étant resté stable à 41 %. On constate cependant en 2008 une augmentation des infractions à caractère économique et fiscal, notamment sur internet, et des violences intra-familiales.
La gendarmerie enregistre aussi de très bons résultats en matière de lutte contre l'insécurité routière, le nombre de tués sur les routes situées en zone de gendarmerie ayant diminué de 8,5 % en 2007, ce qui représente 113 vies épargnées.
Abordant ensuite le budget de la gendarmerie pour 2009, le général Roland Gilles a indiqué qu'il s'inscrivait clairement dans la politique de maîtrise des dépenses publiques.
Concernant les effectifs, la gendarmerie devrait perdre 1 625 emplois en 2009, dont 1 246 au titre du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et 379 en raison de transferts d'effectifs, principalement au profit de la mission « Défense », comme la gendarmerie de l'armement par exemple.
En 2009, l'accent sera également mis sur le recentrage des gendarmes sur leur coeur de métier. Ainsi, 600 postes d'officiers et de sous-officiers, employés dans les états-majors, seront transformés en 300 postes d'officiers et sous-officiers du corps technique et administratif et 300 personnels civils, ces derniers étant recrutés par le ministère de l'intérieur.
Ce plan de transformation de postes devrait permettre à la gendarmerie de disposer dans dix ans de 12 000 militaires du corps de soutien et personnels civils, contre 6 000 actuellement.
Il permettra aussi à la gendarmerie de réaliser des économies, puisqu'à la différence des officiers et sous-officiers de gendarmerie, les militaires du corps de soutien et les personnels civils ne bénéficient pas de la concession de logement par nécessité absolue de service et de l'indemnité de sujétion spéciale de police.
Malgré la baisse des effectifs, les rémunérations et les charges sociales continuent de progresser en 2009, en raison à la fois de la prise en compte d'une prévision d'augmentation de 0,8 % du point d'indice de la fonction publique et de la mise en oeuvre de mesures catégorielles.
Conformément à l'engagement du Président de la République d'assurer une parité globale de traitement et de carrières entre gendarmes et policiers et aux conclusions du groupe de travail de la direction générale de la police nationale et de la direction générale de la gendarmerie nationale, le projet de budget de la gendarmerie pour 2009 intègre une première annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE rénové) pour un montant de 20 millions d'euros.
La mise en oeuvre de ce plan devrait permettre à l'horizon 2012 d'assurer une parité globale de carrière entre gendarmes et policiers, ces derniers bénéficiant du plan Corps et Carrières. Les militaires de gendarmerie bénéficieront également en 2009, au même titre que les autres militaires, de la mise en oeuvre des nouvelles grilles indiciaires des militaires, pour un coût d'11,4 millions d'euros. Enfin, la dotation de la réserve opérationnelle de 41 millions d'euros en 2008 est reconduite en 2009.
Les crédits de fonctionnement courant s'élèvent à 988 millions d'euros en 2009, ce qui représente une hausse de 77 millions d'euros par rapport à 2008, soit un effort notable qui devrait permettre tout à la fois de résoudre en partie une sous-budgétisation chronique du fonctionnement courant et de faire face à l'augmentation des coûts de fonctionnement, comme le carburant ou l'alimentation par exemple, et de besoins liés à des nouvelles missions qui lui sont confiées en métropole, mais aussi outre-mer où la gendarmerie devrait reprendre progressivement la mission de souveraineté exercée aujourd'hui par les armées en application des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, ou encore à l'étranger.
Les crédits de paiement disponibles pour couvrir les besoins du titre III hors fonctionnement courant, de l'ordre de 65 millions d'euros, seront consacrés notamment à l'acquisition de nouvelles tenues de maintien de l'ordre, d'équipements de protection individuels et de munitions pour les armes à létalité réduite.
Les crédits d'investissement, qui sont de 288 millions d'euros en autorisations d'engagement et 311 millions d'euros en crédits de paiement pour 2009 (hors opérations immobilières conduites en autorisations d'occupation temporaire), sont en baisse par rapport à 2008.
En 2009, conformément à la priorité définie par le ministre de l'intérieur, l'accent sera mis sur le recours aux nouvelles technologies, avec un montant de 47 millions d'euros en autorisations d'engagement au titre de la loi d'orientation et de programme pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2), qui permettront notamment de financer le développement de la police scientifique et technique, la vidéoprotection, la lecture automatisée des plaques d'immatriculation ou encore la dématérialisation des contraventions des quatre premières classes.
La protection des gendarmes sera également améliorée, une enveloppe de 5 millions d'euros étant consacrée notamment à l'acquisition de casques de protection, de visières pare-balles et de gilets pare-balles.
