B. MESURES NOUVELLES INTRODUITES PAR VOIE D'AMENDEMENT DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES

1. L'achèvement de la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer

La revalorisation des prestations versées aux anciens combattants de l'armée française citoyens des États anciennement placés sous souveraineté française a été décidée et mise en oeuvre en 2002 en fonction du principe de parité des pouvoirs d'achat. Le conseil des ministres du 27 septembre dernier a décidé de franchir un dernier pas dans la voie de l'égalité arithmétique entre ayants droit, en alignant en valeur nominale ces prestations sur celles versées aux anciens combattants résidant en France. Il convient de retracer ce parcours.

a) La parité de pouvoir d'achat

L'accession à l'indépendance des pays ou territoires appartenant à l'Union française ou à la Communauté ou placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France a entraîné la mise en place de nouvelles procédures de gestion des droits à pension et retraite des ressortissants de ce pays ou territoires. Ces mesures, qualifiées de « cristallisation », ont été appliquées à l'ensemble des avantages servis au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ainsi qu'à ceux servis au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, et aux traitements de la Légion d'Honneur et de la Médaille Militaire.

Le Conseil d'Etat a jugé en 2001, sur la requête d'un ancien combattant sénégalais, que la différence de traitement opérée entre les titulaires de droits en fonction de leur seule nationalité était incompatible avec l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et son premier protocole (décision Diop du 30 novembre 2001).

C'est pourquoi l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 a fixé, en fonction de l'objectif de parité des pouvoirs d'achat mesuré par un indice élaboré par l'Organisation des Nations Unies (ONU), les bases d'une « décristallisation » respectueuses du principe d'égalité.

Le décret n° 2003-1044 du 3 novembre 2003 et l'arrêté du 3 novembre 2004 ont prévu un dispositif de révision des prestations versées aux ressortissants des pays placés sous souveraineté française et résidant hors de France.

Ce dispositif a comporté les éléments suivants :

- une nouvelle fixation de la valeur des points, à partir des parités de pouvoir d'achat publiées annuellement par l'ONU, sans que les nouvelles valeurs puissent dépasser la valeur du point français ou être inférieures à leur valeur actuelle majorée de 20 % ; un rappel de quatre annuités est également prévu ;

- la possibilité pour les titulaires de pensions militaires d'invalidité de demander une révision de leurs droits en fonction de l'aggravation des infirmités indemnisées ou pour prendre en compte les infirmités nouvelles en relation avec celles déjà indemnisées ;

- la possibilité pour les intéressés de demander la réversion de certaines prestations aux ayants cause jouissant de cette qualité depuis la date d'application des textes ayant fixé la cristallisation ;

- la possibilité de renoncer à la pension ou à la retraite en optant pour le versement d'un capital dont le montant tient compte de l'âge et de la situation de famille.

L'arrêté du 3 novembre 2004 a fixé la valeur du point d'indice de 1999 à 2002 pour l'ensemble des ressortissants des pays concernés.

Cette mesure a eu en 2004, compte tenu des rappels versés pour les années antérieures, un coût budgétaire de plus de 90 millions d'euros :

En euros

Arrérages au titre de 2004

Rappels

Pensions militaires d'invalidité

23.776.101

54.908.948

Retraite du combattant

4.988.915

5.788.370

Total

29.765.016

60.697.318

Source : DGCP MINEFI

Le coût annuel actuel de la mesure est d'environ 30 millions d'euros.

Dans son rapport pour avis sur le projet de budget pour 2006, votre commission avait regretté dans les termes suivants le caractère encore incomplet de cette opération : « le calcul pays par pays des parités des pouvoirs d'achat effectué par l'ONU a nécessairement un caractère abstrait, éventuellement discutable, ce qui explique la présence dans la loi d'une disposition prévoyant que la valeur du point de pension applicable aux ressortissant bénéficiant de la décristallisation ne peut être supérieure à celle du point français ni inférieure à la valeur constatée au moment de la décristallisation, majorée de 20 %. Aussi serait-il opportun de réfléchir à la possibilité d'appliquer purement et simplement aux bénéficiaires de la décristallisation le régime en vigueur sur le territoire français et de réaliser ainsi la décristallisation complète. Les associations le demandent, l'équité parfaite le suggère. Il conviendrait d'évaluer le coût de cette mesure afin d'être en mesure d'apprécier la possibilité financière et technique de la mettre en vigueur ».

b) La parité en euros

Lors du Conseil des ministres du 27 septembre dernier, la décristallisation complète des retraites du combattant et des pensions militaires d'invalidité, des anciens combattants de l'armée française citoyens des Etats anciennement placés sous souveraineté française a été annoncée. Elle mettra les prestations perçues par ces anciens combattants et celles versées en France à un niveau identique en euros et prendra effet au 1 er janvier 2007. Son coût en année pleine est évalué à 110 millions d'euros . Le financement pourrait être assuré, dans le cadre d'une régulation, par un prélèvement sur les crédits mis en réserve de tous les ministères. Cette revalorisation concernera environ 56.000 bénéficiaires de la retraite du combattant et 28.000 pensionnés.

