B. LES RAPPROCHEMENTS ENTRE LA GENDARMERIE ET LA POLICE

Encouragés par les pouvoirs publics, la gendarmerie et la police ont développé ces dernières années de nombreuses synergies.

Ce rapprochement s'est notamment traduit par :

- la création du Conseil de sécurité intérieure (CSI) par le décret du 15 mai 2002. Sous l'autorité du Chef de l'Etat, le CSI réunit le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur, le Garde des Sceaux, le ministre de la Défense, ainsi que les ministres chargés de l'Economie et des Finances, du Budget, des Affaires étrangères et de l'Outre-mer. Il a pour vocation d'impulser et de coordonner la politique de lutte contre la délinquance et le terrorisme ;

- le positionnement de la gendarmerie nationale pour emploi pour l'exercice des missions de sécurité intérieure auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales (décret du 15 mai 2002 et décret du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) ;

- une responsabilité conjointe du ministère de la défense et du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, s'agissant de la définition de l'utilisation des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie nationale et de son suivi (décret du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales) ;

- la création de la mission interministérielle « Sécurité », composée de deux programmes distincts, l'un pour la police, l'autre pour la gendarmerie, qui préserve leur spécificité et les organise autour d'actions comparables dont la performance est mesurée par des indicateurs également comparables ;

- la participation conjointe des directeurs généraux de la gendarmerie et de la police nationale au point de situation quasi quotidien au profit du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

1. Le bilan des redéploiements police-gendarmerie

Les redéploiements police-gendarmerie ont pour objectifs :

- de mettre en conformité le dispositif territorial avec les dispositions législatives et réglementaires existantes et amener chaque force à prendre effectivement en compte les missions de sécurité publique dans sa zone de responsabilité ;

- de réaliser des échanges territoriaux sur la base du principe de l'échange compensé de population ;

- de mieux répartir les personnels de la gendarmerie en ajustant le dispositif des unités implantées en zone police nationale (ZPN), notamment celles de la petite et de la grande couronne parisienne.

Pour la période 2003-2007, le bilan des redéploiements au niveau départemental se présente comme suit :

- aucune mesure de redéploiement dans 34 départements ;

- redéploiements avec reprise de 41 circonscriptions de sécurité publique (CSP) et 2 postes de police dans 36 départements correspondant pour l'essentiel à des communes de 10 000 à 18000 habitants ;

- redéploiements sans reprise de CSP dans 27 départements.

Dans le cadre des redéploiements, la gendarmerie aura créé en quatre ans 2486 nouveaux postes dans les unités de sa zone de compétence en sécurité publique, dont 1544 postes transférés des zones de police d'Etat. 942 postes ont été pris sur la ressource LOPSI. 181 unités auront été créées, 102 dissoutes et 733 réorganisées.

Un effort de redistribution des responsabilités respectives de la police et de la gendarmerie a donc été conduit dans la concertation depuis 5 ans.

L'adaptation des secteurs de responsabilité de chaque force aux réalités des bassins de vie et de délinquance nécessite toutefois une nouvelle étape de redéploiements police-gendarmerie en recherchant toujours davantage de cohérence pour améliorer la réponse aux attentes de la population.

La police nationale pourrait s'inscrire dans une logique de police territoriale d'agglomération tandis que la gendarmerie nationale améliorerait son appropriation territoriale et le contrôle des flux et des espaces qu'elle exerce.

Dans ce cadre, des réflexions sont actuellement menées entre la DGGN et la DGPN pour proposer de nouvelles mesures.

Ces opérations seraient conduites en garantissant dans les zones concernées au moins la même offre de sécurité, selon les modes d'organisation et de fonctionnement propres à chacune des deux forces. Il serait notamment pris en considération le nombre et la fréquence des sollicitations en matière de sécurité publique sans que soit nécessairement recherché un strict échange compensé de population. La gendarmerie nationale pourrait être amenée à assurer la responsabilité des missions de sécurité publique sur l'ensemble de certains départements, tandis que la police nationale étendrait sa zone de responsabilité dans la périphérie des principaux pôles urbains.

Par delà l'échange de territoires, la réflexion pourrait s'étendre à la mise en cohérence opérationnelle de la responsabilité de certaines infrastructures : axes autoroutiers, ports, aéroports, établissements pénitentiaires, etc.

2. Le succès des groupes d'intervention régionaux (GIR)

Les groupes d'intervention régionaux (GIR) ont été mis en place par une circulaire du 22 mai 2002 avec pour mission de lutter contre l'insécurité et particulièrement contre l'économie souterraine générée par les activités délictueuses ou criminelles. Le dispositif mis en place constitue une force de projection interministérielle qui mobilise l'ensemble des acteurs de la sécurité sous la conduite concertée des autorités administratives et judiciaires. 352 fonctionnaires et militaires y travaillent à plein temps et peuvent bénéficier du concours de plus de 1440 personnes venant de la police, de la gendarmerie, des douanes, des services fiscaux, des directions départementales du travail et de l'emploi ainsi que de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

La mise en oeuvre des 29 GIR de métropole a été rapide et a atteint d'emblée l'efficacité recherchée. Le dispositif a été complété, le 1er septembre 2006, par la création d'un GIR permanent placé sous l'autorité de la gendarmerie à Cayenne, en Guyane. La gendarmerie nationale est responsable de la direction de 1110 ( * ) des 22 GIR de province et d'outre-mer. Elle est présente, à l'instar de la police, de la douane et de l'administration fiscale, dans l'ensemble des structures permanentes dites «unités d'organisation et de commandement» (UOC).