L'immobilier bénéficiera d'une enveloppe de 141 millions d'euros d'AE pour permettre la construction de 382 logements et d'une caserne à Mulhouse en mode d'autorisations d'occupation temporaire (AOT) pour une capacité de 70 logements.
Le faible montant des crédits d'investissement sur les trois prochaines années a conduit à différer deux programmes importants, le renouvellement des véhicules blindés et des hélicoptères, mais les capacités actuelles seront conservées grâce aux travaux de maintien en condition opérationnelle sur ces matériels.
A l'issue de cette présentation, un débat s'est engagé.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a fait part de ses préoccupations au sujet de la réduction des effectifs en évoquant le risque qu'elle se fasse au détriment de la sécurité dans les zones rurales.
Il a également fait part de ses inquiétudes concernant la diminution des financements destinés aux investissements et le report des programmes de renouvellement des hélicoptères et des véhicules blindés de la gendarmerie, malgré un état de vétusté préoccupant.
Enfin, il a rappelé le poids des transfèrements et des extractions judiciaires, en estimant qu'un transfert de la charge financière de ces tâches sur le budget du ministère de la justice serait de nature à responsabiliser les magistrats et à encourager un recours accru aux nouvelles technologies, comme la visioconférence.
M. Daniel Reiner s'est fait l'écho des inquiétudes de nombreux gendarmes sur le terrain, tant à l'égard du rattachement au ministère de l'intérieur que de la réduction des effectifs. Il s'est demandé s'il n'était pas contradictoire de vouloir préserver le statut militaire de la gendarmerie tout en diminuant le nombre de militaires et en augmentant le nombre de personnels civils.
Il a également souhaité savoir si la dotation consacrée à la réserve opérationnelle était compatible avec l'objectif de parvenir à 40 000 réservistes en 2012.
Enfin il a fait part de ses préoccupations concernant la forte baisse des crédits d'investissement au regard des travaux de construction, d'entretien et de rénovation immobiliers.
M. Jean-Pierre Raffarin a estimé que la fermeture annoncée de la moitié des écoles de la gendarmerie n'avait pas seulement de fortes implications au plan local, mais qu'elle pouvait s'interpréter comme un moindre investissement sur l'avenir, ce qui, dans le contexte du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, était très préoccupant.
M. André Vantomme a rappelé que la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002 avait estimé à 7 000 les renforts nécessaires à la gendarmerie pour remplir ses missions, 6 050 emplois ayant été créés entre 2002 et 2007, et qu'il pouvait sembler paradoxal de vouloir aujourd'hui supprimer la moitié de ces emplois.
Il a également fait part de l'inquiétude de nombreux élus locaux à l'idée d'une suppression de 175 brigades territoriales et de 15 escadrons de gendarmerie mobile.
Enfin, il a rappelé l'état préoccupant du parc domanial et de certaines casernes.
Mme Nathalie Goulet a également fait part de l'inquiétude de nombreux élus locaux à l'égard d'une réduction éventuelle du nombre de brigades territoriales ou d'une diminution des effectifs de gendarmerie dans les zones rurales et périurbaines. Elle a rappelé que, selon les projections de l'INSEE, la population devrait fortement s'accroître dans les zones périurbaines au cours des prochaines années, ce qui aura un impact sur la gendarmerie. Elle a estimé que toute mesure d'ajustement devait se faire en concertation étroite avec les élus locaux.
M. Didier Boulaud a fait part de ses préoccupations au sujet de la réduction éventuelle du format de la gendarmerie mobile, en considérant que l'Etat devait se prémunir face à d'éventuelles crises à caractère insurrectionnel.