Votre commission ne peut que se féliciter de l'adoption de cette initiative emblématique introduite dans le projet de loi de finances par l'adoption, à l'Assemblée nationale, d'un amendement d'origine gouvernementale.

2. La majoration du plafond des rentes mutualistes du combattant

Les rentes mutualistes du combattant ont été créées en 1923 afin de permettre aux anciens combattants de se constituer un complément de retraite en versant des cotisations à une caisse mutualiste. Afin d'encourager cet effort d'épargne, l'Etat a apporté son concours financier au régime : les bénéficiaires de la rente mutualiste du combattant perçoivent une majoration spéciale égale, en règle générale, à 25 % du montant de la rente résultant de leurs versements personnels, qui s'ajoute à la majoration légale que perçoit tout titulaire de rente viagère. Les anciens combattants peuvent déduire de leur revenu imposable, dans la limite d'un plafond, les versements effectués en vue de la constitution de la rente donnant lieu à majoration de l'Etat. Le total formé par la rente et par la majoration spéciale est limité par le « plafond majorable » ; les montants inférieurs à ce plafond sont exonérés d'impôt.

Le plafond majorable est déterminé depuis 1998 par référence à un indice de point de pension militaire d'invalidité. Celui-ci a été fixé à 122,5 points d'indice par la loi de finances pour 2003, ce qui représente 1.608 euros en 2006. La demande des associations porte sur une revalorisation à 130 points d'indice.

Le montant des remboursements de la majoration spéciale s'est élevé à près de 121 millions d'euros en 2005 et sera de 125 millions d'euros en 2006. Le montant de la majoration légale s'est élevé à plus 82 millions d'euros en 2005 et sera de plus 87 millions d'euros en 2006.

Le nombre de bénéficiaires est estimé à 438.444 pour 2007.

Une majoration de 2,5 points du plafond majorable a été introduite dans le projet de loi de finances par l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement d'origine gouvernementale.

3. L'abondement spécifique des crédits de l'Onac en faveur des veuves

La création d'un droit à réparation en faveur des veuves d'anciens combattants a suivi l'octroi à ces personnes de la qualité de ressortissante de l'Onac par le décret n° 91-24 du 4 janvier 1991. Ce texte a accordé de plein droit la qualité de ressortissantes de l'Office aux « veuves de titulaires de la carte du combattant ou de bénéficiaires du présent code ».

La carte de ressortissante de l'Onac a été créée en 2002. Entre 2002 et 2005, 78.107 cartes de ressortissantes ont été délivrées.

En 2005, les services départementaux de l'office ont dispensé une aide financière à 17.015 veuves pour un montant global de 5,35millions d'euros. Ainsi, 225 veuves ont reçu un secours d'urgence pour un montant total de 19.000 euros, et 4,5 millions d'euros ont été consacrés à 10.086 veuves exposées à des difficultés financières ponctuelles, à des frais médicaux importants ainsi qu'aux frais d'obsèques de leur conjoint. Par ailleurs, 2.334 veuves ont bénéficié de participations aux frais d'aide ménagère ou de maintien à domicile pour un montant total de 542.000 euros. 4.247 veuves hébergées en maisons de retraite ont reçu un colis de douceurs pour un montant total de 102.000 euros. Enfin, 123 veuves ont bénéficié d'un prêt social sans intérêt pour un montant total de 180.000 euros. Les données disponibles pour 2006 indiquent que 8.195 veuves ont d'ores et déjà bénéficié d'une intervention financière de l'Onac pour un montant supérieur à 3 millions d'euros.

Ce système d'aide sociale qui bénéficie, comme on l'a vu, d'une mesure nouvelle de 500.000 euros, est incontestablement utile et nécessaire. Pour autant, il ne règle pas de façon pérenne le problème des revenus des veuves, dont le rapport établi par le Gouvernement en application de l'article 122 de la loi de finances pour 2004 avait confirmé le caractère très insuffisant dans un grand nombre de cas.

Dans ces conditions, la possibilité a été fortement évoquée de créer une allocation destinée aux veuves dont les ressources sont inférieures au Smic, sur le modèle de l'allocation différentielle de solidarité instituée en faveur des anciens combattants d'Indochine et d'Afrique du Nord chômeurs de longue durée. Un groupe de travail a été chargé d'étudier ce sujet afin d'établir le niveau de ressources des veuves et de faire des propositions susceptibles d'améliorer leur situation matérielle. Composé de représentants des associations d'anciens combattants, de parlementaires des deux assemblées et de représentants des ministres chargés des anciens combattants, de la fonction publique et du budget, il a récemment achevé ses travaux et transmis ses propositions au ministre délégué.

En conclusion du débat public qui a suivi cette transmission, un amendement d'origine gouvernementale adopté par l'Assemblée nationale a abondé à nouveau de 500.000 euros supplémentaires, spécifiquement destinés aux veuves, les crédits sociaux de l'Onac.

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