Le fonctionnement des GIR est aujourd'hui en phase de consolidation. La nature interministérielle de leur structure, de leurs interventions, tout comme le caractère complémentaire de leur soutien aux unités directrices d'enquête sont réaffirmés par les autorités administratives et judiciaires impliquées dans le pilotage.

Les GIR ont reçu pour instruction de rechercher en priorité les infractions relatives aux stupéfiants et aux infractions liées qui constituent pour 2006 près de 27,5 % de leurs saisines. Les deux autres pôles d'activité sont constitués par la lutte contre la délinquance d'appropriation (13 %) et la recherche des autres infractions générant des profits économiques. Les infractions économiques et financières (escroqueries, faux et usages de faux, abus de biens sociaux et autres infractions économiques) ont représenté 46 % de l'activité des GIR en 2006. Mêlé de manière inextricable à l'économie souterraine, le travail illégal représente plus de 6 % des infractions relevées.

Le bilan des 11 GIR (sur les 30 existants) dirigés par la gendarmerie montre que, au cours des 155 opérations menées en 2006, 1 460 personnes ont été interpellées dont 1145 placées en garde à vue. Les enquêteurs ont saisi, en matière de stupéfiants, 116 kg de résine de cannabis, 2,6 kg de cocaïne, 13,9 kg d'héroïne et 2 042 cachets d'ecstasy. Par ailleurs, 164 véhicules, 78 armes, 960 bijoux, de nombreux faux documents administratifs, des objets contrefaits et du matériel informatique ont également été saisis.

Sur le plan financier, le montant des saisies numéraires s'élève à 1 187 817 euros et les sommes bloquées sur les comptes bancaires à 366 487 euros. Les saisies conservatoires ont porté sur 1 129 800 euros de valeurs mobilières et 1 314 000 euros de patrimoine immobilier. Ces derniers résultats démontrent la pertinence et l'efficacité de l'approche patrimoniale dans la lutte contre la délinquance.

La réponse pénale demeure forte puisque 374 personnes ont été mises en examen, 213 écrouées et 295 000 euros de cautionnement sollicités dans les affaires bénéficiant du concours des GIR.

Enfin, 221 infractions douanières relevées et 194 transmissions d'informations pertinentes à l'administration fiscale traduisent la valeur ajoutée du caractère interministériel des GIR.

L'action des GIR a permis de créer une synergie entre les services engagés dans le dispositif et d'aboutir à d'excellents résultats confirmant la nécessité de mieux coordonner les moyens dans la lutte contre l'économie souterraine.

Un audit interne mené récemment par la direction générale de la police nationale souligne cependant le caractère variable, selon les GIR, des résultats obtenus. Les résultats satisfaisants résultent de la conjonction de plusieurs facteurs : la qualité des membres de l'unité permanente et l'engagement de leurs chefs, la capacité de mobilisation des « personnes-ressources » pour des opérations d'envergure, la volonté de collaboration des services associés, la qualité des relations entretenues avec les autorités administratives. A contrario, les résultats en baisse traduisent généralement des difficultés de personnel, une attitude « distante » des autorités de tutelle et une absence de synergie entre les GIR et les services territoriaux.

3. Des mutualisations accrues entre la gendarmerie nationale et la police nationale

De nombreuses synergies pourraient être développées entre la police et la gendarmerie nationales.

- la gendarmerie nationale et la police nationale ont actuellement des fichiers distincts dédiés aux rapprochements judiciaires et à l'analyse criminelle : STIC pour la police nationale et JUDEX pour la gendarmerie. Un système commun, baptisé ARIANE (application de rapprochement, d'identifications et d'analyses pour les enquêteurs), sera progressivement déployé à partir de 2008 ;

- l'interopérabilité des réseaux de communication de la police (ACROPOL) et de la gendarmerie (RUBIS) sera assurée grâce au déploiement de valises de « rebouclage » ;

- les moyens aériens (hélicoptères et mini-drones) et nautiques, les fourgons pompes et les véhicules blindés seront engagés au profit de deux forces ;

- la mutualisation des marchés sera développée afin de rationaliser la politique d'achat de divers équipements (comme les armes de poing, les motocyclettes, les boucliers de protection ou les gilets pare-balles) ;

- la formation des cavaliers, des maîtres de chien et des plongeurs des deux forces de sécurité sera assurée dans les centres existants de la gendarmerie implantés à Saint-Germain-en-Laye, à Gramat et Antibes, tandis que la police nationale aura vocation à assurer des formations spécialisées dans le domaine du renseignement et de la prévention ;

- le rapprochement de l'Institut national des hautes études de défense nationale (IHEDN) et de l'Institut national des hautes études de sécurité (INHES), qui fait l'objet d'une mission confiée par le Président de la République au Président du Conseil d'orientation de l'observatoire national de la délinquance, M. Alain Bauer, s'inscrit dans cette logique ;

Ce rapprochement est aussi visible dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF : 11 indicateurs de performances étaient communs aux deux forces en 2007, 14 le sont dans le projet annuel de performances pour 2008.

Pour autant, votre rapporteur tient à rappeler ici son attachement au dualisme des forces de police et au statut militaire de la gendarmerie. Si des rapprochements et des synergies accrues entre la gendarmerie et la police doivent être encouragées, cela ne doit pas pour autant aller jusqu'à fusionner les deux forces. A cet égard, votre rapporteur se félicite de l'intention du gouvernement de présenter l'année prochaine au Parlement un projet de loi sur la gendarmerie, qui consacrerait son statut militaire.

* 10 Il s'agit des GIR de : Amiens, Besançon, Caen, Clermont-Ferrand, Limoges, Montpellier, Nantes, Poitiers, Reims, Toulouse et Cayenne.

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