En réponse, le général Roland Gilles a apporté les précisions suivantes :
- le caractère militaire de la formation initiale fait partie de l'identité de la gendarmerie et doit donc être préservé, de même que le recrutement d'officiers de gendarmerie à la sortie des écoles des trois armées ; la formation initiale de la gendarmerie et de la police resteront donc distinctes, ce qui n'exclut pas des mutualisations pour les formations spécialisées, comme celles des maîtres-chiens ou des plongeurs ;
- la fermeture de la moitié des écoles de la gendarmerie permettra de réaliser des économies de fonctionnement, une diminution de 330 postes et l'amélioration des conditions de formation ;
- la réduction des effectifs ne doit pas altérer la capacité opérationnelle de la gendarmerie, ni son maillage territorial. A cet égard, la suppression de 175 brigades territoriales, citée dans un rapport ministériel, ne correspond pas à la réalité. La priorité est, au contraire, de préserver le maillage territorial tout en supprimant des postes partout où cela est possible, dans les états-majors, par la fermeture des écoles, par le transfert de certaines charges à d'autres services, comme la surveillance des centres de rétention administrative ou encore par la réduction des effectifs de gendarmes en zone de police ;
- cela n'exclut toutefois pas des ajustements de zones de compétence entre la police et la gendarmerie pour tenir compte de l'évolution démographique et de la délinquance, mais ces ajustements se feront sous l'égide des préfets et dans la concertation avec les élus locaux ;
- le recentrage des gendarmes sur leur coeur de métier et le renforcement de leur présence sur le terrain impliquent la réduction ou la suppression des tâches annexes qui ne correspondent pas à leur vocation première. Un audit sera lancé en 2009 par la direction générale de la gendarmerie nationale pour identifier l'ensemble de ces tâches administratives ;
- les transfèrements et les extractions judiciaires représentent une charge non négligeable pour la gendarmerie, qui y consacre l'équivalent de 1 100 ETP ; d'après les réflexions de la révision des politiques publiques, le ministère de la justice devrait, en tant que donneur d'ordre, prendre progressivement à sa charge les dépenses. Il est en effet envisagé d'établir un droit de tirage dégressif au fil des ans, dont le dépassement serait à la charge financière du ministère de la justice. Le ministère a par ailleurs engagé un plan pour développer la visioconférence ;
- les gardes statiques, qui représentent 2 000 emplois, constituent également un gisement d'économie, grâce à la vidéosurveillance ou à l'externalisation, même si la protection des institutions de la République fait partie des missions de la gendarmerie ;
- sur les 147 véhicules blindés dont dispose la gendarmerie, environ 90 sont en état d'être utilisés, ce qui correspond d'ailleurs au nombre de nouveaux véhicules qui devaient être commandés en 2008. La baisse des crédits d'investissement en 2009 a conduit à différer le renouvellement des blindés de la gendarmerie. Dans les prochaines années, grâce aux travaux de maintenance et de réparation, la gendarmerie pourra maintenir une capacité d'environ 70 véhicules blindés, ce qui lui permettra de remplir ses missions.
Au vu de l'expérience de la mission d'observation de l'Union européenne en Géorgie, à laquelle participent une cinquantaine de gendarmes français, avec dix petits véhicules protégés fournis par l'armée de terre, la cible actuelle de 92 véhicules blindés pourrait être revue à la baisse, et être complétée par l'acquisition de petits véhicules protégés ;
- la dotation de 41 millions d'euros destinée à la réserve opérationnelle pour 2009, qui correspond à la reconduction de celle de 2008, devrait permettre l'emploi de 26 000 réservistes pour une durée moyenne de 23 jours par an. L'objectif de pouvoir disposer de 40 000 réservistes à l'horizon 2012 ne paraît plus budgétairement atteignable. Un nouvel effort pourrait être envisagé après 2011. Les réservistes de la gendarmerie sont en effet indispensables pour renforcer les unités opérationnelles sur le terrain, notamment en période estivale ;
- le maintien du statut militaire de la gendarmerie passe par la formation initiale, le recrutement des officiers à la sortie des écoles de la gendarmerie, les prestations de soutien exercées par le ministère de la défense et la préservation de ses attributions pour les missions militaires et en matière de discipline, ainsi que par le maintien du système de concertation propre au monde militaire, qui exclut toute idée de cogestion ou de syndicalisme ;
- le logement en caserne constitue un élément essentiel du fonctionnement de la gendarmerie, car il lui permet, avec la disponibilité propre aux militaires, de disposer, avec des unités à faible effectif dispersées sur le territoire, de rendre un service de proximité capable de monter rapidement en puissance lorsque les circonstances l'exigent ; de ce point de vue, l'amendement de la commission visant à inscrire la concession de logement par nécessité absolue de service dans le texte du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie constitue une garantie importante ;
- l'état du parc domanial connaît effectivement un décalage sensible avec celui du parc locatif, grâce aux efforts des collectivités territoriales et aux procédures innovantes mises en place (procédure du bail emphytéotique administratif autorisée par la LOPSI de 2002) pour encourager les investissements immobiliers, ce qui se traduit d'ailleurs par un accroissement régulier de la charge des loyers. Ainsi, la livraison d'un nombre important de logements locatifs va continuer de croître fortement sur les trois prochaines années. ;
- l'une des spécificités de la gendarmerie tient à sa capacité d'agir dans les situations intermédiaires entre la paix et la guerre, où l'action de la police ne serait pas suffisante, mais où celle de l'armée serait disproportionnée. C'est précisément pour préserver cette capacité qu'il convient de maintenir la chaîne hiérarchique de la gendarmerie, qui constitue sa colonne vertébrale.